Exposition Christian Dotremont, du 28 avril au 07 juillet 2022 (Musées royaux des Beaux-Arts).
À l’occasion du centenaire de la naissance de Christian Dotremont, retrouvez plus de 120 œuvres sur papier du poète et peintre belge.
Un catalogue qui plonge le lecteur dans l'extraordinaire variété de logogrammes réalisés par Dotremont à travers plus de 120 oeuvres sur papier, photographies, films et certaines pièces d'archives présentées pour la toute première fois au public.
Glissez-vous dans la valise de l'artiste pour découvrir son cheminement créatif vagabond. Outre les logogrammes, le parcours présente une sélection de « dessins-mots » et d'autres oeuvres à quatre mains réalisées avec Pierre Alechinsky, Asger Jorn, Serge Vandercam, Hugo Claus, etc. D'autres plasticiens de l'écriture comme Henri Michaux, René Guiette, Jean Raine, Jules Lismonde, Jacques Calonne dialoguent avec le travail de Dotremont.
Cette édition rassemble sept ensembles de poèmes de Christian Dotremont, d'Ancienne éternité, texte éblouissant écrit en 1940 à seulement 17 ans et qui le fera intégrer immédiatement les groupes surréalistes belges puis français, jusqu'à Les trois forêts, écrit au sanatorium d'Eupen en 1953 où il soignait sa tuberculose. Ces poèmes, la plupart écrit sous la forme « dialogique » si particulière à Dotremont, dans laquelle questions et réponses se confondent, filent dans une oralité joyeuse, où l'évocation féminine est une amulette et l'amour une magie. Prestidigitateur du langage, Dotremont suit à la fois une silhouette qui s'échappe et le fil de ses pensées, par-delà les villages, par delà les forêts bavardes, au coin d'une rue floue : réinvoquant d'une main ce qui a disparu sous l'autre, échafaudant sur un fil des associations d'idées fulgurantes, sans jamais tomber. Des hommes brisés qui se recollent, des vêtements empruntés au bonheur, des enfances attachées aux réverbères, des rafales de vies, des fleurs de cimetière ; un ensemble de mots de passe pour ouvrir le présent, de combinaisons pour ouvrir le coffre des choses perdues. Christian Dotremont prend la « mort légère et tiède » dans sa main, et lui raconte des histoires, des histoires infinies à la poursuite du bonheur, dresse entre elle et lui des illusions de poèmes, des jeux aériens, des incendies sous la neige. Il détourne son attention au fil de dialogues où il parle à son ombre, répond à ses propres questions, change de masque entre rire et grimace, comme les grands magiciens savent détourner notre regard vers l'invisible, avant de « s'écrouler sous les applaudissements de la vie ».
«J'avais dormi à l'hôtel du Chemin de Fer. J'avais fait ce que j'avais pu, j'avais couru et marché, j'avais dormi, j'avais écrit et lu, j'avais eu des contacts avec les femmes, l'histoire, j'avais même été communiste, l'art, la culture. Tout ça pour en arriver à se coucher. [...] Je comprenais ainsi pourquoi elle s'était finalement attachée à moi : parce que je lui offrais et l'aventure et l'organisation, et l'instabilité et la stabilité, la stabilité du mari et l'instabilité de l'amour, l'oreiller et la pierre.»
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Du surréalisme jusqu'aux activités expérimentales du groupe Cobra, l'oeuvre du poète belge Christian Dotremont n'a cessé de placer le cinéma au coeur d'une entreprise qui croise écriture et peinture. L'oeil magique de la caméra surréaliste lui permet de suppléer aux limitations de la vue humaine, avant de plaider en faveur d'un cinéma expérimental qui ouvre à l'exploration des contrées du « JAMAIS VU », afin de donner à voir l'invisible.
Durant les années qui suivront l'aventure de Cobra, Dotremont rédige différents textes et scénarios pour les films de ses amis qui font émerger la tension entre écriture et image, entre une modernité qu'il faut fuir et le voyage vers l'ailleurs. Chacun de ces textes contribue à la genèse poétique du logogramme. Le cinéma avec les Marx Brothers, Chaplin ou Tati constitue pour Dotremont une source d'humour qui traverse sa poésie et dès qu'il se livre devant la caméra, ce sera pour donner corps au mythe de Logogus et faire voir au spectateur la spontanéité graphique et poétique du logogramme en train de se peindre.
Né en 1922 à Tervuren, dans la périphérie de Bruxelles, Christian Dotremont fut un adolescent révolté qui publia à 18 ans son premier livre de poèmes. L'ouvrage fut imprimé peu de temps avant l'invasion de la Belgique par les troupes allemandes. Séjournant à Paris sous l'Occupation, Dotremont participa aux activités du groupe surréaliste « La main à plume ».
C'est à cette époque qu'il rencontra Éluard, Picasso et Magritte.
Après une brève aventure « surréaliste-révolutionnaire », il fut en 1948 l'initiateur de CoBrA, groupe international d'art expérimental. L'effervescence créatrice, le goût de la spontanéité, l'intérêt pour les arts premiers, les arts populaires et l'art brut caractérisèrent ce mouvement qui prit fin en 1951.
Cette année-là, au Danemark, Dotremont entama un long combat contre la tuberculose. Au même moment, il rencontra Bente Wittenburg. Devenue Gloria dans son oeuvre, elle prit place à jamais dans son « entreprise passionnelle de longue haleine ». Au cours de l'hiver 1956, Dotremont se rendit pour la première fois en Laponie, s'enfonçant jusqu'au coeur dans la neige. L'inspiration nordique illumina dès lors son oeuvre.
Une valise à la main, il renouvela au fil des années ses lointaines expéditions septentrionales. « Après avoir été un des acteurs principaux de la réflexion d'avant-garde, puis le fondateur d'une peinture nouvelle », a pu dire son ami Yves Bonnefoy, « il devint dans ses années de voyage et de demi-solitude un des plus véridiques poètes qui aient alors écrit en français, ajoutant même à l'expression poétique une dimension graphique imprévue encore. » Le geste profond de Dotremont avait toujours visé à accéder au réel véritable en brisant les entraves des conventions et des stéréotypes. Son aventure poétique trouva au début des années soixante un nouvel élan fécond dans la pratique des logogrammes, dessins de mots et peintures de langage manifestant une unité d'inspiration verbale et graphique. En Laponie, ce n'est pas au pinceau, à l'encre noire sur papier blanc, mais dans la neige et la glace que Dotremont traça ses poèmes : « Il m'arrive d'avoir le sentiment, quand je trace un logogramme, d'être un Lapon en traîneau sur la page blanche, et de saluer la nature comme au passage, par la forme même de mon cri ou de mon chant ou des deux tout ensemble. » Dotremont disait aussi : « Il faut voler le feu sans perdre les braises ni les cendres, ni le froid pour lequel on l'allume, ni le froid vers lequel il disparaît ».
C'est l'intensité bouleversante d'une oeuvre et d'une vie que l'on retrouve dans ce numéro d' Europe consacré à ce magnifique poète.
Christian Dotremont est mort en 1979. Né en 1922 en Belgique, il fut avec Asger Jorn et Karel Appel l'un des fondateurs du groupe d'artistes COBRA. Il se rendit célèbre comme créateur des fameux « logogrammes », textes dessinés « dans une intime interaction spontanée de l'imagination verbale et du bouleversement graphique de l'alphabet ». Pierre Alechinsky, qui fut son ami et un participant du groupe COBRA, a écrit un important portrait inédit de cet artiste inclassable, fécond et totalement original.
Outre un choix de ses oeuvres, l'ouvrage propose des documents introuvables, et notamment les bouleversantes photographies prises par Alechinsky de Christian Dotremont, dans la pension de vieillards où ce dernier s'enferma volontairement les dix dernières années de sa vie. « J'écris pour voir » s'inscrit dans la collection des Cahiers dessinés comme une première approche des rapports complexes entre l'écriture et le dessin. Ce livre sera présenté dans plusieurs musées, en Belgique, en France, en Suisse et au Québec où il servira de catalogue officiel. Les oeuvres poétiques complètes de Christian Dotremont ont été publiées en 1998 au Mercure de France, préfacées par Yves Bonnefoy.
Richement illustré, entre autres, de logogrammes, forme poétique nouvelle alliant le dessin et l'écriture inventée par Christian Dotremont (1922-1979), l'ouvrage de Pieter De Reuse invite à rencontrer l'homme, Logogus, et son oeuvre, toute de spontanéité et de liberté. Exploration est ici faite de l'aventure poétique et plastique de l'inventeur du mouvement artistique européen Cobra, et de son rapport, singulier et personnel, à la matérialité de l'écriture.
Au fil du temps, l'auteur a collectionné ses oeuvres et ses écrits, interrogé ses proches et abondamment documenté son propos. Il voue une réelle passion au poète et artiste Christian Dotremont que ce livre donne en partage. Frédéric Baal avec la préface, Michel Butor au travers d'un poème inédit, Pol Bury et Eddy Devolder par le récit d'une rencontre avec l'artiste, ainsi que Joseph Noiret, participent à cette redécouverte.
Premier ouvrage de la collection Strates, nouvelle collection dédiée aux expressions artistiques. Chaque ouvrage sera accompagné d'un tirage de tête comprenant une oeuvre en édition limitée.
L'exposition de caractère rétrospectif des dessins de Christian Dotremont (1922- 1979) s'inscrit dans la continuité du travail mené en faveur de la création moderne et contemporaine par le Cabinet d'art graphique du Centre Pompidou. L'artiste belge, qui a développé tout au long de sa carrière un travail original s'inspirant de la calligraphie, sera mis à l'honneur pendant l'automne 2011. L'exposition mettra en valeur les célèbres «logogrammes», inscriptions à l'encre de chine sur papier blanc accompagnées d'un texte d'une longueur variable qui constituent de véritables poèmes à regarder.
Parallèlement à cette production originale, l'exposition présentera les « dessins-mots», oeuvres à quatre mains faites en collaboration avec des artistes tels que Pierre Alechinsky, Karel Appel, Atlan, Mogens Balle, Hugo Claus ou Asger Jorn.
Cette rétrospective de l'oeuvre de Christian Dotremont permettra donc de suivre l'évolution formelle de son travail graphique et sera l'occasion de rédecouvrir un des artistes belges les plus talentueux de sa génération.
Exposition du 12/11/2011 au 2/01/2012.
« Christian Dotremont laisse quantité de papiers illisibles. Tant qu'une écriture ne se dirige pas vers le typographe intermédiaire, elle ne regarde que l'écrivain, - lequel renonce à un projet pour un autre, à un poème pour une lettre, pour un voyage (il est libre), ou pour mourir. Alors adieu lecteurs !
Lecteur frustré, je me suis appliqué à déchiffrer quelques malheureux feuillets qui eussent passé du côté de l'engloutissement ou simplement de l'inaperçu, ce qui revient au même. Au fil secret de la plume de Dotremont, souvenirs, idées et coïncidences viennent reformer le plan foisonnant d'une construction laissée à l'abandon : «Cobra-forêt». Ma transcription a fait disparaître quelques obscurités. Je m'en étonne encore. «Toute découverte devient évidence.» » P. A.
Une oeuvre entre chaque ligne. Avec La Comédie humaine :
Dotremont, Duchamp, Picasso, la Maison de Balzac célèbre la rencontre de Balzac et du mouvement CoBrA en faisant dialoguer les "peintres de l'écriture" du XIXe siècle (Théophile Bra, Victor Hugo) avec la modernité (Jean Cocteau, Marcel Duchamp, Asger Jorn, Henri Michaux).
Fondateur du mouvement CoBrA, Dotremont s'inscrit dans un rapport vivant et complexe à Balzac. Mêmes recherches sur l'écriture et son rapport au texte : usage inattendu des fontes d'imprimerie, l'importance de la main.
Ludique et poétique, cet ouvrage de Dominique Radrizzani accompagne l'exposition à travers l'exploration des expériences plastiques autour de l'écriture initiées par Balzac, et propose une réflexion sur les ressorts les plus intimes de la création artistique.
Dotremont et ses écrivures.
Entretiens sur les logogrammes de Christian Dotremont, par Michel Butor et Michel Sicard.
Bruxelles, mars 1949 : dans les combles du Palais des Beaux-Arts " où pas un chat ne vient ", Pierre Alechinsky, 21 ans, rencontre Christian Dotremont qui assure le " gardiennage " de la première exposition CoBrA. Le groupe existe depuis quelques mois : soudaine et formidable ouverture pour le jeune artiste, et le début d'une féconde amitié de trente ans. Dotremont (1922-1979) est l'inventeur de l'acronyme (Copenhague-Bruxelles-Amsterdam), le coordonnateur et la plume de CoBrA, avant, pendant (1948-1951) et après. Outre un roman, La Pierre et l'Oreiller (Gallimard), oeuvres poétiques complètes (Le Mercure de France), les textes critiques et bien sûr ses " peintures-mots " et logogrammes, il écrit, de 1953 à 1978, dix textes sur le travail d'Alechinsky : ses peintures, dessins, son film Calligraphie japonaise, ses expériences à deux pinceaux avec Walasse Ting, Karel Appel, etc. Ces textes sont réunis ici pour la première fois, y compris un important inédit de 1957. On y retrouve à chaque page le culot, l'acuité, le sens du contre-pied, la justesse d'observation, la feinte désinvolture, le phrasé qui font la force intacte de la prose de Dotremont.
Acteur et témoin de plusieurs mouvements expérimentaux d'après-guerre, dont ceux du surréalisme-révolutionnaire et de Cobra, historien des arts impliqué dans l'histoire qu'il raconte, théoricien emporté cependant à l'écart de la théorie par sa fidélité à la confusion des sensations immédiates, telles sont les facettes de Christian Dotremont que révèlent ses nombreux écrits sur l'art, la littérature et le cinéma. À leur lecture, c'est d'abord comme si on déroulait plusieurs fils de noms, qui retracent certaines constellations artistiques et intellectuelles majeures de son époque, dans ce qu'elles eurent de tumultueux et de vivant. On croise ainsi, évoquées à travers leurs oeuvres comme à travers leur existence quotidienne, de grandes figures du milieu artistique belge, tels René Magritte et son «?anti-peinture?» traversée d'humour et de poésie, ou Raoul Ubac et la «?forêt de formes?» de ses photographies, mais aussi du surréalisme parisien, tels Paul Éluard accomplissant sa «?grande tâche lumineuse?» dans la nuit de 1940, Nush Éluard servant du porto rue de la Chapelle, ou Pablo Picasso dans son atelier rue des Grands-Augustins, occupé à faire du café et à dessiner sur des pages de vieux journaux, en ces temps de pénurie de papier. On croise également des personnages plus inattendus, comme Gaston Bachelard, lecteur des Chants de Maldoror, Jean Cocteau, «?délégué de l'autre monde?», ou Jean-Paul Sartre, travaillant frénétiquement à sa table du Dôme, et s'interrompant pour lire avec bienveillance les poèmes que lui soumet jeune Christian Dotremont. Mais celles et ceux dont il esquisse les portraits les plus denses, ce sont les artistes de Cobra, qui de 1948 à 1951 fut «?une somme de voyages, de trains, de gares, de campements dans des ateliers?», une manière de travailler en «?kolkhozes volants?», entre Copenhague, Bruxelles et Amsterdam. Entre autres, sont évoqués avec une finesse critique particulière Asger Jorn, qui avec ses toiles «?sème des forêts?» à l'écart des dogmes, Pierre Alechinsky, dont la peinture est «?comme un coquillage où s'entend l'orage?», Egill Jacobsen, inventant des «?masques criants de vérité chantée?», Erik Thommesen, dont les sculptures sont «?un grand mystère trop émouvant pour être expliqué?», ou Sonja Ferlov, qui réconcilie « la pierre et l'air »... Dans les textes qu'il consacre à ses amis et amies artistes, on retrouve la musique et les images obsédantes qui travaillent aussi sa poésie, telle l'image de la forêt, pour dire chaque fois les surgissements de la trame illisible du monde qui le fascinent. Artiste révolutionnaire, déçu pourtant par l'étroitesse des conceptions esthétiques communistes, il se fait théoricien d'un art du non-savoir, contre la propension à ordonner et à policer du «?réalisme-socialiste?». Il s'agit avant tout pour lui de ne pas trahir «?toutes ces confuses sensations que nous apportons nuit et jour?». Cela, seule une écriture affirmant sa dimension graphique le peut vraiment. Lignes discursives et lignes expressives doivent être pensées et tracées ensemble, comme en attestent ses logogrammes ou les «?peintures-écritures?» de Cobra. À ses yeux, l'écrivain est un artiste, voire un artisan?; les gestes de sa main sont ce qui compte avant tout. Ses écrits sur l'art manifestent sa volonté de réconcilier la dimension intellectuelle et la dimension matérielle de l'écriture, le verbe et l'image, de même, dit-il, que sont réconciliés la création et l'interprétation dans le jazz. Ainsi l'écrivain doit-il être, selon ses termes, «?spontané » et « sauvage?».