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Littérature argumentative
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Le roman généalogique ; Claude Simon et Georges Perec
Claire de Ribaupierre
- Part De L'Oeil
- Theorie
- 6 Décembre 2001
- 9782930174280
Ce livre met en place la structure d'une double enquête : Claude Simon et Georges Perec, dans La Route des Flandres, Les Géorgiques, L'Acacia, W ou le souvenir d'enfance, La Vie mode d'emploi, questionnent leurs origines.
Orphelins, ils font défiler sur la scène littéraire les parents disparus. Comme des détectives, ils scrutent les visages effacés des absents, repèrent des indices, recueillent des témoignages. Mais les souvenirs se confondent, les images se surimpriment. Alors la mémoire défaillante est soupçonnée : c'est l'archive photographique qui lui vient en aide, qui la supplée même parfois. Trace et preuve du passé, témoin d'une existence précédant la disparition, la photographie devient le moteur du récit, la source de l'écriture.
L'analyse littéraire proposée ici use, elle aussi, du dispositif de l'enquête : elle tente de démêler les intrigues des textes tissés d'implicite, de recomposer les fragments d'une histoire familiale interrompue. Ce livre démonte les mécanismes de construction du roman généalogique : l'écrivain, en position de dernier-né, engendre, par l'écriture, une lignée d'ancêtres et de prédécesseurs aux parcours tragiques, grandioses, ou dérisoires.
L'étude met en évidence le rôle du lecteur et sa complicité avec le texte. Le lecteur, s'il s'engage dans la voie interprétative, risque fort de n'en pas sortir indemne. Il endosse une certaine responsabilité dans le déroulement du récit ; il partage un sentiment de culpabilité avec l'auteur qui, pour redonner vie aux disparus, les interpelle et réveille leurs corps fantômes, leur faisant jouer leur agonie.
L'interprétation génère donc une intranquillité, une hantise.
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Poète, essayiste ou encore fondatrice des Cahiers internationaux de symbolisme et de la revue Réseaux, Claire Lejeune (1926-2008) aura publié de nombreux livres attachants. Qu'on cite simplement La Geste, Mémoire de rien, L'Oeil de la lettre, Âge poétique, âge politique ou Le Livre de la mère pour se convaincre de la place originale et primordiale qu'elle occupe parmi nos auteurs de langue française.
Claire Lejeune, toujours en procès avec une société patriarcale, a aussi été cette femme attentive aux gestes quotidiens. Ce livre, composé d'extraits de son oeuvre, de photographies et de recettes, témoigne aussi de cette réalité-là.
Comme Colette, comme Marie Delcourt avec son livre Cuisiner, Méthode à l'usage des personnes intelligentes ou Duras, avec La Cuisine de Marguerite, un ouvrage aujourd'hui interdit de publication par ses ayants droit où apparaissent les plats favoris de l'auteur dont le fameux « bortsh bâtard à la française sans crème », voici aujourd'hui, grâce aux recherches de ses filles et de quelques amies - qu'elles en soient toutes remerciées -, les recettes préparées par Claire.
Recettes transmises de mères en filles, de Mémère, de Maman Denise, de Marraine Jeanne, de Tante Josette ou de Tante Annette, voici de quoi accompagner le mot du poète finlandais, Pentti Holappa, nous soufflant à l'oreille : « Jamais le plus ardent des poèmes n'élucidera l'aigre et furtive jouissance des sens. » Marcel Moreau, dont on lira le billet dans ce petit livre, dit de Claire : « Elle avait des gestes de lavandière pour parler philosophie ou cuisine ».
Avez-vous goûté sa terrine de lapin ? Moi, je l'ai mangée, cette terrine, j'en ai repris deux fois... et j'en mangerais bien encore un peu !
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Le pas aveugle ; une femme, l'amour, la psychanalyse
Grafe Marie-Claire
- Denoel
- 7 Février 2008
- 9782207259955
Elle est écartelée entre deux villes, Paris et Bruxelles. Et entre deux hommes, son mari et son amant, qui vivent l'un dans la capitale belge et l'autre dans la capitale française. La jeune femme ne cesse de faire des allers et retours entre ces deux villes, ces deux amours, incapable aussi bien de supporter cette situation que d'y mettre un terme. L'histoire se passe au début des années 60, alors que s'amorce la libération des moeurs qui culminera à la fin de la décennie et pendant que la guerre d'Algérie se dirige péniblement vers son terme. Alors aussi que l'effervescence intellectuelle bat son plein, en particulier dans le Paris de Claude Lévi-Strauss, Louis Althusser, Jacques Lacan et leurs disciples, que croisent, au hasard des rencontres, des amitiés et des réunions de travail, l'héroïne du livre et ses proches. Un récit intime qui a pour cadre le monde intellectuel d'une époque fort bien reconstituée. Pas seulement. Le Pas aveugle relate - et c'est une première - ce qui s'est dit séance après séance, quasiment au mot près, pendant toute la cure psychanalytique de l'auteur avec un practicien alors fort connu sur la place de Paris. Ce qui se disait côté divan comme côté fauteuil au cours de ces séances était noté en effet quasiment «en temps réel» par la patiente, au cours de ses voyages Paris-Bruxelles. Ayant retrouvé il y a peu ces textes profondément enfouis depuis un demi-siècle, Marie-Claire Grafé a décidé de les publier. Ce qui nous vaut ce document exceptionnel qui témoigne de l'intérieur et sans tabou d'une analyse.
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Autoportrait au visage absent : Écrits sur l'art (1981-2007)
Jean Clair
- Gallimard
- Blanche
- 20 Mars 2008
- 9782070786268
«Des écrits sur l'art : le vertige de l'éphémère opposé au vertige de la pérennité (supposée) de l'art. En fait, la permanence dans la durée de la passion des tableaux - et des sculptures -, quand elle éclate devant une oeuvre, et dont il faut tenter, en vain parfois, d'expliquer la raison. L'espoir que des réflexions dispersées dans le temps - et dans les catalogues et dans les revues - en un quart de siècle, entre 1981 et aujourd'hui, valaient de n'être pas tout à fait oubliées. L'éventail couvre un peu plus de quatre générations, de la fin du XIX? au début du XXI? siècle, de Klimt à Kiefer, dans un registre large d'écriture, qui va de la simple note de voyage, fixant des moments, des souvenirs ou des propos qui, avec le temps, sont devenus précieux, sur Ensor, Balthus ou Louise Bourgeois par exemple, à l'essai plus ambitieux, sur Bonnard ou sur Giacometti. Un territoire particulier, une continuité spirituelle de l'Europe, faite d'attirances, de magnétismes, d'échanges. La Flandre d'abord, avec Ensor et Spilliaert, puis l'Italie avec Morandi, Martini et Music, l'Angleterre avec Bacon, Freud, Hockney, Mason, la France bien sûr, avec Alechinsky, Szafran... Des oeuvres déjà historiques, du Symbolisme aux années 1960. Mais aussi des oeuvres contemporaines, ne serait-ce que pour faire mentir la légende d'une critique passéiste : le dernier texte est consacré à un Italien d'aujoud'hui, Claudio Parmiggiani. La plupart de ces textes sont de circonstance : nés d'un coup de coeur, d'emballements, de découvertes jubilantes, remontant parfois à plus de vingt ans, quand on ne parlait guère encore de Spilliaert, de Freud ou de Gaston Lachaise. Il s'agissait de confirmer ici ces passions en republiant leur histoire et en marquant leur cohérence. Un territoire sentimental finalement, une certaine fidélité de l'oeil dans la multiplication des rencontres.» Jean Clair.