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Sciences humaines & sociales
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De tous les héros qu'elle a fait revivre, ou inventés, Marguerite Yourcenar n'a si tendrement et profondément parlé que du prêtre errant du XVIIe siècle japonais, Bashô. C'est le premier texte du recueil qu'elle intitule Le tour de la prison, livre dont la lecture laisse mélancolique, parce qu'il n'a pu être achevé. De tant de voyages, voilà des bribes, parfois saisissantes (la traversée d'est en ouest du continent américain vers l'Alaska puis vers San Francisco), mais le centre du livre est le Japon, et dans le Japon même le théâtre traditionnel, avec pour héros Mishima, et sa mort plus importante, tenant plus de place, que son oeuvre. Ce qui dans l'autre monde, s'il existe, doit enchanter Mishima. La passion de Marguerite Yourcenar apporte au spectacle du kabuki, le respect et l'intérêt passionné que lui inspirent les acteurs, avec lesquels elle parle de leurs costumes féminins et de leur maquillage, ont la fraîcheur miraculeuse des découvertes, une incroyable faculté de s'émerveiller, pas encore épuisée, jamais épuisée.
Si bien que pour elle, on comprend que les dernières années de sa vie ont été éclairées par un monde tout neuf, et par le choc bienfaisant d'une culture radicalement étrangère. Après tant d'années d'enfermement, le grand large, le total dépaysement.
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Les cahiers de la NRF : portrait d'une voix ; vingt-trois entretiens 1952-1987
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- Les Cahiers De La Nrf
- 23 Janvier 2002
- 9782070756759
«"Portrait d'une voix", l'expression est d'elle, appliquée sur le tard à la longue lettre sans réponse d'Alexis, le premier roman. Les "Carnets de notes" de Mémoires d'Hadrien la reprennent, entre autres, au bénéfice de l'impérial monologue. On la retrouve dans ses entretiens. [...] Elle a très vite exigé de revoir les transcriptions de ses entretiens et le fera minutieusement tant que ses forces le lui permettront. Pour les censurer ? Si elle l'a fait parfois, guettant surtout l'inexactitude, le véritable intérêt de son intervention était ailleurs : dans la volonté de préciser sa pensée. Ce que le terme de portrait peut faire entendre, quand il s'applique à l'écriture d'une voix. Il témoigne que, chez Marguerite Yourcenar, l'extraordinaire maîtrise de la parole, si elle ne va pas jusqu'au style "togé" des Mémoires d'Hadrien, est toujours une construction, formée aux disciplines de l'écrit : tout naturellement, pourrait-on dire, elle parle comme un livre. À ceci près que l'art de la conversation, chez elle, comporte bonhomie et humour.» Maurice Delcroix.