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"Je me suis fait un non" disait avec cet humour ferme qui le caractérisait Georges Poulot alias Georges Perros (1923-1978). Un de ses plus évidents refus est bien celui de la vie littéraire parisienne et mondaine qui s'offrait à lui quand, après avoir renoncé à sa première vie de comédien qui le mena à la Comédie française et dans la troupe de Vilar, il entame en 1954 en collaborant à la NRF son chemin d'écrivain. Perros part en effet dès 1959 s'installer définitivement à Douarnenez où il vivra jusqu'à sa mort précoce d'un cancer de la gorge, une vie simple et pauvre, une vie ordinaire au milieu de gens ordinaires. Si les notes, aphorismes et fragments des Papiers collés assurent dès 1960 sa notoriété, il publie deux ans après les Poèmes bleus qui, avec Une vie ordinaire (1967), imposent, à l'opposé des préoccupations formalistes de l'époque, une poésie directe, franche, d'un ton aussi naturel que celui d'une conversation de bistrot dans un port breton. Mais cette simplicité est évidemment le fruit d'un art supérieur où la fluidité, la souplesse et la musicalité du vers font le premier bonheur du lecteur. Pas très loin de Queneau, la poésie narrative des Poèmes bleus dit d'abord de façon bouleversante la Bretagne minérale et venteuse, sa rudesse qui va avec ses beautés mais aussi les sentiments d'un homme partagé entre son amour de la vie, son goût d'une humanité simple et sans pose et une mélancolie foncière, une sensation de solitude irréductible, contradiction qui se résout le plus souvent par l'humour.
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Ces notes, écrites en 1979, sont publiées ici pour la première fois dans leur ensemble. Le mot oubli a surgi alors pour désigner la masse obscure dans laquelle me semblait puiser l'écriture. La mémoire n'offre que du déjà vécu, déjà su : l'oubli révèle de l'inconnu au fond de lui dissimulé. L'exercice de l'écriture, pour peu qu'il soit débarrassé d'intentions, fait surgir et s'exprimer des éclats de l'immense dépôt commun que notre langue recueille depuis toujours. Aucune parole n'est perdue mais toutes sont oubliées en attendant que nous reviennent par l'écriture des parties impersonnelles de ce que nous savons sans le savoir...
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Monologue du nous : ce titre dit un échange impossible, et cependant les Nous-Quatre qui s'expriment et agissent dans son cadre le font bien en le respectant. Ils ont choisi la résistance et de la pratiquer sans illusions. Mais au nom de quoi puisqu'il n'y a plus ni valeurs ni règles? Il ne leur reste que le désespoir : peut-il fournir l'excitant révolutionnaire qu'a seul fourni, et : depuis toujours, son contraire?
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Pourquoi pas Le Roman de Roman? Non, dit Opalka, Le Roman d'un être me paraît plus juste : c'est donc le titre retenu. De 1965 à sa mort, en 2011, Roman Opalka a peint la suite des nombres. Chaque nombre est la somme de ceux qui le précèdent, chaque instant de notre vie est la somme des précédédents. Je fais toujours la même chose et elle est toujours différente, comme est la vie. Regarder peindre Opalka révélait l'identité de son acte et de sa vie ; l'écouter confirmait l'accord entre sa langue et sa main. Pareil engagement est unique : l'écriture tente, ici, d'entrer dans ce mouvement et même de se confondre avec lui...
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Ces 22 essais traquent le même ennemi, cette castration mentale dont l'auteur dénonce les ravages à travers ses vecteurs de prédilection, l'image qui aveugle plus qu'elle ne montre (la télévision, mais pas seulement), le discours (politique), voire l'art quand il se dénature. Bernard Noël décrit le fonctionnement de ce monde où la représentation prend de plus en plus la place de la création, où la privation de sens devient la situation ordinaire et s'exerce sans même que nous nous en apercevions. Sa caractéristique est d'ailleurs d'être imperceptible, à la différence de toutes les contraintes inventées jusque là par le pouvoir. Cette «sensure» comme il l'appelle, serait l'arme absolue de la démocratie, permettant de tromper les consciences et de vider les têtes sans troubler la passivité des victimes, pouvoir dont la seule excuse, le seul alibi est la consommation, et qui se cache derrière la fatalité économique.
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On connaît les ingrédients des récits ; je n'en refuse aucun, et voici de la conversation, de l'amour, de l'amitié, des rencontres, de la mort, des lectures..., mais tout cela est également ce qui fait la vie. M'intéresse le portrait que les uns tirent de l'autre à travers cette boîte qu'on appelle la tête. Et dans la tête m'intéressent surtout les yeux, qui sans cesse transforment le visible en pensée par une opération dans laquelle la ressemblance tient lieu de vérité. N'en va-t-il pas du vécu comme du visible? Ils s'articulent inséparablement dans ce mensonge qui, en les disant, en les écrivant, court après la vérité - et qui les fixe en quelques instantanés très ressemblants. Il n'y a pas de suite, mais un perpétuel fondu enchaîné qui fait comme si. On rêve d'un miroir à trois faces qui permettrait de voir la vie de dos. On écrit dans ce sens, et puis, après tant de livres axés sur l'intérieur, sur l'ordre du dedans, ce 19 octobre 1977 remet le je du narrateur à sa place de simple figure optique. Du coup, tout n'est que matériau de la pensée. Toujours et malgré les innombrables leurres, la pensée assemble et permute de l'extérieur. C'est pourquoi ce livre est aussi le premier monologue extérieur.
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«[...] Ceci est donc le premier tome d'une série dont le but est de rendre compte de la diversité et de la richesse de l'oeuvre de l'un des écrivains les plus importants de notre temps. Bernard Noël est en effet un poète, mais aussi un romancier, un reporter, un polémiste, un sociologue, un historien, un critique d'art. Chaque volume, centré sur une des thématiques de l'oeuvre rendra aussi compte de cette grande diversité d'approche et de la non moins grande variété formelle des modes. On l'aura compris, Les Plumes d'Éros reprend les écrits érotiques de Bernard Noël, part importante, voire déterminante de son travail puisqu'elle lui a permis - les textes réunis ici s'étalent sur cinquante ans - d'expérimenter très tôt les rapports qu'entretient le corps avec la langue, avec les mots, et à quel point la phrase, la pensée, les sens forment ensemble une réalité qui dépasse chacun des éléments qui la constituent. Il y a dans ce volume des récits, des disputes et discussions, des poèmes, des essais, des textes aussi qui mélangent les genres et les subliment. Il y a, évidente et troublante, une écriture dont la sensualité donne à la pensée qui l'anime une présence et une épaisseur bouleversante alors même que l'humour comme la plus grande profondeur n'en sont jamais exclus.» Paul Otchakovsky-Laurens.
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Le «syndrome de Gramsci» serait la première manifestation d'un cancer de la langue dissimulé sous la dénomination anodine de «trou de mémoire». Mais un cancer implosif : «... une plaie dévorante, une plaie dans laquelle tout le langage peu à peu se précipite, une plaie blanche, qui absorbe toute la substance que d'ordinaire la langue transforme et réhabilite sans arrêt...» Ce que met en jeu ce roman, ce qu'il interroge sans répit, est au coeur même de la langue, au coeur même de la vie, à l'endroit précis mais toujours insaisissable, mouvant, où le corps, le langage, la pensée réalisent dans leur coïncidence la conscience de soi et du monde et où celle-ci, aussi bien, se défait.
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L'échappée chinoise ; conversations avec Olivier Desgranges
Claude Margat, Bernard Noël
- Éditions du Canoë
- 15 Septembre 2020
- 9782490251285
Autodidacte dans l'exploration de la culture chinoise, le peintre et écrivain Claude Margat répond aux questions que lui pose Olivier Desgranges sur la peinture de paysage, la découverte de la nature et du véritable soi, ce que signifie le Dao, comment appréhender le temps qui n'existe pas, l'espace, vastitude illimitée et passage, ce que veut dire le "wu wei" ou le non-agir...
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Nous publions le troisième volume de ce qui pour n'être pas exactement les oeuvres complètes de Bernard Noël y tend. Sur près de 900 pages sont regroupés des textes épars publiés ici et là, dans des revues, dans des plaquettes, ou inédits, en tout cas pour la plupart introuvables. La thématique générale est ici celle de la littérature, de la création littéraire. Cela passe par la critique (Rimbaud, Mallarmé, Villiers de L'Isle-Adam, Blanchot, Artaud, Sade, Michaux, etc.), mais une critique très particulière car elle ne cesse de poser cette question : qu'est-ce qu'écrire? Cela passe aussi par des textes qui pour n'avoir pas pour objet des oeuvres ou des auteurs, pour se rapprocher plus du récit ou de la fiction, posent et reposent la même question, directement ou non. Comme à l'accoutumée Bernard Noël est, y compris dans ce qui peut ressembler à des essais, dans l'écriture, la création et, du corps à la politique, il y va de bien autre chose qu'une démarche simplement spéculative.
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Ce volume regroupe huit monologues écrits par Bernard Noël entre 1973 et 2015 ainsi que Les premiers mots, 1973, qui les préfigure. Chacun de nous est une société. Chacun de nous porte sa comédie, que Dante a voulue divine, Balzac humaine, Jacques Villeglé urbaine, et Bernard Noël intime ou mentale. La Comédie intime est la Comédie humaine de Bernard Noël, sa comédie humaine, où il se fait non pas le secrétaire de la société mais le porte-plume de ces voix qui travaillent en lui, qui le constituent comme sujet de l'écriture, comme TU. Construit en cours de route comme La Comédie humaine, La Comédie intime y met en scène des personnages qui deviennent des types : ces personnages se nomment je, tu, il, elle, on, nous, vous, ils. [...] Cet ensemble de personnages pronominaux s'accompagne d'autres, aux noms propres, cités ou non : Gramsci, Anna Magnani, Bataille, Mallarmé, Nerval, André Masson, et tous forment le personnel de La Comédie intime de Bernard Noël, ceux qui l'entourent et constituent son intimité, ceux avec lesquels il pense, vit, se construit. [...] Ces monologues des pronoms sont une façon de réfléchir par la fiction à la place de la personne, de l'intime dans la langue, dont les pronoms sont une représentation. [...].
Stéphane Bikialo. -
Bernard Noël a regardé travailler onze peintres contemporains : Jan Voss, Ulf Trtzig, Michel Steiner, Rustin, Bernard Ascal, Bernard Moninot, Jean-Paul Philippe, Serge Plagnol, Rancillac, Gérard Pascual, Bertrand Vivin, il leur a parlé pendant qu'ils travaillaient, a noté leurs gestes, leurs propos ; il a analysé son propre regard tant sur les oeuvres achevées que sur leur processus d'élaboration, il a étudié la formation de l'image, ce qui se passe entre la toile et le mental de celui qui regarde, au travail de l'artiste répond son propre travail d'écrivain.
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On appelle cela une «bavure». Après l'assassinat il est donc procédé à une reconstitution de laquelle doit en principe surgir la vérité des faits. Un Juge, un Tueur, une Victime, des Témoins. Mais de quoi se souvient-on quand on a vu? Le pouvoir et la police sont aussi dans le regard.
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Jérôme Peignot fait sienne la conviction de Raymond Queneau selon laquelle le sonnet est "la forme la plus aboutie de la littérature française" et présente ici 224 poèmes dans un recueil nostalgique. Les souvenirs de jeunesse fusent, les visions de Paris ricochent, les mots d'amour s'échangent et le ciel est partout.
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Ce livre est composé de trois parties qui toutes rendent compte de voyages ou de séjours, de lieux du monde et de passages par ces lieux. Le mont Athos, des villes, le Mexique. Chacun des poèmes essaie de restituer ce moment toujours fugace d'une coïncidence entre l'espace d'un regard et celui d'un lieu, une coïncidence fécondée par le temps. Chacun des poèmes, aussi, essaie de relever ce défi du spectacle des choses et d'une nomination impuissante devant la profusion de la vie ou, à l'opposé, de la destruction.
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«On pourrait dire motifier pour prendre mot, comme on dit incarner pour prendre chair. Écrire consisterait alors à motifier sa vie ou son corps, mais si les mots remplissent tellement bien leur rôle qu'à la fin ils nous dévorent, comment inverser le mouvement? Comment les ré-incarner? Il n'y a pas de symétrie. Il y a seulement le langage qui vit et se perpétue en nous faisant chanter. Qu'on lui avance une lettre, et mot devient mort. Il suffit pour garantir cette avance de gager sa vie - mais y joue-t-on sa peau ou bien ses mots?»
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Bernard Noël voyage beaucoup. Il voyage beaucoup en train et, durant ces voyages, il regarde, il rêve, il pense, il écoute. Et il lui arrive de prendre des notes de ce que ces sons, ces images, ces rêveries et ces pensées lui ramènent du monde extérieur comme de lui-même. C'est un tressage de ces différents niveaux de perception et de sensation que réalise ce livre qui les met ainsi en forme et les transforme en un récit intimiste où le monde entrerait, filtré, interprété et cependant restitué dans sa totale immédiateté. La phrase fluide de Bernard Noël s'y prête particulièrement, épousant toutes les nuances, tous les à-coups, l'ordinaire et le sublime, portant une réflexion comme incarnée sur le temps, sur l'espace, sur notre présence au monde.
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Entre la réalité et nos yeux, toujours du vocabulaire s'interpose : nous croyons voir mais ne faisons que lire. D'ailleurs le regard en lui-même n'est pas cet instrument d'information et de constat qu'il nous semble : il n'est pas qu'un aller et retour, c'est un espace, un espace sensible qui s'emplit du sentiment d'un toucher visuel. Le Journal du regard est donc un travail sur le regard, que l'auteur a commencé en 1970, la peinture y est souvent présente, la question toujours relancée est : que voit-on quand on voit? Qu'est-ce que le regard? Qu'est-ce que le visible?
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Au commencement est le temps. Vous prenez le Temps, vous le pliez en deux et vous avez le Monde... Sur mille personnes, combien ont encore droit à l'amour de leur métier quand il ne s'agit plus que de produire, d'être efficace et compétitif? Les mutations technologiques sont un drame parce qu'elles font douter de la qualité de l'avenir. Est-ce toute la vie qui change ou seulement notre rapport à la vie?... Ce livre rencontre cette actualité-là en tentant de faire le portrait d'un grand journal : pas une histoire, mais une série d'instantanés... Pas un récit clos, mais une mise en forme, car elle seule peut métamorphoser le vif en lisible, espace noir et blanc où pousse le sens.
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Ce nouveau recueil transporte sur le plan de la poésie une réflexion que l'auteur mène depuis longtemps sur d'autres modes (essais, romans, théâtre). Bernard Noël fait naître des images, celles qui se forment dans notre tête et qui influent sur notre rapport au monde, au sens, à la langue, et au temps. Vers que leur brièveté, leur netteté, et leur douceur très obstinée, insistante, n'empêchent pas, au contraire, de résonner alors même que la pensée qu'ils nourrisent et qui les soutient se déroule. Tout se trouble et s'ouvre, comme si les apparences s'effaçaient pour laisser place à l'idée d'une vision absolue où l'espace et le temps, le vif et le mort pouvaient enfin se conjuguer dans une même simultanéïté. «Le reflet met dans l'air un semblable : un corps passé dans son après. Les mots mettent dans l'air une forme de même nature, mais leur fumée est invisible, sauf si on la souffle vers quelque surface que la nuit rend profonde. Le monde prononcé ici est alors vu là-bas...»
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Que peut un livre? Rien, semble-t-il. Et pourtant, j'écris. Que signifie cet accommodement? J'ai dit : rien, parce que je voudrais tout. La vie demeure lente. Depuis qu'il y a des hommes et qui écrivent elle aurait dû changer. Mais il n'y a pas de commune mesure entre la vie et une vie. Cela est inacceptable. Nous vivons dans l'inacceptable, mais il vaut mieux que le Salut. Une vie bientôt disparaît dans la vie. J'écris pour disparaître dans ce qui n'emprunte mon nom que pour le faire oublier. Le livre est le couteau du sacrifice : il m'enlève à ce que je suis pour me rendre à l'inconnu. Et la vie, qui nous condamne au seul maintenant, la vie changera seulement dans un autre corps, qui écrira d'autres livres.
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On se tait. On s'y oblige. On flotte enfin, sans savoir, sans visage. On est creux. Mais le vide appelle son contraire : un mot jaillit, un autre. Plus tard, c'est une concrétion par le travers du temps. Plus tard encore : Qui a parlé? se demande-t-on. Une voix monte sous le masque de silence, un autre silence établit son creux derrière la voix, ainsi je n'est nulle part, sinon en blanc parmi ces mots troués.
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Le mot «peinture» ne va pas sans le mot «couleur», mais la couleur ne colore pas seulement des surfaces, elle les révèle en colorant le trajet des yeux vers elles. Dès lors, une étrange équivalence s'établit entre la vue et la dénomination qu'elle provoque tandis que le flux visuel, en se mêlant au flux verbal, se change en lui. Le poème est le résultat de cette métamorphose en même temps qu'il en est l'expérience. Les pages rassemblées ici ont leur origine dans ce croisement, et de 1970 à 2003, de François Lunven à Olivier Debré, elles dessinent l'itinéraire d'un regard.
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Tranche de vie ; où l'on renoue avec nos anciens plaisirs libertins
Bernard Noël
- Editions Edilivre
- 17 Juillet 2015
- 9782332866578
Un couple, maintenant quinquagénaire, avait fait le choix de mettre entre parenthèses leurs pratiques libertines pour élever leurs enfants. Il renoue avec celles-ci, au hasard d'une improbable rencontre. Si tant est qu'il soit vrai que rien ne soit interdit, en amour, entre adultes consentants, il est une règle qui ne devrait jamais être transgressée, quelles que soient les circonstances. Cette règle est le respect des uns et des autres, ainsi que l'absolue confiance qui doit exister entre les différents partenaires. La recherche du plaisir de la chair est à ce prix et ne devrait jamais y déroger. Êtes-vous prêt à les suivre, et, avec eux, explorer le vaste et insondable territoire de la jouissance ? Serez-vous capable, sans fil d'Ariane, de visiter ce labyrinthe que composent les « jardins des délices », de repaître vos sens des fruits de la luxure, sans craindre d'y perdre votre âme ? Alors, qu'attendez-vous ? Suivez-les !