Ce numéro d'Émulations interroge, décrit et analyse les réalités ainsi que les enjeux du parcours doctoral. Le propos ne porte pas sur les objets ou sur les pratiques scientifiques, mais vise à appréhender le fonctionnement de l'université, en tant qu'institution et lieu de carrières scientifiques, et à porter le regard sur les chercheurs qu'elles forment et qui entrevoient à travers elle l'horizon professionnel tant désiré. Les contributions rassemblent à la fois des recherches théoriques, des enquêtes de terrain et des retours réflexifs sur l'expérience du doctorat. Ce numéro offre ainsi une pluralité de points de vue qui contribuent au cumul des savoirs sur l'expérience contemporaine de l'initiation à la recherche jusqu'à la titularisation en passant par l'étape charnière que représente la réalisation d'une thèse de doctorat. En traitant des nouvelles régulations en matière de politiques scientifiques, de l'internationalisation accrue des activités scientifiques, des aléas et difficultés de la carrière scientifique, et de l'insertion professionnelle des docteurs dans et hors milieu académique, ce volume participe plus largement à une analyse de la place et du rôle de la recherche et de l'université dans notre société.
Ce dossier d'Émulations entend apporter sa pierre au jeune édifice liant l'amour et les sciences sociales. Différentes déclinaisons de l'expérience de l'amour sont ainsi explorées dans différents contextes. La forme de l'amour romantique, particulièrement prégnante aujourd'hui, fera l'objet d'un questionnement approfondi conduit sur base d'entretiens, de corpus de données issus de cheminements personnels et de parcours de recherche auto-ethnographiques. Au-delà de cette question, ce dossier présente également une interrogation sur la manière dont l'amour du chercheur pour la recherche, pour son terrain ou pour ses interlocuteurs peut constituer un moteur pour la production de connaissance. Quatre entretiens réalisés avec des chercheurs travaillant de longue date sur la question de l'amour permettront ainsi de saisir la place que l'amour peut occuper dans une démarche de recherche socio-anthropologique.
L'étude des mouvements sociaux dans les sciences sociales a pris un nouvel essor après les vagues de contestations révolutionnaires et les mouvements Occupy de notre décennie. L'intuition au départ de ce numéro thématique est que notre compréhension de ces mouvements est limitée par le caractère eurocentrique des catégories et concepts forgés pour les analyser. Il est par ailleurs incontestable que de nombreux mouvements sociaux importants aujourd'hui se développent d'abord au Sud avant de se globaliser. Les coordinateurs de ce numéro d'Émulations privilégient une approche des mouvements sociaux depuis le Sud et par des chercheurs du Sud. Ce changement d'optique est nécessaire pour comprendre, avec de nouveaux outils intellectuels, les dynamiques de ces mouvements qui dessinent notre avenir commun. Ce numéro thématique rassemble des études empiriques des mouvements observés en Amérique latine, en Afrique et en Amérique du Nord, en espérant que ces contributions puissent ouvrir un nouvel horizon théorique pour comprendre nos sociétés en mouvement.
Les politiques environnementales font aujourd'hui l'objet d'un nombre croissant d'accords internationaux et d'initiatives de la société civile. Ainsi, la production d'énergie renouvelable, les initiatives d'efficacité énergétique, de gestion des forêts, d'exploitation des ressources, les stratégies d'adaptation et mitigation du changement climatique semblent être au coeur des enjeux environnementaux contemporains, à une époque où l'exploitation des ressources naturelles atteint ses limites. En parallèle, des acteurs de différentes tailles émergent ou se trouvent immergés dans ce contexte caractérisé par une forte porosité entre les niveaux local, supra-local et global. Les contributions de ce numéro portent un regard nouveau sur les processus transnationaux qui émergent de la rencontre et de la confrontation entre des acteurs et institutions étatiques et non-étatiques dans le cadre de la production de politiques publiques environnementales. Issues des expériences de terrain dans des contextes géographiques, politiques et environnementaux variés, les auteurs de ce numéro offrent une analyse fine des dynamiques socioenvironnementales et des enjeux de gouvernance appréhendés dans leur complexité.
Ce numéro thématique d'Émulations interroge la pratique du terrain « chez soi » qui soulève une série de questions liées à des enjeux méthodologiques, épistémologiques, éthiques et politiques auxquelles la nouvelle génération de chercheurs du proche est particulièrement confrontée. Il explore notamment les conjonctures sociétales et les positionnements personnels qui amènent certains d'entre eux à faire du terrain « chez soi »; les répercussions d'une telle orientation, la conduite, l'aboutissement et la validation scientifique de leurs recherches, mais aussi les écueils méthodologiques et épistémologiques auxquels les chercheurs s'exposent, les manières dont se façonnent l'entrée et la sortie du terrain, ainsi que les relations d'enquête. Ce volume propose un retour réflexif sur les pratiques ethnographiques, en décortiquant des situations d'enquête hétérogènes, concrètes et situées, au sein desquelles se déclinent dans une pluralité de formes trois aspects principaux et intiment entrelacés de la relation au terrain: la familiarité, l'altérité et l'engagement. Les contributions rassemblées dans ce numéro démontrent en quels termes la réflexivité propre à l'ethnographie se déploie lorsque le contexte au sein duquel le chercheur oeuvre implique une proximité de différents ordres entre celui-ci et les sujets de son terrain, permettant ainsi de répertorier les trajectoires singulières que le retour sur l'expérience de recherche fait éclore.
Ce dossier d'Émulations entend ouvrir un chantier méthodologique à la croisée entre sexualité et religion. Certes, la question de la sexualité ne représente pas une lacune dans le champ de la sociologie de la religion, et réciproquement. Mais si ces deux objets ont été pensés conjointement, l'ensemble des analyses produites souffre généralement d'une carence sur le plan de la réflexion méthodologique. Exception faite de la mention des réserves des individus à aborder leurs comportements sexuels devant des personnes qui ne leur sont pas familières, les chercheurs n'évoquent en effet qu'en filigrane, voire évincent, les questions d'ordre pratique et éthique qui se sont posées pendant leur enquête. Ce point aveugle soulève des interrogations dans un contexte où la démarche critique-analytique est devenue un point de passage obligé du travail de terrain et où la subjectivité n'est désormais plus honteuse. Cette carence interpelle d'autant plus qu'elle s'observe ici à propos de deux objets fortement investis sur les plans émotionnels, symboliques et corporels, dont la conjonction redouble la nécessité d'objectiver la subjectivité qui y est inévitablement associée.
L'appropriation de la nuit urbaine par des activités économiques, sociales et culturelles a connu au xxe siècle une accélération sans précédent. L'intérêt croissant des sciences sociales pour cet objet de recherche a permis de mieux connaître les dynamiques caractérisant l'évolution de l'espace-temps nocturne dans les différentes parties du globe. Ce numéro souligne la nécessité de poursuivre l'exploration de cet espace-temps complexe. En réunissant des contributions de différentes disciplines et sur des régions géographiques variées, il propose de lier tendances globales et spécificités locales qui (re)configurent la nuit urbaine dans la ville contemporaine. Les apports de ces contributions sont présentés et articulés autour de quatre axes : lieux et usages différenciés des pratiques nocturnes, attractivité et conflits, inégalités nocturnes, méthodologies des enquêtes sur la nuit.
La notion de précarité a été particulièrement travaillée par la sociologie française. Mais elle se trouve engagée, surtout depuis le début du XXIe siècle, dans des circulations internationales d'où elle revient chargée d'une constellation de sens transformée par ses appropriations diverses. Elle peut décrire les défaillances contemporaines d'un État-providence en délitement ; interroger les transformations des subjectivités créées par les nouveaux dispositifs de travail ; questionner le travail dans la sphère de la production, mais aussi de la reproduction et aujourd'hui de la subsistance. Ce dossier entend tirer parti de ces circulations et de cette multiplicité de sens pour mieux comprendre la place de l'idée de précarité dans les sciences sociales critiques contemporaines. En plus de six articles de recherche originaux, ce dossier comporte deux textes mêlant interrogations sociologiques et auto-analyses, un entretien avec la chercheuse britannique Angela McRobbie et une conclusion de Patrick Cingolani.
Les jeux vidéo interrogent autant qu'ils mettent en lumière notre rapport au réel et aux enjeux sociétaux contemporains. Ce « nouveau média », déjà vieux de plusieurs décennies, permet d'aborder et de représenter des phénomènes de société et des questions d'actualités au moyen de mécanismes spécifiques (ludiques, interactifs, immersifs, etc.) dont beaucoup restent encore à explorer et à formaliser. Prolongeant ces questions, le présent numéro propose d'explorer le vaste champ des relations entre jeux vidéo et société à travers six articles inscrits dans différentes traditions disciplinaires (sociologie, sciences du jeu, esthétique, etc.), conclus par une synthèse de Dominic Arsenault et par un entretien avec Sébastien Genvo, tous deux professeurs en sciences du jeu.
Que peut nous apprendre la question des marges sur la parenté ? Réciproquement, comment les études sur la parenté contribuent-elles à éclairer le rapport des marges à la norme ? Comment les notions de marge, confins, frontières ou limites sont-elles comprises et opérantes selon les époques et les espaces géographiques ? À travers cinq articles originaux et un double entretien, ce numéro éclaire la diversité des acceptions de ces notions par la description des pratiques, des représentations et des normes qui leurs sont associées. Il est une invitation à réinterroger des thématiques classiques de l'anthropologie telles que l'alliance, le rapport entre vivant·e·s et défunt·e·s, le genre et la filiation.
Ce numéro spécial cherche à restituer la richesse d'un regard pluridisciplinaire sur le retour à travers des articles adoptant des approches quantitatives et qualitatives, et interrogeant le sujet d'après des angles divers dialoguant entre eux, dans des contextes géographiques variés. Qu'il soit considéré comme l'accomplissement de l'entreprise migratoire ou comme une des options à disposition des migrants, le retour est au coeur du projet de mobilité. Objet d'étude autrefois négligé, les perspectives se sont multipliées dans les différentes disciplines des sciences sociales pour appréhender la migration de retour, mettant en lumière le vécu et les stratégies des migrants, les effets des retours sur les sociétés d'origine ou encore les mécanismes et les effets des politiques publiques d'aide au retour «volontaire» et des retours contraints. Ce numéro spécial cherche à restituer la richesse d'un regard pluridisciplinaire sur le retour à travers des articles adoptant des approches quantitatives et qualitatives, et interrogeant le sujet d'après des angles divers dialoguant entre eux, dans des contextes géographiques .
En faisant la part belle aux approches empiriques et ethnographiques, l'ensemble des textes réunis ici contribue à mettre au jour le jeu des mécanismes, formels et informels, structurels et organisationnels, ainsi que les interactions, la pluralité d'acteurs et les différents espaces qui interviennent dans la fabrique des inégalités. Contributions de Rosane Braud, Louis Braverman, Estelle Carde, Benoît Carini-Belloni, Victoire Cottereau, Caroline Desprès, Leslie Fonquerne, Pierre Lombrail, Aurore Loretti, Sylvie Morel, Patricia Perrenoud, Charlotte Pezeril, Déborah Ridel, Louise Virole, Arthur Vuattoux Loin d'être une donnée purement biologique ou naturelle, inscrite dans l'ordre des choses, la santé est profondément façonnée par l'ordre social et les rapports de domination qui structurent nos sociétés. Ce double numéro invite à renouveler le regard sur ce phénomène bien connu des sciences sociales et à approfondir les questionnements sur les inégalités et les discriminations en santé à partir d'une multitude d'objets : l'accueil et le tri des patients aux urgences, le diabète, le VIH/sida, la relation médecin-malade, les refus de soins, le suivi de grossesse et les parcours de contraception. En faisant la part belle aux approches empiriques et ethnographiques, l'ensemble des textes réunis ici contribue à mettre au jour le jeu des mécanismes, formels et informels, structurels et organisationnels, ainsi que les interactions, la pluralité d'acteurs et les différents espaces qui interviennent dans la fabrique des inégalités.
Conseiller stratégique états-unien, Thomas Crombie Schelling a influencé la politique extérieure de son pays, mais aussi de nombreux chercheurs en sciences sociales. Trois ans après sa mort, ce dossier d'Émulations revient sur les apports de ses travaux et les mobilise pour ouvrir de nouvelles pistes. Contributions de Michel Forsé, Erhard Friedberg, Natália Frozel Barros, Damien Lecomte, Lilian Mathieu, Alessio Motta, Maxime Parodi, Benoît Pelopidas, Hervé Rayner Coordination éditoriale au sein d'Émulations Lionel Francou Conseiller stratégique états-unien, Thomas Crombie Schelling a influencé la politique extérieure de son pays, mais aussi de nombreux chercheurs en sciences sociales. En France, son oeuvre a fourni des pierres décisives aux approches individualistes, à la théorie de l'acteur stratégique de Crozier et Friedberg, mais aussi à la sociologie des crises politiques de Dobry. Cette influence s'est surtout exercée par touches et apports conceptuels ponctuels. Des incursions à l'image du projet de Schelling, qui ne fut pas la création d'un cadre théorique permettant de penser l'ensemble du fonctionnement d'une société, mais plutôt une succession d'idées fécondes et de ponts entre les grands phénomènes et moments de l'Histoire et les situations de coordination quotidiennes les plus terre-à-terre. Trois ans après la mort de Schelling, ce dossier d'Émulations revient sur les apports de ses travaux et les mobilise pour ouvrir de nouvelles pistes permettant de comprendre les petites et grandes stratégies qui se trouvent derrière les décisions prises dans une administration, une assemblée, un coup d'État, une mobilisation collective...
Les études sociales et historiques des sciences et de la médecine s'intéressent à divers aspects de la façon dont les sciences et la médecine façonnent les catégories de sexe. Les contributions à ce volume travaillent cet objet afin de questionner et d'historiciser les constructions scientifiques de la différence des sexes. Il s'agit d'interroger de manière critique la notion de sexe biologique comme objet scientifique, social, culturel, dont les définitions sont en perpétuelle construction, à la fois appréhendées historiquement et socialement comme fixes mais aussi sujettes à des controverses récurrentes sur le plan médical, social, juridique et politique. Les articles usent de l'histoire et des sciences sociales comme d'un outil de déconstruction des évidences prétendument naturelles qu'on associe à la notion de sexe biologique.
Toute politique repose sur un jeu de catégories ; c'est à partir de ce constat d'une simplicité trompeuse que s'ouvrent les différentes contributions réunies ici. Ensemble, elles explorent les dynamiques à l'oeuvre dans l'établissement, la pérennisation, et la disparition des catégories politiques. Émulations fait donc ici le pari d'une investigation collective de ce qui devrait être considéré comme le processus le plus fondamental du politique - la catégorisation. De la discrimination positive à la gestion des déchets nucléaires, de la reconnaissance légale du handicap aux calculs de productivité et de richesse, des stratégies de lutte des minorités à la question de l'exclusion, la catégorisation se laisse voir dans toute sa dimension politique, c'est-à-dire porteuse d'enjeux normatifs clefs dans l'organisation de la cité. Dans le présent numéro d'Émulations, les études empiriques côtoient des essais plus théoriques pour explorer d'un regard multiple la complexité sans nom de ces catégories qui nous apparaissent souvent inévitables, voire naturelles. Sans mettre en péril la cohérence éditoriale, cette diversité offre un dialogue où les points de rencontre sont multiples et où les pistes de futures recherches et réflexions apparaissent clairement.
La thématique de ce numéro d'Émulations est née de la volonté de mener une réflexion conjointe sur ces deux termes: résistances et vieillissements. Que peut-on dire des résistances quand l'avancée en âge situe l'individu dans la catégorie d'aîné, comment l'appréhender au-delà de différents clichés ou images simplificatrices que sont notamment la figure de la personne âgée imbuvable ou, à son opposé, celle d'un individu éteint, amorphe? À qui, à quoi les aînés résistent-ils, avec quelles ressources, à quelles fins? Quels liens la résistance entretient-elle avec d'autres processus comme l'acceptation, voire l'adhésion?
Afin de répondre à ces questions, ce numéro s'organise autour de trois types de matériaux. D'abord, sept articles individuels explorent les expériences de la résistance (et l'étonnante absence de résistance collective) déclinée par des publics diversifiés (personnes en perte d'autonomie, hommes et femmes en fin de carrière, seniors arpentant les allées des « salons seniors », femmes ménopausées ou retraités engagés dans le secteur associatif). Ensuite, un dossier prend l'habitat comme espace de réflexion original sur la résistance à travers deux formes particulières (innovation d'habitat pour aînés et institutions plus « traditionnelles »).
Finalement, l'interview du sociologue Bernard Ennuyer vient apporter un vent de fraîcheur en montrant comment, par son engagement tout au long de sa carrière de professionnel et de chercheur, la résistance à l'enfermement dans des idées est une leçon de vie dont rendent compte, in fine, l'ensemble des contributions de ce numéro.
Les liens entre femmes et écologie sont multiples : ils vont de l'énonciation essentialiste d'une « nature » féminine qui porterait au soin et à l'écologie, à la contradiction de cette affirmation. L'écologie est-elle donc un tremplin pour les femmes - sonne-t-elle l'ère d'une prise de responsabilité environnementale et d'un recentrement autour de « valeurs » dites féminines - ou est-elle un leurre, une menace de décapacitation ? Faut-il craindre une « naturalisation » du phénomène social qu'est le genre féminin ? Ou faut-il sortir de cette dichotomie et profiter de ce « féminin » pour s'engager sur des pistes de changements ? Sans répondre définitivement à ces questions, les différentes contributions proposent leur point de vue sur le lien entre femmes et écologie.