Pourquoi les Chinois persistent-ils à donner à leur écriture un statut particulier, et ceci en dépit des avancées de la linguistique moderne, qui tendent à réduire cette spécificité ? Quelle place occupa cette technique - ou cet art - dans la constitution et le développement d'une culture qui se définit en grande partie comme « lettrée » ?
Comment s'articulent la froide pratique du pouvoir et la puissance de l'expression artistique dans la constitution de ce que le sinologue Jean-Marie Simonet propose d'appeler « la galaxie de l'écriture chinoise » ? Enfin, quel rôle jouent les « signes iconiques » dans les pratiques de déchiffrement du monde ?
Ces questions, et d'autres encore, seront abordées dans ce court essai, extrêmement pédagogique, abondement illustré et agrémenté d'un glossaire. Une belle introduction à un système d'écriture complexe mais passionnant.
Dans l'histoire du langage, l'écriture arrive en second et se règle donc sur la prononciation. Pour qu'elle soit dite « phonétique », il suffit qu'à chaque phonème corresponde un seul et même graphème. L'idéal. Quasi réalisé en latin, approché en italien et en espagnol, mais largement inaccessible en français. Pourquoi ?
La cause essentielle tient à l'accroissement du nombre de phonèmes sans augmentation concomitante du nombre de graphèmes. S'ajoutent, au Moyen Âge, le souci ornemental d'étoffer les mots trop courts et, à la Renaissance, des préoccupations étymologiques d'érudits (parfois mal informés).
C'est aussi au XVIe siècle qu'apparaissent les premières velléités de réformes. Les volumes successifs du Dictionnaire de l'Académie auront beau adopter quelques propositions simplificatrices, elles se raréfient d'une édition à l'autre, surtout à partir de l'enseignement obligatoire, dont l'orthographe devient le fer de lance. La dernière tentative en date remonte à 1990. Ses allures de croisade valent qu'on s'y attarde.