Dans ce roman explosif, Jacques Sternberg réalise le tour de force d'explorer l'univers intérieur d'un employé arrivé cinq minutes trop tard au bureau, entre le moment où il s'apprête à en pousser la porte (première page : « Devant la porte, je regardai l'heure: dix heures cinq. J'hésitai un instant.») et celui où son employeur lui réservera sans doute un accueil glacial.
En mêlant ce qui existe péniblement au jour le jour et les projections les plus loufoques, L'Employé met à mal tous les principes. En allongeant puis en rétrécissant le temps, en élargissant puis en compressant l'espace, il provoque un vertige qui vient troubler jusqu'aux chiffres et aux mots. Mais qui est-il donc, cet employé ? Il n'arrête pas de se le demander, pendant l'énorme minute qui sépare dix heures cinq de dix heures six.
Les extraterrestres ? Trop différents de nous pour qu'une quelconque communication soit possible, ou trop semblables à nous pour exciter notre curiosité.Les planètes étrangères ? Piégées.Les objets ? Suspects.Le temps et l'espace ? Sujets à d'étranges sautes d'humeur.Les humains ? Pollueurs, prétentieux, belliqueux, avides de profits et de records, vulgaires, rongés par l'ennui, mortels dans tous les sens du terme.Et Dieu dans tout ça ? Tranquillement sadique. En 188 contes-gouttes, Jacques Sternberg revient à la science-fiction, ses premières amours, pour décliner ses haines et ses dégoûts sur le seul mode qui trouve grâce à ses yeux : l'absurde, l'humour noir, le sarcasme glacé.
La courtoisie«Elle avait reçu une excellente éducation et le savoir-vivre lui était naturel.Quand, lasse de tout, elle se jeta dans le vide du haut du septième étage, elle eut le tact de refermer la fenêtre derrière elle pour ne pas faire de courant d'air dans la pièce où son mari lisait le journal.»Parmi les quatre-vingt histoires de ce recueil, c'est l'une des plus courtes. Elle justifie la phrase d'un critique volontiers narquois : «Sternberg, singulièrement, plus il écrit bref, plus il en dit long.»Cette fois, il délaisse son sujet de prédilection - le règlement de comptes avec l'homme et son effrayante planète - pour aborder, en toute impudique tendresse, son seul sujet de consolation : la femme.Femmes inspiratrices de l'insolente question de Scutenaire : «Comment les hommes peuvent-ils s'intéresser à tant de choses alors qu'il y a les filles ?»Indifférentes ou passionnées, perverses parfois, déchirantes si possible, cyniques de temps à autre, absurdes assez souvent, indécentes évidemment, mais toujours inattendues, elles apparaissent ici en pleine gloire.
«Immobile, derrière la porte vitrée d'un magasin.C'est ainsi que je la vis pour la première fois.Le désir de la posséder, l'amour et le besoin de lui parler, tout cela je le ressentis avant de la voir vraiment. J'avais même dépassé le magasin sans m'arrêter quand je compris ce que je venais de ressentir. Ma première réaction fut de nier, mais je m'arrêtai bientôt. Comment nier la fièvre que je sentais me marteler les tempes ? Restait à savoir si elle avait un sens. Cela paraissait si peu plausible. Rien ne pouvait arriver, ce matin. Et je n'avais réellement envie de rien.Je revins sur mes pas.»
« Pourquoi moi ? Question encore plus insoluble que toutes les autres. J'étais seul dans cet immeuble et même dans le quartier. Quant aux autres. La mort seule, ce qu'il y avait de plus plausible. Une mort inédite et sans cadavres ni ossements. Décrétée par l'impensable en plein accord avec le silence. La mort ? Mais la question revenait inchangée : pourquoi pas moi ? » Fasciné par l'argent, seul repère demeuré intact, un homme confronté à la crise de son identité est amené à subir un châtiment digne d'une tragédie grecque. Robinson égaré dans un univers d'objets, unique survivant d'une ville-cimetière, il contemple, stupéfait, l'étendue d'un désastre et fait l'inventaire d'un monde mort.
qu'on ne s'y trompe pas, les 80 lettres présentées dans ce manuel du parfait petit secrétaire commercial sont tout sauf des modèles ! ainsi, les exemples de réponses à un client réclamant un colis qui ne lui est jamais parvenu et les suggestions de réponses à une lettre d'un créancier qui exige le
règlement d'une facture impayée depuis un certain temps sont drôles, loufoques, délirantes, remplies d'humour, de dérision, de situations cocasses.
80 lettres de modèles à ne pas suivre !.
Après les graphophiles Georges Simenon et Henri Vernes, Jacques Sternberg est probablement l'auteur belge le plus prolifique du XXe siècle. Il est certainement le plus touche-à-tout avec à son actif des contes brefs, des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre, des aphorismes, des dictionnaires, des lettres ouvertes, des chroniques, des autobiographies, deux revues « littéraires » et un scénario de film. Sans parler de son travail d'anthologiste.
Cactus Inébranlable vous propose de découvrir un peu plus de cent cinquante contes ultra brefs, que l'on pourrait appeler contes GSM ou contes texto, la plupart rédigés en une phrase, dont moins de la moitié est parue jadis dans quelques revues que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître.
En 1946, Jacques Sternberg a 23 ans.
Il écrit avec frénésie des romans qui se heurtent aux refus secs et sans appel des éditeurs.
Il en sera ainsi jusqu'à 1954, lorsqu'un jeune éditeur belge, Éric Losfeld accepte enfin un de ses textes.
«La sortie est au fond du couloir», rédigé en 1946 fait partie de ces livres apparemment voués à l'oubli, jusqu'au jour où il resurgit des documents remis à la Bibliothèque Nationale par Jean-Pol Sternberg.
Bernard French-Keogh se met en tête de faire quelque chose avec cette histoire étrange où Sternberg dit tout le mal qu'il pense des éditeurs. Le tapuscrit circule, des initiés, des proches ont connaissance de son existence et, grâce à Éric Dejaeger, un passionné de l'oeuvre de Sternberg, proposition est faite de publier l'ouvrage chez Cactus Inébranlable éditions.
L'enthousiasme des proches de l'auteur et des spécialistes agréés facilitera la réalisation de ce projet ambitieux.
Donner une vie à ce texte ne sera pas si simple. Certains feuillets ont disparus, certains mots dans le manuscrit dactylographié sont illisibles, sans doute est-ce l'oeuvre du temps, mais aussi des corrections qui se superposent, mais l'ensemble est un véritable roman.
Huit ans après la mort de l'auteur et soixante-huit ans après sa rédaction, la publication de La sortie est au fond du couloir est un véritable événement qui ravira les amateurs, mais devrait permettre à une nouvelle génération de lecteurs de découvrir celui qui après Georges Simenon et Henri Verne demeure l'auteur belge le plus vendu à travers le monde. même si ce n'est pas ce qu'il cherchait de son vivant.
Il s'appelle Mark Clifton.
Aux États-Unis, il est considéré comme le plus grand acteur de sa génération. Adulé par les uns, détesté par les autres, il n'a jamais réussi à prendre au sérieux ni son métier ni sa célébrité. Lucide, sauvage, agressif, il est doué pour l'errance de femme en femme et ressemble davantage à un insoumis en liberté provisoire qu'à une star de cinéma.
Amélie, elle, dérive d'un boulot minable à un autre en souriant. Assez sûre de son charme vénéneux comme de son sens de la dérision. Brumeuse et solaire, excitante et déchirante, souveraine et déchirée, elle passe sans cesse de l'enfant perdue dans ses brumes à la jeune femme ivre de vie que rien n'impressionne. À première vue, ce n'est sans doute qu'une petite blonde comme une autre, mais elle va entrer dans la vie de Mark Clifton avec une singulière présence.
Jacques Sternberg avait déjà prouvé avec Toi, ma nuit puis avec Sophie, la mer et la nuit, qu'il préférait l'insolite à la psycho, le suspense sexuel à la romance sentimentale. Paradoxalement, cette fois sur un thème apparemment banal, il signe un livre encore plus obsédant, encore plus curieux. Et, surtout une troublante histoire pleine d'orages, d'ambiguïté et d'imprévu.
Quand on m'a demandé de définir mon art de vivre, ou plus exactement de mettre le doigt sur ce qui pouvait passer pour mon «_plaisir de vivre_» je n'ai pas hésité plus d'une minute avant d'opter pour le superflu, l'inutile, le pas rentable, la vraie gratuité. Parce que le superflu m'a toujours paru le sel de la vie et que seuls les charmes de l'inutile peuvent vous aider à supporter les horreurs de l'indispensable quotidien.
Un monde où l'on est surveillé par son ombre, des voyages organisés pour visiter des bureaux... Votre journée vous déplaît ? Demandez à l'Office de Récupération des Journées Défectueuses d'en vivre une autre...
Touche à tout de génie, esprit anticonformiste, Jacques Sternberg avait plusieurs passions : l'écriture, le jazz, la voile, et la dérive "au bord de l'éternel féminin".
Sophie a le charme, le mystère, l´indolence et la soif de liberté qui peut faire chavirer le plus habile des marins. À la fois "royale et minable, fauve et perdue, nocive et désarmée";, elle fascine dès le premier instant. Son déchirant sourire cache une dangereuse évidence qui va faire découvrir au narrateur de ce roman des paysages dont il n'aurait jamais soupçonné l'existence. D'une banale rencontre à un improbable voyage, l'amant et enquêteur, proie et chasseur, se perd dans une nuit sans fin dont la seule lumière est la cause de sa perte.
Après avoir été le plus grand succès de Jacques Sternberg, Sophie, la mer et la nuit, est devenu un livre-culte. À mi-chemin entre le suspense psychologique et le récit fantastique, il dévoile le goût pour l´absurde, l´érotisme et l´humour noir d´une figure marquante du bouillonnement culturel des années 70.
Fils d'un diamantaire juif d'Anvers réfugié à Cannes en 1939, Jacques Sternberg, rattrapé par la guerre, s'enfuit en Espagne en 1942. Incarcéré pendant trois mois à la prison de Barcelone, le jeune homme de vingt ans est renvoyé en France. Il passera huit mois dans les camps de triage de Rivesaltes et Gurs avant de réussir à s'évader. La Boite à guenilles est le récit poignant de cet internement. Sternberg évoque la faim, le froid, la promiscuité et l'angoisse permanente d'être déporté en Allemagne. Témoignage d'un passage brutal à l'âge adulte, ce livre, publié en 1945 à Bruxelles sous le pseudonyme de Jacques Bert, n'avait jamais été réédité.
La stupeur : quand Dieu eut pour la première fois la curiosité de se regarder dans un miroir, il s'aperçut avec stupeur qu'il ne s'y reflétait aucune image. C'est alors qu'il se posa la question qui troublait tant d'hommes depuis longtemps. Épouvante de la mort, incurable incrédulité, certitude du dérisoire de toute existence... De comptes à régler en contes de cauchemar, l'anti-métaphysique de Sternberg devait fatalement donner cette suite rageuse de divagations centrées sur une même cible : Dieu, sa vie secrète, ses intuitions de génie et ses remords tardifs, sa prédilection pour les pièges mortels, ses sidérantes et sidérales créations, ses mystérieuses ratures. Soit une pièce en un acte (un acte lourd de conséquence !) et quelque 140 contes parfois blasphématoires, souvent simplement absurdes, toujours teintés d'humour noir, où l'irresponsabilité divine se confronte à l'imbécillité humaine, seule notion, au fond, qui puisse donner une idée approximative de l'infini.
Le monde entier célèbre le tricentenaire de la naissance de Jean-Sébastien Bach. Il a semblé nécessaire, à l'auteur de « L'employé » (Jacques Sternberg), de rendre hommage à l'auteur des « Variations Goldberg » (Jean-Sébastien Bach). Et c'est précisément en tant qu'ancien employé - employé modèle, d'ailleurs - durant de longues et studieuses années, que Jacques Sternberg a analysé le mécanisme de la « bonne correspondance commerciale », maîtrisant, avec la virtuosité et la profonde compréhension que chacun lui reconnaît volontiers, le dédale et les arcanes de cet art subtil et grandiose entre tous. Les variations Sternberg rendent également hommage à un autre très grand compositeur du XXe siècle, Raymond Queneau, et à ses célèbres « Exercices de style ».
Auteur que personne n'a jamais réussi à étiqueter, Jacques Sternberg a toujours mélangé à plaisir les genres littéraires et les conventions. Inutile d'en douter, c'est dans ce roman à la fois sauvage et maîtrisé, tendre et choquant, qu'il a le plus sûrement réussi à brouiller toutes les pistes. Texte érotique ? Livre d'humour noir ? Roman fantastique ?
Délire verbal ? Hymne d'amour agressif ? Confession rêvée ? Rien de tout cela en particulier et tout cela en un seul bouillonnement de 300 pages. Au gré de ces pages, parfois torrides, parfois glacées, allant de Charybde en Scylla comme de Charlotte en Cécilia, passant de fulgurantes rencontres en ratages absurdes, d'éblouissements en hébétudes, de pièges charnels en chairs piégées, Sternerg oscille avec une égale désinvolture entre l'humour et la terreur, la pornofolie et la poésie, ne reculant pas davantage devant les jongleries avec le temps ou les chutes à pic au fond des galaxies et de l'impossible.
Que ce roman de Sternberg ne soit pas à mettre entre toutes les mains, c'est fort possible : il faut surtout éviter de le donner à lire à tous ceux qu'attirent les confessions réalistes, le sérieux ou la vulgarisation pratique. Mais ce même roman devrait être mis entre les mains de tous ceux que fascinent l'amour et l'imaginaire, l'épouvante et la dérision. Jamais, sur tous ces plans qui se rejoignent si bien entre eux, Jacques Sternberg n'avait été aussi loin, avec autant de provocation. Jamais non plus il n'avait passé avec plus de décontraction de l'obscénité au lyrisme, de la cruauté au désespoir.
Est-ce important de l'ajouter ? Des trente livres que l'auteur à signés, c'est celui qu'il préfère personnellement.
Cela se passe en 1986.
Face à la mer vit un homme qui s'est retiré dans une modeste maison avec la femme qu'il aime. Tous deux ne pensent qu'à l'amour, la voile, à survivre.
Sort enviable ? Simple mirage au bord même du cauchemar : les océans ne sont plus qu'un seul égout, la terre et les airs un seul magma de pollution meurtrière.
Depuis les années 80, une impitoyable censure occulte la terrifiante réalité et le pouvoir, dont personne ne connaît plus la couleur exacte, n'a qu'un seul souci : demeurer dans l'ombre et en équilibre au bord du gouffre inéluctable.
L'épouvante quotidienne filtre malgré tout, à travers tout : la pollulose tue sans faire de détail, l'espérance de vie est tombée à 45 ans, mais l'industrie gargouille toujours ses poissons alors que le commerce, rongé par une crise de plus en plus pernicieuse, croule dans le délabrement. Une canicule de printemps va jouer le rôle d'un détonateur. Et, en mai 86, avec la force d'une gigantesque lame de fond, les hommes passent à l'action, en marge de toute idée de parti, sans discours, simplement poussés par la lucidité et la peur de crever. Non plus dans vingt ou trente ans, mais dans la semaine à venir.
Jacques Sternberg aime bien la spéculation qui donne à rêver. En 56, il parlait déjà de pollution et, en 65, de révolution sexuelle. En 78, il imagine un monde où le seul pouvoir sera celui de la grande trouille et de la volonté de survivre.
Ce mai 86, vécu par un couple de refuseurs professionnels que l'écroulement de tout un monde fait sourire, n'est pas seulement un chant d'amour de la vie, de la mer, et de l'individu. C'est aussi un violent cru de haine contre la politique, les gouvernements, le fric et la promotion. Un nouveau genre en somme : un livre d'apolitique-fiction.
Fasciné par la mer et la voile, Jacques Sternberg n'aime pas l'Aventure. Il n'a donc jamais traversé l'Atlantique en solitaire, pas davantage la Manche puisqu'il barre un vieux dériveur avec lequel il a pourtant avalé des milliers de milles.
Alors, il rêve, il ne peut que rêver. Il fantasme, il mirage à plein temps sous le vent. L'écoute entre les dents, une main au cul des filles, l'autre rivée aux focs sauvages, la barre entre les jambes, le Navigateur surfe à 25 noeuds dans les vagues de l'absurde et remonte au près serré le courant de la démence.
C'est avec un dériveur léger qu'il défie le Pacifique et sur une île pneumatique qu'il salue, naufragé, le Horn ; c'est avec un équipage de 80 épouses à bord d'une goélette qu'il attaque la flotte de la Kriegsmarine SS ; il gagne les Jeux Olympiques sous le vent qu'il a emporté dans un sac, louvoie entre les lettres des mots OCÉAN ATLANTIQUE inscrits dans le bleu marin des Atlas, s'envole sous spi au-dessus des banquises arctiques, sauve sa peau échoué sur un cachalot, défie tous les océans et tous les cyclones, mais sombre dans le ridicule en remontant la pollution de la baie de Seine et se retrouve au camp de concentration des Glénans après avoir mené une mutinerie sur un voilier de haute compétition.
Bref, il navigue. Mais dans le délire de préférence, sans négliger de nombreux dessalages dans l'érotisme, emporté par une passion du verbe qui souffle à force 9, de la première à la dernière page.
À notre époque de performances hauturières dans le sérieux, l'efficience réaliste et la névrose du record, le livre de Sternberg tombe comme un pavé dans l'océan. C'est sans nul doute le premier livre d'amour et d'humour fous, de dérision et de « porno-marine » que l'on ait eu l'idée de cracher dans les voiles du nautisme.
Touche à tout de génie, esprit anticonformiste, Jacques Sternberg avait plusieurs passions : l'écriture, le jazz, la voile, et la dérive "au bord de l'éternel féminin".
De A à Z, sous forme d'abécédaire, voici des fragments d'une autobiographie, entamée depuis une quinzaine d'années.
De l'enfance à l'an 2000, des petits boulots aux articles pour une vingtaine de grands journaux, des sept années de refus d'éditeurs aux livres déroutants enfin publiés, en passant par le festival de Cannes tumultueux de mai 1968, tout cela sans souci d'un quelconque respect de la chronologie, les souvenirs s'enchevêtrent sous forme de textes courts ou de réflexions beaucoup plus longues, pour un livre " hagard mais très travaillé ", taillé dans des centaines de pages manuscrites.