Au début des années 1960, un universitaire américain dénonçait la piètre estime dont jouissaient les enseignements artistiques à l'Université. "L'art en soi apparaît comme une matière dénuée d'utilité et n'est trop souvent considéré que comme une fioriture du programme, une futilité tout juste bonne pour les étudiants inaptes aux études techniques, un dépotoir pour athlètes, un training thérapeutique pour paraplégiques." A cette époque, les bandes dessinées n'avaient même pas droit de cité dans les sphères académiques.
En pensant à Mad, Mac Luhan remarque pourtant que l'art populaire auquel il rattache les bandes dessinées - "est un clown qui nous rappelle toute la vie et toute la liberté dont nous nous privons dans notre routine quotidienne". Aujourd'hui, alors que le "neuvième art" fait l'objet de cours, de colloques et de publications universitaires, "liberté" est bien le maître mot permettant de comprendre l'intérêt que nous pouvons porter à son univers hétéroclite, non pas seulement parce que la bande dessinée nous donnerait à son contact l'illusion de rester en marge de la culture officielle, mais surtout parce que ses recherches plastiques et narratives témoignent, dans le meilleur des cas, d'une liberté radicale de création, rebelle au formatage de l'industrie culturelle, étrangère à l'ordre de la communication et à ses codes élémentaires.
Le présent numéro double de la revue L'étrangère reprend l'entièreté des actes du colloque de Cerisy-la-Salle qui fut consacré au poète James Sacré sous la direction de Tristan Hordé, Béatrice Bonhomme et Jacques Moulin en septembre 2010. On y trouvera donc les textes d'une vingtaine de conférences, plusieurs textes inédits et un entretien avec l'auteur, ainsi que plusieurs documents (photos, oeuvres d'artistes, etc.) reproduits pour l'occasion. oeuvre poétique singulière, marquée aussi bien par ses origines vendéennes que par l'Amérique où il a vécu et enseigné durant plus de trente ans, le Maroc et bien d'autres lieux qu'il est venu inscrire dans ses textes poétiques. L'écriture du poème est, chez lui, incessante interrogation de l'acte d'écrire, chahutée par une grammaire en mouvement dans une synchronie des contraires. Pas de vérité définitive quant à une hypothétique essence de la poésie. Pas de poétisme. Plutôt énergie et désir, circulation du sens, échange et partage, façon de nouer et de dénouer. Elle n'est ni idéalité dont il pourrait y avoir science, ni absolu à vénérer, la poésie est une réalité contingente, un écho prosaïque de l'existence, énonciation qui tire de son peu d'assurance la force de faire jaillir au plus vif l'étrangeté du réel le plus anodin. Dans sa poésie, James Sacré cherche plutôt à aller vers des choses qu'il qualifie de pauvres, mièvres ou maladroites, pour défaire ce qui est rutilant ou trop sonore.
Saul Alinsky est aujourd'hui considéré comme l'un des « pères » du community organizing. Né en 1909 de parents issus de l'immigration juive russe, dans une famille religieuse et pauvre, il deviendra essentiellement célèbre pour son travail dans les quartiers pauvres américains de la fin des années 1930 à sa mort, en 1972. Ainsi, c'est dans les quartiers les plus défavorisés de Chicago et dans d'autres villes plus tard, qu'il rassemblera les citoyens dans de larges organisations communautaires d'inspiration syndicale, afin de défendre leurs droits et revendiquer de meilleures conditions de vie. À côté de cette activité militante, Alinsky écrira également plusieurs ouvrages importants dont deux - Reveille for Radicals et Rules for Radicals - sont directement liés aux questions du community organizing et des méthodes d'organisation. Ses travaux auront une grande influence sur le travail social aux Etats-Unis et de nombreux groupes militants ayant marqué les années 1970 s'en réclameront.
Contributions de Daniel Zamora, « Introduction »; Saul Alinsky, « La guerre contre la pauvreté. De la pornographie politique »; Daniel Zamora, « Saul Alinsky et les sociologues de Chicago. Esquisse d'une sociologie contestataire au temps de la Grande Dépression »; Adrien Roux, « Community organizing : une méthode "résolument américaine" ? »; Mike Miller, « Organisation et éducation : Saul Alinsky, Myles Horton et Paulo Freire »; Claude Javeau, « Eugène Dupréel »; Anne Bessette, « Les enjeux du vandalisme sur les oeuvres d'art dans les musées depuis 1985 ».
Jean-michel reynard.
Une parole ensauvagée par la force de l'oeuvre autant que par la discrétion de l'auteur, la place qu'occupe jean-michel reynard dans la poésie française contemporaine demeure exceptionnelle et est appelée à confirmer sa singularité. de son vivant, il aura publié une dizaine de recueils de poésie, quelques essais et quelques proses. son dernier livre posthume, l'eau des fleurs, est un véritable chantier qui autorise une lecture rétrospective de l'ensemble de l'oeuvre pour discerner ce qui était pressenti de longue date.
Comme l'écrit gilles du bouchet, jean-michel reynard "s'est certainement éprouvé, très tôt, captif, plutôt qu'amoureux du langage, dont il aurait entrepris à travers mille poèmes de s'affranchir comme pour briser un huis clos, en rendant aux mots, tout aussi bien leur autonomie, sans renoncer pour autant à élaborer, à identifier, mais avec une précision cette fois qui serait celle de ces mots en liberté (de ce "phrasé souverain"), de cette phrase au débit imprévisible, au tracé ouvert.
Comme si écrire c'était ouvrir la grande volière des mots et qu'à partir de là seulement quelque chose pouvait et devait se penser. " ce volume porte témoignage aussi bien de l'homme que de sa parole par ceux qui l'ont côtoyé de très près et l'ont accompagné dans le développement de son oeuvre.
Cette nouvelle livraison de la revue regroupe un ensemble d'auteurs, poètes, prosateurs et essayistes, où la question de la création plastique retient tout autant l'attention que les textes littéraires. Anne Penders (qui est à la fois écrivain, photographe et historienne de l'art) ouvre ce numéro avec un texte intitulé « L'envers », lequel se situe entre prose et poésie, mais où la dimension réflexive occupe une place importante. Le texte que propose Michel Collot est en quelque sorte un retour sur l'oeuvre d'André du Bouchet en s'attachant ici de manière plus précise sur le rapport de ce dernier à la peinture, dont l'importance fut décisive dans tout l'oeuvre poétique. Les textes retenus de Victor Martinez, Marc Blanchet, Pierre Voélin et Joël-Claude Meffre sont des textes (poésie et prose) de création qui se rattachent tous à un travail en cours, et signalent cette diversité des voix poétiques contemporaines. Jean-Claude Schneider pour sa part nous propose une suite intitulée « et (plus tard) précipitant », consacrée au travail du peintre Gilles du Bouchet, la réflexion chevauchant une démarche proprement poétique. Enfin le numéro se clôt sur un essai de Jacqueline Michel consacré cette fois à la poésie de Silvia Baron Supervielle, en particulier à deux recueils de poésie de cet auteur, aussi connu pour ses traductions de l'espagnol, Lecture du vent et L'Eau étrangère, tous deux parus aux éditions José Corti.
L'importance de l'oeuvre poétique de Philippe Denis ne fait aucun doute. Les orientations qu'il aura prises au fil de ses voyages, comme des ses explorations des oeuvres de poètes américaines, comme Emily Dickinson ou Sylvia Plath, pour ne prendre que ces exemples, signale l'originalité de cette oeuvre. Dans le présent volume, Alain Mascarou, qui a initié ce projet de publication en collaboration étroite avec Christine Dupouy et Fabrice Schurmans, rappelle ce mot de Denis, qui résume l'attitude que ce dernier tient face à la vie : « Dans le combat entre le monde et toi, seconde le monde. » Et il poursuit : « Philippe Denis, obstiné à ferrailler, dans sa dialectique calleuse, avec l'expression poétique, semble suivre la règle de Kafka, et mettre toute son énergie d'écrivain à seconder tout ce qui s'oppose à lui dans son entreprise. S'il traite de lyrisme, c'est pour y mettre un frein, réduire le registre à l'aphasie, s'il s'agit de sublime, c'est un autre contrat que le sien qui est en cause, à la rigueur c'est d'une écriture touchant presque au sublime qu'il se réclame. Cette poétique du contre-élan, de la contre-expertise, ne l'enferme ni en lui-même ni dans une dimension spéculative. Tout au contraire. Pour lui les chemins de la création sont ouverts au pas, et s'il est une constante dans l'oeuvre à partir de Divertimenti (1991), c'est qu'elle reconnaît ce qu'il doit à une fringale d'espaces, d'usages du monde et des langages (littérature, peinture, musique) - voire aux gens qu'il croise. »
Tout reste à dire de l'étrangeté du réel, d'autant que la parole qui exprime ce qui n'a pas encore été exprimé demeure étrangère à elle-même.
Cette livraison de la revue L'étrangère se consacre à la fois à une évaluation critique de la création poétique actuelle à partir de plusieurs essais qui lui sont consacrés et, parallèlement, vise à proposer un ensemble substantiel de textes d'auteurs de la jeune génération afin d'appuyer et d'élargir le propos pour venir éclairer ce paysage qui ne se laisse enfermer dans aucune approche globalisante. Ainsi, les essais proposés tentent de cerner les tendances les plus significatives qui définissent le champ de la création sans jamais laisser entendre que le sujet serait épuisé par le tour d'horizon qu'ils proposent avec une très grande liberté d'expression et d'analyse. En outre, si l'intention de ce numéro est d'abord de tenter de faire le point sur les sensibilités les plus manifestes, il n'en demeure pas moins qu'elle est aussi de signaler, de relever avec force même, ce qui tient de la singularité des auteurs participant à ce numéro double. Les singularités des textes ici présentés ressortent avec d'autant plus de force qu'il ne s'agissait en aucun cas de proposer aux auteurs un thème ou une ligne directrice à leur travail, mais bien de les inviter à nous soumettre des textes en marche, ceux sur lesquels ils travaillaient au moment de notre sollicitation.
Cadre, seuil, limite. Il s'agit ici d'envisager la question de la limite (et des notions qui lui sont apparentées) pour elle-même, avant qu'elle ne reçoive une caractérisation déterminée, autrement dit, de la saisir dans sa signification intrinsèque et dans ce qu'elle peut éventuellement comporter d'implicite, d'instable et, donc, d'insaisissable. Cette question, avec ce qu'elle charrie d'équivocité, concerne en particulier toutes les voies de l'esthétique, de la philosophie et de la théorie de l'art. Nombre d'études relevant de ces domaines, qu'elles soient anciennes ou actuelles, et qui portent sur la peinture, l'architecture, la littérature, le théâtre ou les arts plus récents que sont la photographie, le cinéma et la vidéographie, témoignent de la place cardinale qu'y occupe, en chaque genre, le traitement spécifique de la bordure et, corrélativement, celui de son possible débordement, du cadrage et du décadrage, des frontières et de leur passage. Les investigations théoriques engagées visent à en dégager les enjeux majeurs lorsque, une fois mise à l'oeuvre et à l'épreuve par les multiples activités créatrices comprises dans leurs spécificités génériques, cette notion se trouve soumise à un traitement artistique.
Complices depuis 1985, Nicole Mossoux et Patrick Bonté sont les créateurs de spectacles de théâtre-danse qui ont été présentés dans plus de vingt-cinq pays.
Des écrivains, des critiques, des dramaturges portent ici un regard libre sur leur oeuvre : la pensée voyage à sa guise et précise ce qui est suggéré dans la trame des gestes, l'étrangeté des présences, les inflexions de la lumière et du son... Cet ouvrage est aussi l'occasion de faire le point sur leur pratique et leurs conceptions scéniques.
Filip Roland a saisi matière et lumière pour nous faire pénétrer dans l'imaginaire de l'oeuvre.
Jean-Pierre Verheggen débride notre imagination par son évocation malicieuse et coquine, comme il se doit, de l'univers singulier de Rops livré au voyeurisme des visiteurs grâce à la complicité de l'" archi-scénographe ". Les lignes de fuite et les trouées du regard savamment ménagées dans cet espace tout en atmosphère sont superbement rendues par le travail photographique de Reiner Lautwein. Bernadette Bonnier, la conservatrice du musée, commente cette subtile correspondance entre l'oeuvre du peintre et sa mise en espace.
Dans un entretien avec Raymond Balau, Filip Roland expose les motifs et les résonances de cette intervention sur l'espace tandis que le sculpteur Anne Jones présente l'oeuvre in situ conçue pour le musée. Après les trois premiers volumes de la collection consacrés à des projets emblématiques portés par la Communauté française de Belgique, nous avons souhaité mettre à l'honneur ce projet consistant principalement en un aménagement intérieur, initié par un autre opérateur public, en l'occurrence la Province de Namur.
La Maison Folie de Mons, à l'instar du Palais deTokyo, de l'Espace Lu à Nantes ou encore de la Condition publique à Roubaix, n'a pas le souci de paraître mais seulement celui d'être au plus près de ceux qui l'habitent, comme le dit Yves Vasseur, le directeur du Théâtre du Manège.
Invité à redéfinir simplement les zones d'accueil et d'accès de la salle de théâtre des Arbalestriers dans l'esprit des Maisons Folie qui venaient de voir le jour à Lille en 2004, Matador (justement récompensé il y a peu pour ce travail par le prix dArchitecture de la Province de Hainaut) est parvenu à réaffecter l'ensemble du domaine exploitable. Si la salle de théâtre est restée dans son état initial, Matador, pratiquant une architecture de friche, revendique pleinement l'originalité des concepts d'" Espace des possibles " et de " Margin'halle " - ces deux lieux formant, avec la cour centrale, la Maison Folie de Mons.
Le regard photographique sur ce lieu est celui de Rino Noviello.
La plume est celle de la dramaturge Pascale Tison et le clavier, celui du philosophe Christian Ruby, qui rendent compte de cette expérience de restitution de l'espace public à ses acteurs. La critique architecturale en a été confiée à Jean Stillemans. Pierre-Olivier Rollin s'est livré à un entretien avec Marc Mawet et Olivier Bourez, les architectes de Matador, sans oublier l'intervention in situ du plasticien Emilio Lôpez-Menchero.
Avec des arts (peinture, littérature, cinéma) et ses protagonistes (Cézanne, Proust, Claude Simon) qui est à l'origine de l'esthétique de Merleau-Ponty, et dans d'autre part, l'impact de la pensée merleau-pontienne sur les arts, depuis le Minimal Art américain en passant par le Body Art et la danse contemporaine.
Tandis que certaines contributions s'intéressent, en s'appuyant sur les inédits, au rapport jusqu'ici moins étudié que Merleau-Ponty entretenait avec la musique, mais aussi avec la photographie, d'autres contributions jaugent l'héritage merleau-pontien dans des arts sur lesquels il n'a pas lui-même écrit (la danse, l'architecture ou le théâtre). Ce volume propose donc une première synthèse générale du rapport de Merleau-Ponty aux arts, tout en en indiquant les lignes de fuite et les horizons qui en font aujourd'hui, à la veille du cinquantenaire de la mort, toute l'actualité.
Monographie la plus récente et la plus complète consacré à cet artiste belge d'origine espagnole héritier d'ensor, de Broodthaers et de Beuys, connu pour ses performances et installations qui contestent les limites du genre et de l'esthétique dite relationnelle. Nous, les oeuvres d'art... , avant d'être le titre emblématique de cette monographie presque exhaustive consacrée à plus d'un quart de siècle de création et d'actions artistiques d'angel vergara (1956), incarne l'esprit de son oeuvre dont l'ambition semble conjuguer le paradigme duchampien selon lequel tout peut accéder au statut d'oeuvre d'art et l'injonction de Joseph Beuys qui invite chacun à devenir artiste, soit cette proposition paradoxale : tout le monde peut être une oeuvre d'art.
C'est que l'artiste entend repousser jusque dans ses derniers retranchements la distinction factice et idéologique propre au marché de l'art entre la scène et le public, entre l'art et la vie, en proposant notamment des cafés implantés dans des lieux à vocation culturelle qui ne soient pas de simples simulacres de commerces mais de véritables lieux de convivialité et de spiritualité où s'opèrent simultanément différentes formes d'échanges.
C'est en effet ce principe que l'on retrouve à l'oeuvre dans ses différents actions et interventions artistiques dans l'espace public, parfois à l'échelle de toute une agglomération comme à revin, et plus généralement dans ses "actes et discours" sous la forme d'alter ego tels que straatman, le vlaamse Black, voire le roi des Belges ou celui de l'art, feu Jan hoet. Que l'on ne se méprenne pas, il ne s'agit pas pour angel vergara de figurer des personnages, aussi archétypaux soient-ils, et encore moins de célébrer les oeuvres d'art cristallisées et réifiées dans leur aura et leur lustre institutionnel - angel vergara n'est pas pour rien l'héritier du pyromane Marcel Broodthaers même lorsqu'il entre dans Bruxelles juché sur un camion de pompiers - mais d'activer des dispositifs qui entendent inscrire une éthique de l'échange au coeur même de l'esthétique comme moyen et jamais comme fin.
Cette somme rassemble les propos de Laurent Busine et de Juan nieves, vieux complices de l'artiste, et ceux de Laurent Courtens et de Sarah Gilsoul qui livrent les multiples clés de lecture possible de cette oeuvre protéiforme et pourtant résolument cohérente. Outre ces analyses serrées que l'artiste a tenu à exemplifier à l'aide de très nombreux documents d'époque et des entretiens fournis, on trouvera ici des oeuvres collaboratives emblématiques réalisées avec Benoît Egène et Corinne Bertrand et un avant-propos de Daniel vander Gucht.
Ce volume est construit autour de textes poétiques provenant de divers horizons. Il propose des textes du poète américain Paul Hoover (auteur de Postmodern American Poetry, anthologie récente de la poésie américaine actuelle) ainsi que de deux poètes mexicains encore inconnus dans le monde francophone : Francisco Segovia et José Maria Espinasa, qui côtoyent ici des poètes francophones connus et moins connus, tels Stéphane Lambert, François Lallier, Myriam Eck, Patrick Beurard-Valdoye, Violaine Forest, Didier Cahen, François Bon, Philippe Beck, Jean-Claude Meffre. Le lecteur trouvera la suite et la fin de l'essai de Michel Pagnoux intitulé « ?Regards? », réflexion touchant à la création picturale moderne et contemporaine et aux conditions de sa critique, et des réflexions intempestives sur notre époque sous la forme d'une suite d'aphorismes de Christophe Van Rossom. Ce numéro double est complété par deux essais, respectivement de Christian Ruby, qui s'interroge sur la naissance du spectateur contemporain à partir de Denis Diderot, et de Jean-Luc Nancy dont le dernier paragraphe de son texte donne la mesure de ce qui nous est proposé : « Héraclite représente le monde comme le jeu de dés d'un enfant. Le monothéisme occidental représente la création comme un acte gratuit, souverain, arbitraire et surgissant au milieu de rien. L'enfant joueur, le dieu qui crée par gloire ou par amour sont l'un et l'autre dans un certain plaisir. Ils sont le plaisir même de la venue du monde qui n'est rien d'autre que la possibilité qu'il y ait des rencontres. C'est pourquoi le monde n'a pas de signification, même si en lui nous savons constituer d'innombrables chaînes signifiantes. Le monde est lui-même un fruit odorant et coloré, généreux et passager. Il peut être puant et blême, ingrat et figé dans la permanence. Il reste cependant la seule chance d'être. »
Cet ouvrage hybride (livre + dvd) prend sa source dans la deuxième édition du festival bains numériques (enghien-les-bains, octobre 2007) mettant en scène les corps électroniques sensibles et dans le développement du réseau arts numériques (ran, à l'initiative du centre des arts d'enghien-les-bains) réunissant des structures culturelles et laboratoires universitaires français et européens engagés dans la diversité de la création numérique.
Sur des enjeux croisant les arts du mouvement, les scènes contemporaines, la recherche scientifique appliquée, la formation et l'utilisation inventive des technologies numériques, des opérateurs culturels, créateurs, scientifiques, critiques nous livrent tant leurs expériences concrètes que leurs réflexions et projets en devenir.
Aborder la question de l'interdit revient à interroger à la fois les changements structurels et les nouveautés inhérentes à toute action au sein de nos cultures, et la logique des valeurs qui président à l'encadrement des possibilités mêmes de nos actions comme des sensibilités qui les accompagnent. Le jeu mouvant des frontières qui séparent ce qui est permis, ou même toléré, de ce qui est interdit, au-delà des diverses logiques d'émancipation auxquelles nous rattachons la modernité jusqu'à son "extrême contemporain", remet constamment en cause la légitimité des normes au fondement de nos sociétés. Ce numéro cherche à la fois à cerner les signes ou les symptômes de ces mutations, notamment au niveau de la création littéraire et artistique, en retraçant les indices et en cernant les débats touchant en ces domaines aux interdits et aux inhibitions qu'ils engendrent, puis à nos libertés qu'ils impliquent depuis les formes nouvelles de domination et d'arbitraire qu'ils viennent inscrirent dans le quotidien.
Catalogue de l'exposition de La Centrale électrique, à Bruxelles, du 19 juin au 29 septembre 2009. Cette exposition retrace le parcours d'un passionné d'art contemporain et des artistes, Albert Baronian, qui, avec audace, en 1973, ouvre sa première galerie dans son appartement bruxellois, à l'époque où seuls deux lieux majeurs existaient dans ce secteur : la galerie MTL à Bruxelles et le Wide White Space à Anvers. Sentant l'effervescence de la scène artistique bruxelloise en dialogue tendu avec la scène artistique parisienne, il décide de présenter des artistes d'avant-garde, comme ceux de « Supports/Surfaces », fait découvrir au public belge l'arte povera, avec des artistes tels que Zorio, Merz, Penone, inconnus en Belgique et qui, depuis sont devenus incontournables sur la scène internationale. Alain Séchas, Georges Baselitz, sont aussi passés par ce lieu précurseur. Il lance aussi de nombreux jeunes artistes, comme Didier Vermeiren, Michel Frère, Benoit Platéus, Marc Trivier, Marie José Burki, Wang Du, Lionel Estève, etc. L'exposition rassemble des oeuvres historiques majeures et aussi de nouvelles créations de ces artistes.
La question du miroir est centrale dans l'histoire des arts visuels et de la pensée occidentale : les artistes comme les philosophes et les psychanalystes n'ont cessé de questionner cet objet magique, fidèle et trompeur à la fois.
Le mythe grec de Narcisse perdu dans la contemplation de son propre reflet à la surface de l'eau miroitante, de même que la condamnation platonicienne de la mimésis - réduisant la figure du peintre à celle d'un illusionniste armé d'un miroir trompeur -, révèlent dès l'origine un sentiment mêlé de fascination et de défiance envers ce prodigieux outil. Or, l'histoire de l'art est remplie de miroirs, du classicisme pictural aux dispositifs les plus actuels.
Cet ouvrage aborde le statut de ces images reflétées tout autant que le processus de représentation en général - entre imaginaire et réalité. Favorisant primitivement l'introspection méditative du sujet contemplant, débouchant sur la pratique de l'autoportrait, le miroir doit également se concevoir comme le déclencheur de diverses transgressions : qu'en est-il finalement de notre rapport au réel, et comment se tenir face à une oeuvre d'art qui nous regarde de son oeil spéculaire ?
Cette livraison de la revue L'étrangère examine le rapport entre « sensation » et « formes poétiques ». Les textes de réflexion ici présentés sont, dans la plupart des cas, accompagnés d'une suite de poèmes en appoint afin de marquer au niveau de la création proprement dite la signification et la portée du thème retenu. Ce choix n'est pas arbitraire. Il s'inscrit dans une époque où la sensation est devenue l'enjeu de tout produit lancé sur le marché. Dans cet environnement où la virtualité est censée renouveler les sensations, beaucoup déplorent leur déperdition sinon leur carence. N'arriverions-nous plus à intégrer les sensations éprouvées dans l'espace public au sein de notre vie intime ? Serions-nous exposés à des stimuli constants mais superficiels qui ne nous permettent plus de ressentir ? Comment parvenons-nous encore à définir ou à créer, aujourd'hui, un rapport entre la sensation émanant de l'espace public, sa mise en circulation et la sensation intime ? Qu'est-ce qui parvient encore à émouvoir nos sens ? Comment l'accueil et la construction de la sensation se font-elles dans les oeuvres, littéraires et poétiques, sur le plan du contenu comme de la forme ? Telles sont quelques questions qui ont motivé les présentes réflexions et les textes poétiques qui les accompagnent.
La « chair du monde » dont parle Merleau-Ponty est-elle le secret de l'énigme du corps ? Comment la création artistique qui survalorise la chair peut-elle se distinguer des pratiques quotidiennes de l'esthétisation corporelle ? Cette croyance en la souveraineté cachée de la chair se présente comme un défi lancé contre le pouvoir des simulacres, mais ne serait-elle pas elle-même la source vitale de nos illusions ? Ce recueil composé de contributions d'historiens de l'art et de philosophes, de sociologues et d'anthropologues, offre l'originalité, aux limites de la fiction, de renouveler le questionnement sur le devoir de cette « énigme de la chair » et de ses usages, tant dans la mode et les mondes virtuels que dans l'art et ses parodies.
Contributions de Lydia Pearl, « Chairs sans frontière » ; Patrick Baudry, « Du corps » ; Bernard Lafargue, « Les Réincarnations de Sainte Orlan, star et martyre » ; Henri-Pierre Jeudy, « Conférence donnée au Centre Culturel Communal d'Ormoy les Sexfontaines (234 h), en Haute-Marne, le 17 février 2034 » ; Alain Mons, « Une obscénographie de l'art : Koons, La Cicciolina, le corps déconcertant » ; Alain Gauthier, « Le Fantasme du corps à l'ère virtuelle » ; François Seguret, « Qualis artifex pereo... ou «la critique rageuse de la souris» » ; Sarah Wilson, « Orlan-chimère : la Belle Dame sans merci ».