La Balade du Grand Macabre (1935), du grand écrivain d'origine flamande, est une farce foisonnante, truculente, fleurie, qui reprend un thème ancien, celui de la Mort en personne venue «se balader» sur terre pour faucher tous les vivants, et se laissant entraîner à boire au point de passer elle-même pour morte. C'est en Breugellande, pays de Bruegel, que se déroule l'aventure, et ce sont de joyeux drilles qui enivrent la Mort, la croient morte, et se croient morts eux-mêmes au terme d'une prétendue fin du monde. Mais la Mort n'était qu'un fou qui se prenait pour elle ; le pays est débarrassé des méchants, morts de peur ; seuls survivent les joyeux compagnons, et deux amoureux qui referont le monde. Tout finit par la victoire de la vie et de l'espoir.
Ces deux pièces sont les plus caractéristiques d'un art aussi original par l'écriture que par le choix des sujets.Escurial (1928) se déroule vers le XVI? siècle dans un palais et confronte un roi d'Espagne à son bouffon flamand, pendant qu'agonise la reine. On apprendra, au cours d'un jeu sinistre où les deux hommes échangent leurs rôles, que le bouffon a aimé la reine ; lequel des deux rivaux va mourir ?La seconde pièce, Hop Signor ! (1938), se passe à Malines au début du XVI? siècle ; elle met en scène un sculpteur au corps difforme, qui ne peut rien créer que «d'âpre ou de convulsé» comme lui, qui est incompris dans son art et malheureux en ménage parce que incapable d'éveiller sa femme Marguerite à l'amour. Tout son entourage se moque de lui. Il finira berné sur une place publique, aux cris de «Hop Signor !»...
Dans Escurial, le roi se rit de la mort de la reine dans un lugubre château espagnol et demande à son bouffon Folial de le divertir. Le roi et son amuseur échangent leurs rôles dans un jeu macabre où la vérité transparaît : le souverain a fait empoisonner sa femme et exécute finalement son bouffon parce qu'il a appris sa liaison avec la reine - Barabbas n'est autre que le brigand relâché à la place du Christ le jour de sa crucifixion. Le criminel se questionne sur sa libération et sur l'homme qui est exécuté à sa place, avant de se révolter contre ce qu'il considère comme une injustice.
Dans cette pièce sur la Passion du Christ, Ghelderode imagine ce qu'a pu être cette dernière journée avant la mort de Jésus pour ses proches, mais aussi pour le peuple de Jérusalem.
Né à Bruxelles, Michel de Ghelderode (1898-1962) occupe un rôle majeur dans la crise du théâtre moderne. Ses pièces, écrites dans un français truculent, mais teintées d'influences résolument flamandes, s'inscrivent dans un univers burlesque et tragique. De Ghelderode est reconnu tardivement en Belgique, alors qu'il connaît le succès de son vivant internationalement. Il a écrit de nombreuses pièces (Barabbas, La Mort du Docteur Faust, La Balade du Grand Macabre) avant de passer aux contes.
Le théâtre de Ghelderode est une oeuvre dramatique étrange, parfois brûlante, et qui porte en toutes ses parties la marque de l'extraordinaire personnalité de son auteur. Michel de Ghelderode, né en 1898 à Ixelles (Brabant), mort en 1962 à Bruxelles, a commencé à écrire pour le théâtre à la fin de la guerre de 1914, et a clos son expérience dramatique à la veille de celle de 1939. Son oeuvre se compose d'une cinquantaine de pièces d'une truculence et d'une verve toutes flamandes. Leur violente jeunesse défie le temps. Écrites par un Flamand de langue française, elles mettent en scène, dans une langue forte et savoureuse, les démons et les saints qui hantaient les rêves de la Renaissance flamande : moines bons et mauvais, bourreaux, rois fous, seigneurs pervers, populace croyante et fière ; mais, aussi, l'homme d'aujourd'hui, partagé, déchiré, tiré à hue et à dia, à Dieu et au diable.
Véritable diptyque testamentaire de la dramaturgie et de l'univers ghelderodiens, ces deux pièces, qui plongent dans la mémoire mythique du XVIe siècle et qui évoquent aussi bien Philippe II que Charles Quint, tournent autour de personnages dont les textes mettent en scène la disparition et les funérailles. Antidatées par le dramaturge, elles constituent ses deux dernières grandes réalisations théâtrales.
Dans une ville d'Europe, au lendemain d'une guerre et à la veille d'une autre, Pantagleize, " philosophe de profession " s'interroge sur sa vie : un horoscope lui a prédit que son destin débuterait à l'aube de ses quarante ans pour cesser le soir même.
Et il a quarante ans aujourd'hui. Lors de sa promenade quotidienne, il s'adresse aux passants par une de ses phrases-types, banales, conventionnelles : " Quelle belle journée ! ". Or ces mots servent de signal à une bande de conspirateurs et Pantagleize déclenche ainsi une révolution... Un des grands classiques de Ghelderode !
La mort du docteur faust (1925) remet en scène, pour mieux le démystifier, le célèbre héros de goethe qui vendit son âme au diable.
Illustrant la double identité de l'acteur à la scène et à la vie, cette tragi-comédie porte à son comble l'illusion théâtrale. au cours de la veillée funèbre de l'évêque jan in eremo, une rumeur se répand parmi les prêtres de l'épiscopat : la mort de l'évêque ne serait pas naturelle. satire d'un certain cléricalisme, fastes d'enfer pose un regard sur la mort et ses masques.
L'unité du théâtre de Michel de Ghelderode est dans son ton, à la fois truculent et prophétique, comique et désespéré, plein d'images sombres et violentes. Dans ce quatrième tome, il évoque notre temps, le XX? siècle, aussi fortement que la Flandre médiévale ou renaissante. Le passé apparaît dans ce volume en plusieurs endroits : d'abord dans le grand «mystère» de Marie la misérable qui fut créé en 1952 sur le parvis de l'église de Woluwe-Saint-Lambert-lez-Bruxelles, et dont l'action, toute sainte et toute mystérieuse, se situe en 1302 ; on le voit aussi, mais sous forme de travesti de carnaval, dans Don Juan, drame sur la séduction, la beauté et leur dérision. Enfin le passé se manifeste plus subtilement dans des pièces comme Les Vieillards et Le Club des menteurs qui, par leur simplicité, leurs moralités éclatantes, font songer au grand théâtre d'autrefois. Le recueil se clôt par une pantomime, Masques ostendais. Inspiré du carnaval d'Ostende et suggéré par certaines toiles de James Ensor, ce morceau, dit l'auteur, «constitue un essai de réhabilitation d'un genre oublié et injustement dédaigné».
Pour le vingtième anniversaire de la mort de Ghelderode, ce tome VI de l'édition de son théâtre regroupe six oeuvres courtes. Le sommeil de la raison est une sotie qui montre l'Homme, le Pitre et Barnum dans une baraque foraine, aux prises avec des personnages qui symbolisent les sept péchés capitaux. Le singulier trépas de Messire Ulenspiegel est un petit acte assez vif, où Tyl Ulenspiegel, que l'on croyait mort, surgit dans la ville de Damme pour y mourir enfin «pour de bon» dans un dernier éclat d'espièglerie. Le perroquet de Charles Quint et La folie d'Hugo van der Goes sont deux pièces en un acte, dans le ton hispano-flamand de certaines grandes pièces de Ghelderode. On dirait des miniatures de ses chefs-d'oeuvre. La grande tentation de saint Antoine est une cantate burlesque où l'on entend le saint ermite qui inspira Hiëronymus Bosch, toute une hiérarchie de diables, un carillon, des animaux, un orage, des anges. Enfin, Noyade des songes est un ballet qui se déroule sous la mer, avec un poulpe pour récitant. Dans la bigarrure de ces oeuvres courtes, on retrouve, comme toujours chez Michel de Ghelderode, la transposition littéraire des formes drolatiques et inquiétantes des grands primitifs flamands.
Délaissant le théâtre au profit du conte, Ghelderode écrit avec Sortilèges et autres contes crépusculaires un recueil inquiétant et fantastique. Un des personnages rencontre le diable au coeur de Londres, pendant qu'un autre enferme le démon dans un bocal. Un chat hante le jardin d'une maison étrange et les statues s'animent, se confondent avec le narrateur.
Les ambiances cauchemardesques se côtoient et la Mort se laisse distraire de ses victimes. Ces textes condensent tout l'univers de Michel de Ghelderode dans une prose pleine d'épouvante et de frissons, mais surtout peuplée des lancinantes angoisses du célèbre dramaturge.
Ce deuxième volume du Théâtre de Ghelderode contient six pièces qui, tant par leurs dimensions que par leur diversité, donnent une juste idée de leur auteur. On trouvera ici Le Cavalier bizarre, qui nous montre des vieillards dans un hôpital, attendant la mort ; mais quand la mort vient, c'est un enfant qu'elle emporte. - La Balade du grand Macabre retrace les aventures d'un ange ridicule et effrayant, Nékrozotar, l'ange de la Mort, qui se promène dans une ville en chevauchant un ivrogne. - Trois Acteurs, un drame... (ou : les démêlés tragiques d'un auteur avec ses interprètes) fait songer à quelque Pirandello élisabéthain. - Christophe Colomb ne se contente pas de découvrir l'Amérique, il se découvre lui-même à travers la renommée et les siècles . - Les Femmes au Tombeau pleurent le Christ dans la maison de Judas. - Enfin La Farce des Ténébreux nous raconte sur le mode tragi-comique l'aventure de Fernand d'Abcaude, «gentilhomme d'excellent renom et de faible constitution».
Ce troisième volume du Théâtre de Michel de Ghelderode contient cinq pièces. La Pie sur le Gibet est une de ces kermesses flamandes à la Breughel qu'affectionne Michel de Ghelderode et qui lui fut inspirée par le célèbre tableau de ce titre du Maître flamand. Au milieu de cette kermesse se dresse un gibet peint en rose et surmonté d'une pie qui parle. Que dit la pie ? Des choses très simples et assez immémorialement vraies. C'est un bon philosophe de la Vie et de la Mort. Pantagleize. Le jour de son quarantième anniversaire, Pantagleize se lève avec l'intention de dire à tout le monde : «Quelle belle journée !» Cette phrase innocente déclenchera une révolution, et le destin du pacifique Pantagleize s'accomplira dans le sang. D'un Diable qui prêcha merveilles. Quand un diable prend, en chaire, la place d'un saint homme, son sermon est une assez curieuse rapsodie ! Les pécheurs de Brugelmonde l'écoutent avec une satisfaction horrible, et un fameux soulagement. Et le diable part à Rome... Sortie de l'Acteur. Renatus est un être faible et impressionnable. Les drames qu'écrit son ami Jean-Jacques l'ont si profondément marqué qu'il en meurt. Cette pièce, pleine de sous-entendus, de mystères et de symboles, est peut-être la plus «strindbergienne» qu'ait écrite Ghelderode, qui la considère comme son testament théâtral. L'École des Bouffons. Le grand Folial, bouffon de Philippe d'Espagne, dirige une école de bouffons. Ses élèves, qui sont envieux et méchants, montent sournoisement un spectacle en son honneur. Ce spectacle reproduit la mort de la fille de Folial. Folial est plus fort que ses persécuteurs et résiste à l'émoi qui le terrasse en cette culminante et mortelle séquence. Il flagelle les pitres et, avant de les chasser, apprend à ses élèves le secret de son art : «Lesecret de notre art, du grand art, de tout art qui veut durer : c'est la cruauté !» N'est-ce pas aussi le secret - un des secrets - de Ghelderode ?
Écrites entre 1918 et 1934, ces sept pièces sont particulièrement représentatives de l'oeuvre du grand dramaturge belge. Le soleil se couche... met en scène Charles Quint, dans sa retraite du couvent de Yuste, confronté à un sorcier arraché provisoirement au bûcher de l'Inquisition qui lui apprend le moment de sa mort. Charles Quint n'en doute plus lorsque, sur l'ordre de son fils Philippe Il, on le force à assister à la répétition de ses funérailles. Les aveugles sont une moralité inspirée du tableau de Breughel l'Ancien. Dans Barabbas, le bandit dont le peuple juif demanda la libération à Pilate, de préférence à celle de Jésus, est touché par la grâce, tente de créer un «royaume des gueux» anarchiste, et va être mis à mort à son tour. Le ménage de Caroline est une pochade ou un «acte forain», La mort du docteur Faust une «tragédie pour le music-hall» , Adrian et Jusemina un divertissement d'après une tapisserie ancienne, une bergerie. Piet Bouteille conte la confession et la mort tragi-comique d'un paysan du Brabant.
Textes de littérature moderne et contemporaine a pour ambition de donner des éditions critiques renouvelées des grandes oeuvres littéraires et de rendre accessibles des textes inédits, dispersés ou introuvables.
" C'est dans ce cabaret sonore et enfumé que la Mort entra, un jour... Il y eut un souffle polaire qui m'enveloppa, comme le vent d'une aile. Je me trouvai mal à l'aise, soudainement, pris de frissons et de vertige. Voyant toute chose en noir et blanc, j'eus un besoin d'air frais, et je sortis vacillant dans un silence subit, refusant l'aide de Léonard, qui devait me croire ivre. A la rue, je sentis le trottoir se dérober sous mes pas et j'allais m'effondrer, lorsque je fus redressé par une poigne solide. " A travers les douze contes, curieux et sombres, qui composent ce recueil, Michel de Ghelderode recrée l'univers de ses pièces de théâtre ; on y retrouve ce même esprit, cette même couleur. Avec un sens poétique indéniable, il aborde les thèmes qui lui sont chers : obsession de la mort et hantises métaphysiques, et mêlant l'imagination, la fantaisie et le rêve, il mène le lecteur dans les tréfonds des ténèbres, là où se trouvent fantômes, masques grimaçants et autres monstres...
Ce deuxième volume de la Correspondance de Michel de Ghelderode évoque en premier lieu la suite mouvementée de la collaboration du dramaturge belge (1898-1962) à l'expérience passionnante du Vlaamsche Volkstooneel, dont la genèse et la création de Barabbas en mars 1929 constituent l'apogée.
Des Notes abondantes et un précieux Répertoire des correspondances facilitent et enrichissent la lecture des lettres et ouvrent d'intéressantes pistes de recherche sur la Belgique littéraire et artistique des années vingt.
Ce troisième volume de la Correspondance de Michel de Ghelderode évoque tout d'abord la fin, en avril 1932, de la collaboration du dramaturge belge (1989-1962) au Théâtre Populaire Flamand et ses premiers succès, en 1933-1934, dans les théâtres francophones de Bruxelles.
Des Notes abondantes et un précieux Répertoire des correspondances facilitent et enrichissent la lecture des lettres et ouvrent d'intéressantes pistes de recherche sur la Belgique littéraire et artistique des années trente.
Ce septième volume de la Correspondance de Michel de Ghelderode couvre la période 1950-1953. Deuxième, et principale, des trois phases de la " ghelderodite " parisienne, elle " éclata " en juillet au Concours des Jeunes Compagnies, quand Fastes d'Enfer et Mademoiselle Jaïre y remportèrent respectivement le Grand Prix et la troisième place. Elle atteignit son premier point culminant en octobre, lors du houleux scandale provoqué au Théâtre Marigny par la reprise de la pièce couronnée. Les lettres de cette période permettent de cerner la portée exacte de cette " ghelderodite aiguë " : six pièces différentes représentées à Paris en 1947-1949, douze en 1950-1953. On y mesure également son importance pour l'histoire du théâtre puisqu'elle joue un rôle de transition en préparant le public au " nouveau théâtre " d'Ionesco et de Beckett. Ces lettres permettent également de suivre au jour le jour l'état d'esprit dans lequel le dramaturge a vécu sa " brusque ascension ". S'il déplore que son asthme ne lui permette pas d'aller goûter sa " revanche " à Paris, il espère que la Belgique, réparant le mal qu'elle lui a fait à l'époque de la répression, lui apportera enfin la " sécurité morale et matérielle " dont il a besoin pour achever son oeuvre. Le ministre de l'Education nationale lui refuse toutefois le poste de conservateur du musée Wiertz et l'Académie lui préfère le poète Edmond Vandercammen. Ghelderode ne retombe cependant pas dans ses récriminations paranoïdes de l'époque couverte par le volume VI. Après avoir réussi à reprendre la plume - pour la première fois depuis 1943 - et à rédiger Marie la Misérable, il est tout heureux lorsqu'à la fin de 1953, le jeune Théâtre de Poche de Bruxelles monte sa pièce Pantagleize qui inaugure ainsi une espèce de " ghelderodite " bruxelloise. Des Notes particulièrement abondantes, rassemblées pour la première fois dans un volume à part entière, complètent l'information fournie par les lettres sur la réception parisienne du théâtre ghelderodien. Un volumineux Répertoire des correspondants ouvre de nombreuses pistes de recherche sur la Belgique littéraire et artistique ainsi que sur la France théâtrale d'après la Libération.