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Guy Goffette
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«Entre la beauté que vous, Pierre Bonnard, m'avez jetée dans les bras, sans le savoir, et celle que vous avez aimée au long de quarante-neuf années, il y a un monde, ou ce n'est pas de la peinture.Il y a un monde et c'est l'aventure du regard, avec ses ombres, ses lumières, ses accidents et ses bonheurs. Un monde en apparence ouvert et pourtant fermé comme une vie d'homme. Les clés pour y pénétrer ne sont pas dans les livres, pas dans la nature, mais très loin derrière nos yeux, dans ce jardin où l'enfance s'est un jour assise, le coeur battant, pour attendre la mer.C'est là qu'il faut aller.C'est là que Marthe m'a rejoint dans le musée à colonnade et m'a sauvé de la solitude et de l'ennui où je mourais.»
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Voici un hommage joyeux à une longue tradition où le poème de Paris est aussi chanson. Le périmètre géographique et lyrique du poème est ainsi tracé : ce qui luit et sonne comme un grelot ancien, le village disparu du Ier arrondissement comme le village du poète campagnard vivant à la capitale. L'histoire des noms reflète les moeurs du quartier, où Cossonnerie est une atténuation de Cochonnerie. Il y a dans ce recueil ambulant quelque chose d'évident, de populaire et de fantasque, pour notre plus grand plaisir.
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L'oiseau de craie : une anthologie de Guy Goffette
Guy Goffette
- Espace Nord
- 17 Février 2023
- 9782875685735
Tout ce qui retient ou séduit Guy Goffette l'exalte et le met dans un grand enthousiasme : les poèmes qu'il écrit ou dont il rêve déjà, les poètes qu'il lit, les anciens comme les modernes, sur lesquels il écrit, prose ou poésie, les textes qu'il choisissait jadis d'imprimer, les voyages qu'il fait, les êtres, hommes ou femmes, qu'il rencontre. Car c'est assurément un passionné, un tourmenté aussi, qui vibre, crée, vit intensément et se donne à chaque fois tout entier à ce qu'il fait. Sa poésie va des chemins de la révolution à l'approfondissement des contradictions intérieures (rester vs partir), des évasions rêvées à l'enracinement regretté (une fois qu'il est parti ou bien quand il revient). Elle est grave, dynamique, ouverte aux vents de l'inspiration.
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Un manteau de fortune ; l'adieu aux lisières ; tombeau du capricorne
Guy Goffette
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 23 Janvier 2014
- 9782070453375
La poésie de Guy Goffette, comme le suggère l'intitulé emblématique de l'un de ses premiers recueils, est vouée à une promesse qui n'est pas faite pour advenir mais pour figurer l'horizon sans cesse réinventé de la vie. Cette promesse, avec son environnement d'ardoise et de pluie, de forêts et de champs, acclimate en terres septentrionales ce que les Portugais appellent la saudade, cette nostalgie des choses qui dans le futur n'arriveront pas, tandis qu'elle submergent le présent de désirs et de songes éveillés.
L'énergie qui est à l'oeuvre ici s'apparente à celle d'un désespoir fugace, vagabond, presque dilettante. Il y a chez Goffette, en chaque poème et surtout en chacune des suites qu'il affectionne, un appel, une ferveur, une blessure, une impatience à être, parfois teintée d'ironie voire d'autodérision, avec toujours l'amour le plus physique pour sensuelle sauvegarde.
Les sonorités, le rythme, les scansions qui lui sont si personnelles, même quand affleure ce goût verlainien de la mélancolie au refrain, créent un charme singulier, un envoûtement d'oreille et de coeur. Car la détresse d'Un manteau de fortune sait sourire in extremis, car L'adieu aux lisières n'a rien d'un abandon définitif, car le Tombeau du Capricorne s'impose comme l'une des plus belles célébrations de l'amitié en poésie.
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«Parce que, tout de même, un homme, c'est bien autre chose que le petit tas de secrets qu'on a cent fois dit. Bien autre chose, en deçà et au-delà de l'histoire qui le concerne, comme un pays sans frontière, et l'horizon ne tient la longe qu'aux yeux.C'est un pays rêvé quand on ne rêvait pas encore, et c'est le rêve d'un pays qui vous mène quand tout dort, quand on est soi-même endormi. Au réveil, ça vous colle à la peau. Ça vous remplit et ça vous vide tout à tour. La plénitude et le manque, systole, diastole, flux, reflux, qui font aller l'homme comme la mer, d'un bord à l'autre de lui-même.Parce qu'un poète, c'est toujours un pays qui marche, dressé comme une forêt, et traînant dans sa langue une terre d'exil, un paradis d'échos.»Guy Goffette.
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«Mais regardant cet homme au milieu des rires et des chansons, comme un chêne dans son feuillage ; ce danseur crucifié à côté de la piste, ce père que j'ai craint comme l'orage et que j'ai fui pour ne pas avoir à le détester, je me dis qu'il y a pire douleur que tous les arbres de la forêt abattus, tous les massacres en images, c'est de voir un homme en silence qui pleure.» Simon, le narrateur d' Un été autour du cou, devenu adulte, recompose le passé de son père et l'histoire de ce qui les a si longtemps séparés. Devant le cercueil de cet homme qu'il n'a pas vu mourir, Simon se souvient d'un père rude, exigeant, incapable d'exprimer son affection, dont il aura attendu en vain un geste, un mot capable de lui donner confiance. Comment retrouver la tendresse de l'amour qu'on croyait perdu?
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Éloge pour une cuisine de province ; la vie promise
Guy Goffette
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 13 Septembre 2000
- 9782070414925
On renonce, à propos de Guy Goffette, à parler de cette «poésie du quotidien» qui tombe trop souvent dans les complaisances du prosaïsme. Et pourtant voici des poèmes dont la source est dans l'instant et l'immédiat, même s'ils ont quelquefois cheminé d'abord dans la mémoire. Mais, en se gardant également des facilités du merveilleux et de l'enthousiasme lyrique, ils ouvrent, entre «la pâte des jours» et la lumière d'une «promesse oubliée», entre la nostalgie et la réalité du temps, les chemins d'une réconciliation éphémère. Cependant renouvelable puisqu'elle tient à la justesse des mots et de leur mouvement, maîtrisés dans la seule mesure où la poésie est ce qui se dérobe à toute intention de maîtrise, pour dire vrai.
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Assieds-toi, mon âme. Et puis un jour arrive et le bonheur est là comme la mer au pied de la mer, on touche la fenêtre, le bois, pour apaiser ce sang qu'on croyait disparu
avec le vieux cheval qui ruminait l'azur, et le cri vert de l'herbe sous l'étouffoir glacé ; on touche à ce qui n'est pas encore,ce qui viendra : la vie promise, mais on a trop de jambes, trop de bras et le coeur fait des noeuds - assieds-toi donc mon âme, assieds-toi, laisse l'enfant de tes rides, l'enfant perdu défaire le filet du pauvre pêcheur d'eau.
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«Le couvreur prit Simon par les épaules et, s'agenouillant, le regarda bien en face Dis-moi, petit, c'est elle ? Qu'est-ce qu'elle t'a fait, qu'est-ce qu'elle a fait pour te mettre dans cet état-là ? Bon sang, réponds-moi, gamin. Simon se dégagea, essuya ses larmes du plat de la main et, droit dans les yeux, lui rendit son regard. Sans ciller.Le couvreur secouait la tête de gauche à droite en répétant Bon Dieu, c'est pas vrai que ça l'a repris, c'est pas vrai.»
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« Lingère, légère. On a vite fait de glisser de l'un à l'autre. C'est ce qui reste d'une enfance passée entre dentelle et frisson, et qui flotte dans l'air longtemps après que les grands secrets ne sont plus. » Guy Goffette
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« Ce qu'il aura fallu de temps pour que je me convertisse à Verlaine, combien d'errances, d'errements, de ciels perdus, de pluies, de larmes avant que le vieil Ardennais d'exil me rende à ma terre d'enfance avec le fil du coeur et le sens de ma route, je n'en reviens toujours pas. »
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Si l'oeuvre d'un poète présente toujours une certaine continuité de ton et d'inspiration, elle est parfois traversée par des poèmes venus d'ailleurs et si inattendus que le poète ne les reconnaît pas tout de suite et les laisse donc mûrir dans ses carnets. Un jour vient où il se prend à relire ces textes, à soigner celui-ci à qui manquait un pied ou cet autre qui manquait d'oreille, puis il organise l'ensemble selon ses thèmes de prédilection : les voyages, les saisons, les enfants, l'amour, la mort, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme sensible au temps qui passe. Ainsi recueillis, ces poèmes vont couvrir à pas de géant plus de quarante ans d'écriture, en mélangeant les tours et les formes les plus diverses. Loin de compromettre l'équilibre du recueil, ils le renforcent et l'intègrent dans le mouvement de l'oeuvre en cours, avec son fond de nostalgie et d'émerveillements, comme la moirure d'une rivière en automne.
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Dans la vie d'un lecteur, certains auteurs occupent une place à part. La collection « Les auteurs de ma vie » invite de grands écrivains d'aujourd'hui à partager leur admiration pour un classique.
Elle reprend le principe de « Pages immortelles », publiée dans les années 30 et 40 chez Corrêa/Buchet Chastel : chaque volume se compose d'une présentation de l'auteur choisi ainsi que d'une anthologie personnelle.
« Verlaine est entré dans ma vie comme la foudre dans une maison fermée. Tout de suite, ç'a été pour moi une affaire de dentelles et de neige, de demi-jour et de frissons, en même temps qu'une histoire de cristal et de fracas, de baisers fous et de larmes ; tout cela en un seul et même mouvement, comme d'un balancier ou comme la marée, qu'il s'agisse de sa vie ou de son oeuvre, les deux étant dans son cas intimement mêlés, reflet ou miroir l'une de l'autre, comme en un rêve exquis. »
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"Que Mariana Alcoforado soit ou non l'auteur des célèbres Lettres de la religieuse portugaise parues en 1669 importe finalement bien peu au regard de l'extraordinaire figure de femme qui s'en dégage, dont quelques trois siècles d'ombres et de lumières n'ont pas terni l'éclat. Pas plus qu'ils n'ont affaibli la ferveur des cris, des suppliques, des mots d'amour de la dame, ni changé d'un iota le cours vertigineux de la passion. Passion tout humaine et trahie qui trouve dans ces cinq admirables lettres sa plus haute expression - et tous les mouvements contraires de l'âme y sont à jamais réunis.
Il a suffi à un homme d'aujourd'hui de lire ces lettres dans une certaine solitude pour tomber amoureux de ce visage de femme et pour épouser, à travers lui, les transports et les douleurs de l'inconnue.
Ni glose, ni paraphrase, cette lecture amoureuse est un chemin de croix. Les "genoux écorchés" de l'auteur prouvent qu'il est allé jusqu'au bout de la compassion. Il n'y a pas d'autres reliques." Guy Goffette.
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« Au fond, les vrais voyages sont immobiles. Immobiles et infinis. Solitaires. Silencieux. Souvent, ils commencent dans une chambre où l'on est enfermé parce qu'il pleut ou parce qu'on est malade, obligé de garder le lit. On a huit ou neuf ans, le goût des images qui partent toutes seules dans tous les sens et qu'on lit de même, en sautant par-dessus les fuseaux horaires. » Souvenirs, portraits d'un vagabond furtif, ces courts récits s'offrent comme une variation musicale autour du mot de Rimbaud : « On ne part pas. » Ces récits sont extraits de Partance et autres lieux (collection Blanche).
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Il en est des femmes comme des îles : on ne les aborde jamais aussi facilement qu'en rêve.
A marée haute, protégées par les embruns, elles se rient de nos tentatives, jouent les dévotes ou les catins dans les salons, les cuisines ou les trains de nuit. A marée basse, elles vous détournent comme rien un écrivain de sa phrase, un voyeur de sa fenêtre, un collégien de ses devoirs. Insaisissables, on ne les touche qu'en fermant les yeux. Elles sont toujours l'ombre qui fait trébucher nos pas, la lumière qui confond nos routes.
Guy Goffette.
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L'imitateur est passé, je croyais avoir affaire à un petit vent littéraire, c'est une tempête que j'ai rencontrée. Sous la forme d'un journal, ce bref récit a la couleur nostalgique et tendre de la poésie de Guy Goffette, toujours juste. Episodes chronologiques d'une lecture qui devient possessive après avoir été repoussante, cette fable nous perd avec délectation dans un univers instable, où la réalité d'humeurs variqueuses appuie un imaginaire mis en abîme.
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«Dès l'aube tout est dit : les pas que nous ferons, l'herbe en porte déjà la trace, et nos paroles, la brume en use le tranchant sur le sein des collines, l'échine bleue de la rivière les tuiles cassées par le gel et sur les trois notes inlassables du merle dans le cerisier qui émerge. Tout est dit, mais le plus dur nous reste : trouver la juste dédicace.» Guy Goffette.
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« La nudité de l'émotion ensemble et de la parole, c'est bien à cela (.) que tend Go ette » disait Jacques Borel. Et c'est bien en e et un poésie du quotidien, de l'instant et de l'immédiat, la plus humblement fi dèle à « ce qui seul compte parmi tout ce qui est » que nous découvrons dans un des premiers recueils du poète belge, recueil récompensé par le Prix Mallarmé à sa parution en 1989.
Un classique de notre catalogue de poésie.
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Les grands événements qui marquent la mémoire collective nous donnent souvent le sentiment de vivre au-dessus de notre taille, de sortir de notre condition un moment. C'est une illusion. La poésie, qui souffle où et quand elle veut, se nourrit de détails de l'existence, tous ces petits riens où l'émotion a fait son nid et qui restent à fleur de peau longtemps. C'est à peine un battement d'ailes, un rayon de soleil dans une chevelure, l'arrivée de la neige, un cri de joie, la sourde montée des larmes, la beauté d'un vers, tout, rien.
Mais ces riens-là, que le poète habille de sa langue, sont un soutien de poids, une compagnie sensible pour les jours absolus que tous nous traversons : la perte d'un être cher, l'effroi de souffrir, la solitude extrême, le souvenir de notre mort prochaine, bref, tout ce qui tient l'homme par le coeur au plus près de lui-même et des autres. G. G.
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«Au Capricorne, petit restaurant parisien, quatre amis se retrouvent régulièrement jusqu'au jour où l'un d'eux, que la mémoire a trahi, se perd dans le brouillard. Si le néon du Capricorne continue de briller, la constellation, elle, s'est défaite. Élégiaque est le chant qui monte ici pour rappeler, au-delà de l'anecdote, que l'amitié, si rare en poésie, n'est pas toujours un vain mot.» Guy Goffette.
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«Je ne pouvais imaginer que vingt ans de ma vie allaient d'un coup me remonter à la tête quand je découvrirais le visage de l'homme qui avait en quelque sorte changé le cours de mon existence ; et que cet homme dans la neige, non seulement je ne l'avais jamais vu et ne le rencontrerais jamais, puisque Wystan Auden est mort en 1973, mais je ne m'étais même pas soucié d'en apprendre davantage sur lui, et son nom même, je l'avais laissé peu à peu s'endormir dans ma mémoire à l'ombre du seul poème de lui comme un arbre qui me portait sur l'amer des jours. Pas étonnant que je l'aie pris pour une baleine.» Guy Goffette.
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«Au fond, les vrais voyages sont immobiles. Immobiles et infinis. Solitaires. Silencieux. Souvent, ils commencent dans une chambre où l'on est enfermé parce qu'il pleut ou parce qu'on est malade, obligé de garder le lit. On a huit ou neuf ans, le goût des images qui partent toutes seules dans tous les sens et qu'on lit de même, en sautant par-dessus les fuseaux horaires...» Une caravane amarrée au fond d'un jardin, un vieil Indien planteur de tabac, les flonflons d'un manège sous la pluie, une ville du Nord au nom de femme ou un vrai train somnambule dans un Orient de carte postale, il n'en faut pas plus pour relancer la machine à rêver d'un vagabond furtif en proie à la nostalgique douceur des retours. Souvenirs, portraits ou notes ferroviaires, ces courts récits s'offrent comme une manière de variation musicale autour du mot de Rimbaud : «On ne part pas.» Guy Goffette.