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L'énigme et la magie de la lecture, devenant elles-mêmes un texte d'enchantement, une leçon et un guide. De ce laboratoire où Marcel Proust revient à son enfance, naîtra toute armée sa Recherche...
La magie circulaire de A la Recherche du temps perdu, c'est que le narrateur, tout à la fin, commence de rédiger le livre dont nous venons de finir la lecture. Assomption par le monde des lois de l'écriture, et de son héritage : la grand-mère avec son parler Sévigné, M. de Charlus avec Balzac, et les lectures d'enfance du narrateur, sa passion pour la simplicité de George Sand.
On sait que Marcel Proust a dû attendre ses 37 ans pour que cet accès à l'écriture de ce qui deviendrait A la Recherche du temps perdu lui soit enfin possible. Mais que toute sa vie et son tavail jusque là y tendaient, depuis les esquisse de Jean Santeuil aux traductions de Ruskin, aux essais sur Baudelaire, Flaubert et Nerval rassemblés dans le Contre Sainte-Beuve.
Traditionnellement (il a déjà plusieurs fois été édité de façon autonome), ses Journées de lecture sont désormais considérées comme un moment spécifique, une étape de ce virage. Texte pour une fois définitivement fixé par Proust, il sert de préface à sa traduction de Sésame et les Lys de Ruskin (sous le titre initial, encore plus direct, de : Sur la lecture). Mais les matériaux qu'il y emploie sont décisifs : certains s'intègreront quasiment tels quels à Combray. Et admirons, au passage, la place de l'écriture dans cette société à laquelle la première guerre mondiale mettra un terme : le lien lecture-écriture posé de façon aussi liée.
Et peu importe les livres, même si on croisera Schopenhauer ou Racine et Shakespeare: ce qu'il nous dit, c'est le temps de la lecture, le rapport aux heures, à l'essentielle solitude.
Texte d'amour, qui nous renforce - très simplement - dans notre rapport nécessaire à lire. Et renouvelle de façon étonnamment vivante le pacte que nous tissons aujourd'hui avec la lecture via nos écrans.
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Proust dans son atelier.
Un Proust qui cherche, et qui rage. Qui s'en prend à sa mère (dans un texte qu'elle ne lira pas), parce qu'elle n'aime pas Baudelaire.
Et capable de tenir 10 pages sur cette réflexion mesquine de Sainte-Beuve, le puissant feuilletoniste et amant de madame Hugo, qui voyait dans les Fleurs du Mal un "petit pavillon" tout au bout du "Kamchatka littéraire".
Un Proust qui attrape à bras le corps tous les défauts de Balzac, mais pour dire en quoi la littérature procède précisément de ces défauts, et de la masse imparfaite.
C'est cette phrase de départ, pour lui qui a toujours vécu dans le plus sensible, et à 35 ans comprend son échec : Chaque jour j'attache moins de prix à l'intelligence.
Les ébauches ici sont fascinantes, parce qu'au bord de basculer dans La Recherche. Les souvenirs d'enfance (mais c'est du pain grillé qu'on trempe dans le thé, pas encore la madeleine), la figure osseuse des nobles et leur monde aux entrées closes (mais elle est comtesse, la future duchesse de Guermantes), ou la nuit, ou la première nappe - la race maudite - d'un tableau de l'homosexualité.
Alors, pour nous tous, le Contre Sainte-Beuve est la fabrique, là où on voit Proust aux prises avec l'écriture, et pas encore dissout dans le narrateur qui bientôt gommera de La Recherche tous les échafaudages.
Ce dont il est question ici, c'est d'invention littéraire, c'est du saut contre soi-même. Ce que résume bien ce mot de Proust : Non, pour écrire aussi bien que Voltaire, il faudrait commencer par écrire autrement que lui.
Et parce que nous avons tous ce livre au-dessus de notre table de travail, voici de quoi l'embarquer sur votre iPad (version epub) ou votre Kindle (version Mobipocket), votre Orizon ou votre téléphone. Et le disséquer à l'ordinateur, avec tous les outils possibles ou tout simplement, en lecture seule, le feuilleter à l'écran, intégralement.
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