marcel moreau
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" le seul extrême qui me tienne en haleine est celui qui, de dénivellations provoquées en déséquilibres assumés, bascule l'homme dans un gouffre où se joue le devenir de son être, en tant qu'incommensurable et indomptable.
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Il est probable que quand je fais l'amour à la femme que j'aime, je le fais avec le brouillon de mon livre de chair et de sang, non écrit celui-là, pas encore. Mon brouillon a du désir pour le brouillon humide du livre de la vie de cette femme. La peau sur le revers de laquelle s'écrit ce livre en boit les sérosités plus sûrement que le papier d'un manuscrit n'en boit l'encre.
Sous forme d'une «Lettre à un jeune corps n'aimant pas lire et en grand danger de mort dans l'âme», Marcel Moreau retrace son histoire d'écrivain et de lecteur entièrement voué au rythme de la langue. La chair et le livre ne font plus qu'un dans une fusion érotique et littéraire dont l'auteur de Quintes a le secret.
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Épuisé depuis 10 ans, Amours à en mourir, publié en 1988, est un petit texte rare, véritable condensé de l'univers subtil et violent de Marcel Moreau déchiré entre l'Écriture et l'Amour, deux passions abyssales et dévorantes où s'affrontent douceur et férocité, volupté et barbarie, incandescence et piétés d'émerveillement, paroxysmes et romantisme, dévergondement et religiosité, un affrontement souvent féroce mais toujours fécond où l'irrationnelle démesure de l'auteur met à nu avec une incroyable lucidité nos contradictions les plus cachées, un livre plein de déchirements et de ferveur, de folie et d'humanité.
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Tectonique des corps - eliette dambes, gilles briaud, jean-david moreau
Marcel Moreau
- Verdier
- 18 Novembre 2003
- 9782904620768
Et dire que tout cela, ces collisions, ces disloqués, ces illisibles, ces enchevêtrés, c'est encore du savoir, quoi qu'on en pense, un savoir oblique, sans doute méconnaissable au premier abord, défiguré par la violence du choc, mais qui n'a pas dit son dernier mot.
Un jour, j'ai vu surgir, d'un tas de corps sonores mal en point, un superbe néologisme, bien droit, bien musclé, avec une gueule de brigand. Je me rendis vite compte qu'il était doué de quelques propriétés de nature à galvaniser la bande d'obscures paroles qu'il entraînait derrière lui, à l'assaut de la vérité du livre en train de se faire. Marcel Moreau
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" certes, il s'appelait jéju.
Mais au fond, qui était-il ? le saurons-nous jamais ? nul ne peut prétendre, à ce jour, le réduire à un visage. quand on se croit en passe de le fixer, il est ailleurs, dans les ténèbres, en proie à des savoirs errants. imprévisibles. sa liberté de gisant vaudra sa liberté de vivant, c'est ce qu'on peut lui souhaiter de mieux. il a toujours, su que l'homme était fini, pas assez, toutefois, pour être saisissable.
".
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Ce livre parle de voyages, certains réels, d'autres imaginaires, et d'autres encore, prisonniers de l'ambiguïté entre les deux.
Bien que la narration saute, se perde et digresse, ma figure centrale, ce sont ces signaux transmis à travers l'éther. Ceci s'applique autant aux musiciens javanais et à Debussy, durant l'ère coloniale du XIXe siècle, qu'à la musique de l'ère numérique au tournant du millénaire. Ces cent années d'expansion de la musique, médium généralement fluide, non verbal et non linéaire, nous ont préparés à l'océan électronique du siècle à venir.
Tandis que le monde s'est transformé en océan d'information, la musique s'est faite immersive. Les auditeurs flottent dans cet océan ; les musiciens sont devenus des voyageurs virtuels, les créateurs du théâtre sonique, les émetteurs de tous les signaux reçus de l'autre côté de l'éther. David Toop.
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Quelques-uns s'intéressent à mon bide. Moi c'est l'orgue qui m'impressionne. Un magicien du verbe a tranché. Je m'appellerais Orgambide. Un nom qui me va à ravir pour des raisons tant musicales que volumétriques. Un livre né des noces du dégoût et de l'ivresse. Je ne suis pas dans mon assiette. J'ai quelques berges de plus qu'il n'en faut pour encore nourrir des illusions exorbitantes sur la disparition des cancers. Je vais vous faire un aveu : la ville me fait peur, elle et son langage médical. Car telle est, oui, l'étrangeté de cette ville que l'on y parle qu'avec les mots de la maladie, de la guérison et de la mort. [...] M. M.
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«Morale des épicentres : on dirait le récit d'une vie, sauf qu'ici, c'est la vie des mots se racontant à ma vie, mais c'est la même chose. Simplement ; les mots en disent un peu plus sur ce que fut cette vie, sa véritable histoire, une relation tectonique entre la puissance du langage et les revendications du corps. D'où cette écriture de tremblements (de l'être). Sans elle, je n'eusse pu maintenir en haleine, depuis toujours, ma passion de la liberté. Il n'y a pas de secret : c'est le corps verbal dans le corps charnel qui crée ce mouvement inlassable des ondes de choc, devenu un mode de connaissance et sa nécessité. Trop de pensées prétendant, par la raison, nous délivrer de nos chaînes, se posent sur un socle, s'y fixent, alors que c'est à danser longuement qu'elles devraient s'exercer. Slogans et idoles, que de misères grégaires, au quotidien... Dans Morale, j'évoque la visite (1995), de Mme G. el D., maître de conférences à l'université d'Alexandrie. Elle porte le voile, me parle avec feu de mes livres, me stupéfie (je songe à la condition de la femme musulmane). N'y tenant plus, je lui demande : "Mais, madame, vous avez dû être secouée ?" Elle répond doucement : "Mais, monsieur, nous avons besoin d'être secoués." L'Émotion...» Marcel Moreau.
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Vous avec disais-je, oui, vous avec mon adoration, elle est à vous.
Soyez-en longée, bordée, enveloppée, dénudée, rhabillée, creusée, transpercée, elle est à vous. chez moi, adoration est un mot de la force d'un sacre, qui aurait le torse d'un cantique. je ne le prononce qu'à genoux. il plie sous sa déraison, se redresse d'un argument, ou de mille, tous indicibles. mon adoration n'est pas un mot, c'en est le débordement en vous, dans votre corps consentant, convocant.
Mon amour a besoin de vous adorer. en vous adorant, il veille à votre éternité, à défaut de croire en la sienne. je ferai tout pour que vous viviez encore mon adoration de vous, lorsque je ne serai plus là pour vous la dire.
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« Ce livre fut écrit au jour le jour. Il a duré le temps de l'amour qu'il dit, qui est le temps où cet amour valait d'être dit. Il a commencé comme lui, dans l'émerveillement, il a fini comme lui, dans le désabusement. Entre les deux, une vieille histoire : celle du bonheur sans cesse invoqué, sans cesse atermoyé, et en filigrane sa décomposition, mot à mot, puis de geste en geste. Ç'aurait pu être un journal de bord, au bord d'une Absence annoncée. Mais en amour - passion oblige - me quittent mon regard "clinique", mes envies de lucidité. En somme, j'ai de la tendresse pour mes égarements, et j'en ai pour les "égarantes". Après tout, c'est déjà bien assez que dans mes écritures qui parlent de la société en général au lieu de parler de la Femme en particulier, je ne puisse m'empêcher d'être impitoyable plus souvent qu'indulgent. Nous, amants au bonheur ne croyant... n'est donc pas un livre qui désespère de l'amour. C'en est un qui, pour désespérer de l'amour heureux, n'en sait peut-être pas moins, même confusément, pourquoi sa vraie grandeur, à l'amour, secrète, inexplicable, c'est de ne l'être pas, heureux, mais surtout de ne point vouloir à tout prix l'être.» Marcel Moreau.
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Quintes - L'Ivre Livre - Sacre de la femme - Discours contre les entraves
Marcel Moreau
- Denoël
- 6 Octobre 2005
- 9782207257609
Né en 1933 au sein d'une famille ouvrière, en Belgique, Marcel Moreau exerce de petits métiers avant de devenir correcteur de presse à Paris où il s'installe en 1968. Paru en 1963, défendu par Queneau, publié en extraits par Paulhan dans la NRF et par Simone de Beauvoir dans Les Temps Modernes, son premier roman, Quintes (1963), aux échos kafkaïens, fait l'effet d'une bombe dans le milieu littéraire. Marcel Moreau poursuit depuis une oeuvre exigeante, née de la secouante rencontre entre le corps sauvage de sa jeunesse et les mots. Alternant des proses romanesques hallucinées, sensorielles, d'un érotisme incandescent, et des essais opposant sur un mode lyrique la toute-puissance des instincts à une modernité exsangue, Marcel Moreau plonge dans le baroque des passions et invente une écriture de tremblements (de l'être), somptueuse, dansante, libératrice. Je crois avec une ferveur accrue que la seule aventure qui vaille est nécessairement intérieure. Que chaque homme se doit de devenir le monstre dont il possède en lui, ravagées, mutilées, maudites, toutes les composantes.
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«Mon rythme et moi, nous avons une relation aussi antique qu'un instinct de mort, aussi inaugurale qu'un amour à son aurore. Mais d'écrire cela, ce n'est pas suffisant pour m'expliquer ce soulèvement qui fait de moi un possédé de la langue avant même que j'en sois l'usager, plus ou moins titubant. La réalité est nécessairement plus complexe que ce que je viens d'en dire : une danse de tous les possibles ? Allez savoir... Plus qu'un simple tempo vital, ce rythme est une conscience, un souffle, une poigne. Il produit lui-même du Mot, il y imprime, en profondeur, son exigence de style, de chant, d'a-propos. Sa trépidation cumule violence d'être et révolte contre la déshumanisation en cours, réductrices de l'homme à une chose. Je la ressens alors comme une oeuvre sans cesse en mouvement, telle la fructification à perdre haleine d'une matrice textuelle. Ainsi m'apparut inéluctable, en écrivant ce livre, de l'intituler Une philosophie à coups de rein. Entre mon corps verbal et mon corps charnel, il s'était passé comme un portement, puis une propulsion de l'un par l'autre.» Marcel Moreau.
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«Donc, jadis, je suis allé vers les mots pour leur odeur, leur chair et pour le bruit très érotique qu'émettaient leurs enjambées sur les pages de tel livre, sur les lèvres de telle bouche. Donc, j'ai commencé à écrire d'instinct ce que ma conscience espérait pour son agrandissement et mon esprit pour sa libération. Donc, ce donc est l'autre nom que je donne au rythme qui m'a mis dans l'impérieuse nécessité de faire oeuvre littéraire des mouvements les plus intimes de ma vie organique. Donc, c'est ainsi que mon corps a écrit ce qu'il a écrit à la température des sensations et des désirs que lui inspirait sa relation amoureuse ou polémique avec les fondements de l'être, selon que cet être puisait l'essentiel de sa respiration dans un souffle d'avant le cadastre ou selon qu'il l'abandonnait à la mécanique des inhalations de concepts. Donc, ce livre fait monter le son d'une existence passée à rendre sa musique familière à l'obscur tonnerre du dernier des crescendos, celui-là même qui a sans doute manqué au Boléro de Ravel pour être assourdissant tout en demeurant indiciblement mélodieux. Donc.»
Marcel Moreau.