« Dès que je le vis, je sus que Léopold Wiesbek m'appartiendrait. J'avais onze ans, il en avait vingt-cinq... » Prise ainsi par une passion que rien n'éteindra, Émilienne devra attendre son heure. Talentueux, beau, aimé des femmes, Léopold fait un mariage d'argent pour pouvoir se consacrer à la peinture. La jeune fille va lentement tisser sa toile, ne reculant devant rien, sacrifiant au passage quelques existences. Des années plus tard, après la mort de son amant, Émilienne, désespérée mais sans remords, demeurera certaine que c'était le prix à payer pour vivre sa passion.
Elles sont quarante, enfermées dans une cave, sous la surveillance d'impassibles gardiens qui les nourrissent. La plus jeune - la narratrice - n'a jamais vécu ailleurs. Les autres, si aucune ne se rappelle les circonstances qui les ont menées là, lui transmettent le souvenir d'une vie où il y avait des maris, des enfants, des villes...
Mystérieusement libérées de leur geôle, elles entreprennent sur une terre déserte une longue errance à la recherche d'autres humains - ou d'une explication. Elles ne découvrent que d'autres caves analogues, peuplées de cadavres.
On a pu parler de Kafka, de Paul Auster ou du Désert des Tartares au sujet de cette oeuvre à la fois cauchemardesque et sereine, impassible et bouleversante.
Devenir autre. Vivre à travers une identité différente, un autre corps, les aventures, les passions, les désirs qui nous sont interdits... Ce vieux rêve que chacun de nous a fait un jour, Aline, jeune enseignante à la vie (trop) rangée, le conçoit à son tour en regardant un beau garçon blond, Lucien.
Et l'impossible se produit : une partie d'elle-même, sa part masculine, abandonne son corps de femme pour celui du jeune inconnu. Elle est Lucien et Aline. L'auteur baptise le nouveau personnage Orlanda. Voici Aline entraînée, à la fois témoin et actrice, dans un tourbillon d'aventures, de situations tour à tour enivrantes et drôles, où va se révéler la face cachée de ses désirs...
En hommage à l'Orlando de Virginia Woolf - mais aussi dans une tradition où Si j'étais vous... de Julien Green rejoint le mythe faustien -, la romancière de Moi qui n'ai pas connu les hommes nous convie à explorer les mystères de l'identité et de la sexualité, avec un humour, un sens de l'imprévu et du romanesque qui lui ont valu le prix Médicis 1996.
L'extraordinaire liberté dont fait preuve Jacqueline Harpman lui permet de mettre en oeuvre tous les moyens de la fiction pour arpenter joyeusement et sur un mode picaresque la région la plus obscure de nous-mêmes, où la raison ne pénètre pas.
Bertrand Leclair, Les Inrockuptibles.
À une époque imaginaire qui ressemble à s'y méprendre au XVIIe siècle, la jeune Maria Concepción, infante d'Espagne, se voir offrir le jeune Girolamo, huit ans, enfant châtré rescapé d'un navire d'esclaves.
Les deux enfants grandissent ensemble, comme deux âmes jumelles, partageant le même nom et la même solide éducation promettant Maria à un grand destin, car son père ambitionne pour elle de régner. À quinze ans, elle épouse le roi d'une France déchirée par les guerres de religion. Girolamo accompagne la jeune souveraine dans sa quête de pouvoir : rien ne semble pouvoir séparer les deux être unis par un amour platonique mais charnel, intense mais interdit.
Jacqueline Harpman rejoint la tradition des grandes histoires d'amour tragique dans un livre sensible aux airs de roman historique.
Un conducteur coincé dans un embouteillage, un jour de tempête à Bruxelles, est arrêté devant une maison de style éclectique. Fasciné par les habitants de cette demeure, il raconte leur histoire à la personne qui l'accompagne.
Les dames de la Diguière tirent le diable par la queue. Propriétaires désargentées d'un domaine qu'elles n'ont plus les moyens d'entretenir, elles se battent pour conserver leur héritage, une maison du XVIIIe siècle belle à couper le souffle. Ces princesses déguenillées couronnées de liseron règnent sur les orties, changent la pauvreté en fantaisie et vivent de maigres salaires en attendant mieux. En attendant quoi ? Elles ne laisseront pas le hasard décider de leur vie, elles construiront leur salut et trouveront le sauveteur imprudent qui paiera cher sa générosité et ses bonnes intentions. Ce roman est une comédie sur le bien et le mal, que raconte un narrateur éberlué mais complice. On commence avec le sourire, on finit chez Les Diaboliques. Ces la Diguière si convenables seraient-elles de gracieuses criminelles ? Le bonheur est-il dans le crime ? En toute impunité.
"Jacqueline Harpman trousse avec allégresse un polar qui sent la citrouille : une intrigue irrésistible de drôlerie, saupoudrée d'un humour très british, et d'une élégance de plume éclatante de rigueur et de virtuosité."
Jean-Rémi Barland, Lire.
« Mais comment tue-t-on sa mère quand elle est déjà morte ? » Edmée va tenter de le faire en racontant leur histoire : chaque mot est un cri pour se délivrer de Rose, cette mère dans la lignée de Mme Lepic et de Folcoche. Elle va la mettre à nu et en tracer un portrait terrible. Dure, égoïste, Rose a été une enfant mal aimée. Et Edmée, dans ses tentatives d'élucidation, livre ici un violent réquisitoire contre une relation de haine et d'amour qui l'a marquée à jamais.
S'il était donné à Jacqueline Harpman de choisir l'objet de sa réincarnation, à coup sûr, elle serait une femme.
Mais quelle femme ? Celle qui, comme dans la nouvelle qui inaugure le recueil, se bat aux côtés d'hommes et de femmes pour venger la mort de son père et celle d'autres résistants ? Ou encore celle qui, par peur de vieillir, enfante à près de soixante ans et se condamne elle-même ainsi que son enfant à vivre à l'écart du monde ? Ou bien encore celle qui sauva, à sa façon, les vierges de son pays des griffes du dragon ? Autant d'histoires singulières qui ont toutes pour fil rouge des destins de femmes.
« Je mourus par un bel après-midi d'automne m'épargnant ainsi l'hiver que j'ai toujours détesté. » Ains s'ouvre le récit au cours duquel l'héroïne va rencontrer... 14 Créateur en personne. Mais il en faudrait beaucoup plus pour impressionner cette athée convaincue ! Un débat s'en gage...
Lauréate du prix Médicis pour Ortanda (Grasset, 1996) e du prix Victor Rossel pour Brève Arcadie (Julliard, 1959), JacqueLine Harpman, psychanalyste et romancière, vit en Belgique On Lui doit récemment L'Orage rompu et Récit de Ila dernière année (Grasset, 1998 et 2000).
Postface par Blandine de Caunes
S'il était donné à Jacqueline Harpman de choisir l'objet de sa réincarnation, à coup sûr, elle serait une femme.
Mais quelle femme ? Celle qui, comme dans la nouvelle qui inaugure le recueil, se bat pour venger la mort de son père et celle d'autres résistants ? Ou encore celle qui, par peur de vieillir, enfante à près de soixante ans et se condamne elle-même ainsi que son enfant à vivre à l'écart du monde ?
" Les héros de roman ne meurent jamais ", nous dit Jacqueline Harpman, et l'on peut, longtemps après, poursuivre leur histoire. Julie d'Orsel est la soeur de Madeleine, qui est mariée au comte de Nièvres et aimée en secret par Dominique de Bray. Madeleine est définitivement fidèle à un époux qu'elle n'aime pas. Julie, elle, est une fille rebelle, ce qui, au XIXe siècle, en fait une femme non conventionnelle. Pour son malheur, elle est amoureuse de Dominique mais refuse que cette passion détruise sa vie. Elle tente alors de se divertir par le libertinage ou les études. " Peut-être en me lisant prendrez-vous conscience d'obscures similitudes qui vous feront rêver... " Ainsi Jacqueline Harpman, avec l'ironie subtile et l'impertinence qu'on lui connaît, raconte-t-elle la manière dont chacun s'interdit d'aimer.
" Je veux avant tout dire la vérité sur l'affaire du serpent.
Je suis indignée. Je me demande pourquoi l'Éternel laisse courir tant de mensonges. " Après tant d'années de silence, Ève nous révèle l'histoire
du péché originel. Et si la faute n'est plus celle que l'on a crue, elle n'en est que plus plaisante et ne manque pas de piquant. Un savant dosage d'espièglerie, de fantasme, de vie dédoublée compose ces nouvelles qui adoptent parfois un
ton plus énigmatique et visionnaire.
A n'en pas douter, Jacqueline Harpman sait nous conter des histoires !.
Les parcours littéraire et psychanalytique de Jacqueline Harpman ont suivi des voies parallèles, qu'elle a bien décrites dans diverses interviews et dans les articles ou ouvrages qui lui ont été consacrés. Découvrant la psychanalyse dès sa pré-adolescence à travers les écrits de Freud (probablement Totem et Tabou), découvrant très tôt la littérature française des XVIIIe et XIXe siècles à travers le roman dit psychologique, Jacqueline Harpman mènera de front l'écriture romanesque (à partir de la fin des années cinquante) et l'activité clinique et thérapeutique (à partir du milieu de la fin des années soixante).
Son expérience clinique n'a apparemment jamais contaminé son oeuvre littéraire. En revanche elle a toujours parfaitement su qu'un auteur laissait transparaître son propre inconscient et sa propre histoire dans tout ce qu'il écrivait.
On trouvera rassemblé pour la première fois dans ce volume un ensemble de textes, dont plus de la moitié sont inédits, autour de la problématique de la création littéraire et de la genèse des oeuvres, préoccupation majeure dans la pensée de Jacqueline Harpman.
Sous la plume de Jacqueline Harpman, Antigone, Marie et Jeanne d'Arc prennent la parole pour dénoncer les mensonges véhiculés à leur propos et rétablir de la sorte une forme de contre-vérité.
Comme ces modèles mythiques dont elles s'inspirent, d'autres voix féminines interrogent les rapports familiaux jusque dans leurs secrets les mieux gardés. Nous assistons alors à l'exploration des fantasmes inavoués, en voyeurs que nous ne cessons d'être.
Jacqueline Harpman Le Passage des éphémères « Et puis, les mortels me font tellement pitié ! Ils ont à peine le temps d'étudier une maigre partie du savoir humain que déjà la retraite les guette, ils regardent la mort qui arrive, ils écrivent leur testament et se nourrissent de médicaments. Moi, j'ai le temps. » Qui n'a pas rêvé d'immortalité
Clotilde a seize ans.
Elle est belle et elle pense, un brin cynique. elle rayonnerait si elle ne s'ennuyait dans sa province. s'endormir est immoral : elle rompt les amarres, quitte sa maison cossue, un père richissime et part à paris. elle flâne beaucoup, vole un peu, puis se met à traduire des romans de l'espagnol. mais paris lui enseigne que la province est partout : c'est une façon de sentir. or elle veut exister librement.
La seule façon d'être une femme, c'est de le devenir. la seule façon d'inventer, c'est de faire la révolution.
Une histoire de femme peu banale et une chronique acerbe des années soixante.
C'est une histoire cruelle, brève et sans illusions comme Jacqueline Harpman sait si bien les raconter. Au crépuscule de sa vie, Henri Chaumont, qui a su dissimuler un appétit pour les personnes de son sexe, considère tristement qu'il n'a pas assez vécu : « J'étais un jeune homme plein d'avenir, je suis un homme sans passé ; on se gaspille ». Des mondanités où ce célibataire se disperse dans un Bruxelles intemporel, serait-ce aujourd'hui ou était-ce hier ?, il a eu au moins une amitié féminine qui a résisté au temps, celle qui le liait avec la belle et féroce Emilienne Balthus. Au début du récit, Emilienne meurt, inconsolable depuis toujours d'avoir perdu son amant, le peintre Léopold Wiesbeck. Elle laisse ses carnets qu'Henri découvre, voyageant mentalement au hasard de ses regrets. Ainsi, enchâssé dans l'intrigue principale, se souvient-il aussi du suicide d'un adolescent qui pensait aimer Henri sans espoir de retour. Il n'avait pas compris qu'Henri lui ressemblait. Fatal malententu !
Il y a quelque chose du Henry James de La Bête dans la jungle dans ce conte macabre, élliptique, immoral, qui n'insiste jamais, mais où l'on se drape de gaieté à chaque deuil, où le sentiment se colore d'un merveilleux gris éternel.
Un homme et une femme qui ne se connaissent pas, un tête-à-tête de deux heures dans le TEE Paris-Bruxelles, des vies qui chancellent... Sait-on qui on est ? Peut-on quitter sa vie, sa femme, son jardin, pour une inconnue qui fait rêver ? Peut-on abandonner sur un coup de tête la quiétude trompeuse des renoncements qui ne disent pas leur nom ? Où est le courage ? Où est la lâcheté ? C'est à ces questions dont les réponses, quelles qu'elles soient, bouleverseront sa vie, que l'héroïne du nouveau roman de Jacqueline Harpman va tenter de répondre. Cornélie rentre chez elle, à Bruxelles, après l'enterrement de son ex-mari. Elle n'éprouve pas de chagrin : ils n'ont pas été heureux et leur divorce est déjà lointain. Au wagon-restaurant, on installe en face d'elle un homme distingué, " épouse au foyer, ulcère à l'estomac ", pense-t-elle distraitement, toute à ses souvenirs. La conversation s'engage, d'abord réservée, puis très vite, follement vite, ils découvrent qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Pendant deux heures, ils se racontent, ils se dénudent, ils oublient la pudeur et la réserve. Ils sont entre deux villes, ils voyagent sans bagages et ils ont oublié qu'on arrive toujours. Vont-ils oser ? Cornélie est-elle lâche ou raisonnable ? Et si le temps tue la passion, faut-il tuer ses passions ?
« Nous avions quinze ans et nous étions amies, Henriette Soriano et moi. Nous conversions sans cesse, le plus souvent à propos de littérature, mais nous ne reculions devant aucune des questions que l'humanité se pose. Nous avions débattu l'existence de Dieu, le sens de la vie, le destin de l'homme, et les vainqueurs probables de la guerre. J'adorais parler et que l'on me parlât, j'y voyais une preuve d'amour. » Pour la narratrice, le bonheur de l'amitié cultivée dans l'exaltation de la confrontation des points de vue, l'échauffement de la joute rhétorique va s'interrompre brusquement, au seuil de l'adolescence.
Nous sommes en 1942, à Casablanca, sous le protectorat français du Maroc. La narratrice, jeune fille juive qui a fui la Belgique et la France avec sa famille, fréquente le collège de la ville qui a bien voulu l'accepter elle, malgré ses origines, passées sous silence. La classe est composée d'élèves exilées. Avec Henriette Soriano, elles se réfugient dans l'étude, entièrement attachées à s'exercer au brio d'un certain esprit français et à rivaliser entre elles. Cette émulation trouve sa limite lorsque la professeur de français impose comme sujet de dissertation une phrase de Charles Péguy sur la douceur de la mort pour la patrie. Or, Henriette vit dans la peur pour son frère, envoyé au front, et joue dramatiquement, selon des idées convenues, le sacrifice héroïque de son frère. Irritée par son comportement excessif, la narratrice conteste la position de son amie. Elle ne soupçonne pas qu'elle va déclencher, en écrivant son « devoir » selon sa réflexion propre, un scandale dans le collège et qu'elle sera condamnée par le conseil de discipline à une quarantaine : l'interdiction de parler à qui que ce soit dans l'établissement pour quarante jours. Elle découvre alors que la Raison dont elle avait usée pour réfuter la vision de Péguy, pour repousser toutes les idées reçues, pour débusquer les contradictions, cette Raison qui doit être cultivée comme on le lui a enseigné, était démentie par l'école française !
Décrite comme un passage initiatique dans le monde des adultes, celui de la désillusion, de la cruauté et de la lâcheté, cette anecdote, loin d'être anodine, marque l'une des origines de l'écriture de Jacqueline Harpman, à peine dissimulée derrière la narratrice. De cette expérience de l'injustice, elle sortira renforcée dans sa conviction qu'il faut battre en brèche les idées toutes faites, les hypocrisies. Son caractère rebelle, sa rageuse ironie littéraire resteront trempés dans son immense orgueil.
Lauréate du prix Médicis pour Orlanda (Grasset, 1996) et du prix Victor Rossel pour Brève Arcadie (Julliard, 1959), Jacqueline Harpman, psychanaliste et romancière, vit en Belgique. On lui doit récemment L'Orage rompu et Récit de la dernière année (Grasset, 1998 et 2000).