« Le recueil Les Pas perdus est né d'une envie tenace et espiègle de raconter des histoires farfelues, de rendre ses lettres de noblesse à l'imaginaire : prendre plaisir à démonter le réel, le malmener, le moquer, le triturer jusqu'à lui mettre les tripes à l'air. En un mot, l'envie, non pas de faire rendre l'âme au réel, mais de l'expurger autant que faire se peut de lui-même, pour amener au jour l'or caché qu'il contient à son propre insu : le fantastique, le merveilleux, l'absurde, le poétique. Au départ, il y a une envie ludique et iconoclaste qui donne au livre un ton délicatement irrévérencieux : pas question qu'un plafond ne soit qu'un plafond, un moustique un simple insecte ou la Bible la Vérité devant laquelle on se prosterne. Il ne s'agit absolument pas de mépriser le monde et lui tourner le dos, mais plutôt de lui rendre son charme : le réenchanter littérairement pour l'aimer mieux et, dirais-je, l'aimer à sa juste valeur ».
Etienne Verhasselt
Après l'éternité rassemble des histoires farfelues, qui rendent hommage à l'imaginaire et déploient l'absurde dans toute sa splendeur. Il s'agit du troisième recueil de nouvelles d'Étienne Verhasselt. Et c'est toujours aussi sidérant, de sensibilité, d'humour, d'intelligence.
Extrait :
«?Elle reviendra?!?» On le lui répète sans cesse...
Comment leur dire qu'elle ne l'a pas quitté, que leur dernière dispute - la quantième?? - n'y est pour rien. Et qu'il ne s'agit certainement pas d'un cas isolé, que d'autres aussi doivent disparaître de la même façon.
Pour ne pas les affoler, ni la population, par prudence il n'a encore rien révélé... Combien déjà qui, au milieu de la foule, se sont ainsi volatilisés?? Et un peu partout en ville il a placé des panneaux d'alerte, mais qui prêtera sérieusement attention à sa mise en garde : «?Danger : ne pas heurter les passants?!?» «?Elle reviendra?!?» Leur dire qu'ils se trompent, expliquer l'impensable?? À quoi bon, ils répondront qu'un amour comme le leur... que les coeurs ceci... que leur histoire cela... Et ils lui riraient au nez, le traiteraient gentiment de doux rêveur, peut-être même de cinglé.
Mais il n'a ni rêvé ni perdu la tête. Il était avec elle lorsque, dans la cohue, quelqu'un l'avait bousculée : brusquement, elle avait pivoté sur elle-même avant de rebondir sur un passant, puis sur un autre et un autre et un autre, toujours plus vite?; de choc en choc, le mouvement rectiligne uniformément accéléré avait atteint la vitesse de la lumière et pouf?! disparue.
La couverture reprend une photographie de la célèbre botaniste britannique Anna Atkins (1799-1871).
L'Éternité brève est le deuxième recueil de nouvelles d'Étienne Verhasselt. Et il est encore plus ahurissant que son premier. Étienne Verhasselt est une rareté, un génie littéraire naissant, quelque part entre Cortazar et Quiriny.
En guise de présentation, interview de l'auteur par Étienne Verhasselt :
- Étienne Verhasselt : Donc un deuxième recueil, L'Éternité, brève ?
- L'Auteur : En effet, après Les Pas perdus l'inspiration ne s'est pas tarie.
- E.V. : Donc un deuxième recueil, L'Éternité, brève ?
- A. : À partir du même principe d'écriture, l'étonnement. Je ne prémédite pas un texte, une idée me vient et, si elle me trotte dans la tête durant deux ou trois jours, je sais que je tiens quelque chose : une histoire qui se livrera au fur et à mesure que je l'écrirai et qui me conduira de surprise en surprise. Un vrai bonheur.
- E.V. : Donc un deuxième recueil, L'Éternité, brève ?
- A. : Absolument. Et envisager de publier un second ouvrage a été une expérience radicalement différente. Cette fois j'étais confronté à la question de l'oeuvre. Je veux parler de ma responsabilité vis-à-vis des textes, de moi-même et des lecteurs. Car je ne pouvais plus me contenter de dire innocemment, comme lors du premier geste naïf des Pas perdus, que j'écris pour le simple plaisir. L'affaire était devenue un peu sérieuse.
- E.V. : Donc un deuxième recueil, L'Éternité, brève ?
- A. : Comme vous dites. Et cette question de l'oeuvre était la suivante : ce que j'écris compte-t-il un tant soit peu, publier encore a-t-il un sens ? Eh bien, il me semble que oui. Car mes nouvelles, y compris les plus farfelues, ne sont pas gratuites, elles distillent les frasques continuelles du plus grand foutoir de l'univers, du foutoir par excellence : l'être humain. Mais un foutoir parfois bouleversant d'absurde et de poésie !
- E.V. : Donc un deuxième recueil, L'Éternité, brève ?
- A. : Avec, en préambule, cette déclaration : L'absurde et la poésie sont ici une écume des jours. Ni frivoles ni insouciants, ils emportent la matière tragique et dérisoire de la plupart des vies - l'amour, la solitude, la folie, la mort - pour la confier à l'Imaginaire, où elle se sublime et nous avec elle. Dans ce recueil l'écriture n'est pas autre chose que le creuset propice à cette transfiguration miraculeuse.
- E.V. : En somme : un deuxième recueil, L'Éternité, brève.
- A. : J'allais le dire.