Philippe Herbet
-
Philippe Herbet est photographe. Il aime photographier les gens qui lui racontent leurs histoires de vie lors de ses voyages, notamment en Russie, où il vit une partie de l'année, et en Orient. Il a fui une enfance terne et difficile, à l'image de celles magnifiées dans l'oeuvre des frères Dardenne.
Mais combien faut-il avoir traversé de pays pour pouvoir un jour se retourner sur sa propre enfance ? Et découvrir ainsi dans le modeste et l'ordinaire, dans le silence d'une enfance parfois malheureuse, le sentiment de la joie. -
Dis-moi qui tu hantes...
Qui fut - ou qui est - Albert Dadas? Peut-être un énigmatique voyageur, l'un des premiers « dromomanes » diagnostiqués à la fin du XIXe siècle: en cette période des nations et des frontières, zébrée par les vagabondages en tous genres, ce modeste employé du gaz bordelais est atteint d'un « automatisme ambulatoire » qui le mène, longuement ou brièvement, de Valenciennes à Moscou (via Liège!), de Prague à Varsovie, de Berlin à Minsk. Un aventureux plus qu'un aventurier, qui trébuche et se relève, d'une main laisse des traces, de l'autre les efface.
Qui est - ou qui fut - Philippe Herbet? Peut-être un artiste itinérant, prétendument né à Istanbul en 1964. Il photographie, écrit beaucoup - dessine un peu, depuis quelque temps. Lui aussi sait l'art de la fugue: les siennes l'ont souvent mené vers l'Est (Russie ou Biélorussie) ou aux portes de l'Orient (Turquie, Arménie, républiques du Caucase); elles ont régulièrement déjà donné lieu à des publications en volume, mêlant volontiers texte et image.
Se pourrait-il que ces deux-là ne fassent qu'un (et, ajouterait le moraliste anglais, si oui, lequel)? Herbet-Dadas, c'est tout un; ou du moins cela a-t-il tendu à le devenir. Car dans cette histoire de duo comme dans toutes, qui s'empare de qui, en définitive? Enquête ou délire, souvenir et projection, dérive et obsession, fiction personnelle et documentaire anachronique, le projet « Dadas » mêle en cours de route, et depuis bientôt cinq ans, photos d'époque et d'aujourd'hui, textes d'époque et d'aujourd'hui, guides touristiques ou témoignages spirites... signes, humeurs, réminiscences, scories. Les trajectoires s'emmêlent, les coïncidences se multiplient, de fulgurances en disparitions.
À rebours de lui-même, et des terrains familiers sur lesquels on croyait pouvoir l'attendre, Philippe Herbet partage une tentative qui n'est pas sans risque: quelque part entre la mise à nu et la dissolution complète de soi, une quête historique tout autant que spirituelle et psychologique, un voyage beaucoup plus intérieur que ses précédents. En temps de pose long, ses images mises en scène sont des autoportraits sans l'être: « Je suis son fantôme et il est le mien; je suis dans le cadre, à la fois son acteur et le mien. » Et si la beauté des femmes continue de jalonner et d'aimanter les déambulations méandreuses ou statiques du photographe, elle se fond à présent dans les tapisseries fanées, les paysages incertains, les photos déjà presque effacées - la neige blanche, les heures bleues...
La « disparition de soi » et la liberté de mouvement (des êtres, des peuples) ne sont-elles pas, par ailleurs, des problématiques très actuelles - autrement dit, tout autant tournées vers le passé que vers l'avenir?
Qui sait: voilà Herbet et Dadas reliés dans l'espace, et rattrapés par le temps. Par eux-mêmes. -
Lettres du Caucase ; errance romantique
Philippe Herbet
- Yellow Now
- Cote Photo - Images
- 19 Février 2014
- 9782873403423
Le désir de vagabonder dans les montagnes du Caucase était en moi depuis des années. C'étaient les décors tragiques de romans et de poèmes de Pouchkine, de Lermontov et de Tolstoï, tout un imaginaire. Le Caucase est une zone de tension entre l'univers complexe de la Fédération de Russie et l'Occident, d'enjeux géostratégiques liés aux hydrocarbures et à une tentative d'islamisation radicale de la mosaïque des petites républiques du Nord. Rien ne semble fondamentalement changer dans cette région : les paysages, d'une beauté époustouflante, portent en eux un drame imminent, les frontières fascinent, les différents peuples ont une identité forte, la présence militaire est constante, l'enlèvement est une pratique commerciale ancestrale, les attentats sont fréquents... Dépaysants, les noms mêmes des républiques du Caucase ne cessent de me fasciner.
Sur les traces du personnage d'Un héros de notre temps de Lermontov, homme singulier, élégant, ambigu, toujours en fuite, c'est un traité sur l'errance, sur le romantisme et les frontières que j'ai tenté de réaliser à l'aide de la photographie et de l'écriture fragmentaire.
-
-
Ce pourrait être ailleurs, mais nous sommes à Seraing. Qu'importe, pour nous qui n'y sommes pas, qu'il s'agisse de Seraing plutôt que de tout autre endroit. La question n'est pas là. Les images de Philippe Herbet parlent d'une ville, de ses rues, de ses murs, des gens qui y vivent ou qui la traversent. Comme toutes les autres villes, Seraing porte en elle, inextricablement mêlées, les traces de son passé et de son présent, signes discrets ou évidents qui relient toutes choses entre elles. Comme un rhizome, cette tige souterraine court sous terre et donne naissance à des feuilles qui, elles, sont promises à la lumière. Pas de soleil sans sa part d'ombre, pas de décor sans envers.
-
-