Littérature
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Souvenirs pieux ; archives du nord ; quoi?, l'éternité
Yourcenar, Aury
- Gallimard
- Biblos
- 12 Septembre 1990
- 9782070720798
Singulière entreprise en vérité que celle de ce Labyrinthe du Monde, écrit de 1972 à la mort de son auteur le 17 décembre 1987, où Mademoiselle de Crayencour n'est pas encore anagrammée en Yourcenar. Elle y évoque en Pythie sagace et sereine ses aïeux à partir de traces mémorielles, lettres, souvenirs pieux, journaux intimes, photographies ; mais quel fil d'Ariane a-t-elle caché dans la trame de ces récits intimes à l'instar de Henry James qu'elle traduisit ? Elle l'avoue peut-être ici : «Le tracé d'une vie humaine est aussi complexe que l'image d'une galaxie.» Aussi rappelle-t-elle d'entre les morts sa lignée, s'interrogeant elle-même : «Quel était votre visage avant que votre père et votre mère se fussent rencontrés ?» Projet d'invocation ultime car «il ne faut pas s'encombrer trop tôt des fantômes de la famille» ; projet sûrement voué à l'inachèvement que cette recherche des vies perdues qui fondent obscurément un être humain. Ici, peu à peu, se dessine le visage énigmatique et pourtant sans secrets d'une enfant, d'une jeune fille plus vraie peut-être que «les factices jeunes filles de Proust», que ne légitime ni le sang ni ces gens disparus, mais, sans doute, cet «élément inanalysable» que Yourcenar choisit de nommer l'âme.
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En créant le personnage de Zénon, alchimiste et médecin du XVIe siècle, Marguerite Yourcenar, l'auteur de Mémoires d'Hadrien, ne raconte pas seulement le destin tragique d'un homme extraordinaire. C'est toute une époque qui revit dans son infinie richesse, comme aussi dans son âcre et brutale réalité ; un monde contrasté où s'affrontent le Moyen Âge et la Renaissance, et où pointent déjà les temps modernes, monde dont Zénon est issu, mais dont peu à peu cet homme libre se dégage, et qui pour cette raison même finira par le broyer.
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«Légendes saisies en vol, fables ou apologues, ces Nouvelles Orientales forment un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, précieux comme une chapelle dans un vaste palais. Le réel s'y fait changeant, le rêve et le mythe y parlent un langage à chaque fois nouveau, et si le désir, la passion y brûlent souvent d'une ardeur brutale, presque inattendue, c'est peut-être qu'ils trouvent dans l'admirable économie de ces brefs récits le contraste idéal et nécessaire à leur soudain flamboiement.»Matthieu Galey.
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Alexis ou le traité du vain combat ; le coup de grâce
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- 27 Octobre 1971
- 9782070279548
Comme tous les héros de Marguerite Yourcenar, Alexis s'interroge pour mieux comprendre le monde et mieux se comprendre lui-même. Il cherche à sortir d'une situation fausse qui est l'échec de son mariage. Une longue lettre forme tout le récit où il prend sa femme à témoin du vain combat qu'il a mené contre son penchant naturel et sa vocation véritable. Alexis est le premier roman de Marguerite Yourcenar et a révélé son grand talent d'écrivain. Le Coup de Grâce se situe dans les Pays baltes en 1919-1920. Par-delà l'anecdote de la fille qui s'offre et du garçon qui se refuse, le sujet central du roman est avant tout une communauté d'espèce, une solidarité du destin chez deux hommes et une femme soumis aux mêmes dangers.
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Oeuvres romanesques
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 17 Novembre 1982
- 9782070110186
Avant-propos de l'auteur
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Feux est une suite de nouvelles, de proses lyriques, presque de poèmes, inspirés par une certaine notion de l'amour. Alternant avec des notes sur la passion amoureuse, on y trouve les histoires de Phèdre, d'Achille, de Patrocle, d'Antigone, de Léna, de Marie-Madeleine, de Phédon, de Clytemnestre, de Sappho. «Dans Feux, où je croyais ne faire que glorifier un amour très concret, ou peut-être exorciser celui-ci, écrit l'auteur, l'idôlatrie de l'être aimé s'associe très visiblement à des passions plus abstraites, mais non moins intenses, qui prévalent parfois sur l'obsession sentimentale et charnelle : dans Antigone ou Le choix, le choix d'Antigone est la justice ; dans Phédon ou Le vertige, le vertige est celui de la connaissance ; dans Marie-Madeleine ou Le salut, le salut est Dieu. Il n'y a pas là sublimation, comme le veut une formule décidément malheureuse et insultante pour la chair elle-même, mais perception obscure que l'amour pour une personne donnée, si poignant, n'est souvent qu'un bel accident passager, moins réel en un sens que des prédispositions et les choix qui l'antidatent et qui lui survivront.»
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«Anna, soror... fut écrit en quelques semaines du printemps 1925, au cours d'un séjour à Naples et immédiatement au retour de celui-ci [...] Jamais invention romanesque ne fut plus immédiatement inspirée par les lieux où on la plaçait. J'ai goûté pour la première fois avec Anna, soror... le suprême privilège du romancier, celui de se perdre tout entier dans ses personnages, ou de se laisser posséder par eux. Durant ces quelques semaines, et tout en continuant à faire les gestes et à assumer les rapports habituels de l'existence, j'ai vécu sans cesse à l'intérieur de ces deux corps et de ces deux âmes, me glissant d'Anna en Miguel et de Miguel en Anna, avec cette indifférence au sexe qui est, je crois, celle de tous les créateurs en présence de leurs créatures.» Marguerite Yourcenar.
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Le 24 novembre 1970, Mishima prépare avec un soin minutieux sa mort. Il veut que son suicide obéisse en tous points aux rigueurs du rite exigé depuis des siècles par la tradition de son pays, le milieu dans lequel il a choisi de vivre religieusement, socialement, littérairement, politiquement : il s'ouvre le ventre avant de se faire décapiter par la main d'un ami. Mort à la fois terrible et exemplaire parce qu'elle est en quelque sorte le moyen de rejoindre en profondeur le vide métaphysique dont le romancier-poète japonais subit la fascination depuis sa jeunesse.Marguerite Yourcenar met toute l'acuité de son intelligence au service d'une telle aventure humaine dont elle pressent à la fois la proximité et l'étrangeté. Ainsi, dans un modèle d'étude critique, un grand écrivain d'Occident démonte les mécanismes de la psychologie d'un grand écrivain d'Orient, mettant au jour les ambitions, les triomphes, les faiblesses, les désastres intérieurs et finalement le courage.
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La vie et la mort de Nathanaël, dans la Hollande du XVII? siècle, est le sujet d'Un homme obscur. Un homme simple, presque sans culture, «levant sur le monde un regard d'autant plus clair qu'il est incapable d'orgueil». Le héros d'Une belle matinée est Lazare, le fils de Nathanaël, un enfant mêlé à une troupe de comédiens shakespeariens. À travers les brochures du théâtre élisabethain, le petit Lazare vit d'avance toute vie, «tour à tour fille et garçon, jeune homme et vieillard, enfant assassiné et brute assassine, roi et mendiant, prince vêtu de noir et bouffon bariolé du prince.»
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« Zénon, sombre Zénon » : correspondance 1968-1970
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 16 Novembre 2023
- 9782072988936
Au coeur des événements de mai 1968 paraît L'Oeuvre au Noir. À l'automne, c'est la consécration critique et publique avec l'obtention du prix Femina. Tant l'oeuvre que la renommée de la romancière changent de stature. Au cours de l'année qui suit, Yourcenar est sollicitée par des journalistes, des amis, des écrivains et philosophes, des éditeurs, des lecteurs inconnus. La correspondance qui en résulte est une leçon de grand style épistolaire. En 1970, Yourcenar est élue à l'Académie royale de Belgique - une décennie avant son élection à l'Académie française. Avec l'ébauche de La Couronne et la Lyre et du grand projet autobiographique du Labyrinthe du monde, on voit apparaître le tableau achevé de l'oeuvre, tel que le dispose pour la postérité l'écrivaine, et les lettres de cette correspondance générale sont l'occasion pour le lecteur «de suivre, à travers le brouhaha des faits extérieurs, l'aventure secrète d'un esprit».
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Essais et mémoires
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Bibliotheque De La Pleiade
- 17 Septembre 1991
- 9782070112128
Ce volume propose l'intégralité des essais réunis en recueils par l'auteur : Sous bénéfice d'inventaire, Mishima ou la Vision du vide, Le Temps, ce grand sculpteur, En pélerin et en étranger, et Le Tour de la prison, ensemble posthume de récits de voyage. Une deuxième section contient les trois textes de caractère autobiographique qui constituent Le labyrinthe du monde : Souvenirs pieux, Archives du Nord, Quoi ? l'éternité. Figurent aussi ici les Textes oubliés, appelation que Marguerite Yourcenar avait elle-même donnée : Pindare (1932), Les Songes et les Sorts (1938) ; les quatre articles publiés dans des périodiques entre 1929 et 1934 qui n'avaient jamais encore été recueillis en volume. Toute l'oeuvre de Marguerite Yourcenar est un regard porté sur la personne humaine à travers le filtre d'une culture classique, gréco-latine pour l'essentiel, mais largement ouverte sur d'autres univers et, en cela, gage de liberté. Ici la familiarité entretenue avec Dante, Cavafy ou Borges n'est pas exclusive de l'intérêt pour Basho ou pour Mishima. Marguerite Yourcenar est l'un des rares écrivains contemporains à redonner du sens à la notion d'humanisme.
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C'est un conte bref, très habilement composé pour donner un effet de reproduction d'une ancestrale tradition, venue de la littérature orale. Récit peu surprenant, car très respectueux des schémas simples - le désir de richesse ; la crédulité des hommes face au leurre de l'argent ; la difficile conquête de l'objet censé apporter la richesse (ici, des saphirs) - et structuré par toutes les étapes obligées de la dépossession - accidents, naufrages, attaques de corsaires, morts, errances, pauvreté plus grande qu'avant l'acquisition de la supposée fortune, dénuement définitif. À quoi s'ajoutent des rituels plus particuliers à Yourcenar, comme l'automutilation. Plus encore que l'anecdote, c'est l'atmosphère de ce conte qui préfigure les Nouvelles orientales. Josyane Savigneau.
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Mémoires d'Hadrien ; carnets de notes de "mémoires d'Hadrien"
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 25 Novembre 1977
- 9782070298709
Suivi de Carnets de notes de «Mémoires d'Hadrien». Nouvelle édition en 1977
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Ce roman évoque dans leur réalité la plus vivante, mais aussi dans leur secrète allégorie, quelques aspects particuliers de la Rome de l'an XI du fascisme. Il y a là une authentique peinture de certains milieux antifascistes de l'époque et du drame de leur révolte vouée à la clandestinité et à l'échec durant ces années où triomphait la dictature.
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Lettres à ses amis et quelques autres
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 12 Avril 1995
- 9782070738571
Cette toute première anthologie de lettres de Marguerite Yourcenar permet de mesurer la force de son engagement au monde et réserve bien des surprises posthumes. Journal intermittent, la correspondance accomplit ici ses trois fonctions essentielles : accompagner la femme hors de l'oeuvre, accompagner l'auteur dans son oeuvre, faire oeuvre. Autoportrait au quotidien ou exercice de connaissance de soi, les Lettres à ses amis et quelques autres content l'intimité de l'exilée de Mount Desert Island, ou de la voyageuse qui fait «le tour de la prison», depuis la première lettre enfantine jusqu'au mois qui précède la mort. Courroie de transmission entre la femme de chair et la femme de plume, ces lettres ne décevront pas ceux qui s'intéressent avant tout aux secrets de fabrication, aux coulisses des oeuvres.
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En 1939, l'Amérique commence à Bordeaux ; lettres à Emmanuel Boudot-Lamotte (1938-1980)
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 4 Novembre 2016
- 9782070139781
Cette correspondance adressée à Emmanuel Boudot-Lamotte compose un ensemble singulier en raison de son destinataire et de sa durée - tout autant que de sa fragmentation. Peu connu du grand public, Emmanuel Boudot-Lamotte, dont nous ne possédons que les brouillons, est l'éditeur de Marguerite Yourcenar chez Gallimard - son principal interlocuteur - mais aussi un de ses amis. Grand voyageur, photographe, historien de l'art, il est aussi l'ami intime d'André Fraigneau, l'éditeur chez Grasset de Marguerite Yourcenar. En 1939, la guerre vient d'éclater en Europe. En septembre, Marguerite Yourcenar part pour l'Amérique donner des conférences et rejoindre sa compagne, Grace Frick. Cet «exil» américain marque un tournant dans leurs échanges:les premières lettres constituent un journal des choses vues de l'Amérique, où l'auteur prend le pas sur l'amie, avant le silence des années de guerre. Le dialogue est renoué en 1945. Éloignée de ce qui s'est déroulé en Europe, Marguerite Yourcenar n'en demeure pas moins attentive à la vie littéraire et au confort des infortunés. De nouveaux désirs d'ouvrages apparaissent:en tant que critique (L'Art français aux États-Unis), traducteur (Frederic Prokosch, Henry James, Edith Wharton, Negro Spirituals) et éditeur (elle conçoit un recueil de nouvelles américaines contemporaines). Il nous faut, à la lumière de cette correspondance, réviser notre perception des premières années américaines de Marguerite Yourcenar:ce bouillonnement prolifique et intellectuel marque un temps et un lieu de transition entre les premières oeuvres (Le Coup de grâce et Nouvelles orientales) et les grands textes à venir (Mémoires d'Hadrien, L'Oeuvre au noir).
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"Le pendant des Mémoires d'Hadrien et leur entier contraire" : Correspondance 1964-1967
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 5 Décembre 2019
- 9782072790119
La correspondance de Marguerite Yourcenar entre 1964 et 1967 nous raconte l'aventure passionnante d'un livre à la fois victime et bénéficiaire des «extraordinaires carambolages du hasard et du choix»:L'Oeuvre au Noir. S'y déroule aussi, au jour le jour, l'histoire de la publication d'un ouvrage dont l'idée remonte au tout premier voyage de 1937, avec Grace Frick, dans le sud des États-Unis:le recueil des Negro Spirituals qui constituent Fleuve profond, sombre rivière. La question de la traduction est omniprésente dans les lettres car elle concerne aussi la préparation de La Couronne et la Lyre, «genre Fleuve profond, mais il s'agit cette fois de poètes grecs». Ces années marquent le début d'une vie immobile à Petite Plaisance, hormis un voyage en Europe, notamment à Auschwitz, où peu à peu se forge le pessimisme qui prévaudra dans L'Oeuvre au Noir, «pendant des Mémoires d'Hadrien et leur entier contraire». La dynamique de l'écriture épistolaire de Marguerite Yourcenar a été respectée au plus près avec ses anglicismes, ses flottements sur les noms de lieux et de personnes, ses apories, ses répétitions, ses repentirs, qui laissent affleurer l'intime derrière les préparatifs de textes lissés pour leur publication. On voit émerger de l'ombre des mots le profil futur de Zénon, miroir inversé du portrait achevé d'Hadrien.
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Le dialogue dans le marécage : pièce en un acte
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Le Manteau D'arlequin
- 22 Février 1988
- 9782070711987
Le Dialogue dans le Marécage s'inspire d'un fait divers du Moyen Âge italien. C'est l'histoire d'une patricienne siennoise, Pia Tolomei, reléguée dans un malsain château de la Maremme par un mari jaloux qui l'y laisse mourir. Dans cette pièce apparaît fortement le sentiment qui domine l'oeuvre entière de Marguerite Yourcenar, celui du tragique de l'aventure humaine.
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Électre ou La chute des masques, Le mystère d'Alceste et Qui n'a pas son Minotaure? constituent un groupe de pièces inspirées à Marguerite Yourcenar par la légende grecque. À son tour, et prenant la suite d'une longue chaîne d'auteurs qui se sont succédé à travers les siècles, elle imprime sa propre vision aux vieux mythes. Électre, mariée à un paysan, vit avec lui dans une misérable hutte où elle attire sa mère pour la mettre à mort, avec l'aide de son frère Oreste. Mais tout changera de face quand elle découvrira qu'Oreste est fils, non d'Agamemnon, mais d'Égisthe, et de la race de l'assassin, de l'usurpateur, et non de la victime. Le mystère d'Alceste, consacré à l'émouvante aventure d 'Alceste, sacrifiant sa vie par amour conjugal et ramenée d'entre les morts par Hercule, insiste sur les aspects tragi-comiques de la légende, sur la ronde grotesque des importuns et des indifférents autour de la morte et du jeune veuf. Mais il souligne aussi les côtés sacrés de ce récit mythique par lesquels il s'apparente aux mystères du Moyen Âge. Il évoque le drame de la mort et le miracle de la résurrection. Qui n'a pas son Minotaure?, divertissement allégorique, satirique parfois, s'inspire librement de l'aventure de Thésée au Labyrinthe. Les thèmes de l'imposture et de l'erreur, du destin et du salut s'entrecroisent. Thésée aux prises avec le Minotaure combat sans le savoir avec soi-même.
Ariane finit par rencontrer un étrange personnage appelé Bacchus-Dieu. -
"Une volonté sans fléchissement" : Correspondance 1957-1960
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 22 Novembre 2007
- 9782070786329
«Une attention perpétuellement en éveil, une volonté sans fléchissement», dit la lettre du 8 janvier 1957 à Henri Godard. Ces vertus que Marguerite Yourcenar attribue à l'Hadrianus imperator sont aussi les siennes dans sa correspondance des années 1957-1960. Quelque trois cent cinquante lettres, la plupart écrites de Petite Plaisance, la petite maison du Maine; le reste au gré des voyages:Canada, Italie, Espagne, Portugal. Partout, cependant, c'est le souci de l'oeuvre qui domine, qu'il faut poursuivre et peaufiner:la correspondance de Marguerite Yourcenar ressortit au journal d'écrivain. Mais l'écrivain n'entend se laisser dicter sa conduite par personne; et surtout pas par le succès. Tandis qu'Hadrien s'éloigne, Marguerite Yourcenar se détourne en apparence de ce genre romanesque qui a fait sa notoriété:elle multiplie les essais les plus divers, assure leur diffusion, poursuit ses traductions de poètes grecs anciens ou modernes, s'attelle à une transposition française de negro spiritual. En même temps, elle multiplie les conférences, réagit aux livres qu'on lui envoie, confie ce qu'elle retient de ses lectures, prodigue ses conseils à de jeunes écrivains - entre en conflit avec tel de ses éditeurs -, se révèle européenne avant la lettre. D'une autre, on crierait à la dispersion:elle au contraire s'affermit en tout. D'autant qu'en elle Zénon a repris son errance:L'Oeuvre au Noir mûrit lentement. Et commence à se rassembler la documentation de l'oeuvre ultime:ce Labyrinthe du monde où se développera la chronique romancée des lignées familiales. Une volonté perpétuellement en éveil, une attention sans fléchissement...
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Une reconstitution passionnelle, correspondance (1980-1987)
Silvia Baron Supervielle, Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Hors Serie Litterature
- 15 Octobre 2009
- 9782070126941
Le présent volume de correspondance nous révèle l'existence d'une amitié littéraire et humaine entre Marguerite Yourcenar et Silvia Baron Supervielle, peu ou pas connue du grand public. Leur échange épistolaire - que nous présentons ici dans l'édition d'Achmy Halley, spécialiste reconnu de l'oeuvre yourcenarienne - témoigne d'une grande complicité entre les deux femmes. Cette connivence s'articule notamment autour des préoccupations communes qui sont la langue, la traduction, et bien sûr l'écriture. Entamé au début des années quatre-vingt lorsque Silvia Baron Supervielle écrit à Petite Plaisance pour évoquer ses traductions des poèmes de Marguerite Yourcenar vers l'espagnol, l'échange s'interrompt en juillet 1987, peu de temps avant la mort de la grande romancière française.
Ces missives ouvrent une petite fenêtre sur la vie quotidienne des deux épistolières, mais elles nous font surtout pénétrer dans les arcanes de la création, aussi bien chez l'académicienne déjà couverte de gloire que chez la jeune poétesse et essayiste à la fois française et argentine encore relativement peu connue à l'époque.
Rehaussé d'une introduction émouvante de Silvia Baron Supervielle, qui revient sur son séjour à Petite Plaisance, ainsi que d'une postface d'Achmy Halley, l'ouvrage éclaire d'un jour singulier deux oeuvres littéraires radicalement différentes, mais écrites par deux femmes qui ont su établir entre elles un vrai partage artistique et humain.
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"Persévérer dans l'être" : Correspondance 1961-1963
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Blanche
- 1 Décembre 2011
- 9782070135837
1961-1963, Marguerite Yourcenar approche de la soixantaine. Pour beaucoup, un âge d'interrogations, de conscience aiguë de l'âge qui vient. Rien de ce genre chez elle. Au contraire. Elle affirme une belle solidité dans l'accueil des années à venir. Le temps qui vient sonne même comme prometteur pour elle. De fait, sa vie se poursuit pareille à ce qu'elle a été depuis qu'elle a mouillé l'ancre à Bar Harbor, caractérisée par le même élan, la même force créatrice. Dans cette existence qu'elle a voulue toute consacrée à la pensée et à l'écriture, la pérennité révèle un approfondissement de l'expérience. «Vous êtes si bien faite pour persévérer dans l'être», écrit-elle à Natalie Barney. Mais lectrices et lecteurs savent que ce mot de Spinoza peut aussi s'appliquer à Yourcenar elle-même. En effet, c'est en persévérant dans son être que Yourcenar, au long des jours, a réussi à tisser entre eux les fils de réflexions émanant de ses différentes recherches et études. Tout un condensé de sa vie créatrice, de sa pensée, de son expérience littéraire, de son éthique, de ses réflexions sur le mal - la cruauté en l'homme - et sur l'Histoire, se profile et nous fait entrevoir l'écrivain dans sa maison de Bar Harbor, mais aussi en voyage parfois, entourée de livres, ceux qu'elle écrit et ceux qu'elle lit, puisant à mille champs du savoir, sachant ce qu'elle cherche, non ce qu'elle va découvrir, retenant ce qu'elle veut, le transformant. Elle aussi alchimiste du verbe! Toute une expérience intellectuelle et littéraire, une expérience de vie, qu'elle communique - en répondant à des appels de lecteurs, certains eux-mêmes écrivains en herbe, en écrivant à des amis ou à d'autres qui ne le sont pas -, soucieuse toujours d'un échange intellectuel permanent avec autrui.
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Les essais rassemblés ici par Marguerite Yourcenar sont le reflet fidèle et saisissant d'un parcours intellectuel extrêmement varié, qui va des années 1930 aux derniers jours de 1987. Dans la première moitié du recueil, un important ensemble sur la Grèce montre combien les personnages de l'Antiquité grecque ont été pour elle vivants, et pour ainsi dire contemporains. Des pages d'une rare originalité et d'une violence juvénile font apparaître Apollon meurtrier et Cassandre sa victime : atroces, irrécusables. D'autres pages nous arrêtent devant les mosaïques de Ravenne. Partout à travers le temps et la mémoire voici la mort inlassable : les tombeaux des princes à Innsbruck, le grand ange ailé de Dürer, L'Île des Morts de Böcklin. Il faut compter avec les peintres : ses préférés furent peut-être Poussin, Rembrandt, Ruysdael. Lorsqu'elle évoque leurs toiles elle fait voir le brin d'herbe le plus ténu, et saisit l'âme insaisissable. Les écrivains offrent une approche moins tragique : Virginia Woolf et Henry James (qu'il lui est arrivé de traduire), Oscar Wilde, sa gloire et sa déréliction, Roger Caillois, qui la précéda à l'Académie française, et le grand poète aveugle d'Argentine Jorge Luis Borges. Ce sont autant de superbes hommages d'un grand écrivain à ses pairs, mais à qui donc, en tant de pages, dédier toute tendresse et douceur, sinon au jeune Mozart à Salzbourg, sinon - seul poème du recueil - au souvenir de Kou-Kou-Haï, petit pékinois très aimé ?
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D'Hadrien à Zénon : Correspondance 1951-1956
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- 13 Mai 2004
- 9782070756841
«Cette intégrale des lettres autorisées par Marguerite Yourcenar, de la publication de Mémoires d'Hadrien (1951) jusqu'à 1956, accompagne ce premier chef-d'oeuvre par rapport auquel "mes livres précédents seront évalués à l'avenir... et qui représentent le travail de toute une vie". Elles montrent l'écrivain aussi attentif au processus de publication qu'au processus de création, dans la gestion infatigable de son oeuvre. Émerge de cette correspondance une Yourcenar peu connue, qui conseille, proteste, légifère, attaque, revendique, se défend, défend les autres, se fait avocate, procureur, comptable, iconographe, correctrice, traductrice et, surtout, admirable critique et interprète de son oeuvre propre. [...] Et pourtant ces documents où l'auteur de Mémoires d'Hadrien quitte le peplum et se laisse aller à l'humeur du quotidien, jusque dans certain relâchement d'expression, dissiperont bien des idées reçues sur cet esprit libre et son humour parfois décapant : "Le respect d'un texte est une forme de respect de la vérité", écrit-elle à Alexis Curvers. C'est le même souci d'exactitude qui a inspiré les éditeurs de cette correspondance dans l'établissement et l'annotation de ces lettres. Des lettres où progressivement le laboratoire de Mémoires d'Hadrien s'ouvre sur la refonte d'une oeuvre ancienne, antichambre de L'oeuvre au Noir.» Élyane Dezon-Jones et Michèle Sarde.