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Michel Lambert
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Un écrivain crée des personnages, s'y attache, puis les oublie au profit d'autres. Parfois, ils lui reviennent à l'esprit et il décide de faire renaître ses chers fantômes du passé. C'est ce qu'a fait Michel Lambert dans ce recueil où resurgissent douze nouvelles proches et lointaines, semées tout au long de son parcours d'écriture.
Ce recueil est suivi d'une interview inédite sur les différents types de nouvelles, leurs auteur(e)s, leurs techniques... -
Les nouvelles de ce recueil racontent la confrontation entre des personnages qui se ressemblent ou pas, qui s'aiment ou pas. Chaque histoire est un spectacle qui met en scène des êtres pour qui l'heure de la vérité a sonné. Peut-être... Pas sûr. C'est si difficile. Parfois ils se taisent, parfois ils parlent trop, parfois ils rient pour une bêtise, parfois ils mentent, il leur arrive même de toucher la cible en plein coeur. Croient-ils. Quelle importance après tout, pourvu que le ciel qu'ils contemplent si souvent ne leur fasse pas faux bond. Michel Lambert est l'auteur d'une vingtaine de livres, romans et recueils de nouvelles. Il a obtenu de nombreux prix littéraires, dont le prix Rossel et le Grand Prix de la nouvelle de la SGDL.
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On peut larguer sa vie, s'offrir un examen de conscience ou acquérir la conviction qu'au final tout n'est qu'une question d'honneur. Dans ce recueil de nouvelles, des instants intimes, où l'on entend doucement un destin se fêler, passent résignés sous le regard acéré de Michel Lambert. Et soudain des brèches entières apparaissent, ouvrant aux lecteurs la profondeur de champ de ces instantanés. Michel Lambert ne décrit jamais le spectaculaire, mais le lent enlisement des hommes dans les ornières de la vie. La répétition engendre un rituel. Tailler son crayon. Croquer un sucre. Autant de gestes anodins qui, multipliés à l'infini, acquièrent une densité insupportable.
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Dieu s'amuse se compose de neuf nouvelles. Michel Lambert y décrit la complexité des sentiments humains (la peur, le regret, la honte). Chaque nouvelle est l'occasion de retrouvailles avec un passé douloureux dont les personnages ne sont pas quittes. Ce sont des récits mettant en évidence la relation à l'autre, de tout type soit-elle. Dans ces fresques du quotidien, le passé réapparait dans une ambiance à la fois étrange et loufoque. Une écriture sobre et progressive permet de faire découvrir au lecteur les déambulations de personnages authentiques. Cette atmosphère tendue s'installe, se développe, mais annonce une fin où perce rédemption, espoir ou compassion.
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« Lorsque, quelques semaines plus tard, le scénario fut enfin achevé, je n'avais toujours pas revu Betty. J'avais tenu bon, m'étant forcé à partager la destinée de mon personnage. Cependant, à la différence de celui-ci, je savais où la retrouver, mon inconnue d'une nuit. Par ailleurs, à bien y réfléchir, je n'étais pas sûr que nous ayons vécu tout à fait la même chose, lui et moi. La jeune fille brune et lui avaient connu une sorte de communion totale, un accord parfait, indépassable des corps et des émotions. De la tendresse pour toute une vie. Betty et moi, qu'avions-nous cherché, sinon à apaiser notre faim ? Ce qui pouvait expliquer pourquoi mon obsession, à l'inverse de celle du personnage, avait connu tant de hauts et de bas, des relâchements. » Un réalisateur travaille sur l'adaptation de La Jeune fille brune, roman du grand écrivain yougoslave Alexandre Tisma (1924-2003). L'histoire est simple : un homme revient sans cesse dans une petite bourgade sans prétention où il a connu autrefois une nuit d'amour mémorable. Le projet, cependant, piétine. Outre les problèmes de budget qu'il soulève, il suscite de nombreuses réticences imprévues chez les membres de l'équipe. Complices artistiques depuis trente ans, ils ont, en effet, essuyé bien des désillusions tant personnelles que professionnelles et, comme le héros de Tisma, gardent en eux une part de nostalgie et de rêve inassouvi.
Quand il ne recherche pas un ciel « vraisemblable », en accord réel avec sa vision, le réalisateur se rend compte qu'il est en train de vivre exactement la même histoire d'amour inconsolable que le personnage de La Jeune fille brune.
Une seconde chance, voilà ce qu'il voudrait...
Une aventure avec une jeune inconnue nommée Betty va rouvrir la boite de Pandore de la nostalgie blessée et créera le drame.
Cette splendide dérive entre rêve et tentative désespérée de retrouver le paradis perdu de la toute première fois avant qu'il ne soit trop tard s'accomplit sur fond de grisaille quotidienne et de lutte de tous les instants. Déployant la subtile tension de la fêlure, Michel Lambert nous entraîne tour à tour dans l'extase et la chute au gré d'un réveil brutal. Magistral.
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" Alors, la gorge serrée, Martial comprit que son frère n'avait que lui, n'aurait jamais que lui - lui seul parmi les milliards d'individus qui peuplaient la planète.
Il comprit du même coup ce que signifiait admirer quelqu'un en secret, dépendre de quelqu'un, l'attendre tous les jeudis, et à quel point l'être humain devait se montrer endurant pour supporter de telles humiliations. " Bruxelles, un printemps pluvieux. Martial, artiste qui a du mal à vendre ses tableaux, rencontre une femme désespérée et l'aide à retrouver l'envie de vivre. Serait-ce le début d'une histoire d'amour ? Non, Martial a peur d'aimer.
Il n'admet que le plaisir et l'amitié. Et encore, car sans cesse l'accompagne l'ombre d'un frère " pas comme les autres ". Changera-t-il au fil des mois où d'autres inconnus entreront dans sa vie, lui faisant voir plus clair en lui-même à travers leurs propres inquiétudes ? Nostalgiques d'un bonheur peut-être jamais connu, les personnages de Michel Lambert se rapprochent et s'éloignent dans la grisaille d'un quotidien émaillé d'instants de lumière, de cocasserie.
Désabusés mais persistant à croire, ils nous transmettent la beauté de leur espoir.
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Lisez les nouvelles de ce recueil, sans doute le plus remarquable de tous ceux qu'a déjà signés Michel Lambert.
Son thème majeur, la solitude, y est traité avec une maîtrise jamais égalée auparavant. De quoi est-il question ? De coeurs brisés, de deuils, de trahisons, d'échecs cuisants ou de secrets de famille... Choses déjà racontées mille fois, dira-t-on. La force mystérieuse et invincible qui monte de ces nouvelles vient d'ailleurs. Elle s'explique par l'art infiniment subtil du dévoilement et du retardement auquel l'auteur a recours pour traduire l'ineffable de la solitude, un drame dont on ne se débarrasse pas en se confiant simplement à une âme compatissante. La solitude épouse, ici, la consistance fuyante des nuages : peuplée d'ombres dont la nature et la forme fantastiques explosent tout à coup pour introduire un autre sentiment connexe au mal être : la terreur. Qu'on ne s'y trompe pas. Le registre de Michel Lambert demeure celui du réalisme, servi par une minutie d'observation et un rare instinct de la montée en crise et des variations psychologiques les plus infimes, quasi météorologiques. Qui mieux que Michel Lambert parvient à ancrer dans le quotidien le plus banal, l'irruption de la fatalité la plus singulière, exprimé par un style soudain magique ? Écoutez les conversations qu'il nous rapporte. Des conversations de tous les jours, qui se poursuivent entre des regards et des gestes, eux aussi, familiers à notre mémoire. Sauf qu'il s'y cache cette troisième présence, brouillant la ligne, celle du double et du doute : quand le personnage se regarde trente ans en arrière et renie tout bas l'être qu'il a été. Aucun secret ne nous est révélé en ligne droite. La solitude s'appuie, ici, sur un réseau de relations complexes, mise en scène d'une manière qui, toujours, obéit au sens de la désorientation et pour cause... La qualité quasi photogénique rendue à l'énigme des personnages frappe peu à peu le regard. Quand leurs silhouettes d'êtres égarés, seuls sur Terre, se détachent tels des fantômes en avance sur leur propre mort. Entraînés par le flux continuel qui animent les grandes villes, ils lèvent aussi les yeux vers le ciel et c'est alors qu'apparait toute la dimension de l'oeuvre lambertienne : quand ce moment d'éternité se fixe, comme en surimpression, divin et consolateur, au-dessus de la solitude si misérable à l'échelle humaine.
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Clément arrive sur le tournage d'un film, pour un reportage, avec en poche une lettre recommandée dont il a décidé de retarder la lecture.
C'est le soir de la "fête des filles", et il retrouve l'ambiance familière des plateaux. Dans une atmosphère de tension sociale -la ville est le théâtre de manifestations répétées-, le tournage se présente sans surprise : heurts entre les acteurs, contraintes techniques, amours sans lendemain... Pour Clément les choses sont plus difficiles. Il est hanté par le mutisme de son fils, dont la révolte muette est aussi bruyante que celle des manifestants, dehors.
L'artifice de la fabrication du film, la farce qui se joue devant la caméra comme derrière conduisent paradoxalement les personnages à se révéler. Et la vérité naîtra, peut-être, de tous ces mensonges...
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Un journaliste est chargé d'organiser un grand concours de sosies.
Mais les sentiments, l'amour en particulier, n'ont-ils pas eux aussi leurs sosies ? Deux hommes se rencontrent à la suite d'une annonce nécrologique : l'un triche ; et l'autre ? Les jours de cafard, un homme et une femme se donnent rendez-vous au deuxième étage d'un immeuble qui domine la ville. A la fête des anciens, un couple en crise assiste aux tours de magie d'un prestidigitateur. Un voyageur et la réceptionniste d'un hôtel...
Un peintre et son élève sous la lumière d'un soir... Deux amants dans une chambre alors que se dispute la grande finale... Les personnages de ces nouvelles nous ressemblent étrangement. Leurs couleurs sont les nôtres, certains jours. Une touche de lâcheté. Une touche de mélancolie. Une touche de cocasserie. Une touche de bonté. Et une touche de désastre.
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« Il lui semblait que son visage, à défaut de lui être familier, lui rappelait quelqu'un, à moins que tous, aussi dissemblables fussent-ils sur les photos du site, n'aient le même visage, le même air, à la fois inconnus et universels. » Une blonde, au physique avantageux, la quarantaine passée, comptabilise d'innombrables heures à paresser à la terrasse de son café habituel comme à y multiplier les rendez-vous aussi express que jetables, résultat d'une consultation régulière d'un site de rencontres sans... « lendemain ».
« Plus tard, alors que nous longions le fleuve en silence, il se tourna brusquement vers moi, empoigna mon bras, le serra si fort qu'il me fit mal. Il me fixa, le regard suppliant, jusqu'à ce que je détourne les yeux. D'une voix sourde, tout en maintenant la pression, il murmura :
- Ma femme est morte ce matin.
Je ne répondis rien parce que, sur le moment, la première pensée qui me traversa l'esprit était que son haleine empestait le whisky et le cigarillo. Et peut-être aussi parce qu'il m'avait donné l'impression de se sentir en faute. L'instant d'après, il était trop tard. De toute façon, il n'y avait rien à répondre.
Il lâcha mon bras, respira très fort plusieurs fois de suite, toussota, inspecta un instant le ciel étoilé.
- Demain, il fera beau.
- Tout à l'heure, rectifiai-je.
Il se tourna vers moi, interdit.
- C'est vrai, nous sommes le lendemain, dit-il d'une voix à peine audible. » Deux solitaires se sont croisés, un soir de réveillon., à la sortie d'un cinéma. Le plus âgé entraîne le plus jeune à ses côtés et tous deux finissent en boîte de nuit. Mais le silence tendu du premier contraste violemment avec la frénésie du second bien décidé à fêter la nouvelle année. Le « lendemain » seulement, c'est-à-dire trop tard... l'écervelé découvrira le drame de son désormais inconsolable compagnon de fête forcée.
« Elle était assise à la terrasse du Continental, sur le boulevard de la Rénovation, à deux pas des principaux ministères, de la Bourse, des grands journaux. Je venais de traverser distraitement. D'où j'étais, j'apercevais, installés à l'autre bout de la terrasse, un ancien Premier ministre et un homme d'affaires connu, mais ç'aurait pu être un trader, une vedette de cinéma ou du showbiz, voire un truand au masque affable. Ou un couple people. Traîne souvent dans le coin l'un ou l'autre paparazzi. Dans une autre vie, j'ai été l'un d'eux, enfin presque. Et dans une autre vie encore, j'ai moi aussi fixé des rendez- vous au Continental, j'y ai même, folie suprême, loué une chambre avec suite. Pour l'épater. » Un homme retrouve une femme à une terrasse d'hôtel cossu. Des années ont passé. Lui est en nage, un peu accroc à la bouteille. Elle semble encore plus mince, encore plus dure et encore plus riche qu'avant derrière ses lunettes noires. On dirait une photographie, une image figée de Hopper où le temps n'a pas progressé d'un pouce. Son ancien amant tente de se remémorer leur passé en vain. En vain, tente-t-il également d'inventer à cette femme étrangement statique et insensible un avenir, un « lendemain ».
Michel Lambert nous fait pénétrer à nouveau dans l'univers chancelant des couples ou des compagnons de route improbables, des secrets douloureux à retardement, des derniers pas que promènent, au fil d'un poignant chant du cygne, ceux qui ne pourront plus jamais se retrouver comme avant, dans l'illusion ou le fantasme, soudain surpris par l'éternel lendemain et sa lumière trop forte et trop blanche.
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Editions du Rocher, 20*13.5 cm, 211 pages.
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