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Fantasy & Science-fiction
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Au théâtre de la mémoire, les acteurs ont tous le même âge : celui d'une jeunesse que le souvenir a préservée. Et c'est miracle d'y suivre le petit Michel, enfant sage d'une famille fantasque, où l'on vit, avec la désinvolture de la vraie liberté, les passions, les élans, l'héroïsme ou l'imprévisible. A travers l'immédiat avant-guerre, l'Occupation, la Résistance et les années qui suivront. Michel va connaître le plaisir ensoleillé de la Provence, la poésie d'une vieille maison du Marais, l'amitié mystique d'un extravagant camarade illuminé, les étonnements du service militaire, le romantisme d'une Allemagne à peine échappée à ses démons. Autant de mondes dangereux et divers, terres de songe que l'adolescent a traversées dans l'enchantement de l'innocence...
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La nouvelle est peut-être le genre qui convient le mieux à l'art très singulier de Marcel Schneider. Il faut du brio, le sens de la concision, le don des nuances ; toutes qualités que l'auteur possède et domine.
Ces treize nouvelles (treize, est-ce un hasard ?) sont une illustration de la littérature fantastique, dont Marcel Schneider est à la fois l'historien et le représentant. Pour lui, la fiction n'est pas seulement l'occasion d'exercer sa fantaisie ; il s'y abandonne tout entier, comme un possédé. C'est au niveau des sens, et non pas de l'intelligence que cet écrivain un peu sorcier nous atteint ; il sait donner forme aux fantômes avec lesquels nous vivons, mais que nous ne voulons pas voir. Cet art n'est pas loin de la psychanalyse.
Depuis qu'il est devenu familier de ces démons et qu'il vit avec eux dans une harmonie relative, Marcel Schneider est entièrement maître de son style qui n'a jamais été aussi riche dans son baroque flamboyant. En apparence, il n'est pas un écrivain de notre temps. Mais on pourrait bien s'apercevoir un jour que Marcel Schneider est un précurseur, comme d'autres solitaires qui s'appellent Julien Gracq ou André Pieyre de Mandiargues. -
Nul ne sait le prénom de l'enfant prodigue, mais pour Marcel Schneider, connaisseur du mystérieux, il s'appelle Augustin, comme l'auteur des Confessions, et c'est la veille de Noël qu'il fait à Mme Delaccour, sa mère, le cadeau de revenir dans la petite ville de l'Est, où elle l'attend depuis des années. Veuve à la suite d'un étrange accident d'avion, elle s'est confinée dans la vie dévote, tandis qu'Augustin cherchait au loin la révélation d'un bonheur différent, trouble, aventureux, et qu'il n'a sans doute pas trouvé. En apparence, chez les Delaccour, rien n'a changé. Tolie et Firmin, le vieux couple de domestiques, continuent de mener la maison avec la même fidélité bourrue et le fils prodigue se coulerait peut-être à nouveau dans la douceur du nid retrouvé s'il ne sentait partout la menace d'un sortilège. Qui donc est cette jeune fille qu'il semble être le seul à rencontrer, aux abords de la demeure familiale ? Comment M. Delaccour, qui détestait les voyages, a-t-il pu disparaître dans une catastrophe aérienne aux antipodes ? Avec Marcel Schneider, on n'est jamais sûr de rien jusqu'au dernier mot de la dernière page ; c'est le talent des romanciers fantastiques d'égarer le soupçon pour mieux nous apprendre l'envers des choses, les vérités cachées.
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Divinités du Styx ; contes fantastiques
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 13 Mai 1998
- 9782246584599
Depuis 1951, l'auteur de l'Histoire de la littérature fantastique en France poursuit une oeuvre en marge des modes, louée par des écrivains aussi peu semblables que Jean Cocteau ou Julien Gracq. " Marcel Schneider n'a jamais cessé d'appeler de ses voeux un envers du monde, un hors du monde ", dit Georges-Olivier Châteaureynaud dans son texte de présentation. On a voulu ici, en empruntant, entre autres, les meilleurs contes de Déjà la neige ou de La Lumière du Nord, augmentés de nouvelles inédites, redire au lecteur quel maître du fantastique se cache chez ce misanthrope courtois. Le recueil suit un ordre chronologique qui n'oublie aucun des thèmes chers à ce rêveur de destins : la trahison, l'amour incompris, l'innocence perdue, etc. En Alsace, à Venise, dans la lumière du Nord ou à l'ombre des châteaux de granit, les personnages de Marcel Schneider ont en commun d'aspirer à l'ailleurs.
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"Ce grand pays, notre voisin, qui s'appelle l'Allemagne, reste un inconnu, une énigme en tout cas. Nous inventons l'Italie à travers Stendhal, l'Espagne à travers Mérimée et Bizet. Rien de tel avec l'Allemagne qui n'évoque pour nous que des champs de bataille, Sedan, Verdun et l'Occupation de 1940.
Cela suffit-il pour l'éliminer de notre univers imaginaire ? Nous lui devons plus que nous ne pensons. Le Moyen Age doit son premier éclat au Saint Empire romain germanique. Puis, il y a eu Goethe et Schiller, Hlderlin et Nietzsche : mais une nation ne saurait vivre de nostalgie.
Faut-il encore avoir peur de l'Allemagne ? Est-ce une raison pour refuser toute existence à une pathétique allemande ? Je ne le pense pas. Les thèmes de cette poétique sont ceux qui, depuis des siècles, ont imposé à l'humanité leur universalité.
C'est avec les yeux des poètes qu'il faut regarder l'horizon de l'Allemagne.". -
Si l'on se souvient qu'on appelle " vanités " les peintures qui représentent symboliquement, par des emblèmes ou des allégories, la fuite du temps et la brièveté sans recours de la vie, on comprend aussitôt le sens du titre et le propos du livre de Marcel Schneider, tel qu'il nous l'explique lui-même : " Je vis entre deux vanités, suspendues aux murs de ma chambre, de l'un et l'autre côté de mon lit ; elles figurent mon ermitage dans le désert. L'une, dans le go-t espagnol, suggère le parfait désenchantement ; sur le mur opposé, l'autre, d'une inspiration mondaine, et qui provient du nord de la France, énumère les plaisirs des sens. Je passe d'une vanité à l'autre, et c'est passer d'un monastère castillan dans un salon parisien : deux ordres de pensée, deux styles de vie, deux façons d'aimer. Mais c'est en moi que je me promène, dans des régions de mon esprit où tour à tour, et quelques fois en même temps, m'attirent des aimants auxquels je ne cherche pas à résister. Je vais ici et là, selon l'heure et l'occasion, et quel mal de céder à ses penchants qui ne se contredisent que pour un esprit borné ? "
Du côté de l'Estramadure, avec Zurbaran, le Greco, sainte Thérèse d'Avila, Charles-Quint, Don Juan, ou du côté de chez Proust, après Nerval et Delacroix, l'auteur traque une certaine idée de l'éternité qui le hante, où se mêlent symboles et fantasmes. Partout et toujours, les mystiques aussi bien que les poètes ou les peintres tirent leur gloire du mépris d'autrui. Ils apportent d'ailleurs leurs certitudes et leur génie.
Avec cette provocante limpidité qui lui est coutumière, Marcel Schneider nous introduit dans son univers, où la morale commune et les préjugés à la mode n'ont pas plus cours que la vanité.
En forme de méditation, coupé de nouvelles et de brèves études, cet ouvrage profond et surprenant est un voyage au-delà des apparences, dans le merveilleux quotidien d'un esprit rare, qui sait être grave sans jamais peser. -
Le guerrier de pierre
Marcel Schneider
- Grasset
- Littérature Française
- 11 Septembre 1969
- 9782246163190
Des statues géantes, d'aspect terrifiant, montent la garde à la frontière. Au-delà s'étendent des forêts pleines de silence et d'horreur, où nul n'a pénétré et qu'on croit habitées par des démons. On appelle ces statues les guerriers de pierre, on craint qu'elles n'envahissent le pays comme elles l'ont fait dans des temps reculés. L'action du roman se passe dans un Moyen Âge légendaire, dans un pays brumeux et nordique, aux confins de la civilisation chrétienne.
Kuno le chasseur a d- passer trop près d'un de ces guerriers, on le retrouve écrasé sous le pied de la statue. Une enquête est ouverte et c'est un ami d'enfance de Kuno, le chroniqueur de la frontière, qui est chargé de recueillir les renseignements. Il n'en recueille aucun auprès de Giva, la femme de Kuno, qui a des raisons personnelles de le haïr, ni auprès des parents et des compagnons du chasseur. Tout le monde ayant intérêt à se taire, le narrateur en est réduit à ses propres conjectures. Il rappelle ses souvenirs, souvenirs douloureux puisque, dans son enfance comme dans son adolescence, il servait de souffre-douleur et que plus tard il est devenu malgré lui son homme lige, son âme damnée. Ainsi il a pris le go-t de la servitude et de l'humiliation.
L'enquête fait un pas en avant quand le prince régnant, accompagné d'un savant bénédictin, vient sur les lieux et conduit lui-même l'interrogatoire. On découvre qu'il s'agit d'un meurtre rituel et que les croyances aux anciens dieux de la région subsistent encore dans cette province perdue. La femme de Kuno pourrait bien être la prêtresse du culte interdit : c'est elle qui inciterait les chasseurs à se vouer à cette religion barbare qui promet à ses initiés la vie éternelle en devenant rochers et statues de pierre. Les démons qui règnent de l'autre côté se servent des guerriers monstrueux pour combattre la religion du Christ et la civilisation qu'il a apportée.
Le narrateur apprend à ses dépens la toute-puissance de Giva, sa ruse, sa perfidie et son appétit de vengeance. Elle se sert de sa naïveté et de sa soumission passionnée à Kuno pour le perdre comme elle a perdu son mari en le vouant aux divinités infernales. À la suite de péripéties où règne la poésie du fantastique (talisman, apparitions, visions, vampirisme, nécromancie), le narrateur s'offre à la mort pour sauver Kuno et lui permettre de devenir un des guerriers de pierre. -
Tout en jouant au jeu de l'oie, Marcel Schneider raconte les moments décisifs de sa vie. Les obstacles majeurs fixés par la tradition : le pont, le château, l'auberge, le puits, le labyrinthe, la mort et le lac sacré servent à relier confidences, récits et réflexions. Ce jeu intéresse chacun de nous. On avance, on marque le pas, on revient en arrière, on passe son tour : n'est-ce pas là le rythme de toute vie ? Le jeu de l'oie qui tient de la confession, de l'essai et du recueil de nouvelles, ne rentre dans aucun genre défini. En cela, il reflète fidèlement l'auteur qui ne se range dans aucun parti, n'adhère à aucun groupe, pas même à une école littéraire et qui ne s'en porte que mieux, bien que faire cavalier seul ait toujours été une attitude téméraire. En marge de la littérature actuelle. Le jeu de l'oie diffère de tout et ne ressemble qu'à lui-même. On goûtera la singularité de la pensée et la concision élégante du style : les lecteurs raffinés attachent encore de l'importance à ces qualités-là. C'est à eux que Marcel Schneider son Jeu de l'oie.
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Pour un écrivain fantastique, le rêve et la réalité sont étroitement apparentés l'un à l'autre. L'invisible demeure toujours à fleur de vie, si proche, si tentant. L'état de grâce suffit pour s'y retrouver ; il s'agit ensuite de déchiffrer l'énigme, et de traquer la révélation profonde qu'elle réserve à ceux qui savent ne point se perdre au coeur du labyrinthe.
Marcel Schneider est le guide " rêvé " dans ces forêts obscures du songe. Sa référence littéraire à La Sibylle de Cumes intriguera peut-être. Mais n'est-ce pas la Sibylle qui enseigna le chemin des Enfers à Enée, ainsi que le moyen d'en revenir ? L'auteur des Colonnes du Temple et de La Branche de Merlin nous invite ici à le suivre dans un voyage un peu semblable.
Son livre est le récit d'un rêve, suivi d'une tentative d'interprétation, ou plutôt d'élucidation progressive, menée avec une rigueur digne des analyses de Jung. Marcel Schneider, cependant, ne joue pas au philosophe ; doué de ce style d'une clarté irréprochable qu'on lui connaît, il reste un écrivain, d'abord. Sa recherche de la vérité demeure passionnante de bout en bout : c'est une manière de roman policier où Jérôme Bosch mènerait l'enquête, assisté de Gérard de Nerval.
Transporté " au-delà de ce monde ", le lecteur ne s'y sent pas dépaysé ; il y reconnaît les grands mythes et les démons dont nous sommes tous habités. " Chercherait-on quelqu'un d'autre, on ne trouverait que soi ", déclare le narrateur. Cela vaut aussi pour chacun de nous. Ce bref ouvrage, mais d'une singulière plénitude, nous propose - mieux, nous impose - de nouvelles pistes pour explorer nos petits enfers personnels, que nous essayons trop souvent d'ignorer avec tant de soins inconscients...