Filtrer
Éditeurs
Langues
Grasset
-
:
Pour clore son nouveau recueil de contes, Marcel Schneider, éternel admirateur d'Hoffman et de Jean-Paul Richter, explique ainsi sa prédilection pour ce genre : « A une époque de réalisme exaspéré, de naturalisme à outrance, il semble que le conte, et surtout le conte de fées n'intéresse plus personne. Voilà une excellente raison pour en composer. Quand on a toujours été à contre-courant, il convient de faire ce que personne ne fait. Le conte merveilleux me sert d'antidote contre le désenchantement cruel de notre époque. » Tour à tour tragiques, émouvants, réjouissants ou fantaisistes, ses contes nous font voyager en féerie, au royaume d'enfance. Les souverains régnant sur d'étranges palais, les sorcières, les magiciens, la faune des créatures des forêts qui peuplaient les contes du XVIIè siècle, Marcel Schneider les ressuscite. Dans une langue riche et poétique, il recrée l'univers du merveilleux et revisite les mythes séculaires à l'aune de notre modernité.
La quête d'Un Lambeau de nuit est un écho de celle de Peau d'âne ; Le Roi Ourson et ses rougeoyants apparaît comme une variation autour de l'Histoire de Blondine de la comtesse de Ségur... Mais à travers des histoires souvent dépourvues de morale, l'auteur nous invite également à interroger l'histoire récente et la force persistante du mythe. Les Jours de féerie qu'il égrène s'ouvrent sur l'ici et l'ailleurs. -
On a beau se défendre contre l'horreur du monde, elle finit toujours par vous gagner. Mais les écrivains, surtout quand ils ont le goût du fantastique, savent lui résister mieux que d'autres : la poésie doit sécréter d'offensifs anticorps. Avec Marcel Schneider, la guerre et ses calamités rentrent dans le rang de l'imaginaire, la Forêt Noire reste la terre d'élection du romantisme, malgré les S.S. qui rôdent ; les Vosges gardent leur mystère en plein conflit, l'Alsace sa sensibilité singulière, la Prusse son aura païenne, et même la Turquie lointaine, la Cappadoce, ou l'Angleterre, échappent aux blessures de l'histoire, quand un romancier les contemple à "la lumière du Nord", celle du rêve, des miracles, des rencontres et des aurores boréales. De Fribourg au château d'Oubli, en pays cathare, de Koenigsberg à Constantinople, avec un petit détour par le Marais de Nicolas Flamel et les Halles de Ravaillac, c'est un Marcel Schneider insolite qui promène ici sa curiosité, un instant retenue par les ravages du réel. Mais on ne tarde pas à le retrouver tel qu'en lui-même son talent nous l'a rendu familier, conteur aérien de songes et de visions, où sans doute se cachent les seules réalités qui valent encore en ce monde un peu d'attention.
-
Au théâtre de la mémoire, les acteurs ont tous le même âge : celui d'une jeunesse que le souvenir a préservée. Et c'est miracle d'y suivre le petit Michel, enfant sage d'une famille fantasque, où l'on vit, avec la désinvolture de la vraie liberté, les passions, les élans, l'héroïsme ou l'imprévisible. A travers l'immédiat avant-guerre, l'Occupation, la Résistance et les années qui suivront. Michel va connaître le plaisir ensoleillé de la Provence, la poésie d'une vieille maison du Marais, l'amitié mystique d'un extravagant camarade illuminé, les étonnements du service militaire, le romantisme d'une Allemagne à peine échappée à ses démons. Autant de mondes dangereux et divers, terres de songe que l'adolescent a traversées dans l'enchantement de l'innocence...
-
Au dix-huitième siècle, le Carnaval à Venise durait six mois par an et la Piazza était le premier salon d'Europe : courtisanes, tripots, excès, folies. Patriciens et menu peuple concouraient à faire de Venise un théâtre permanent. Avant la chute, quelle magnificence ! Vivaldi, Marcello, Gozzi, Casanova, les Tiepolo, Goethe, et tous les voyageurs prestigieux. Mais arriva l'année 1797 et Bonaparte mit fin à la féerie. Désormais, les morts de Venise prennent la relève et montent la garde sur la splendeur du passé. Le Carnaval est fini, commencent la nostalgie et le souvenir.
-
Histoires à mourir debout est un recueil de quelques dix nouvelles dont les trois sujets sont la guerre, le mal et la folie. Des nouvelles noires. Dans la France du XVIIIe siècle, et surtout en Alsace, mais aussi en Languedoc, en Provence, en Europe centrale, voici des hommes qui sont la cruauté même et mènent des vies que fondent le crime et l'horreur. Ce sont des nouvelles de cape et d'épée, pleines de chevauchées terribles et d'actes sanguinaires : sombres tableaux que viennent heureusement adoucir, par le biais de l'humour et de la féerie, des jeunes filles. Elles ont toutes de treize à quinze ans, elles sont toutes merveilleuses et renvoient à un autre monde que celui des spadassins, des fanatiques et des sacrilèges qui traversent le livre en lettres de feu et de sang.
-
"Ce grand pays, notre voisin, qui s'appelle l'Allemagne, reste un inconnu, une énigme en tout cas. Nous inventons l'Italie à travers Stendhal, l'Espagne à travers Mérimée et Bizet. Rien de tel avec l'Allemagne qui n'évoque pour nous que des champs de bataille, Sedan, Verdun et l'Occupation de 1940.
Cela suffit-il pour l'éliminer de notre univers imaginaire ? Nous lui devons plus que nous ne pensons. Le Moyen Age doit son premier éclat au Saint Empire romain germanique. Puis, il y a eu Goethe et Schiller, Hlderlin et Nietzsche : mais une nation ne saurait vivre de nostalgie.
Faut-il encore avoir peur de l'Allemagne ? Est-ce une raison pour refuser toute existence à une pathétique allemande ? Je ne le pense pas. Les thèmes de cette poétique sont ceux qui, depuis des siècles, ont imposé à l'humanité leur universalité.
C'est avec les yeux des poètes qu'il faut regarder l'horizon de l'Allemagne.". -
Le fantastique, pour Marcel Schneider, est une irruption de l'irrationnel dans la vie la plus quotidienne, une déchirure qui permet d'entrevoir " l'espace du dedans ". Né de l'inquiétude, il est un remède à l'inquiétude, peut-être un moyen de capter ingénument l'invisible et d'approcher le sacré dans une période littéraire de plus en plus encombrée par le réalisme ou l'abstraction théorique des professeurs.
Dans le bref essai qui ouvre ce volume, Marcel Schneider démontre brillamment que les visionnaires sont parfois plus proches des lois naturelles que les savants, de même que Balzac est un peintre plus vrai que Saint-Simon. En vérité, de l'Enéide à Faust, les grandes oeuvres sont toujours fantastiques, et créatrices de mythes. Toutefois c'est le modeste Hoffmann qu'on peut considérer comme le père de la littérature fantastique, genre nouveau, dont l'importance n'a fait que croître depuis le XIXe siècle. À mi-chemin de la poésie et de la vérité, c'est une échappée libre et solitaire dans un monde engagé, un moyen de " connaissance par les gouffres " où doivent s'aventurer par élection les esprits que tentent la découverte et l'absolu.
Comme pour nous en donner le go-t, l'auteur nous propose trois nouvelles, parmi les plus belles qu'il ait jamais écrites. De la tendre et fugitive " Dame de Noël ", avec sa couronne de bougies, messagère de l'inconnaissable, au couple tragique du Granit et l'Absence qui nous entraîne vers le " tramonde " auquel aspirent les condamnés d'ici-bas, sans oublier le conte étrange de ce roi maudit qui semble surgi des légendes germaniques, c'est la même approche des mystères, le sang qui coule sur la neige, une commune richesse des images et des couleurs dans l'harmonie inspirée. C'est aussi la même " déchirure " soudaine, qui laisse deviner l'angoisse, le vertige de la mort désirée, le secret des révélations essentielles, l'âme des choses.
Héritier d'une tradition qu'il connaît mieux que personne, Marcel Schneider ne cesse de la renouveler, de l'approfondir, avec un art de livre en livre affirmé qui a fait de lui un maître du fantastique, et l'un des tout premiers écrivains de sa génération, bien qu'à nul autre comparable. -
Si l'on se souvient qu'on appelle " vanités " les peintures qui représentent symboliquement, par des emblèmes ou des allégories, la fuite du temps et la brièveté sans recours de la vie, on comprend aussitôt le sens du titre et le propos du livre de Marcel Schneider, tel qu'il nous l'explique lui-même : " Je vis entre deux vanités, suspendues aux murs de ma chambre, de l'un et l'autre côté de mon lit ; elles figurent mon ermitage dans le désert. L'une, dans le go-t espagnol, suggère le parfait désenchantement ; sur le mur opposé, l'autre, d'une inspiration mondaine, et qui provient du nord de la France, énumère les plaisirs des sens. Je passe d'une vanité à l'autre, et c'est passer d'un monastère castillan dans un salon parisien : deux ordres de pensée, deux styles de vie, deux façons d'aimer. Mais c'est en moi que je me promène, dans des régions de mon esprit où tour à tour, et quelques fois en même temps, m'attirent des aimants auxquels je ne cherche pas à résister. Je vais ici et là, selon l'heure et l'occasion, et quel mal de céder à ses penchants qui ne se contredisent que pour un esprit borné ? "
Du côté de l'Estramadure, avec Zurbaran, le Greco, sainte Thérèse d'Avila, Charles-Quint, Don Juan, ou du côté de chez Proust, après Nerval et Delacroix, l'auteur traque une certaine idée de l'éternité qui le hante, où se mêlent symboles et fantasmes. Partout et toujours, les mystiques aussi bien que les poètes ou les peintres tirent leur gloire du mépris d'autrui. Ils apportent d'ailleurs leurs certitudes et leur génie.
Avec cette provocante limpidité qui lui est coutumière, Marcel Schneider nous introduit dans son univers, où la morale commune et les préjugés à la mode n'ont pas plus cours que la vanité.
En forme de méditation, coupé de nouvelles et de brèves études, cet ouvrage profond et surprenant est un voyage au-delà des apparences, dans le merveilleux quotidien d'un esprit rare, qui sait être grave sans jamais peser. -
Le guerrier de pierre
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 11 Septembre 1969
- 9782246163190
Des statues géantes, d'aspect terrifiant, montent la garde à la frontière. Au-delà s'étendent des forêts pleines de silence et d'horreur, où nul n'a pénétré et qu'on croit habitées par des démons. On appelle ces statues les guerriers de pierre, on craint qu'elles n'envahissent le pays comme elles l'ont fait dans des temps reculés. L'action du roman se passe dans un Moyen Âge légendaire, dans un pays brumeux et nordique, aux confins de la civilisation chrétienne.
Kuno le chasseur a d- passer trop près d'un de ces guerriers, on le retrouve écrasé sous le pied de la statue. Une enquête est ouverte et c'est un ami d'enfance de Kuno, le chroniqueur de la frontière, qui est chargé de recueillir les renseignements. Il n'en recueille aucun auprès de Giva, la femme de Kuno, qui a des raisons personnelles de le haïr, ni auprès des parents et des compagnons du chasseur. Tout le monde ayant intérêt à se taire, le narrateur en est réduit à ses propres conjectures. Il rappelle ses souvenirs, souvenirs douloureux puisque, dans son enfance comme dans son adolescence, il servait de souffre-douleur et que plus tard il est devenu malgré lui son homme lige, son âme damnée. Ainsi il a pris le go-t de la servitude et de l'humiliation.
L'enquête fait un pas en avant quand le prince régnant, accompagné d'un savant bénédictin, vient sur les lieux et conduit lui-même l'interrogatoire. On découvre qu'il s'agit d'un meurtre rituel et que les croyances aux anciens dieux de la région subsistent encore dans cette province perdue. La femme de Kuno pourrait bien être la prêtresse du culte interdit : c'est elle qui inciterait les chasseurs à se vouer à cette religion barbare qui promet à ses initiés la vie éternelle en devenant rochers et statues de pierre. Les démons qui règnent de l'autre côté se servent des guerriers monstrueux pour combattre la religion du Christ et la civilisation qu'il a apportée.
Le narrateur apprend à ses dépens la toute-puissance de Giva, sa ruse, sa perfidie et son appétit de vengeance. Elle se sert de sa naïveté et de sa soumission passionnée à Kuno pour le perdre comme elle a perdu son mari en le vouant aux divinités infernales. À la suite de péripéties où règne la poésie du fantastique (talisman, apparitions, visions, vampirisme, nécromancie), le narrateur s'offre à la mort pour sauver Kuno et lui permettre de devenir un des guerriers de pierre. -
Tout en jouant au jeu de l'oie, Marcel Schneider raconte les moments décisifs de sa vie. Les obstacles majeurs fixés par la tradition : le pont, le château, l'auberge, le puits, le labyrinthe, la mort et le lac sacré servent à relier confidences, récits et réflexions. Ce jeu intéresse chacun de nous. On avance, on marque le pas, on revient en arrière, on passe son tour : n'est-ce pas là le rythme de toute vie ? Le jeu de l'oie qui tient de la confession, de l'essai et du recueil de nouvelles, ne rentre dans aucun genre défini. En cela, il reflète fidèlement l'auteur qui ne se range dans aucun parti, n'adhère à aucun groupe, pas même à une école littéraire et qui ne s'en porte que mieux, bien que faire cavalier seul ait toujours été une attitude téméraire. En marge de la littérature actuelle. Le jeu de l'oie diffère de tout et ne ressemble qu'à lui-même. On goûtera la singularité de la pensée et la concision élégante du style : les lecteurs raffinés attachent encore de l'importance à ces qualités-là. C'est à eux que Marcel Schneider son Jeu de l'oie.
-
Au temps des guerres de Napoléon, un officier autrichien, perdu dans les Alpes de Carniole. Seul et blessé, parmi les montagnes où il vient d'enterrer son ordonnance, Franz-Sylvius von Willersdorf ne peut plus attendre qu'une mort prochaine ; les Français ont exterminé ses compagnons d'armes, et les partisans slovènes, cachés dans les forêts, passent pour impitoyables et sanguinaires...
On dirait le début d'un conte romantique, mais c'est un tour surréaliste que prend l'aventure du jeune homme. Quand il se réveille, dans une caverne, il se demande pourquoi les hors-la-loi l'ont épargné et quel est l'avenir qu'ils lui réservent. Dans son délire, le lieutenant assiste à des scènes singulières, presque barbares ; est-ce une vision née de sa fièvre, une réalité ?
Il vivra désormais dans un monde à part. Il ne s'étonnera pas d'être enfermé dans un château, à la merci d'une princesse patriote et passionnée, dont il reste " la prise de guerre ". Qui est cette Bogomila ? Quelle raison a-t-elle de lui sauver la vie ? Un simple caprice ? Mais peut-elle être à la fois sa maîtresse et son ennemie ?
Quel est le sens des noces wagnériennes auxquelles on le conviera plus tard ? Serait-ce une initiation ? Et comment se retrouvera-t-il, après un an de captivité, devant un conseil de guerre qui l'accuse d'espionnage et de trahison ?...
Il ne faudra pas moins d'un secours surnaturel pour tirer Willersdorf de ce mauvais pas et lui permettre de revoir une dernière fois, en Slovénie, une Bogomila toujours aussi mystérieuse, malgré la défaite de sa cause et l'écroulement de ses illusions.
Comme souvent chez Marcel Schneider, la poésie nous emporte. Une sorte de logique onirique rend nécessaires les péripéties les plus inattendues, parce que la puissance d'évocation d'un maître du fantastique suffit à leur donner la vérité de l'évidence.
Tout intérieure, cette évidence, mais Marcel Schneider compte parmi ces rares auteurs qui savent nous faire pénétrer dans leur rêve, au point que ses songes nous habitent, et bientôt nous appartiennent. -
Un homme se débat dans sa nuit intérieure. Il rêve, il est rendu au temps sans durée : il navigue dans l'arche avec Noé, il polit l'émeraude du Graal, il connaît la forêt médiévale et ses animaux héraldiques, il fuit le tyran colossal et se réfugie dans les grottes de la mémoire. Le rêve nous donne le fil de l'histoire universelle et nous permet de la lire à l'envers. La nuit fait de chacun de nous un être qui revit toutes les aventures de l'humanité, ses désirs, ses terreurs et ses mythes.
Au cours de cette nuit de longtemps où tout recommence sans s'achever jamais, Arno médite sur le mal, la grâce et la souveraineté : ces trois motifs conducteurs se tiennent et ne font qu'un, le mal étant corrigé par la grâce et la grâce donnant la souveraineté.
Fidèle à lui-même, Marcel Schneider explore le domaine de la littérature irrationnelle, qu'elle soit le fantastique ou le merveilleux. Dans la Sibylle de Cumes, il avait tenté d'expliquer un rêve unique, privilégié. Dans la Nuit de longtemps, il approfondit son dessein et va plus loin encore dans la connaissance de lui-même, c'est-à-dire de tous. C'est une clé des songes à l'usage de ceux qui, pareils à Marcel Schneider, ne vivent ni dans le passé ni dans l'avenir, mais dans ce qui est perdu. -
Pour un écrivain fantastique, le rêve et la réalité sont étroitement apparentés l'un à l'autre. L'invisible demeure toujours à fleur de vie, si proche, si tentant. L'état de grâce suffit pour s'y retrouver ; il s'agit ensuite de déchiffrer l'énigme, et de traquer la révélation profonde qu'elle réserve à ceux qui savent ne point se perdre au coeur du labyrinthe.
Marcel Schneider est le guide " rêvé " dans ces forêts obscures du songe. Sa référence littéraire à La Sibylle de Cumes intriguera peut-être. Mais n'est-ce pas la Sibylle qui enseigna le chemin des Enfers à Enée, ainsi que le moyen d'en revenir ? L'auteur des Colonnes du Temple et de La Branche de Merlin nous invite ici à le suivre dans un voyage un peu semblable.
Son livre est le récit d'un rêve, suivi d'une tentative d'interprétation, ou plutôt d'élucidation progressive, menée avec une rigueur digne des analyses de Jung. Marcel Schneider, cependant, ne joue pas au philosophe ; doué de ce style d'une clarté irréprochable qu'on lui connaît, il reste un écrivain, d'abord. Sa recherche de la vérité demeure passionnante de bout en bout : c'est une manière de roman policier où Jérôme Bosch mènerait l'enquête, assisté de Gérard de Nerval.
Transporté " au-delà de ce monde ", le lecteur ne s'y sent pas dépaysé ; il y reconnaît les grands mythes et les démons dont nous sommes tous habités. " Chercherait-on quelqu'un d'autre, on ne trouverait que soi ", déclare le narrateur. Cela vaut aussi pour chacun de nous. Ce bref ouvrage, mais d'une singulière plénitude, nous propose - mieux, nous impose - de nouvelles pistes pour explorer nos petits enfers personnels, que nous essayons trop souvent d'ignorer avec tant de soins inconscients... -
L'éternité fragile Tome 5 ; les gardiens du secret
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 7 Février 2001
- 9782246614593
"Ma vie est un songe qui passe à travers moi": ainsi s'exprime Marcel Schneider, qui aura toujours préféré la liberté intérieure, celle du rêve, aux contraintes avilissantes de la vie réelle. Le spécialiste du fantastique, le germaniste familier des mythes de la Forêt noire, le visiteur des salons parisiens, est tôt parti à la quête du beau. Il y a du rebelle chez cet esthète. C'est le sens de ce nouveau volume ajouté à son entreprise de mémoire, L'éternité fragile. On passe ici du monde, celui de la première guerre mondiale, celui des amitiés "admirables", de Georges Dumézil à André Pieyre de Mandiargues, sans oublier Jean Cocteau, au Tramonde, concept qui tient de l'émerveillement devant la singularité poétique de l'existence. Le germaniste cite volontiers Goethe : "L'ère du beau est révolue". Ce pessimiste qui ne moralise pas commente le snobisme de Proust, l'imaginaire de Gabriele d'Annunzio, ou les leçons d'insolence d'un après-guerre qui n'était pas du côté de Jean-Paul Sartre. Pour finir, il consacre à la danse des pages virevoltantes où l'on voit pirouetter Nijinski, Joséphine Baker, Noureev, Roland Petit. La danse, métaphore d'une beauté qui toujours s'échappe.
-
D'ivoire ou de corne ; les portes du rêve
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 2 Octobre 2002
- 9782246639893
« Vous qui vivez sur une étoile, me disait François Mauriac. Vous qui fréquentez les anges, me disent mes amis. Pourtant j'ai connu les mêmes vicissitudes que les Français du XXème siècle : guerre, Occupation allemande, métier, découverte du monde. Mais j'ai toujours eu un pied dans un autre univers, j'ai vécu ici et là, j'ai mené double vie.
Un rêve fait dans mon enfance, à sept ou huit ans peut-être, m'a apporté la révélation qui m'a marqué et transfiguré : je me suis vu dansant sur un rocher qui surplombait une source. L'enfant Marcel sautillait sur la pierre nue ; en même temps il regardait son image impalpable dans la surface calme de la fontaine. Ma future double vie était préfigurée dans ce rêve : agitations dans le monde, contemplation dans la solitude de mon secret. Ce rêve auquel je me suis souvent reporté en idée par la suite, m'a permis de me considérer comme un objet de méditation poétique et métaphysique. Les images du rêve, danse sur le rocher et le reflet de cette danse dans la fontaine, symbolisent en effet la poésie - miroir, hiéroglylphe de l'absolu. »
M.S. -
Le labyrinthe de l'Arioste
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 1 Octobre 2003
- 9782246656890
" Le labyrinthe est un lieu légendaire : il participe du mythe, de la religion, de la féerie. Hérodote rapporte qu'en remontant le Nil jusqu'à Louqsor, il a vu le plus prodigieux des labyrinthes : trois mille couloirs souterrains auraient encerclé deux grands temples et nombre de sanctuaires ! Au coeur de cet entrelacs ténébreux de chemins tortueux, parfois sans issue, se trouvait la chambre secrète avec les tombes des pharaons et les momies des crocodiles sacrés.
Mais Hérodote n'a pas vu le labyrinthe le plus célèbre de l'Antiquité, celui que Dédale inventa pour abriter et cacher le Minotaure mis au monde par la reine Pasiphaé, l'épouse de Minos. Au palais de Cnossos il avait imaginé une demeure secrète où le monstre à tête de taureau attendait ses victimes pour se repaître de leur chair.
Depuis les prodiges réalisés par Dédale et la prouesse de Thésée, l'idée du labyrinthe n'a pas cessé de hanter notre imaginaire. Il s'agit toujours de la même situation : après une suite d'épreuves, d'errances et de pas perdus dans l'obscurité, nous devons découvrir le cour du mystère, le point fatal où nous trouvons l'horreur ou l'illumination, le salut ou la mort. C'est le lieu de la révélation. Révélation de quoi ? De nous-mêmes, de notre destin. C'est là qu'habite notre âme. La chambre centrale du labyrinthe, but de nos aspirations, est aussi bien notre berceau que notre tombe. "
M.S. -
Il faut laisser maisons et jardins
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 11 Février 2009
- 9782246752295
A lire la dernière strophe du poème de Ronsard, dont Marcel Schneider s'est ici inspiré, « Adieu chers compagnons, adieu mes chers amis, je m'en vais le premier vous préparer la place », on devine avec mélancolie que ce livre est aussi un Adieu. Un testament. Nulle amertume chez cet humaniste misanthrope, cet érudit indifférent à son temps, pour qui 1936 ne signifie pas l'invention des congés payés mais l'obtention avec brio de son agrégation de latin-grec ! Qui, à l'heure du politiquement correct, reprend à son compte la définition de la démocratie par Baudelaire : « La démocratie est le plus énergique dissolvant de toute vertu que le monde ait connu jusqu'ici ». Dans le lignée de L'Eternité fragile, cette fragile architecture du temps recomposé qui sont ses mémoires, Marcel Schneider se souvient, et les figures amies ou admirées sont évoquées ici avec précision : Lise Deharme et André Breton, un Julien Gracq muet qui aime les mondanités, un Lord Byron musical, Nijinski érotico-mystique, Denise Bourdet en Panthéon des gloires défuntes, ainsi qu'un long essai sur Proust et le faubourg Saint-Germain.
-
La nouvelle est peut-être le genre qui convient le mieux à l'art très singulier de Marcel Schneider. Il faut du brio, le sens de la concision, le don des nuances ; toutes qualités que l'auteur possède et domine.
Ces treize nouvelles (treize, est-ce un hasard ?) sont une illustration de la littérature fantastique, dont Marcel Schneider est à la fois l'historien et le représentant. Pour lui, la fiction n'est pas seulement l'occasion d'exercer sa fantaisie ; il s'y abandonne tout entier, comme un possédé. C'est au niveau des sens, et non pas de l'intelligence que cet écrivain un peu sorcier nous atteint ; il sait donner forme aux fantômes avec lesquels nous vivons, mais que nous ne voulons pas voir. Cet art n'est pas loin de la psychanalyse.
Depuis qu'il est devenu familier de ces démons et qu'il vit avec eux dans une harmonie relative, Marcel Schneider est entièrement maître de son style qui n'a jamais été aussi riche dans son baroque flamboyant. En apparence, il n'est pas un écrivain de notre temps. Mais on pourrait bien s'apercevoir un jour que Marcel Schneider est un précurseur, comme d'autres solitaires qui s'appellent Julien Gracq ou André Pieyre de Mandiargues. -
Vous qui habitez sur une étoile , dit un jour François Mauriac à Marcel Schneider, signifiant par là qu'il menait une existence à part, sans se mêler de rien. Il est bien vrai que celui-ci a toujours vécu dans un monde parallèle, témoin peu attentif à ce qui se passe dans la réalité.
Sur une étoile raconte une histoire d'amour singulière : amour pour un pays, l'Alsace, considéré comme un royaume de féerie dont l'auteur est un prince dépossédé et pourtant comblé. Par choix comme par atavisme, Marcel Schneider a cherché un refuge imaginaire dans l'Alsace de ses souvenirs d'enfance, l'Alsace des forêts et des légendes dont il décrit l'histoire à sa façon. Au lecteur de juger si cette Alsace-là est pure chimère ou si elle détient une vérité profonde, ce qui pour nous équivaut à l'éternel. -
Nul ne sait le prénom de l'enfant prodigue, mais pour Marcel Schneider, connaisseur du mystérieux, il s'appelle Augustin, comme l'auteur des Confessions, et c'est la veille de Noël qu'il fait à Mme Delaccour, sa mère, le cadeau de revenir dans la petite ville de l'Est, où elle l'attend depuis des années. Veuve à la suite d'un étrange accident d'avion, elle s'est confinée dans la vie dévote, tandis qu'Augustin cherchait au loin la révélation d'un bonheur différent, trouble, aventureux, et qu'il n'a sans doute pas trouvé. En apparence, chez les Delaccour, rien n'a changé. Tolie et Firmin, le vieux couple de domestiques, continuent de mener la maison avec la même fidélité bourrue et le fils prodigue se coulerait peut-être à nouveau dans la douceur du nid retrouvé s'il ne sentait partout la menace d'un sortilège. Qui donc est cette jeune fille qu'il semble être le seul à rencontrer, aux abords de la demeure familiale ? Comment M. Delaccour, qui détestait les voyages, a-t-il pu disparaître dans une catastrophe aérienne aux antipodes ? Avec Marcel Schneider, on n'est jamais sûr de rien jusqu'au dernier mot de la dernière page ; c'est le talent des romanciers fantastiques d'égarer le soupçon pour mieux nous apprendre l'envers des choses, les vérités cachées.
-
Le Prieuré est une maison hantée. Elle porte malheur. La malédiction vient des atrocités qui se sont déroulées là en 1794, quand la Convention faisait rôtir la Vendée. Elle frappe les propriétaires du lieu, ou leurs enfants.
La dernière victime, et la plus inattendue, est Edouard, jeune Parisien venu passer l'été pour servir de précepteur au neveu du maître de céans, le comte de Saint-Aignan, infirme disgracié qui expie on ne sait quelle faute... Sa monstruosité le dénature et il exerce sur tous un pouvoir étrange et pervers. Edouard, imaginatif et rêveur, subit une double tentation, celle de l'amour et de la mort. Ceux qui habitent le Prieuré l'aident à surmonter cette épreuve et le salut lui viendra de celui qui ose en détruire la partie maudite. Sur le lac désormais purifié, Edouard n'aura passé qu'un seul été. -
"L'amour des lettres m'a protégé et aussi condamné. Il m'a servi de bouclier contre les duretés de la vie et la méchanceté des hommes, mais il a fait de moi le prisonnier de l'imaginaire. Dans la longue quête de moi-même, durant les cinquante ans d'amitié avec Georges Dumézil qui fut mon sage Mentor et mon malicieux Merlin, s'est confirmé en moi l'amour pour les mythes, les contes de fées, la musique et la poésie. La mythologie m'a tenu lieu de Freud et de Marx. Ce livre raconte quelles furent mes lectures et mes expériences, ce que je dois à André Gide, à André Breton, à Ernst Jünger... Quand j'ai commencé à écrire, je me suis senti très isolé : c'était le grand engouement pour l'existentialisme et Sartre incarnait tout ce que je fuyais. Mais il y avait encore une vie littéraire en France en 1950, je me sentais soutenu. Ce livre s'achève en 1939, date qui mit fin à ma jeunesse et à mon bonheur. D'autres volumes raconteront comment on survit à sa jeunesse et comment l'état d'écrivain vous apporte une sorte de bonheur."M.S.
-
L'éternité fragile Tome 2 ; innocence et vérité
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature
- 10 Janvier 1991
- 9782246442394
Ce deuxième tome des Mémoires de Marcel Schneider couvre la période 1940-1955 : il s'ouvre sur la défaite de la France et s'achève par une saisissante et très personnelle évocation de François Mauriac à qui l'oeuvre est dédiée. La drôle de guerre, l'Occupation, la Gestapo, la victoire. Après la Libération, nous entrons en littérature : avec Sartre au temps de la Nausée, Erté quand il n'était pas encore l'idole du monde entier, Cocteau dont Marcel Schneider voit l'oeuvre littéraire et graphique comme un grand opéra mythologique, avec, enfin, royale, incomparable, Marie-Laure de Noailles. Scènes de la vie mondaine, scènes d'intimité, amours graves, paysages d'Alsace, premier voyage en Espagne : quand Marcel Schneider conte son passé et se raconte, nos yeux s'agrandissent, notre intelligence s'aiguise... Bonheur.
-
L'éternité fragile Tome 3 ; le palais des mirages
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature
- 8 Avril 1992
- 9782246442493
Fidèle à son propos de tout dire au risque d'impudeur, l'auteur raconte ce qu'il doit à l'opéra, au ballet, aux séductions de la mondanité découverte à Venise ; il décrit un certain art de vivre à la française et donne des portraits pris sur le vif d'écrivains et de célébrités de notre temps, Paul Morand (à qui le livre est dédié), Jacques Chardonne, Poulenc, Rubinstein, Nancy Mitford, Denise Bourdet, Karen Blixen... L'ombre de Proust évoqué dans la personne de sa nièce Suzy Mante compose des pages superbes. La fête, aussi, chez Elie et Liliane de Rothschild pour Madame Simone et le duc de Parme. Voici, de 1950 à 1970, le portrait d'une époque par un intellectuel avide de la vie vécue comme un art.