Littérature
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« Créer un poncif, c'est le génie » écrivait Baudelaire dans Fusées. C'est, semble-t-il, ce à quoi s'attache Michaux, à sa manière, dans ce texte encore une fois inclassable, publié initialement en 1983. Ce poncif est celui de l'enfant-artiste (enfance de l'art diront certains) qui obsède les artistes du vingtième siècle - on songe à Picasso - fascinés qu'ils étaient par la question de l'origine et du geste primitif. Apologie de l'enfance, de la liberté de création, de l'authenticité en art, Les commencements sont une double invitation : d'abord à un retour en arrière, en ce temps peut-être rêvé où la simplicité faisait loi. Invitation ensuite à un refus, au refus de ce que Michaux lui-même appelle «l'enrégimentement adulte», qui amène le petit d'homme à ne plus croire au miracle, et à déserter l'Inconnu. Ce traité sur les dessins de l'âge tendre montre qu'avant toute maîtrise de la technique et du message, avant la recherche et l'effort, viennent la couleur, le trait, la forme.
De leur découverte et répétition naît cette sensibilité à laquelle chacun doit rester fidèle. -
Il boudait. Ce bras qui l'avait lâché, il le lâchait à son tour, et vainement encore cinq mois plus tard la kinésithérapeute m'exhortait à rentrer dans mon bras, mais je me débrouillais avec le gauche, m'étant mis tant bien que mal, dès le lendemain de la chute, malgré sa maladresse, sa presque inexistence, à écrire vermiculairement de la main gauche pour ne pas perdre trace entière de cet aspect gelé et belle-au-bois-dormant de la nature, dont il fallait que je prenne note, afin de ne jamais plus l'oublier, ni l'omettre dans mes futures possibles investigations.
L'individu a au moins deux manières très distinctes de vivre son corps : à ces deux modes de vie s'accordent les noms de droit et de gauche. Dans le corps droit est perçue la représentation sociale, déterminante du corps visible, a contrario, le corps gauche est une manière intérieure, porté par les sensations et l'imagination. Un bras cassé, le droit, provoque une rupture dans la perception du corps, point de départ de ce texte, voyage intérieur, côté gauche.
Ce titre était indisponible depuis trop longtemps alors qu'il est au centre du catalogue.
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Joie sans raison, dans une lutte entre le désir d'inscription et celui d'effacement, mêle oubli et mémoire, deuil et souvenir, manque et réminiscence, thèmes qui ont toujours marqué l'oeuvre de l'écrivain autant dans ses essais que dans ses écrits plus personnels. La mélancolie et l'humour y marquent le détachement nécessaire à compenser les maux les plus profonds. «C'est le risque de la joie : elle dépossède le sujet de l'identité. Elle dépasse toute raison, toute explication. Elle ne communique pas, mais peut être contagieuse. Le poème approche parfois la joie sans comprendre.
La voix dans les mots soudain voit la joie. Elle fait du corps une voix.» La Belgique fêtera cet automne le 80e anniversaire de l'auteur.
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Le poète assassiné est le premier texte qu'illustra Pierre Alechinsky, avec ces dix-huit linogravures, en 1948, au terme de sa formation à l'école de la Cambre, mais le livre ne fut pas publié à l'époque.
Ce conte autobiographique, paru pour la première fois en 1916 mais écrit avant la guerre, raconte l'histoire du poète Croniamantal, d'abord adulé par tous, puis lynché lors d'un mouvement de haine général contre la poésie et les poètes.
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Retrouvée en 1995 en Bulgarie, la mythique édition russe du tout premier poème de Blaise Cendrars, écrit et publié à Moscou en 1907, a fait sensation et suscité de nombreux articles. Notre édition, illustrée de cinq dessins en couleurs inédits de Pierre Alechinsky, reproduit intégralement le livre original russe et en donne une traduction supervisée par Miriam Cendrars, qui a aussi rédigé l'introduction. Forme et style du poème annoncent la modernité autant «qu'il révèle la tragique origine d'un nom nouveau, issu de feu, de braise et de cendres : Blaise Cendrars».
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«Ma vie est l'oubli de ta vie». Toute l'oeuvre de Jacques Sojcher se joue des genres avec désinvolture.
Romans, récits, poésies, essais, enrobés d'une solide couche d'autodérision luttent contre l'érosion de la langue en voulant inventer un langage nouveau : La confusion des visages, contre les assauts du temps voudrait tenter d'empêcher la dissolution du sens. Entre une parole linéaire qui offre une image supportable du monde mais couvre l'horreur, et le silence, Jacques Sojcher fraie une parole intermédiaire, une écriture trouée, balbutiante. Entre les lignes, où respire la figure du père disparu à Auschwitz, se lit la difficulté d'être vivant en remplaçant les morts : les mots exhibent autant qu'ils cachent.
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Ignorant, inconscient pour avoir avalé cette drogue, en somme quasi pour m'en débarrasser, jai mis en route la roue du temps. Les images ne m'intéressent pas, je n'en veux plus. Avec un produit de cette force, ça ne doit pas convenir. Je retourne dans ma chambre afin de me recueillir.
Trop tard déjà.
Expérience singulière que celle d'Henri Michaux, décrivant avec une acuité tenace les effets puissants des drogues qu'il s'administre. Expérience littéraire unique puisque chaque substance a peut-être sa propre langue, encore faut-il pouvoir l'écrire. Ici Henri Michaux semble lutter contre les images pour être au plus près de la pensée, même si celle-ci se décale, se dévie pour devenir la clarté même.
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Tu as aimé la femme au léopard.
Tu dors avec elle et le fauve au beau pelage.
Tu te crois dans un tableau du Douanier Rousseau.
Tu désires son désir.
Ton plaisir est secondaire.
Jacques Sojcher, né à Bruxelles en 1939, fut professeur de philosophie et d'esthétique à l'Université libre de Bruxelles. Sous la forme de courts fragments - fragments d'amour, fragments de mémoire - cet ensemble nous invite à une traversée intérieure. Et même avec un plus frivole véhicule, carossé de manies et fantasmes, l'ironique angoisse de Jacques Sojcher transforme cette promenade en une profonde réflexion autobiographique sur le désir.
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Est-ce l'amour ces doigts qui pressent la cosse du brouillard Pour qu'en jaillissent les villes inconnues aux portes hélas éblouissantes L'amour ces fils télégraphiques qui font de la lumière insatiable un brillant sans cesse qui se rouvre De la taille même de notre compartiment de la nuit Tu viens à moi de plus loin que l'ombre je ne dis pas dans l'espace des séquoias millénaires Dans ta voix se font la courte échelle des trilles d'oiseaux perdus Pour le cinquantenaire des éditions Fata Morgana nous avons choisi de rééditer le mythique poème éponyme d'André Breton, écrit à Marseille en 1940 et dédié à sa femme Jacqueline. Et il nous a paru tout indiqué de le proposer à Pierre Alechinsky, à la fois peintre lié au surréalisme comme à Breton qu'il a fréquenté, et fidèle ami qui nous accompagne depuis le début et avec qui nous avons déjà réalisé plus de soixante livres.
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Jacques Sojcher, né à Bruxelles en 1939, de père slovaque et de mère polonaise, fut professeur de philosophie et d'esthétique à l'Université libre de Bruxelles. S'il se définit lui-même ironiquement comme «philosophe judéo-nietschéen», Jacques Sojcher est également poète et romancier (Un roman, Le professeur de philosophie, Le rêve de ne pas parler.). Françoise Moulin lui a consacré un essai intitulé Jacques Sojcher, ni la mémoire ni l'oublié. C'est le sujet et 38 variations sur le mot juif forment un triptyque avec L'idée du manque paru l'an dernier. Les poèmes de ces recueils sont des instantanés qui, en quelques vers, mèlent oubli et mémoire, deuil et souvenir, manque et réminiscence. Mais au-delà de l'intime prend forme une réflexion sur l'Histoire et le peuple juif qui donne à sa poésie une note d'absolu.
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Jacques Sojcher, né à Bruxelles en 1939, de père slovaque et de mère polonaise, fut professeur de philosophie et d'esthétique à l'Université libre de Bruxelles. S'il se définit lui-même ironiquement comme «philosophe judéo-nietschéen», Jacques Sojcher est également poète et romancier (Un roman, Le professeur de philosophie, Le rêve de ne pas parler.). Françoise Moulin lui a consacré un essai intitulé Jacques Sojcher, ni la mémoire ni l'oublié. C'est le sujet et 38 variations sur le mot juif forment un triptyque avec L'idée du manque paru l'an dernier. Les poèmes de ces recueils sont des instantanés qui, en quelques vers, mèlent oubli et mémoire, deuil et souvenir, manque et réminiscence. Mais au-delà de l'intime prend forme une réflexion sur l'Histoire et le peuple juif qui donne à sa poésie une note d'absolu.
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En revant a partir de peintures enigmatiques
Henri Michaux
- Fata morgana
- 22 Septembre 2012
- 9782851948496
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A partir de l'Afrique, mes écrits tiennent du journal de bord, du carnet de voyage ; tantôt très ancrés dans le vif, à la manière d'un reportage, tantôt détachés du monde des causalités et formant des sortes de ready-made poétiques. Vingt ans après mes vingt ans, le Mexique m'a révélé qu'il n'y a pas de prodige sans quotidien ; c'est par la porte de " ce qui est " qu'on atteint " ce qui n'est pas ". Je me méfie du complexe de " l'albatros " et du génie virtuel ; en attendant , je m'enferme dans les rues avec mes semelles de pneu, je troue les murs à l'encre noire. Ivan Alechine
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