Cet ouvrage s'adresse d'abord aux employés d'assurances, aux dactylos nymphomanes et aux emballeurs et, tout particulièrement, à ceux d'entre eux qui disposent d'un bon passage à niveau dans leur corridor. Il constitue une utile contribution à la connaissance de notre temps, précisant sur quelques points mal connus, l'influence exercée par les institutions commerciales, dans des domaines restés jusqu'à présent en friche, tels l'amour fou, les voyages d'agrément, les dîners en famille et les sautes de temps. Il montre ensuite qu'au milieu d'une existence parsemée d'embûches, d'autant plus redoutables qu'elles se dissimulent sous l'aspect d'une monotonie sournoisement quotidienne, l'employé moderne garde toujours présente à l'esprit une vue profonde de ses devoirs, tant à l'égard de sa famille que de ses collègues, de son président-directeur général, de la clientèle de l'établissement, bref, de la société : société dont la marche vers le progrès ne se ralentit pas et qui ne saurait tolérer de voir les assassins en liberté, les notes de gaz impayées et les brodeuses sur fiches en perpétuel congé de grossesse, la seconde déclinaison faire irruption dans le domaine de la chimie administrative, le salguèse s'acapter en dérèsant des soptes d'aramides - de voir en somme un salarié de rien du tout se permettre d'arriver au bureau à dix heures passées.
Grand timonier de la dérive en tout genre, J. Sternberg, bravant la tempête des critiques et la marée des commis littérateurs, dévoile sans fard son art de vivre, en survivant à contre-courant des idées reçues, des modes saisonnières et du show-biz technocratique.
On nous serine les oreilles de Concorde, de charters et de beaux voyages ? Le voilà, sifflotant son solo pour un Solex le long des chemins de notre doulce France, ou vantant les délices sans fin - mais non sans femmes - du cocon. Coq en pâte du farniente ? Non pas. À travers les barreaux du bureau, J. Sternberg a pu mettre au point une infaillible méthode - celle du travail simulé - qui garantit à la fois le bulletin de salaire, le sourire du directeur et le plaisir du quant-à-soi.
Mais le fin du fin pour Sternberg, apôtre de la sous-value, reste celui d'inventer de l'inutile, c'est-à-dire du non-rentable, du non-vendable. Bricoleur de l'impossible, il nous apprend comment - par exemple - il faut être en avance sur son temps - écologiste dans les années cinquante - ou en retard - réinventer le collage dans les années soixante - mais jamais être de son temps. Quartier-maître des sirènes, Sternberg nous revient aujourd'hui avec cette dernière carie littéraire d'un grand enragé de l'écriture, « Vivre en survivant », un véritable manuel pour une autre vie.
Démission, Démerde, Dérive, tel vous découvrirez le système D.D.D. de ce maudit écrivain, illustré magistralement par Gourmelin.
Fils d'un diamantaire juif d'Anvers réfugié à Cannes en 1939, Jacques Sternberg, rattrapé par la guerre, s'enfuit en Espagne en 1942. Incarcéré pendant trois mois à la prison de Barcelone, le jeune homme de vingt ans est renvoyé en France. Il passera huit mois dans les camps de triage de Rivesaltes et Gurs avant de réussir à s'évader. La Boîte à guenilles est le récit poignant de cet internement. Sternberg évoque la faim, le froid, la promiscuité et l'angoisse permanente d'être déporté en Allemagne. Témoignage d'un passage brutal à l'âge adulte, ce livre, publié en 1945 à Bruxelles sous le pseudonyme de Jacques Bert, n'avait jamais été réédité.
Cette planète habitée nous est familière : c'est la nôtre. La Terre, notre patrie, ce gigantesque bureau. Habitant : l'employé. Ce roman torrent est, en effet, le retour - ou la revanche - de l'Employé. Celui-là même qui décrocha, en 1961, le Grand Prix de l'Humour noir. Le noir a viré au cosmique et voilà l'employé jeté aux quatre vents de la grande épopée bureaucratique : secrétaire de Dieu, bourreau des cuisses, bagnard dans les caves d'une entreprise, proconsul de direction, superman de chambre, cinéaste de choc, messie à l'essai, emballeur d'élite dans l'Ouest, pornographe fiscal, et ainsi de suite jusqu'à la fin de son temps. Cet éblouissant délire logique est le meilleur livre de Jacques Sternberg. Ce n'est pas peu dire.
Sternberg, depuis toujours, note des pensées plutôt noires, dont la philosophie se situe bien au-delà d'un humour décapant. "Comment croire à Dieu qui, depuis le temps, n'a même pas le téléphone ?" "Il y a un temps pour vivre, un temps pour mourir. Après, cela s'aggrave parce qu'il n'y a plus de temps du tout." "Les hommes pieux devraient servir à faire des clôtures." Comparé aux quarante livres que Sternberg a signés, ce recueil de pensées effervescentes en dit bien plus long sur sa hantise de la mort, sa conscience perpétuelle de l'inutile, sa haine de l'ambition, son absence de foi. La seule raison de vivre de Sternberg se trouve peut-être dans l'écriture de ces pensées.
Il serait assez vain de chercher le nom de Sternberg (Jacques) dans le Bottin Marin entre les noms de Colas et Maury ou entre les frères Pajot et Tabarly. Il n'y figure évidemment pas. Mais, en revanche, le même Sternberg a, paraît-il, à son actif une vingtaine de livres qui ne sont jamais des récits d'aventures maritimes, ni même des ouvrages d'initiation à la voile. Alors quoi ? Quels sont donc les rapports secrets de cet auteur avec le nautisme ? Qui l'a forcé à prendre la voile ? Personne, aucune religion. Même le fait que Sternberg soit né les pieds dans l'eau glauque de l'Escaut, à Anvers, n'explique que peu de chose. Pourtant, il donnerait sans doute toute sa bibliothèque - quatre cents livres marins, paraît-il - et toute sa discothèque - de jazz, dit-on - et même son Solex pour son dériveur léger qui a pourtant dix ans d'âge et à peine le foc sur les eaux. A un inconnu qui lui avait dit un jour : « Je trouve que vous écrivez mal mais que vous barrez assez bien », Sternberg avait répondu que s'il barrait comme il écrivait, il serait probablement champion olympique. Il le pensait sans doute, mais il devait y avoir de l'amertume dans sa réplique. Défier les vents contraires lui a toujours tenu plus à coeur, que convaincre des éditeurs hostiles. Voilà pourquoi cette idée fixe qui ne parle que de focs, de rafales et de drisses fut écrite en grand largue dans un seul élan de joie et de regrets.
« Parti de rien, j'ai atteint la misère. » Ce mot de Groucho Marx me va comme un gant. Voilà mon bilan. Rien que du passif. Pour quelqu'un d'aussi actif que moi, c'est inquiétant. Ai-je le complexe d'échec ? Suis-je maso ? Serais-je juif ? En tout cas, je ne me sens pas terrien. Pas du tout. Cette planète m'écoeure. Je vais vous raconter ma vie, mon oeuvre, mes rencontres, mes défis, mes hantises, mes failles et mes mérites. Je vais vous enseigner l'art et la manière d'avoir des succès en restant inconnu, et des ratages avec talent. L'art et la manière de se libérer en restant enchaîné, et de ne pas mourir en continuant de crever de faim. Sans oublier l'art et la manière d'échouer (socialement) dans tout ce que l'on réussit (intellectuellement). Ma recette est indispensable à tous les candidats à la profession de maudit dans cette foutue époque, sur ce globe détestable. Cette recette tient en un nombre de pages important. Mais il est recommandé de tout lire. Car c'est en lisant qu'on devient liseron.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
Maître de l'histoire brève, Jacques Sternberg manie l'humour et l'absurde avec une causticité qui confine au délire. C'est un désenchanté de la vie qui a peur de la mort, un athée qui ne cesse d'interpeller Dieu. Mais c'est surtout un stupéfiant créateur d'images insolites, un styliste inventif et un provocateur né, un méchant garnement passible du cabinet noir... Les 153 histoires de ce recueil font sourire, souvent, rire (jaune), la plupart du temps, réfléchir, toujours. Toutes les obsessions de cet incorrigible « cancre galactique » y sont déclinées.
Le monde entier célèbre le tricentenaire de la naissance de Jean-Sébastien Bach. Il a semblé nécessaire, à l'auteur de « L'employé » (Jacques Sternberg), de rendre hommage à l'auteur des « Variations Goldberg » (Jean-Sébastien Bach). Et c'est précisément en tant qu'ancien employé - employé modèle, d'ailleurs - durant de longues et studieuses années, que Jacques Sternberg a analysé le mécanisme de la « bonne correspondance commerciale », maîtrisant, avec la virtuosité et la profonde compréhension que chacun lui reconnaît volontiers, le dédale et les arcanes de cet art subtil et grandiose entre tous. Les variations Sternberg rendent également hommage à un autre très grand compositeur du XXe siècle, Raymond Queneau, et à ses célèbres « Exercices de style ».
Fasciné par la mer et la voile, Jacques Sternberg n'aime pas l'Aventure. Il n'a donc jamais traversé l'Atlantique en solitaire, pas davantage la Manche puisqu'il barre un vieux dériveur avec lequel il a pourtant avalé des milliers de milles.
Alors, il rêve, il ne peut que rêver. Il fantasme, il mirage à plein temps sous le vent. L'écoute entre les dents, une main au cul des filles, l'autre rivée aux focs sauvages, la barre entre les jambes, le Navigateur surfe à 25 noeuds dans les vagues de l'absurde et remonte au près serré le courant de la démence.
C'est avec un dériveur léger qu'il défie le Pacifique et sur une île pneumatique qu'il salue, naufragé, le Horn ; c'est avec un équipage de 80 épouses à bord d'une goélette qu'il attaque la flotte de la Kriegsmarine SS ; il gagne les Jeux Olympiques sous le vent qu'il a emporté dans un sac, louvoie entre les lettres des mots OCÉAN ATLANTIQUE inscrits dans le bleu marin des Atlas, s'envole sous spi au-dessus des banquises arctiques, sauve sa peau échoué sur un cachalot, défie tous les océans et tous les cyclones, mais sombre dans le ridicule en remontant la pollution de la baie de Seine et se retrouve au camp de concentration des Glénans après avoir mené une mutinerie sur un voilier de haute compétition.
Bref, il navigue. Mais dans le délire de préférence, sans négliger de nombreux dessalages dans l'érotisme, emporté par une passion du verbe qui souffle à force 9, de la première à la dernière page.
À notre époque de performances hauturières dans le sérieux, l'efficience réaliste et la névrose du record, le livre de Sternberg tombe comme un pavé dans l'océan. C'est sans nul doute le premier livre d'amour et d'humour fous, de dérision et de « porno-marine » que l'on ait eu l'idée de cracher dans les voiles du nautisme.