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Ben Ares
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Enfant, tu venais d'avoir cinq ans. Cinq ans d'une vie éclair. Cinq ans de remue-ménage, de rebondissements et de sourires d'espoir. Tout passerait vite de sourires, coups de dés, coups de Dame, sans y croire. Tout passerait le temps d'une vie éclair, semée ci et là d'heures d'inconsciences et de comas, de sourires et d'espoirs. Tout passerait le temps d'un dernier soupir, d'un dernier espoir, d'un dernier refus de soleil noir. Ton père tenterait de te réanimer, préférant voir une nouvelle absence, une crise dérisoire. Ton père tenterait de te réanimer, casserait l'ampoule de valium, aspirerait le valium dans la seringue inversée, injecterait le valium dans ton petit cul, dans ton petit corps de chair dérisoire.
Sous le pseudonyme de Ben Arès se cache un jeune écrivain liégeois, sans concessions, attentif à la place du poète dans sa ville. Depuis quelque temps déjà, la poésie l'accompagne : " La poésie m'est tombée dessus, peu après certaines lectures... Cette rencontre a eu lieu assez tard, vers l'âge de vingt ans. Une série de hasards, une suite d'événements ont en quelque sorte "préparé" cette rencontre. "
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... aux Dianes, Madécasses des jadis et naguères de l'Ile Memuthias, Cerné, Sarandib, Mascareignes, San Lorenzo, Saint Laurent, Madagascar, l'Ile Rouge, aux Dianes, engeances des Vazimba, premiers arrivants sans doute, de souches indonésiennes, bantoues et africaines, engeances des étreintes en vigueur, premières ethnies qui s' édifièrent, engeances des arabo islamistes, Antalaotsy Antalaotra ces gens de la mer, et leurs langues, écritures et sorabe, et leurs jours, mois fastes ou néfastes,
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J'entends les chants des morts et des vivants, les chants autour des feux d'herbes, aux veilles des exhumations.
J'imprime les sons, voyelles d'une langue comme nulle autre aux étranges variations.
Je me remémore les visages des fillettes, petits garçons noirs, dessinés dans la chambre close de mon enfance.
J'ai toujours su que hier tenait déjà demain écrit sur les lignes de la main.
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Au centre du livre, un " être " à la recherche de sa voix perdue. Qui est-il ? On ne sait. Il est sans visage. Sur sa route, il rencontre des personnages qui le rapprocheront ou l'éloigneront de sa quête. Des portraits et des textes courts rythment le récit. Après la mort, la vie chemine. Où va-t-elle ? Comment s'inscruste-telle ? De quelle manière prend-elle le dessus ? Au lecteur de le découvrir. Il y a une intensité, une force dans l'écriture de ce jeune écrivain nourri de poésie (Artaud, Rimbaud, Whitman, Ginsberg, Maïakovski, Cendrars, Thomas...) et habité par la fièvre. La fréquentation d'autres Liégeois (Jacques Izoard, Eugène Savitskaya, Serge Delaive) lui permet de survivre.
Mort de la première. Naissance de la seconde peau. Tout commence quand elle rôde. Tombe ! Sort hors de ses gonds ! Bascule à bras-le-corps ! Engendre l'accident, la rupture incontournable avec le monde. Tout commence, s'ensuit, s'ensuivra au pied de la lettre. D'aucun secours.
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En attendant Bénarès la quête de son nom en attendant Bénarès sur la côte la quête de son ombre voilà qu'il gardait les braises à nu du fragile équilibre voilà que l'heure brûlait et s'imposait de poser les limites de pied ferme la maîtrise de la langue où passion n'est plus la réponse du chant manquant mais la voie de l'unité du poing qui sert l'étranger l'étrangère aux lèvres de lune et d'air aux retours ô combien discrets et songeurs
Sous le pseudonyme de Ben Arès - nom évoquant les voyages - se cache un jeune écrivain liégeois et sans concessions, attentif à la place du poète dans sa ville. Depuis quelque temps déjà, la poésie l'accompagne : « La poésie m'est tombée dessus, peu après certaines lectures... Cette rencontre a eu lieu assez tard, vers l'âge de vingt ans. Une série de hasards, une suite d'événements ont en quelque sorte "préparé" cette rencontre. Avant d'écrire des poèmes, j'aimais déjà l'écriture, de lettres, par exemple », explique Ben Arès.
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Un homme, dénommé l'Étranger, arrive à Tana (Madagascar), le pays d'origine de son fils disparu.
Habité, en dialogue avec lui, il pénètre dans l'antre de l'île Rouge, au bord du gouffre de son passé et de son futur. Il chemine, cherche, observe, s'interroge, poursuit cette quête de la vie et de la mort, de la naissance et des origines. Vers où le mènera-t-elle ?
L'énigme reste entière, car c'est l'intensité de la trajectoire qui importe ici, non la destination, comme si le sel de la vie ne se révélait qu'au moment où l'on a tout perdu. Le monde alors redevient une profusion d'odeurs, de couleurs et de sons, dont l'Étranger se laisse griser jusqu'à l'excès, insatiable d'expériences et d'échanges humains.
Car c'est là toute la beauté de ce livre que de dresser, au-delà de cet itinéraire de vie si singulier, d'éblouissants portraits des habitants malgaches, et des mères en particulier.
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Elle naît limpide aux ruines fermée aux matrices aux murmures elle naît d'une langue de foudre et brûle dans une tornade un débit d'épis sans détours elle naît à fleur de contact à fleur de rosée d'audace à fleur de songes en urgence elle s'épanouit aux voeux de vents d'éveil de vents gonflés en roue libre de secours
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À Toliara et alentours, Malgaches, Karana et Vazaha se croisent, se mêlent et s'emmêlent pour le meilleur et pour le pire. On nage. Dans le cours imprévisible, les remous, la mêlée, parfois hors des flots. On vit en ville comme au village. Dans les gargotes, sur les routes de goudron éclaté et les pistes de sable. Comme chez soi en dur, en tôles ou en vondro. Reclus ou en ribote. On improvise. Aux détours d'un zébu, d'un fou, d'un trépassé ou d'un éloquent soudard. Dans le charivari infernal, le vif des traditions locales, les êtres marchent au charbon ou flottent, dévient malgré eux de foutaises en désespoirs, de malentendus en traquenards ou états de grâce. On se chamaille. On palabre pour un bien commun, un canard qu'on déplume ou un sort venu de nulle part. On s'étripe pour le sel et la terre, on rouscaille, chante la guigne ou la poisse, on s'esclaffe, se dégage, rit de l'homme, la femme qui n'a pas fini d'en voir. Et si au final les genres, les classes, les origines se confondaient pour laisser planer tous les doutes ? Et si, pétris et navigués, dénudés, au lieu de fuir, nous acceptions que tous étions du même cru, de la même trempe, sans distinction ? Qu'il en déplaise à Dieu, aux illustres Aînés, aux arrogants et férus du langage sinistré, il nous est offert de boire la vie jusqu'à la lie, la lune nouvelle et l'art de résonner du tsapiky au soleil de l'amour noir.
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Un dépaysement que l'on retrouve jusque dans la syntaxe et le traitement de la langue. C'est à la fois tellurique, foisonnant, charnel, onirique. L'ambiance du pays malgache, le personnage d'Ali et le récit qu'en donnent les écritures croisées de Ben Arès et Antoine Wauters font toute l'originalité de ce texte.
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«Dans ces pages, se déroule à perte d'haleine une poésie du flou et de la fluidité, où le sens se cache derrière des voiles et des guirlandes de mots.» (Marlène BRITTA, La libre Belgique, 16 août 2006)