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Hubert Nyssen
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a la mort du professeur bruno bonopéra, irma soulier, qui fut sa maîtresse puis sa compagne, s'ouvre, se déchire, se dévoile.
elle cherche sa dignité de femme dans un monologue oú elle déverse le souvenir des illuminations que lui avait d'abord offertes son amant, des humiliations ensuite infligées et des savoirs qu'il lui a laissés.
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Dans l'enfance, entre un grand-père tout-puissant et une mère possessive, Louis Quien a tenté de se frayer un chemin. Mais de quels souvenirs, de quels mensonges, de quels imaginaires a-t-il finalement hérité pour construire le présent si fragile qu'il interpelle aujourd'hui ? Comme s'il était étranger à lui-même, Louis Quien se traque, se dévoile et, dans le maquis de sa mémoire, il cherche les grands absents de sa vie : son père prisonnier et Juliette, l'absolu féminin, déportée, et si vite effacée. Ainsi s'impose à lui, au-delà des misères de l'Occupation, des espérances et des vengeances de l'après-guerre, la recherche de l'arbre dont les racines descendent si profond et dont nous aimerions tant retrouver le nom.
Tout en traversant l'histoire tourmentée de la Belgique des années trente aux années soixante, ce foisonnant roman révèle le pouvoir des mots et de la fiction dans la remémoration. A travers un jeu de miroirs, où le moi s'éparpille et se reconstruit sans fin, Hubert Nyssen mettait déjà en place, dans ce premier roman, les éléments constitutifs de son oeuvre : cette ample quête du passé, et surtout cette fête de l'imaginaire que sans cesse célèbre la multitude de poupées gigognes que chacun porte en soi.
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Pavane : J'avais décidé d'aller voir ce professeur qui ne ressemblait à aucun autre et, pour ses étudiants, ouvrait les portes dérobées de la littérature.
Je voulais lui confier mon désir d'enseigner à sa manière qui était éblouissante, lui manifester mon souhait de pousser mes études de lettres jusqu'au doctorat et lui demander d'être mon directeur de thèse. Et dans mon for intérieur, je me disais une chose que je n'aurais jamais osé vous révéler, à savoir que directeur de thèse prenait à mes yeux un sens dit-huitiémiste, celui de directeur de conscience.
Java : Tu es entré d'un coup dans ma vie quand tu es entré en moi, mon prince. Et maintenant que tu n'en as plus rien à foutre, vieux macchabée, je peux te le dire, toute laide et toute bouffie que je suis devenue, c'est au moment où, penaud, pantois, honteux, tu m'avouais que tu avais femme et enfants et encore je ne savais pas qu'il y avait en prime le fantôme de Paulina dans ta caboche, que je l'ai senti, j'avais l'étoffe d'une meurtrière.
Quand Tsarkis me tabassait, je priais le ciel de m'envoyer un amant assez costaud pour lui foutre une raclée et me venger, mais l'idée de le tuer ne m'avait jamais traversé la tête.
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Sur la scène d'un petit théâtre de Montparnasse, Norma, actrice que le Tout-Paris admire, joue ce soir pour la dernière fois une pièce dont elle est l'unique interprète. Jérôme Guichard ne perd pas un mot, pas un geste, pas un signe de cette femme qui est entrée dans sa vie le jour de la première. Car leur liaison se termine sans doute avec cette dernière représentation. Le souvenir de Joan, l'Américaine qu'il avait épousée et qui a péri avec ses enfants dans un accident, a-t-il empêché Jérôme Guichard de trouver certains mots, de franchir certaines portes ? Faut-il plutôt s'expliquer l'échec de la brève rencontre par le fait que Norma, à la ville avec la même fureur de vivre qu'à la scène, est toujours en représentation ?
Hubert Nyssen explore ces zones d'ombre où la mémoire et le langage cherchent à retrouver, dans le labyrinthe des apparences, la singularité d'un destin.
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" l'oiseau a déchiré le ciel avant de disparaître et je cherche à recoudre les mots de son désir.
" le poèmes d'hubert nyssen se présentent comme une célébration profane de l'amitié, de l'amour, de la mémoire, et du désir qui donne son élan à la vie.
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pour la leçon de lecture, ce jour-là, ma grand-mère avait choisi, dans une version à l'usage de la jeunesse, le passage du don quichotte oú se déroule la bataille contre les moulins.
elle me demanda si je savais dans quelle langue avait été écrite cette histoire. j'hésitais, elle me souffla la réponse, l'espagnol. sa question en préparait une autre. et dans quelle langue venais-je de la lire, cette histoire? en français, pardi. ainsi, petit sorcier, reprit-elle, tu viens de lire en français une histoire écrite en espagnol? ma grand-mère, comme la fée carabosse, était légèrement bossue.
mais elle avait à mes yeux la beauté de la reine des fées, et elle me faisait ainsi goûter le philtre singulier de l'admiration et de la peur. ce jour-là, elle venait de me révéler un monde que je n'aurais pu nommer encore mais qui serait désormais le mien. tout avait été déversé d'un coup par sa malicieuse question : le livre, la lecture, le texte et sa traduction. et tout y était : la découverte, l'aventure, l'écriture et le talent.
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Ce que me disent les choses ; journal de l'année 2008
Hubert Nyssen
- Actes Sud
- 31 Octobre 2009
- 9782742786916
Pourquoi cela me revient-il d'un coup, là, sans crier gare ? Un jeudi après-midi sur deux, dans mon enfance, ma grand-mère m'emmenait au théâtre, au cinéma, voir un musée ou une exposition. J'étais ensuite jugé au mérite sur la manière dont je racontais ce que j'avais vu et entendu. L'autre jeudi, mon grand-père me faisait voir un chantier ou visiter une usine et longtemps après je me suis rendu compte qu'il jugeait de l'efficacité de sa pédagogie en m'écoutant décrire les gestes qu'il m'avait expliqués. Ces deux-là m'ont fait ce que je suis, et les femmes ont fait le reste qui m'ont enseigné de mille manières que les gestes complètent ce que disent les mots...
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Imagerie délicieuse, texte de jeunesse, visite les thèmes de l'enfance avec le recul malicieux de celui qui, faisant mine de ne pas se rappeler, laisse la profusion des idées, des affects, des souvenirs, le guider et lacérer la surface trop lisse des apparences trompeuses. Puis viennent Nadine et Sarah (Vivre avec Sarah), Alexandre et son trapèze (L'habitude de sauter), Petit Louis et son cheval (Un cheval dans l'ascenseur), Julie et Antoine (La force du bleu), Moïse et sa cabine téléphonique (La cabine de Moïse). Autant de couples étranges, assortis malgré eux, qui peuplent ces scènes et dont les relations tourmentées nourrissent la correspondance si drôlement cryptée avec l'oeuvre romanesque et poétique d'Hubert Nyssen. Maniant l'art des dialogues ciselés et du joyeux coup de théâtre, il s'empare de personnages dignes de contes, trapéziste rêveur, émouvante fille de joie, capitaine de corsaires, et semble les aimer autant qu'il les malmène.
La pensée est virevoltante, les échanges insolents, l'écriture savante et rieuse, qui d'un récit à l'autre décline sa sensualité, explorant et éprouvant les sens. Et nous laisse tout à notre plaisir de savourer les tours et détours de cette boîte de Pandore ouverte par ce recueil (courant de 1946 à 2010) qui lui rend hommage un an après sa mort.
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L'Helpe mineure était un sanctuaire où elle vivait avec ses livres et des disques en désordre, où elle avait un jardin qu'elle entretenait avec soin, un chat tigré à demi sauvage qu'elle avait baptisé Victor et le spectre du vrai Victor qui, de temps à autre, comme le chat et toujours sans prévenir, venait lui donner l'illusion que certains souvenirs retrouvaient alors leur troisième dimension. Aussi, quand elle avait entendu la sonnette geindre dans le couloir, avait-elle sursauté. Elle n'attendait personne et les gens d'ici ne sonnent pas, ils frappent à la porte de la cuisine ou donnent de la voix.
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" Il arrive que les morts en partant laissent derrière eux des portes entrouvertes.
Albert Molinari et Cyril Trucheman étaient de ceux-là. Paul Leleu aurait pu feindre de l'ignorer ou, sur la pointe des pieds, aller refermer les portes, et assigner à ces morts une tombe dans sa mémoire. Oui, il aurait pu, mais il ne l'avait pas fait. Car il savait qu'en passant par ces portes il allait retrouver Caroline Martin. " H. N..
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Valentin Cordonnier aimerait comprendre pourquoi Victor, son frère aîné, mort dans un récent accident de la route, l'a toujours tenu à l'écart. Valentin a donc entrepris Colette qui, sur son défunt époux, sur ellemême et sur leur famillelui révèle peu à peu des choses si singulières qu'il s'empresse de les écrire pour n'en rien perdre. Il est, en particulier, fasciné par un spectre qui n'a cessé de perturber le couple et d'attiser la jalousie tardive de Colette, spectre ou ombre de Julie Devos, une jeune enseignante dont Victor était ingénument amoureux et que la guerre a envoyée dans un camp de concentration dont elle n'est pas revenue. Et puis, un jour, le hasard conduit Valentin à rencontrer Barbara. Ce témoin Ce roman d'Hubert Nyssen, où l'on retrouve la patte qui avait marqué La leçon d'apiculture ou Le bonheur de l'imposture, est animé par une voix narrative qui se déploie, s'élève et s'amplifie jusqu'au dénouement.
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A partir de la découverte que m'avait ainsi fait faire ma grand-mère, un livre ne fut plus jamais, pour moi, autre chose qu'une forêt, touffue et clairsemée, haute ou basse, classique ou exotique, et encore aujourd'hui, chaque fois que je tourne une page pour aller de l'avant dans les passions et les événements qui se déroulent au coeur d'un livre, j'ai l'impression de me faufiler entre des arbres. Hubert Nyssen
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à l'ombre de mes propos ; journal de l'année 2009
Hubert Nyssen
- Actes Sud
- 27 Novembre 2010
- 9782742794348
Version quintessenciée des carnets d'Hubert Nyssen, voici le journal de l'année 2009.
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Ce matin, le mistral qui bruissait de manière assez douce s'est tu, soudainement comme s'il avait été prévenu... L'instant d'après, le glas s'est mis à sonner. L'église est proche, les cloches sont à l'air libre, les deux notes funèbres et lentes sont entrées par la fenêtre ouverte et elles ont fait plusieurs fois le tour de mon grenier avec l'air de chercher parmi les livres celui que le défunt pourrait emporter dans l'éternité. Allais-je voir passer son âme ? Eh non, elles sont perdues, ces métaphores qui donnaient jadis un léger tremblement philosophique à certains instants de notre vie.
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- Le Nom de l'arbre (1973) - La Mer traversée (1979) - Les Arbres dans la tête (1982) - Eleonore à Dresde (1983) - Les Rois borgnes (1985).
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Quand, ce matin, après un tour dans la colline, j'ai coupé les communications, fermé les portes et sorti mon roman de la cache où je l'avais mis en janvier, j'ai trouvé mes personnages campés sur la première page, mains aux hanches, bien décidés à me présenter sans ménagement protestations et doléances. Je les comprends... Quatre mois de quarantaine dans le silence et l'obscurité, ce n'est pas une fête. Le premier à s'exprimer fut Valentin, le narrateur, qui sans ménagement m'a lancé que lui, c'était lui, et non pas moi comme je l'avais laissé croire. Encouragés par son audace, les autres ont commencé à gronder. J'ai donné sur la table un grand coup du plat de la main et j'ai dit d'une voix forte: "Madame Bovary, c'est moi !" Puis, dans le silence revenu, je leur ai tourné le dos et j'ai allumé ma première pipe.
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«Un homme passe rue de Lille à Paris, aperçoit dans une vitrine la gravure de ses rêves, L'enterrement de Mozart : après être entré dans la boutique, il est contraint d'entendre divaguer le vieillard qui exhibe l'image pour attirer dans son antre des inconnus auxquels il raconte la disparition d'Aristide, un chien philosophe qui lui tint longtemps compagnie. Mozart n'eut pas d'enterrement, il fut jeté à la fosse commune, la gravure est connue sous le titre Le convoi du pauvre, et c'est Beethoven qui l'aurait baptisée L'enterrement de Mozart. J'ai vu là une métaphore de notre époque où, par images et clameurs, de multiples impostures et injonctions envahissent notre imaginaire. Quand Bruno Mantovani et Roland Hayrabedian, pour Musicatreize, me demandèrent si j'avais un sujet à leur proposer, j'ai longuement écouté la musique de Bruno où la voix humaine se mêle malicieusement à celles des instruments. J'ai donc récrit le conte baroque en le métamorphosant par un dialogue multiple, syncopé, parfois même bouffon.»
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«Les silences de mon père font maintenant dans ma tête un vacarme à ne plus entendre le mistral secouer les platanes. De son vivant, cet homme ne laissait rien paraître des crai craintes ou des plaisirs qui auraient pu l'agiter. Ses opinions passaient en demi-teintes, ses ordres à demi-mots, et son ombre avait plus de présence que lui. Aussi quand, pa par aventure, l'autre jour, j'ai découvert ses carnets et me suis engagé dans leur lecture, quand le rideau s'est alors ouvert sur des tréteaux où, méconnaissable, feu Nicolas Mouratov paradait avec une valseuse appelée Aurélie, le vacarme a commencé.» Qui était ce Nicolas Mouratov dont les carnets font soudain pareil vacarme ? Comment le chimiste rangé, apiculteur à ses heures, sédentaire sans histoire, est-il devenu l'aventurier qui se précipite avec la jeune Aurélie dans une aventure cruelle ? Les carnets révèlent-ils la vérité de sa vie ou la nécessité d'une fiction ? Ce roman d'Hubert Nyssen, où se livre un véritable corps à corps entre le fils vivant et le père mort, vient après quelques autres, parmi lesquels Des arbres dans la tête, Eléonore à Dresde, Les ruines de Rome.
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" OUI OUI, LES ECRIVAINS SONT DES MONSTRES ! Seulement, voilà...
Ceux qui les lisent ne le sont pas moins qui vers eux ne viennent, après tout, que pour se repaître de cette monstruosité, s'en imprégner, la faire leur. De telle sorte que la littérature, écrivains et lecteurs réunis, ressemble, non pas à une nef des fous, mais à une nef des monstres. [...] Et si nous n'étions monstres, nous, les écrivains, et vous qui nous lisez, que dans l'incessante nécessité de nous opposer à l'extinction du désir ? " HUBERT NYSSEN
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Nouvelle présentationEntre le moment où l'auteur dépose le mot fin sur la dernière page de son manuscrit et celui où le premier lecteur ouvre le livre, le texte est pris en main, habillé, commenté, investi de telle manière que le sens - au nez mais à l'insu de beaucoup - se trouve modifié. Par ses interventions, l'éditeur tient un rôle actif dans cette transformation, car aucun texte ne se présente nu au lecteur, au libraire, au critique, aucun ne va sans préparatifs au-devant des exigences de la commercialisation et de la médiatisation. Mais le « paratexte », talonné par de multiples ambitions, échappe souvent aux réglages et, de surcroît, le texte est soumis, parfois avant sa parution, aux irradiations de l'argent et des idées reçues (sur le temps, le langage, la modernité, etc.).Voici un ouvrage qui, précisément, montre comment et pourquoi ce qui est proposé au lecteur est une autre chose que ce qui a été écrit par l'auteur. Et qui invite en même temps à la traversée, entre texte et livre, d'un territoire éditorial peu exploré.Hubert Nyssen, écrivain, éditeur (il a fondé et dirige les éditions Actes Sud), a été l'invité d'universités françaises et étrangères où il conduit des séminaires consacrés à quelques-unes des questions qu'il soulève ici.En amont du livre, la danse avec le texte. Le livre, rempart du texte. En aval du livre, promotion et médiatisation. Autour du livre, astres et désastres.
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Assez de parenthèses, me suis-je dit, la fiction scandalise le sens commun. Et je me suis souvenu de Proust écrivant que "la simplification qui consisterait à supprimer purement et simplement les personnages réels serait un perfectionnement décisif".
J'en ferai désormais mon credo.
H. N -
Policier de la nouvelle école, le Capucin ne jure que par les syllogismes de Lewis Carroll. Le commissaire Renoir, lui, consacre ses loisirs de retraité à lire les oeuvres plusieurs fois traduites, car ces belles infidèles lui rappellent les déclarations contradictoires des témoins. Chacun d'eux, à sa manière donc, s'attache à confondre le meurtrier d'un promoteur assassiné le jour où l'on mariait sa fille en Avignon. Mais ce ne sont pas seulement les méthodes et les références qui opposent les deux hommes, c'est aussi leurs passions. Car, tandis que le Capucin prend feu pour une pulpeuse suspecte, le commissaire tombe sous le charme d'Alberte, jeune juge d'instruction que, fidèle au jargon du Palais, il appelle Petit Noir. C'est pourquoi le dénouement irrévérencieux de ce "petit polar" pourrait bien être aussi une célébration des illuminations tardives.