isabelle stengers
-
À partir de son expérience dans le mouvement altermondialiste, Starhawk, féministe et sorcière, aborde dans cet ouvrage des questions cruciales qui sont toujours celles des mouvements sociaux aujourd'hui. Elle y examine tour à tour la relation à la nature et aux lieux, l'organisation d'une démocratie directe, les problèmes posés pour construire un mouvement plus diversifié, la question de l'appropriation culturelle, l'importance de repenser la non-violence, le lien entre la spiritualité et l'action... Il s'agit, comme le souligne la philosophe belge Isabelle Stengers, de « participer au travail de connexion, non seulement entre celles et ceux qui résistent et luttent aujourd'hui, mais aussi entre le passé et le présent. Car, s'il n'est pas nourri par l'expérience du passé, le présent s'étiole comme une plante que le sol ne nourrit pas. [...] Starhawk nous demande d'accepter de penser avec l'image du Titanic : nous y sommes, en route vers la collision, et s'il doit y avoir une chance d'avenir, c'est nous, maintenant, qui devons entre-accepter nos divergences et agir ensemble ».
-
Chroniques altermondialistes : Tisser la toile du soulèvement global
Starhawk
- Cambourakis
- Sorcières
- 1 Mai 2024
- 9782366248920
Après Rêver l'obscur. Femmes, magie et politique, dans lequel elle racontait sa participation à de nombreux mouvements antimilitaristes et antinucléaires aux États-Unis dans les années 1975-1982, on retrouve Starhawk vingt ans plus tard en première ligne du combat contre la globalisation financière portée par l'OMC, le FMI et la Banque mondiale. Ces chroniques ont été écrites « en direct de la rue », lors des contre-sommets altermondialistes, de Seattle en 1999 à Gênes en 2001, en passant par Québec et le Forum Social de Porto Alegre. Starhawk a été une chroniqueuse autant qu'une visionnaire de ce mouvement, jusqu'au 11 septembre 2001 qui survient alors que le FMI et la Banque mondiale devaient se réunir à Washington et que de nouvelles manifestations y étaient prévues.
De ce mouvement est directement issu le mouvement actuel pour la justice climatique, qui continue de clamer haut et fort, comme ce fut le cas en décembre 2021 à Paris à l'occasion de la COP 21, ce que Starhawk n'a jamais cessé d'écrire : Un autre monde est possible ! -
Polluer, c'est coloniser explique que les chercheurs et les militants sont souvent animés de bonnes intentions mais que leurs méthodes sont inconsciemment tributaires d'une vision du monde coloniale, notamment fondée sur l'idée que le territoire est une ressource. À partir de son travail sur les terres autochtones du Canada, Max Liboiron montre que la pollution plastique est l'expression d'un rapport colonial au territoire et pose les bases d'une science anticoloniale.
-
Formée à la chimie, la philosophe belge Isabelle Stengers, héritière de Gilles Deleuze et Félix Guattari, est l'une des grande penseuses de l'écologie en langue française.
À partir d'un long travail de critique des prétentions autoritaires de la science occidentale moderne, elle a développé une véritable « écologie des pratiques » qui permet de repenser, en termes éthiques et politiques, la question de la production de la vérité.
Cet entretien au long cours recueille ses analyses sur les décennies écoulées et sur les mondes qui s'ouvrent, sur les dominations et les luttes sociales, sur les relations entre sciences et société, sur la nature et sur l'émergence permanente des choses et des êtres.
Ce petit livre abordable est une invitation à entrer dans l'univers d'une des plus importantes philosophes écoféministes de notre temps. Un univers aux ramifications multipless où la pensée navigue entre les cases. Un torrent d'écologie et de liberté qui donne des pistes pour transformer l'action et dépasser nos enfermements.
-
Au temps des catastrophes ; résister à la barbarie qui vient
Isabelle Stengers
- La découverte
- Poche Essais
- 5 Septembre 2013
- 9782707177193
Nous avons changé d'époque : l'inéluctabilité du bouleversement global du climat s'est désormais imposée. Pollution, empoisonnement par les pesticides, épuisement des ressources, baisse des nappes phréatiques, inégalités sociales croissantes ne peuvent plus être envisagés de manière isolée. Le réchauffement climatique a des effets en cascade sur les êtres vivants, les océans, l'atmosphère, les sols. Ce n'est pas un " mauvais moment à passer " avant que tout ne redevienne " normal ".
Mais nos dirigeants sont incapables de prendre acte de la situation. Guerre économique oblige, notre mode de croissance, irresponsable, voire criminel, doit être maintenu coûte que coûte. Ce n'est pas pour rien que la catastrophe de La Nouvelle-Orléans a frappé les esprits : la réponse qui a été apportée - l'abandon des pauvres tandis que les riches se mettaient à l'abri - apparaît comme un symbole de la barbarie qui vient, celle d'une Nouvelle-Orléans à l'échelle planétaire.
Mais dénoncer n'est pas suffisant. Il s'agit d'apprendre à briser le sentiment d'impuissance qui nous menace, à expérimenter ce que demande la capacité de résister aux expropriations et aux destructions du capitalisme. -
Les faiseuses d'histoires ; que font les femmes à la pensée ?
Vinciane Despret, Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 7 Avril 2011
- 9782359250473
Les femmes ne sont jamais contentes. À témoin, Virginia Woolf qui appela les femmes à se méfier de l'offre généreuse qui leur était faite : pouvoir, comme les hommes, faire carrière à l'université. Il ne faut pas, écrivit-elle, rejoindre cette procession d'hommes chargés d'honneurs et de responsabilités ; méfiez-vous de ces institutions où règnent le conformisme et la violence.
Vinciane Despret et Isabelle Stengers se sont posés la question : qu'avons-nous appris, nous les filles infidèles de Virginia qui avons, de fait, rejoint les rangs des hommes cultivés ? Et comment prolonger aujourd'hui le cri de Woolf, Penser nous devons , dans une université désormais en crise ?
Ces questions, elles les ont relayées auprès d'autres femmes. Leurs témoignages ont ouvert des dimensions inattendues. Elles ont raconté des anecdotes, des perplexités, des histoires, des événements ou des rencontres qui les ont rendues capables non seulement de dire non et de résister, mais de continuer à penser et à créer dans la joie et dans l'humour. Et surtout, ces femmes, comme toujours, ont fait des histoires... -
Apprendre à bien parler des sciences : la vierge et le neutrino
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 17 Mai 2023
- 9782359252576
Les scientifiques se sentent trahis. Ils dénoncent une montée de l'irrationalité et du relativisme sceptique. Mais ils savent aussi que leur ancienne alliance avec l'État est morte : celui-ci ne rêve plus que de brevets, de percées technologiques. Les scientifiques sont désormais de plus en plus dépendants de financements extérieurs rarement désintéressés et d'accords avec des entreprises privées dans le cadre de la nouvelle économie de la connaissance . Par ailleurs, ils sont aussi confrontés à un nouveau type de public posant des questions gênantes au lieu de faire confiance au progrès. Ce public, indiscipliné mais pertinent, pourrait bien être un allié indispensable pour les scientifiques menacés d'asservissement, mais une telle alliance a un prix : elle demande qu'ils renoncent aux mots d'ordre qui font d'eux la tête pensante d'une humanité en progrès.
Le pari de ce livre est que les scientifiques peuvent y renoncer. Au-delà, il tente de forger les mots qui permettent d'affirmer ensemble, sans confusion ni hiérarchie, des pratiques qui divergent, par exemple celle des pèlerins s'adressant à la Vierge et celle qui a autorisé à attribuer une masse au neutrino. Il plaide pour une écologie des pratiques dont les praticiens sauraient que ce qui les fait penser, sentir et hésiter ne leur appartient pas. -
Les textes réunis ici analysent les mécanismes de marché et l'abstraction financière à travers les effets corporels et affectifs de ces mouvements du capital, tout en articulant cette investigation des économies contemporaines à une réflexion sur l'avènement des démocraties illibérales. Brian Massumi, philosophe et traducteur en anglais de Mille Plateaux, y explore des concepts clés de sa pensée tels que le « mouvement affectif », l' « infrapolitique », la « complicité », ou encre la « subjectivité dividuelle », en montrant comment ceux-ci jettent de nouvelles lumières sur le contexte de crise des démocraties représentatives, dans le sillage de l'élection de Trump, du Brexit ou de Bolsonaro.
-
Depuis qu'elles existent, les sciences dites exactes se prétendent différentes des autres savoirs. Comment comprendre cette prétention ? Faut-il, à la manière des épistémologues anglo-saxons ou de Karl Popper, tenter d'identifier les critères qui la justifient ? Peut-on, suivant le modèle nouveau des études sociales des sciences, y voir une simple croyance ? Ce livre propose un dépassement fructueux de l'opposition, apparemment irréductible, entre ces deux approches des sciences. Et si la tension entre objectivité scientifique et croyance était justement constitutive des sciences, enjeu des pratiques inventées et réinventées par les scientifiques ? Réussir à en parler avec humour, sans en faire un objet de vénération ni de dénonciation, en restant au plus proche de la passion des scientifiques, tel est ici le pari d'Isabelle Stengers. Mais ce livre ne se limite pas à un discours sur les sciences. Il s'agit plutôt de prolonger l'histoire de leur invention. Comment comprendre les liens multiples entre la science et les pouvoirs qui la mobilisent aujourd'hui ? Comment concevoir les rapports entre science, expertise et démocratie ? La nouveauté de L'Invention des sciences modernes est de faire de ces différents problèmes intellectuels, pratiques et politiques les enjeux du processus par où pourrait s'inventer et se renouveler l'identité même des sciences.
-
La sorcellerie capitaliste ; pratiques de désenvoûtement
Philippe Pignarre, Isabelle Stengers
- La découverte
- Poche Essais
- 7 Juin 2007
- 9782707147813
Dénoncer l'horreur économique ne suffit pas : si la dénonciation était efficace, le capitalisme aurait disparu depuis longtemps... Ce système destructeur tente de nous paralyser en activant des alternatives infernales, du type : Si vous demandez des droits supplémentaires, vous favorisez les délocalisations et le chômage.
D'autres peuples ont appelé cela un système sorcier. Ce n'est pas une métaphore, mais la meilleure façon de nommer l'emprise du capitalisme sur nous. Pourquoi avons-nous été si vulnérables ? La croyance dans le progrès n'aurait-elle pas nourri notre impuissance ? Comment se protéger collectivement ? Ce livre s'adresse à celles et ceux qui refusent la résignation. Il affirme l'importance politique de collectifs capables de créer de nouvelles manières de résister et la nécessité d'une culture d'apprentissage et de relais. -
Réactiver le sens commun ; lecture de Whitehead en temps de débâcle
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 9 Janvier 2020
- 9782359251685
Opposer les scientifiques à un " public prêt à croire n'importe quoi " - et qu'il faut maintenir à distance - est un désastre politique. " Ceux qui savent " deviennent les bergers d'un troupeau tenu pour foncièrement irrationnel. Aujourd'hui, une partie du troupeau semble avoir bel et bien perdu le sens commun, mais n'est-ce pas parce qu'il a été humilié, poussé à faire cause commune avec ce qui affole leurs bergers ? Quant aux autres, indociles et rebelles, qui s'activent à faire germer d'autres mondes possibles, ils sont traités en ennemis.
Si la science est une " aventure " - selon la formule du philosophe Whitehead -, ce désastre est aussi scientifique car les scientifiques ont besoin d'un milieu qui rumine (" oui... mais quand même ") ou résiste et objecte. Quand le sens commun devient l'ennemi, c'est le monde qui s'appauvrit, c'est l'imagination qui disparaît. Là pourrait être le rôle de la philosophie : souder le sens commun à l'imagination, le réactiver, civiliser une science qui confond ses réussites avec l'accomplissement du destin humain.
Depuis Whitehead le monde a changé, la débâcle a succédé au déclin qui, selon lui, caractérisait " notre " civilisation. Il faut apprendre à vivre sans la sécurité de nos démonstrations, consentir à un monde devenu problématique, où aucune autorité n'a le pouvoir d'arbitrer, mais où il s'agit d'apprendre à faire sens en commun. -
Une autre science est possible ! manifeste pour un ralentissement des sciences
Thierry Drumm, Isabelle Stengers
- La découverte
- Poche Sciences Humaines
- 9 Novembre 2017
- 9782707197696
Le compromis qui a longtemps assuré aux chercheurs le minimum d'indépendance vitale est mort. L'économie de la connaissance est dépendante des intérêts privés. Un plaidoyer pour la slow science auquel répond, en miroir, et à un siècle de distance, un brillant pamphlet du philosophe William James.
Comme le fast food, la fast science, c'est vite fait, pas bon et pas très digeste ! Une économie spéculative - avec ses bulles et ses krachs - s'est emparée de la recherche scientifique : les chercheurs doivent intéresser des partenaires industriels, participer aux jeux guerriers de l'économie compétitive. Conformisme, compétitivité, opportunisme et flexibilité : c'est la formule de l'excellence. Mais comment poser publiquement la question d'un désastre lorsque l'on ne veut pas que le public perde confiance en sa science ? Les mots d'ordre comme Sauvons la recherche font consensus, alors qu'ils ne posent surtout pas la bonne question : Mais de quoi faut-il la sauver ?
Ce livre montre que les chercheurs doivent cesser de se prendre pour le cerveau pensant, rationnel, de l'humanité , refuser que leur expertise serve à faire taire l'inquiétude de l'opinion, à propager la croyance en un progrès scientifique inéluctable capable de résoudre les grands problèmes de société. Et qu'ils auraient avantage à nouer des liens avec un public potentiellement intelligent et curieux, c'est-à-dire aussi à produire des savoirs dignes de cette ambition. -
En finir avec le capitalisme thérapeutique : soin, politique et communaute
Josep Rafanell i orra
- METEORES
- 25 Novembre 2022
- 9782960288711
C'est en tant que thérapeute attentif à la multiplicité des modes d'êtres et des mondes que l'auteur interroge les possibles transformations de la relation thérapeutique par des « communisations » du soin et contre des processus de capture marchande. On suit Josep Rafanell i Orra à travers des situations qui s'établissent en commun là où « les polices du social » ne voient que des individus surnuméraires à réintégrer dans l'économie. Plus que jamais, il faut refuser le saccage organisé du soin et de l'accompagnement en tournant notre regard vers les devenirs possibles des multiplicités. C'est là ce à quoi cette réédition (Les Empêcheurs de penser en rond, 2011), augmentée d'une nouvelle préface de l'auteur, souhaite contribuer. Préface de Isabelle Stengers.
-
Au risque des effets
Didier Debaise, Isabelle Stengers
- Les liens qui libèrent
- 18 Avril 2023
- 9791020924995
Le pragmatisme conjuguerait les pêchés de l'irrationalisme, de l'irréalisme et de l'immoralisme. La pensée de W. James en particulier, a été l'objet de violentes critiques : remise en question de toute position de vérité, celle-ci étant réduite à ce qu'elle rapporte ; célébration inconditionnée du sens commun, identifié à des opinions infondées ; subjectivisme, mettant au premier plan la confiance contre l'esprit objectif ; remise en question de toute valeur au profit des effets...
-
La nouvelle alliance : Métamorphose de la science
Ilya Prigogine, Isabelle Stengers
- Folio
- Folio Essais
- 3 Février 1986
- 9782070323241
La science classique s'est trouvée associée à un désenchantement du monde. C'est la leçon que Jacques Monod entendait tirer des progrès de la biologie : «L'ancienne alliance est rompue. L'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'Univers d'où il a émergé par hasard.» Notre science n'est plus ce savoir classique, nous pouvons déchiffrer le récit d'une «nouvelle alliance». Loin de l'exclure du monde qu'elle décrit, la science retrouve comme un problème l'appartenance de l'homme à ce monde. Les théories scientifiques ne peuvent plus supposer la possibilité d'un savoir omniscient : nous lisons, jusque dans leurs principes, les traces d'une activité d'exploration au sein d'une nature en évolution.
-
Cosmopolitiques Tome 1 : la guerre des sciences
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- Cosmopolitiques
- 28 Avril 2022
- 9782359252224
Pourquoi les sciences modernes n'avancent-elles que sur un mode guerrier : guerre du scientifique contre ses concurrents, du savant contre le charlatan , du nouveau contre l' ancien ? Pourquoi les sciences s'affirment-elles sous le jour le plus faux : triomphe d'un savoir enfin objectif, neutre et désintéressé, produit par une démarche méthodique, humble et sereine ? Et pourquoi quand les scientifiques disent leurs rêves et leurs ambitions, est-ce si souvent la spéculation arrogante et la polémique qui s'expriment ? Pourquoi, par exemple, la physique moderne est-elle habitée par la conviction qu'elle seule peut percer l'énigme de ce monde, énigmatiquement intelligible comme l'a dit Einstein ? Peut-on répondre à ces questions sans insulter les passions des scientifiques mais d'une manière qui leur permette d'échapper à la passion moderne de disqualifier toute pratique qui ne souscrit pas à l'affirmation d'un monde unique ?
C'est pour répondre à ces questions qu'Isabelle Stengers revisite quelques grands moments de l'histoire des sciences. Si nul d'entre nous n'a le droit de prétendre représenter le genre humain ou d'inventer une utopie qui vaille pour tous les habitants de la terre , nul n'a non plus le droit de raconter cette histoire des sciences dites modernes comme celle de la découverte d'une réalité qui devrait faire autorité pour tous et toutes. Les passions qui habitent cette histoire ne sont pas arbitraires mais singulières, et c'est cette singularité qu'il convient de cultiver s'il s'agit de nous libérer de l'insupportable tolérance de ceux qui prétendent savoir envers ceux qui, disent-ils, croient .
Les cosmopolitiques d'Isabelle Stengers nous demandent, selon Donna Haraway, de penser, et de prendre des décisions en présence de celles et ceux qui en porteront la conséquence . -
Les differents modes d'existence ; l'oeuvre à faire
Etienne Souriau, Isabelle Stengers, Bruno Latour
- PUF
- Metaphysiques
- 3 Novembre 2009
- 9782130574873
Quel rapport entre l'existence d'une oeuvre d'art et celle d'un être vivant ? Entre l'existence de l'atome et celle d'une valeur comme la solidarité ? Ces questions sont les nôtres à chaque fois qu'une réalité est instaurée, prend consistance et vient à compter dans nos vies, qu'il s'agisse d'un morceau de musique, d'un amour ou de Dieu en personne.
Comme James ou Deleuze, Souriau défend méthodiquement la thèse d'un pluralisme existentiel. Il y a, en effet, différentes manières d'exister, et même différents degrés ou intensités d'existence : des purs phénomènes aux choses objectivées, en passant par le virtuel et le " sur-existant " dont témoignent les oeuvres de l'esprit ou de l'art, tout comme le fait même de la morale. L'existence est polyphonique, et le monde s'en trouve considérablement enrichi et élargi.
Outre ce qui existe au sens ordinaire du terme, il faut compter avec toutes sortes d'états virtuels ou fugaces, de domaines transitionnels, de réalités ébauchées, en devenir, qui sont autant d'" intermondes ". Servi par une érudition stupéfiante qui lui permet de traverser d'un pas allègre toute l'histoire de la philosophie, Souriau donne les éléments d'une grammaire de l'existence. Mais son enquête se veut aussi une introduction à " la pratique de l'art d'exister ".
A quoi nous attachons-nous précisément lorsque nous aimons un être ? A quoi nous engageons-nous lorsque nous nous identifions à un personnage de roman, lorsque nous valorisons une institution ou adhérons à une théorie ? Et finalement, quel(s) mode(s) d'existence(s) sommes-nous capables d'envisager et d'expérimenter pour nous-mêmes ? Questions métaphysiques, questions vitales. Cette nouvelle édition est précédée d'une présentation d'Isabelle Stengers et Bruno Latour intitulée " Le sphinx de l'oeuvre ".
Elle inclut également un article d'Étienne Souriau, " Du mode d'existence de l'oeuvre à faire " (1956).
-
Entre le temps et l'éternité
Ilya Prigogine, Isabelle Stengers
- Flammarion
- Champs Sciences
- 12 Janvier 2009
- 9782081223066
Une énigme marque la physique depuis Galilée. Pourquoi cette science a-t-elle, dès l'origine, fait le choix de l'éternité contre le temps du devenir ? Pourquoi a-t-elle répété la plus paradoxale des négations, celle de la flèche du temps, qui traduit pourtant la solidarité de notre expérience avec le monde où nous vivons ? La question du temps a créé une tension entre l'idée d'un monde régi par des lois intemporelles et déterministes et l'expérience humaine, mémoire du passé, ouverture de l'avenir. Elle a également opposé la physique aux autres sciences, et les lois " fondamentales " aux descriptions phénoménologiques qui, elles, traduisent la flèche du temps. Mais aujourd'hui se dessine une cohérence nouvelle qui ouvre la physique aux interrogations du devenir, à l'émergence du nouveau qu'elle avait niée. La question du temps, un et multiple, articule notre besoin de construire une conception plus unifiée du monde avec la multiplicité des regards que ce dernier exige de nous. Un renouvellement des connaissances qui nous fait découvrir une science créatrice de significations, délivrée de l'utopie d'un savoir infini, une oeuvre humaine, située elle-même entre le temps et l'éternité.
-
Penser avec Whitehead ; une libre et sauvage création de concepts
Isabelle Stengers
- Le Seuil
- L'ordre Philosophique
- 23 Août 2002
- 9782020535601
L'ambition de ce livre, et elle est grande, est de faire vivre à son lecteur, qu'il soit ou non philosophe, le trajet fulgurant qui, en quelques années, a transformé le mathématicien Alfred North Whitehead en philosophe spéculatif.
De la pierre grise que je vois là jusqu'à la création du Dieu qu'exige la cohérence spéculative, il s'agit bel et bien de cette " libre et sauvage création de concepts " associée à la philosophie anglaise par Deleuze et Guattari dans Qu'est-ce que la philosophie ? Mais " sauvage " signifie d'abord ici l'humour d'une mise à l'aventure de tous les " nous savons bien " qui rassurent, et l'expérimentation tranquille des concepts qui portent à leur plus haut degré, pour les faire converger, liberté et contrainte, audace et obligation.
De l'aventure, nul ne devrait ramener une doctrine ou un mode de pensée unanime ; plutôt, différent pour chacun, un certain goût pour les questions qui mettent en risque, et une grande indifférence aux mots d'ordre qui prétendent nous dire comment penser.
-
Civiliser la modernité ? whitehead et les ruminations du sens commun
Isabelle Stengers
- Les presses du réel
- Intercession
- 1 Mars 2017
- 9782840667414
Prolongeant et renouvelant les ressources proposées par le philosophe Alfred North Whitehead (1861-1947), Isabelle Stengers propose une exploration des manières de « faire commun » face à la débâcle annoncée de la civilisation.
Dans cet essai qui privilégie la joie d'une pensée insoumise plutôt que la dénonciation, Isabelle Stengers prend le relais d'Alfred North Whitehead lorsque, diagnostiquant le « déclin de la civilisation moderne », celui-ci assigna à la philosophie la tâche de « souder le sens commun avec l'imagination ». Face aux prétentions à déterminer ce que nous avons le droit de savoir, elle cherche à donner force à ce que nous savons. Face aux oppositions doctrinales prédatrices qui démembrent le sens commun, elle affirme la philosophie comme puissance de problématisation. Prolongeant et renouvelant les ressources proposées par Whitehead, elle fait exister tant la possibilité d'une science « civilisée » que celle, politique, de dispositifs susceptibles d'habiliter les « gens du commun » à faire valoir les questions qui les concernent.
Au déclin de la civilisation a aujourd'hui succédé la débâcle : « Nous entendons déjà les grincements et les craquements sourds marquant la rupture des plaques de glace, démantibulant le sol que nous avions défini comme assuré. » Il s'agit désormais d'apprendre à vivre dans un monde devenu lui-même intrinsèquement problématique. D'autres voix, et notamment celles, contemporaines, de Donna Haraway, Bruno Latour, David Abram ou Anna Tsing, viendront dès lors s'associer à celle de Whitehead dans l'exploration des manières de « faire commun » que demande notre époque.
Voir aussi Didier Debaise : L'appât des possibles - Reprise de Whitehead.
-
Une autre science est possible ! manifeste pour un ralentissement des sciences ; le poulpe du doctorat
Isabelle Stengers, William James
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 3 Janvier 2013
- 9782359250664
Comme le fast food, la fast science, c'est vite fait, pas bon et pas très digeste ! Une économie spéculative - avec ses bulles et ses krachs - s'est emparée de la recherche scientifique : les chercheurs doivent intéresser des « partenaires » industriels, participer aux jeux guerriers de l'économie compétitive. Conformisme, compétitivité, opportunisme et flexibilité : c'est la formule de l'excellence. Mais comment poser publiquement la question d'un désastre lorsque l'on ne veut pas que le public perde confiance en « sa » science ? Les mots d'ordre comme « Sauvons la recherche » font consensus, alors qu'ils ne posent surtout pas la bonne question : « De quoi faut-il la sauver ? » Isabelle Stengers montre que les chercheurs doivent cesser de se prendre pour le « cerveau pensant, rationnel, de l'humanité», refuser que leur expertise serve à faire taire l'inquiétude de l'opinion, à propager la croyance en un progrès scientifique inéluctable capable de résoudre les grands problèmes de sociétés. Il s'agit pour eux de nouer des liens avec un public potentiellement intelligent et curieux, c'est-à-dire aussi de produire des savoirs dignes de cette ambition.
En 1903, le philosophe américain William James (1842-1910) publiait « Le poulpe du doctorat ». Il éprouvait une telle répugnance vis-à-vis de l'enseignement académique qu'il se présentait comme un outsider, voire un charlatan. Au regard des plus récentes inventions institutionnelles visant àévaluer les chercheurs, les examens auxquels James s'en prend apparaissent pourtant comme d'innocents archaïsmes... Le poulpe enlace les chercheurs plus puissamment que jamais.
-
La vierge et le neutrino
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 23 Février 2006
- 9782846711449
Les scientifiques peuvent aujourd'hui considérer qu'ils ont deux types d'ennemis. Les premiers sont
les sociologues. De nombreux scientifiques se sont sentis insultés par le refus des sociologues de
considérer qu'ils entretenaient un rapport privilégié avec la Vérité et la Réalité. C'est là l'origine de
« la guerre des sciences » dont un moment important a été l'affaire Sokal. Mais, au moment, les
scientifiques se trouvent confrontés à un autre problème, beaucoup plus grave. Leur ancienne
alliance avec l'État semble rompue : celui-ci répugne désormais à financer leurs travaux. Il leur
demande de se rapprocher des industriels et de se soumettre à leurs intérêts. Leurs objectifs ne
doit plus être de faire progresser la connaissance mais, par exemple, de déposer des brevets...
Selon Isabelle Stengers, les scientifiques sont en mauvaise posture car s'ils ont bien raison de ne
pas accepter la manière dont les sociologues relativistes parlent « mal » d'eux, ils n'ont pas su de
leur côté, trouver les mots pour décrire la spécificité de leur travail. Ils ne savent pas se présenter,
ce qui les affaiblit dans leur opposition aux tentatives capitalistes modernes de redéfinir leur
activité.
Mais il arrive aussi qu'un troisième acteur surgisse : le « public » comme on l'a vu dans le cas des
OGM. Il s'agit dans chaque cas de publics particuliers qui n'acceptent plus que « l'on sache » mais
que l'on reste impuissant face aux conséquences prévisibles de ce que l'on sait (comme dans le cas
du réchauffement de la planète).
Tout cela dessine donc un nouvel environnement (une nouvelle écologie) dans lequel les
scientifiques doivent apprendre à travailler. En quoi cela pourrait-il intéresser la philosophie oe
Isabelle Stengers propose d'abord de renoncer à l'idée que l'on pourrait définir « la science ». Si il
y a quelque chose de commun à toutes les pratiques scientifiques, c'est qu'elles sont capables de
dire « quelque chose de nouveau sur le monde ». Elles le « peuplent » avec de nouveaux êtres. Ce
n'est jamais une voie droite, faite selon une méthode prédéterminée, mais le résultat d'incessantes
hésitations. Pourquoi faudrait-il que, simultanément, ceux qui défendent les sciences « vident » le
monde de toutes les autres pratiques qui n'ont ni la même histoire ni les mêmes ambitions oe
Comment, en conséquence imaginer un plan d'immanence qui permette la coexistence des pèlerins
de la Vierge et des praticiens des sciences (sans transcendance, c'est-à-dire sans un point de vue
qui trie, juge et ordonne) ? Cela ne relèvera pas d'une bonne volonté générale, de la tolérance,
mais de l'invention de nouveaux rapports entre les différentes pratiques.
Isabelle Stengers imagine que ce pourrait être le rôle de « diplomates » d'un nouveau genre. Les
diplomates savent qu'ils doivent prendre des risques, rendre des comptes à ceux qui les ont
délégués, que rien n'est jamais garanti, que la paix est toujours une fabrication exigeante.
-
-
Sciences et pouvoirs ; faut-il en avoir peur ?
Isabelle Stengers
- Labor Sciences Humaines
- Quartier Libre
- 7 Juin 2009
- 9782804011635
Et si tous les arguments des politiques invoquant la Science étaient des arguments de pouvoirs, nuisibles tout aussi bien aux sciences qu'à la démocratie ?