Philippe Leuckx
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"Le traceur d'aube" cerne la réalité proche, s'insinue dans la vie quotidienne. D'une fenêtre ou d'un coeur, il part à la recherche de soi, sans savoir où il va. C'est le destin minime de toute vie. L'on ne sait trop ce qu'elle confie à l'âme. Il en reste des traces, ce peu sous la paume ou sous le regard. Dans un monde confiné et ouvert, chacun peut être ce traceur de signes, ce vigile de l'intime. Cet errant des terres pauvres.
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On ne saurait sonder la tristesse de la perte, la désertification que produit un deuil.
Ce recueil semble s'inscrire par le ton à la suite du précédent, également paru aux éditions Le Coudrier, « Le mendiant sans tain ». C'est avec le même talent que Philippe Leuckx traitait l'esseulement de l'errant frappé d'invisibilité et qu'il aborde à présent son propre sentiment de disparition dans l'arrachement à l'autre.
Le vide laissé magnifie la présence perdue et la lumière même semble opposer un mur infranchissable, comme noir le Lac de Lamartine.
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En un duo de mots se renoue le poème dans la cendre des jours.
Un feu couvait encore sous l'isolement du confinement, un silex sous la pierre. La plume s'affranchit des gestes barrières et concentre des relations jadis éparses.
Le recueil se laisse lire comme un feuilleté de regards, qui à l'unisson multiplie les embras-sements. L'encre au papier se renoue et se déborde dans l'autre. Les écritures se font jumelles et l'écho de l'autre rejoint l'écho de soi dans la résonance.
Recueil des fidélités qui se chevauchent, les bleus au coeur trouvent à nous dire quelque chose du bleu du ciel, du nom des roses dans la maturation des vies, chemin de cavée que le creuset d'un creusement qui se donne à emprunter au lecteur. -
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Parfois, nous revenons de loin, de vent, de ciel, de plage.
Avec des ailes en lieu et place des yeux.
Parfois, nous sommes de terre et d'eau, les doigts lancés vers le temps.
Nous cheminons. Nous errons. Parfois, aimer semble se décliner à tous les vents.
Pareils, nous sommes de la même étoffe d'air. Du même souffle d'aube.
VIVANTS.
*** J'entrevois, dans ce peu de lumière, quelques visages aimés, pâles effigies passées, traces de mémoire. Comme en ces photographies qui ont vécu le plus sombre de leur temps au fond d'un tiroir. Et soudain le souvenir s'ouvre à moi, comme d'un coffret préservé : le moment dense retrouvé dans l'assise d'un parfum ou au clair mouvement d'un rideau vers la mer.
Ce filet de temps à peine dérobé de sa matière d'exil.
Cette prouesse en nous renouvelée d'une heure disparue, peau et corps.
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Je regarde sans regarder Je ploie l'épaule pour un rein Un dé de fatigue tombé Une secousse un billet chiffonné
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"C'était dans le miroir d'une flaque, vitreuse comme un jour de pluie, grise comme l'ennui. Un visage semblait s'y estomper jusqu'à s'en trouver submergé.
C'était, à des « quatre pavés », sous les regards des passants qui avaient cessé de le voir, la présence d'un mendiant, auquel nous rappelle le Poète, artisan des présences.
Le mendiant semble s'effacer du regard, mais n'est-ce pas à travers lui une part de nous-même sur laquelle nous passons, quelque chose de notre présence au monde ?
En sorte que c'est un peu de notre propre disparition qui, à travers son effacement, nous interpelle, que nous lui abandonnons.
C'est un mendiant au bord du chemin qui va, celui des pas comme le long d'un quai, au hallage des vitrines : un petit tas de temps qu'on passe sans lui jeter la menue monnaie d'un regard.
Tel est le sort de l'absent qu'évoque le poème, comme vitrifié au pied d'une rue commerçante dans l'escalator des jours. Est-il mort déjà, ce mendiant cloué là, comme un miroir sans tain dont le chaland passe le chemin, comme d'un naufrage sans âge ?
Cette fois, le poème racle le blanc jusqu'à en saisir la substance vitreuse : le trou perdu d'un oeil sans tain. Plus rien qui s'y dévisage."
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Les entrelus de Philippe Leuckx : aux hautes marges
Philippe Leuckx
- Le Coudrier
- 14 Mai 2021
- 9782390520191
C'est Philippe Leuckx, grand lecteur et critique littéraire, qui a été pressenti pour ce second volume de la collection « à coeur d'écrits » dont Jean-Michel Aubevert signait le premier volume à l'automne 2020.
Positionnée aux lisières de l'anthologie et de l'essai, cette collection rend hommage aux écrivains qui s'efforcent, par leur plume, de porter un regard sur les ouvrages de leurs confrères et consoeurs, connus ou moins connus, de faire écho à leur singularité par une lecture personnelle, nécessairement subjective. Parallèlement, cette collection vise à faire partager l'enthousiasme de la lecture et à susciter l'intérêt d'un plus large public pour les livres évoqués et pour leurs auteurs.
Sont présentés dans ce livre, "Aux hautes marges", quarante-deux recueils de poésie écrits par trente auteurs, certains bien connus, d'autres injustement méconnus, d'autres encore jeunes dans le métier.
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A petits pas, comme le Poucet, le poète remonte la piste des cailloux blancs sur les pages couchées, à coeur battant , épèle les soirs veillés de chagrin, l'absence qui vient de loin, qui persiste en son sein « Les larmes sur les murs quand le jardin rameute les feuilles perdues les fleurs le temps devient buée sur les yeux de l'ami as-tu senti cette rumeur qui perle dans la rue cette amère souvenance des jours enfouis ? ».
(Extrait de la préface de Jean-Michel Aubevert).
« La nuit longe le coeur. Il va bientôt faire silence dans ce sang tourmenté. C'est le soir surtout que le chagrin songe à sévir. Tu ne sais encore rien des ombres fâcheuses ni des mots à retrouver. Et parfois le poème surgit. » -
Philippe Leuckx a le verbe nomade, il nous conduit dans le mystère de chemins invisibles. Il nous donne à voir, à sentir, à rêver. Une émotion se lève dans les hautes herbes de la mémoire. Mais le soir est-il si sûr ?
On ressent une inquiétude malgré l'oiseau si présent, une difficulté à recevoir les séductions de la nature. Le poète est sans force devant la langue de la montagne. L'enfance revient vers lui avec ce père, ce géant qui ensemence ses souvenirs, porte l'immense bleu entre ses mains.
Philippe Leuckx se fait humble (une belle humilité) devant l'immense beauté, son âme est frémissante, il avale les cieux dans une caresse de langue et de verbe. Les voix qui se glissent dans la saison dorée, le délivrent, lui ouvrent des instants de fraîcheur on ose à peine nommer le jour. Souvent ces voix reviennent vers lui pour lui murmurer des messages légers, des voix simples et sages venues de l'autre côté des miroirs. Il parle de la fidélité du ciel qui se souviendra de nous.
Un esprit ailé plane au-dessus des cimes et vient se poser sur l'épaule du rêveur. Leuckx arrache une plume, la taille, la trempe dans l'encre et nous écrit un songe qui se déroule tel un ruban dans la fragilité de l'air. Sa plume voyage, emprunte tous les sentiers de ses visions, tous ses éblouissements. Les paysages s'ouvrent sur sa feuille, l'encre jaillit, caresse le vert de l'herbe, le rouge des fleurs, le gris de l'au-delà.
(Extrait de la préface d'Anne-Marie Derèse)
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Le rouge-gorge : Le rouge-gorge suivi de Laura
Philippe Leuckx
- Editions Henry
- 8 Octobre 2021
- 9782364692336
C'est l'inattendu dans nos vies.
L'oiseau ou le risque. Le mal sournois
ou la beauté pure
On ne sait rien de ce qui bouge -
Une lueur se devine dans le gris tenace des poèmes de Philippe Leuckx. Elle éponge les ombres et les failles de l'existence. Elle guide dans la nuit celui qui cherche à traverser à gué sillons et ruisseaux. Les illustrations de Patricia Minder ouvrent la porte à une écriture emplie de silences. (Françoise Lison-Leroy. Le Courrier de l'Escaut)
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