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Marc Blanchet
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En s'intéressant à Souffle, pièce la plus courte (une page) et la plus brève (35 secondes) de samuel Beckett, Marc Blanchet étudie en trois temps une oeuvre sous-titrée « intermède » où Beckett, sous couvert d'ironie, livre une (petite) merveille cristallisant son art. Souffle est approché d'abord comme une partition, aux temps d'écriture et de didascalies égaux, à déchiffrer sans référence aux autres pièces ou proses (première partie : « une oeuvre en miroir »). Puis, dans une deuxième partie, Marc Blanchet traverse les livres de Beckett pour mettre en écho cette pièce sans comédien à travers l'ensemble des écrits, théâtre comme proses, de Beckett, voyant dans les ordures sur scène qui remplacent toute incarnation humaine « une exaspération du personnage comédien ». Une troisième partie, « Du berceau jusqu'au tombeau », interroge de manière plus vaste l'écriture beckettienne... non sans placer un « interlude » avant celle-ci pour raconter la mise en scène « loupée » et reçue avec colère par l'auteur irlandais en 1969. Ainsi se dessine un « souffle de Beckett » pour parler d'une écriture qui n'a cessé de dessiner un territoire cohérent dont l'essai de l'écrivain Marc Blanchet montre la vitalité toujours forte en y apportant un nouveau regard.
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Ce livre de Marc Blanchet se présente sous la forme d'un murmure infini qui ne s'adresse pas qu'à lui-même. Ce livre est composé de trois ensembles correspondant à trois mouvements de la parole poétique que désigne chacun de ses moments : « Frères, Forteresse, Roses ». S'agit-il d'achever ou de clôturer, des années après, l'effet de présences différées, celles de présences que l'on ne peut quitter, et qui le seront de toute manière, mais après une sévère prise de conscience, à la suite ou au cours d'une réflexion visant une échappée, si ce n'est pour vivre hors de toute assemblée. Cette suite poétique est saisissante. Venant après ses deux derniers livres de poésie - l'un publié aux éditions de La Lettre volée et intitulé Le Pays, en 2021, le second aux édition Obsidiane et intitulé Triste encore, en 2022 - elle s'accorde au plus intime de la vie sans ne jamais charger la langue de quelque représentation anodine comme c'est souvent le cas dans la poésie actuelle. Ce qui transparaît avec force lorsque l'auteur fait appel à l'évocation, aussi manifeste que discrète, des rapports qu'il laisse deviner tendus avec ceux et celles qui auront accompagné ou qui accompagnent encore les faits de mémoire passés ou du présent à l'instant révoqué. Alors que dans ce livre comme dans ses autres livres il ne laisse jamais un je expressif occuper tout l'espace de la parole au point de saturer son lecteur de lubies d'esthètes. Une part vive de l'enfance se trouve sans doute ici évoquée, certes, mais cette proximité avec ce qu'il désigne par le mot frères, lesquels sont appelés à s'évanouir, de telle sorte que leur retour et leur présence, par et dans la traversée des mots, par la magie de ceux-ci, et surtout par leur si fine association, n'ont plus l'heure d'effrayer. Entendons par là que la distance prise par rapport à ce qui aura été vécu, de l'enfance et de tout ce qu'elle aura porté et transporté, ne laisse place à aucune mélancolie. De plus, la parole poétique de Marc Blanchet, dans ce livre comme dans ses livres de poésie précédents, signale une acuité de la perception qui n'est pas sans rappeler l'oeil, et l'oeuvre, du photographe qui accompagnent toute sa démarche de création. Ce qui sépare les formes abstraites, en apparence, de son expression poétique, marquée par la saisie des expériences marquantes, est si mince que l'affirmation de ses replis et la présence de tout ce qui se tient au dehors de soi, chez lui, ne participe d'aucune complaisance. Cette poésie demeure de bout en bout extrêmement lucide face à la vie. La brièveté de ses poèmes, du fait de leur densité, offre peu d'équivalent dans la poésie contemporaine : J'étais sans parole. // Des heures dans la chambre, / avec l'attente pour collier. / Aboyant pour dire oui. // Et complaire.
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Méditations et autres brièvetés : proses fantasmatiques
Marc Blanchet
- Lettre Volee
- 13 Septembre 2013
- 9782873172954
Composé de 124 fragments, et d'un long texte intitulé « Nous sommes notre propre imitation », cette « prose fantasmatique » poursuit un travail amorcé avec la publication L'Éducation des monstres à La Lettre volée en 2009. En numérotant ses fragments, en les regroupant sous certaines thématiques sans les nommer (l'enfance ; l'écriture ; la féminité ou la narration de « caractères », par exemple), Marc Blanchet joue avec la notion de savoir. Cette prose dès lors fait alterner divagations, écrites avec ironie et vivacité, et de plus sérieuses pensées, proches parfois de l'aphorisme. On la peut décrire comme « nietzchéenne », dans son utilisation du fragment tel qu'il fut pratiqué par le romantisme allemand puis plus spécifiquement par le philosophe lui-même. Cette indication ne vaut que par le refus de l'auteur de toute affirmation, une défiance amusée devant tout épanchement ou tout didactisme. Alors même que la figure de l'auteur est ici le personnage principal. Les fragments peuvent ainsi s'ouvrir en fictions avortées, se changer en essais, se diviser en nuances ou considérations. Peut-être cette prose tout en variations s'essaie-t-elle à une forme d'humanité nouvelle, où l'auteur joue de ses créations comme il espère que le lecteur le fera à son tour. Seulement cela s'enracine ici, malgré la légèreté apparente, avec une profondeur qui fait de ces « petits écrits » un ouvrage de pensée où prédomine, avec ce refus de toute autorité, une importance du fantasme comme condition de connaissance du monde.
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Un livre de poésie où toute l'ironie d'une parole au présent est traversée par une lucidité et une hardiesse confondantes. S'il ne s'en tenait qu'au titre, le lecteur se tromperait sans doute d'entrée. Il ne s'agit ni d'une évocation consensuelle ni d'un chant évoquant le pays d'origine. Cette suite poétique cherche moins à mettre de l'ordre qu'à saisir le désordre de la vie telle qu'elle peut se vivre à notre époque. En arrière-plan de cette analyse des jeux et des enjeux du monde, la dimension autobiographique dissimule une ironie lucide et sans complaisance. Plus encore, ce qui devrait retenir au plus haut point le lecteur est l'exigence de devoir s'arrêter longuement sur chaque poème, aussi bref soit-il, enfin d'en explorer les diverses coutures, car l'art de Marc Blanchet est bien de révéler un monde que l'on ne peut décliner en quelques formules : « Temps nouveaux, écrit-il. La faim n'a plus de quoi mordre. / Quelle leçon pour la moindre révolte ! / Bouche close / Abandonnez-vous à cette vérité : / La colère ne nourrit plus son homme. »
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L'ambition de Marc Blanchet est présente dans chacun de ces vingt-trois courts récits qualifiés par l'auteur de "proses fantasmatiques" : un auteur n'est que la somme de ses obsessions. Aussi, à travers critiques et fantasmes, inventions et défiance devant le charme de l'imagination, l'auteur ne cherche pas à faire d'un "travail sur le langage" une fin en soi. Une telle indication n'a d'intérêt que si cela ouvre un monde. L'ouvrage malgré ses sections demeure indivisible : c'est une progression, où le poète tente de faire entrer le romancier en lui, n'y parvient jamais vraiment, tant surgissent personnages, situations, envies, attentes ou espérances pour devenir lematériau même de l'écriture. De la venue d'un jeune prince autrichien en exil à la révélation sur "les vertes vallées" à l'aube de tout texte ou la nécessité de l'auteur d'être aumieux avec autrui sans rien sacrifier de ses peurs ou désirs, Marc Blanchet construit un monde, le détruit pour le pur bonheur d'une théorie dont l'acceptation est avant tout un consentement demandé au lecteur. L'ouvrage, véritable théâtre de marionnettes, marque une nouvelle étape dans un parcours singulier commencé avec la poésie et poursuivi par des récits et des essais sur la peinture, la musique et la littérature.
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Dans la continuité de L'Éducation des monstres et Méditations et autres brièvetés, Marc Blanchet poursuit la publication de ses « proses fantasmatiques ». Valses et enterrements se présente comme une suite de courtes proses narratives articulées autour de la figure d'un écrivain solitaire. Désireux d'écrire un vaste roman qui le ferait reconnaître de ses contemporains et signerait une vision unique de son temps, un auteur s'inscrit en parallèle à des cours de danse, avec une préférence pour la valse. Tout s'effondre : le roman s'effrite en de petites proses qui paraissent plus vraies que toute prétention romanesque pendant qu'une douzaine de danseuses meurent aux côtés du narrateur. Ensemble de proses rêveuses et sensuelles, Valses et enterrements est un récit morcelé fait d'ironie et d'apartés, et s'avère une méditation sur l'écriture à travers la création de figures amoureuses insaisissables.