Corinne Hoex
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C'est une résidence pour personnages âgées. Elle est ici, elle pourrait être là, ou encore ailleurs. C'est cet endroit universel où nous parquons nos vieillards.
En l'espèce, nos vieillardes. Elles se nomment Madame Prunier, Madame Spinette, Madame Pincemin, Madame Simonart... Elles forment le petit peuple inquiet, mordant, radoteur, jaloux, égaré, arthritique et parfois un peu toqué de la résidence des Pâquerettes.
Dans une série de vignettes sarcastiques ou touchantes, mais toujours brillantes, Corinne Hoex raconte les épiques aventures minuscules des reines de ce bal où nous finissons tous par être invités un jour.
Dans la lignée d'une Béatrix Beck, roman pimenté, piquant, pirouettant. -
Ce sont nos «?princes charmants?» ordinaires, modèles courants de mufles, rouleurs de mécaniques, coqs de basse-cour et goujats patentés.
Les voici à l'oeuvre tels qu'en eux-mêmes.
Mais pour Violette, Marilou, Adolphine et quelques autres il n'est plus l'heure de se laisser faire.
Corinne Hoex vit à Bruxelles. Elle a publié une trentaine de titres, dont plusieurs aux Impressions Nouvelles, Le Grand Menu, Ma robe n'est pas froissée, Décidément je t'assassine et Valets de nuit. Elle est membre de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. -
Un univers fermé. Une grande maison bourgeoise aux portes closes. À l'intérieur tout est impeccable, les cuivres sont polis, les meubles sont cirés. L'air est irrespirable.
Une petite fille est là, docile et sage. Elle observe la maison et les deux adultes qui l'habitent. Papa est le meilleur. Maman est la plus forte. La petite fille est sous leur emprise absolue. Elle souffre de ne jamais leur convenir. Alors elle raconte ce qu'elle voit.
Les repas sont pour elle des moments douloureux, interminables, où elle se trouve forcée d'avaler ce qu'on lui impose, au sens propre comme au sens figuré. Son malaise, contenu toute la journée, s'amplifie le soir dans le noir de sa chambre. La nuit, c'est un frottement, une bête qui rampe : le bruit de sa pantoufle sur le parquet ciré.
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Ce livre, écrit par un homme qui a derrière lui un bon demi-siècle dans l'édition indépendante, est une incitation lucide et optimiste à prendre conscience que nous ne sommes ni impuissants ni condamnés à la seule consommation de best-sellers, de journaux misérablement asservis ou de séries télévisées ineptes.
L'Argent va-t-il l'emporter sur les Mots ? La réponse, nous dit Schiffrin, dépend de chacun de nous. Ce n'est pas assez que tu sois morte. Il faut vider. Fouiller les tiroirs. Inspecter les étagères. Chaque matin, je me rends dans ta maison. Je reste jusqu'à la nuit. Boîte après boîte, classeur après classeur, je décime le passé.
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Dans ce recueil, il n'y a que des courtes histoires de têtes - celle qu'on a soi-même sur les épaules et qui ne plaît guère, celle des autres qui vous reviennent ou qui ne vous reviennent pas, des têtes qu'on coupe ou qui tombent toutes seules, des têtes qui n'en font qu'à leur tête, des têtes qui s'entêtent, des têtes en tête-à-tête.
Jusqu'ici, on connaissait surtout Corinne Hoex par ses romans graves et réalistes comme Le Grand Menu (qui lui a valu d'être reçue par Bernard Pivot dans Apostrophes), Décidément, je t'assassine ou Le Ravissement des femmes (en 2012, chez Grasset). La voici dans un tout autre registre, maniant l'humour noir, le nonsense et la dérision avec énormément de brio. Un registre (surréaliste ?) que très peu d'écrivaines pratiquent aujourd'hui.
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Ce nouveau livre de poésie de Corinne Hoex convoque la figure du vent, figure sans repos qui nous enfonce dans l'impression d'un vide inaliénable qui ne nous trompe pas au sujet de l'univers poétique que nous révèle ce titre, Uzès ou nulle part : tout ce qui demeure hors d'atteinte, tous ces paysages intérieurs, sont rejoints, touchés. Et ce serait une profonde erreur que de croire y découvrir quelque légèreté après y avoir identifié une telle obstination à tâter le fond de l'existence pour approcher au plus près ces lieux où aucune paix n'est jamais acquise. Au-delà de l'expérience singulière, cette parole poétique resserrée comme nulle autre, désigne un dénuement extrême, comme elle montre cette fragilité secrète épousant les limites de l'expression, et où se joue la présence de ce qui s'est absenté, où se découvre un quotidien épuré de ses strates inutiles afin d'atteindre le plus démuni qui est aussi chez elle le plus dense, là où l'autre se trouve désormais : nous nous offrirons / l'un à l'autre / de beaux moments / de manque, écrit-elle. Ce sont les coups et blessures qui s'y dissimulent, que l'on pouvait croire un instant égarés ; et qui reviennent avec une précision de la langue, de l'expression, celle d'une passion qui embrasse le vent. Quelque chose d'une urgence, d'une brûlure traverse ce livre exceptionnel.
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Ce livre est le récit d'une dévastation. Un roman construit autour d'une trinité implacable, le père, la mère et un "fiancé", qui enferment la narratrice dans un piège de violence et d'humiliation. Loin de tout pathos, avec une émotion toujours contenue, le livre de Corinne Hoex nous fait découvrir l'univers glacé de la maltraitance et nous rend témoins du processus de négation radicale d'un être. Dans une écriture âpre, tendue, toujours sur le fil, l'auteur dresse un procès-verbal impitoyable : celui du père, "mort méticuleusement", dont la narratrice n'a connu que le mépris ; de la mère, dont le regard la nie et "l'abandonne au vide" ; de l'homme, qui "la prend comme on extermine". Roman d'un assassinat psychique, Ma Robe n'est pas froissée nous parle de la béance intérieure et nous donne à observer comment, au milieu de la surdité du monde, une violence endurée se mue en effet de destin.
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Une ombre. La visite d'une ombre sur le mur de la chambre. Elle vous saisit une nuit où vous vous croyez seule. Comme un désir lointain. Comme un autre possible. Un ensemble poétique composé à partir de photos prises par l'autrice durant l'été 2020 alors qu'une silhouette inattendue venait chaque soir lui rendre visite chez elle, sous l'éclairage du projecteur d'une chapelle voisine.
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Une femme rêve. Chaque nuit, son imaginaire s'empare d'un homme di érent et chaque fois pour lui elle se métamorphose. De l'horloger à l'instituteur, du fourreur à l'astrologue, du pompiste au maître-nageur, du pâtissier au dresseur d'otaries, les rencontres se succèdent, sensuelles et extravagantes.
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"Contre Jour" est un livre bref, d'une économie d'autant plus étonnante que son auteure parvient à condenser en quelques mots tout un univers de sensations qui sont dans un premier temps construites autour de couleurs et de formes et où les lieux minimalement évoqués sont présents à la manière d'une énigme. C'est alors sur un tout autre plan que se découvre la profondeur de cette écriture poétique d'une grande sobriété. Ce sont les effets d'étrangeté que porte cette écriture, c'est le sentiment de vertige qu'elle produit chez le lecteur qui retient immédiatement l'attention. Comme s'il s'agissait de lever un secret auquel nous ne pourrons pas accéder, mais qui se présente sous les aspects d'une obsession poursuivie avec obstination. Et c'est tout autant l'évocation du processus de la création picturale qui agit comme un palimpseste, à travers les rythmes de la voix. Et c'est une interrogation plus large sur le destin de l'être qui se découvre à travers les gestes et les rêves approchés, une manière d'aller à l'essentiel de la condition humaine sans aucun pathos, mais avec une densité et une justesse qui entame le réel, ce à quoi nous sommes toujours confrontés.
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Ces Leçons de ténèbres de Corinne Hoex ont ceci de singulier : ils sont une leçon de poésie indissociable d'une leçon de vie, c'est-à-dire, une leçon de lucidité qui sait rejoindre et atteindre l'autre.
Dans une langue poétique très maîtrisée, l'auteur habite au plus près sa voix pour nous faire partager ce qui échappe trop souvent à notre attention. Ainsi chaque poème respire, tient son propre souffle, inscrit sa solitude, celle d'une indivisible et humaine condition.
Des textes brefs, d'une étonnante densité, composent ce livre. On le sait, les Leçons de ténèbres appartiennent à l'histoire de la musique liturgique depuis la Renaissance et l'époque baroque. Chez Corinne Hoex, une distance nécessaire est prise puisque nous sommes à la fois loin et cependant près des compositions musicales de Carlo Gesualdo, cette légende noire. Mais aussi de Marc-Antoine Charpentier et autres François Couperin. Ce titre, Leçons de ténèbres, que tous auront servi, connaîtra une longue descendance, au point de venir se prolonger dans ce que l'on tient pour le plus contemporain. Ces leçons auront été des leçons de solitude, d'abord, d'une farouche splendeur. Chez Corinne Hoex, chaque mouvement des cinq suites poétiques qui composent ce livre inscrit notre monde et la conscience que nous en prenons en son état présent, en ce présent éternel, consignant l'évocation de cette condition humaine qui aura traversé toutes les époques. Le chant qui les porte renonce à toute complaisance. Ainsi écrit-elle en ouverture de ces suites : Nous devons être perdu / Pour chanter.
Ces textes parlent, nous parlent, comme rarement. Ce livre ne fait songer à aucun autre livre de poésie. Car cette poésie nous éclaire sans jamais perdre ce qu'elle recèle d'énigmatique.
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"Dans l'île avec le vent et sa caresse aveugle, dans l'île ton châle rouge et les mains nues du vent, et tu fermes les yeux et tu entends le fleuve son grondement sourd, le fleuve moiré d'argent".
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C'est un univers des plus intimes que propose Corinne Hoex dans "Juin". Celui de l'enfance. Vécue dans la proximité d'une grand-mère aimée, cette enfance n'est cependant pas revisitée sous l'angle d'une nostalgie facile. Elle se manifeste à travers des détails faussement anodins, saisis dans une langue épurée où chaque mot, choisi avec une parfaite justesse dans la simplicité, fait mouche. Cette poésie sensible est aussi l'exercice d'une lucidité, qui relance et confère une indomptable profondeur à ce qui aura été vécu et qui engage tout le présent.
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Corinne Hoex pratique une poésie volontiers narrative, d'une trompeuse simplicité, qui privilégie une langue épurée où chaque mot, choisi avec une parfaite justesse, fait mouche dans la sensibilité du lecteur.
Tout en s'inscrivant dans la continuité de ses précédents recueils, "Celles d'avant" témoigne à la fois d'un approfondissement et d'un élargissement de sa palette. Dans ses romans ("Le Grand Menu", "Ma robe n'est pas froissée", "Décidément je t'assassine"), Corinne Hoex n'a cessé de se colleter avec la domination de la famille et plus particulièrement l'emprise de la figure maternelle. Ce thème est à nouveau au coeur du présent recueil, où il se teinte d'une coloration fantastique tout à fait nouvelle dans son oeuvre. Les "celles d'avant" du titre, ce sont d'inquiétants fantômes qui murmurent dans la nuit et s'invitent sans façon, c'est le poids obsédant des générations antérieures dont il est impossible de se défaire. Le tout traité avec une belle âpreté, entre humour noir et cauchemar fantasmatique.
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L'attention portée au monde, aux choses, à la vie, à ce qui s'y révèle, à ce qui se dissimule, quelque chose d'une éternité traverse chaque instant de ces poèmes en prose de Corinne Hoex. Les signes, les ombres, les murmures mêmes se font discrets. Tout s'offre au conditionnel : ce serait. Ce serait comme revisiter des moments précis de l'enfance, l'âge de la saisie, le temps de ces petits riens considérables, puisqu'ils offrent à chaque instant d'une époque de la vie révolue leur présent, et l'avenir qui dure encore, qui n'en finit pas de prolonger la mémoire secrète bien que chargée de ce qu'on pourrait désigner par le mot d'éternité. La vie évoquée ici est le renouvellement de ce qui a été vécu. Tout le contraire d'une simple nostalgie. Chaque instant est vu comme un récif, et un récitatif, sur lequel la saison, l'été en l'occurrence, jette sa lumière. Au point que quelque chose d'intemporel s'incarne dans le temporel. Le lecteur est emporté par le rythme de la phrase, par ce qui s'offre à lui de familier. Et il s'y reconnaît. L'auteure, elle, bouleverse notre rapport avec le temps : l'attention retrouvée, et la tension de la patience et de l'attente renouvelée. Il aura suffi d'ouvrir les yeux tout autour de soi pour être, enfant, bouleversé par l'expression trouvée, parole poétique qui cherche ici à en témoigner.
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Des femmes, adeptes des stages de développement personnel, sont subjuguées par un orateur au charme redoutable, qu'elles retrouvent chaque semaine, aimantées par son regard bleu et sa voix profonde.
Qui est cet homme ?
Que leur apporte-t-il ?
Jusqu'où ira le ravissement des femmes ? -
Ces mots que la mourante, lors des derniers instants, enfin aurait pu dire.
Ces mots que sa fille attendait et qui demeurent dans le silence.
Ces mots qui pourtant, au-delà du deuil, dans la sérénité de la solitude, viendront un soir éclore comme un murmure de l'inconscient.
Un saisissant huis clos mère-fille, tout en émotion contenue et dont, en dépit de la cruauté du propos, se dégage une tendresse inattendue.
Une écriture dépouillée, âpre, percutante.
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Frémissement contenu au profond du feuillage l'ombre muette appelle bruissement aspiré par le noir de la nuit voir devient silence
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Elles viennent dans la nuit
Corinne Hoex, Kikie Crêvecoeur
- Esperluete
- 21 Novembre 2018
- 9782359841053
Comment retenir les rêves, les empêcher de fuir ? L'espace d'un instant, parfois, affleure la présence d'un monde invisible. Des visages, des voix se dégagent de l'ombre. Des figures irréelles, fascinantes, fugaces, apparaissent en songe. D'énigmatiques visiteuses qui, à peine entrevues, à chaque fois s'échappent, se glissent hors de la chambre, laissant flotter l'énigme de cet instant de grâce.
Parce que le monde de la nuit est fugace, il nous manque les mots pour en parler. C'est là que le poème intervient. Dans cet entre-deux, reflet de sensations, de moments évanouis sitôt perçus... Peu importe ce que sont ces visiteuses, ces pensées, ces fantômes, elles sont différentes pour chacun, peuplant les nuits de leurs pas légers.
Le poème de Corinne Hoex se fait scansion, presque chanson, pour évoquer cette fragilité du songe.
Les images de Kikie Crêvecoeur - des estampes rehaussées à l'encre - par petites touches sensibles nous emmènent dans un paysage nocturne où règnent apaisement et mystère.
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