Si les mathématiques étaient un genre littéraire, ce serait certainement la poésie. L'élément poétique peut venir par l'apparition d'éléments étrangers et inattendus dans un texte. On peut trouver une certaine beauté aux mots qui surgissent avec leur charge de mystère dans un dialogue où ils n'ont rien à faire. Ils appartiennent à une autre langue. C'est un peu comme quand vous écoutez une chanson dans une langue étrangère à laquelle vous ne comprenez rien et que vous y percevez une force tout à fait mélodieuse et mystérieuse.
Cédric Villani est directeur de l'Institut Henri Poincaré à Paris, et professeur à l'Université Claude Bernard de Lyon. Ses principaux thèmes de recherche sont la théorie cinétique (les équations de Boltzmann et Vlasov, et leurs variantes), et le transport optimal et ses applications. Son travail lui a valu plusieurs reconnaissances nationales et internationales, dont la médaille Fields en 2010. Depuis lors il remplit un rôle de porte-parole et d'ambassadeur pour la communauté mathématique française auprès des médias et des politiques. En décembre 2013, il a été élu à l'Académie des Sciences de Paris. Derniers ouvrages parus : Théorème vivant (Grasset & Fasquelle), La Maison des mathématiques (avec Jean-Philippe Uzan et Vincent Moncorgé - Le Cherche Midi).
Entre l'âge de 8 et 17 ans, Fernando Pessoa a vécu en Afrique du Sud ; il lui en restera une parfaite maîtrise de la langue anglaise. S'appropriant cette langue qui n'est pas la sienne, il la réinvente à sa façon (un peu à la manière de Beckett écrivant en français). Si, de son vivant, il n'a publié sous son nom qu'une seule oeuvre en portugais, sont par contre parus quatre recueils en anglais, plus de nombreux fragments, rassemblés dans ce livre. Dans une grande rigueur d'expression, Pessoa y atteint les sommets de la poésie métaphysique, notamment dans Antinoüs et dans les Trente-cinq sonnets, qui comptent parmi ses plus grands chefs d'oeuvre.
Charme.
De la rive lunaire des songes, Je tends vers toi mes mains jointes, O toi qui descendis d'autres fleuves, Que ceux que l'oeil espère voir !
O couronnée des rayons de l'esprit !
O spiritualité voilée !
Mes rêves et mes pensées abaissent, Leurs oriflammes à tes pieds.
O ange qui naquis trop tard, Pour rencontrer l'homme déchu !
Sous quelles neuves espèces sensibles, Nos vies jumelles connaîtront-elles, la douceur ?
De quel nouvel émoi dois-je, Rêver pour te croire mienne ?
De quelle pureté du désir ?
Toi qui te vrilles comme une vigne, Autour de ma foi caressée !
O vin de l'esprit pressé en rêve !
Cette nuit, la forme que mon récit doit adopter m'a été révélée par un rêve. Davantage qu'un livre-amphibie, il me faut inventer un roman vortex, dansant comme un tourbillon d'écume, un roman aux pages-branchies, aux phrases ciselées comme des écailles, un roman qui se lance à la mer et nage vers le paléolithique. Tout à la fois roman des cétacés et récit des amours d'Anaïs, Écume se place dans le sillage de Moby Dick, le chef-d'oeuvre d'Herman Melville, pour transformer le récit d'une chasse en ode à la vie et à la liberté. Véronique Bergen est romancière, poète et philosophe. Parmi ses derniers ouvrages parus, on trouve Marianne Faithfull. Broken English (Éd. Densité) ou encore Marolles. La Cour des chats chez CFC Éditions. Elle a publié plusieurs romans chez ONLIT dont Tous doivent être sauvés ou aucun, récompensé par le prix Scam Littérature.
Grand Arbre est malade raconte l'histoire de Frimousse. Dans son monde, Grand Arbre est un être fort important. Grand Arbre pourrait être maman, papa ou toute autre personne avec qui l'enfant a un lien affectif. Mais Grand Arbre est envahi par des vers, une maladie qui exige un traitement fort sévère. La vie de Grand Arbre et Frimousse en sera complètement bouleversée. L'imaginaire s'alimente de la réalité du cancer et de son traitement. Intervention chirurgicale, chimiothérapie, rayons, pertes de cheveux, tout s'y retrouve. Frimousse passe par une multitude d'émotions: tristesse, tendresse, colère, peur, espoir.
Avec un mari fidèle, un poste à responsabilités, un vaste appartement et deux grands enfants à l'aube de carrières brillantes, la vie d'Hélène frôle la perfection. Alors pourquoi ce sentiment de ne pas être à sa place ? Un matin l'attend sur son bureau un mystérieux bouquet de fleurs. Et ensuite tout bascule.
Comment (et pourquoi) j'ai mangé mon amant marque le retour de Pascale Fonteneau sur la scène littéraire, à travers un texte à la mécanique aussi implacable qu'inattendue. Pascale Fonteneau vit à Bruxelles. Elle a publié chez Actes Sud (Actes noirs), Gallimard (Série noire, Folio Policier), au Masque ou encore chez Baleine.
Elle est noire. La quarantaine. Féline divine. Puissante. Elle gueule. Cri de femme. Femme-enfant. Femme-mère. Femme fatale. Femme aux mots qui percent. Acérés. Lisette Lombé - du moins son héroïne - dévoile son cul, sa dentelle, ses fantasmes. Sans pudeur. Une venus ardente dans sa cité, une chatte brûlante et moite qui raconte ses quarante années. Son corps de femme. Les doigts qui effleurent, les doigts qui serrent, les doigts qui montrent, les doigts qui écrivent, les doigts qui pleurent à poings fermés. Et tu te retrouves, toi, dans cette danse syncopée, dans ces couvertures souillées de soir d'été, dans ces fantasmes inavoués, dans ce corps blessé de machine à téter, dans ces ébats cachés de puberté. Ce livre, c'est l'histoire de toutes les femmes. De tous les clitoris de la terre. (Nastasja Caneve)
Au-delà des manipulations qui opposent droite et gauche, rétro-bolcheviques et rétro-fascistes, pro et anti n'importe quoi, le Retour à la base est un rappel des problèmes auxquels celles et ceux d'en bas, que l'on nomme le peuple, sont confrontés, quotidiennement, à la maison, au village, dans le quartier. Renouant avec la tradition des feuilles volantes, colportées par les rues à l'aube de la Révolution française, ce libelle invite à se retrouver sur le terrain de l'existence, là où l'individu autonome réapprend à vivre, perçoit clairement les mensonges d'en haut, redécouvre l'entraide et se dépouille de cet individualisme dont le calcul égoïste perpétue le règne de l'argent et de la servitude volontaire.
Vesdre est le récit poétique d'une tragédie, la mise en mots d'un traumatisme pour la mémoire de ceux qui périrent, et pour ceux qui luttent encore dans les vallées meurtries.
Caillasses, c'est un Big Bang existentiel, une poésie à la criée, un battement de coeur. Avec son premier recueil de poèmes, Joëlle Sambi tisse une étoffe. Elle assure la protection des vivants et le passage des mots. Une plume affilée, aussi profonde et pleine que la forêt équatoriale. Tel un manifeste poético-politique, elle y déploie les cicatrices d'un corps-âme mâtiné de violences raciales, sexistes et homophobes. Sa langue se pare de mille éclairs afin de partager les raisins mûrs de la colère.
Jean Ruisselaer, Barnabé Blème, Thierry Etienne et Guido Denoct créent le groupe théâtral Quintessence à la fin des années 1980. Récit fictionnel du parcours du collectif théâtral Transquinquennal.
« Je place encore, et encore, et encore un gros morceau de mots au bout de mes lignes chairs roses et tortillantes pour voir si ça mord. » Il y a Sixtine qui court, toute-puissante, sur ses seize ans à l'été 2003. Entre insouciance et urgence d'exister, elle passe un morceau de ses vacances aux côtés d'une amie de sa mère, veuve depuis peu.
Il y a Thirty qui démissionne en 2019 et qui compose, entre ses quatre murs, un état des lieux de ses possibles - délimité par son angoisse de sortir.
Il y a le Choeur qui raconte, qui chante, qui danse et balance pas mal. Il a pour mission, dit-il, de rendre visible l'invisible.
C'est une histoire logée à l'endroit du crash entre deux époques. Un viseur tragicomique pointé sur le doute. C'est une histoire de jeunes et de vieilles peaux qui se croisent, qui (se) heurtent, qui sèchent au soleil dur du regard.
Mixant les genres et les registres de narration et de langue, JERK est un récit hors normes. Le partage d'une voix poétique qui met en pièces l'aujourd'hui.
Un essai sur V. Woolf et son engagement pour les causes féministe et pacifiste au XXe siècle. Ses textes et sa riche correspondance sont un témoignage de sa lutte contre les préjugés du milieu bourgeois dont elle est issue.
Black Words, avant d'être le livre que vous tenez en main, a été une performance mélangeant le slam, la danse, les musiques électroniques et la photographie.Réflexion sur les représentations que nous avons du corps des femmes noires, elle bousculait aussi les codes d'une certaine poésie érotique. Devenu livre, Black Words poursuit ce déboulonnage des stéréotypes liés à la femme noire, casse les codes de la pensée clivante et sonne le glas des sourds héritages.
« Nous sommes fiertés. Nous sommes claques. Nous sommes braises », nous dit Lombé, qui écrit, qui colle et qui slame pour que ses enfants, dit-elle, n'oublient pas de quel ventre ils sont nés.
Leçon de vie et d'indépendance, Black Words nous propose avant tout un pari, celui de la vitalité, en opposant aux tristes et aux atrabilaires le seul discours qui vaille, un discours fait de joie et de lucidité : « Méfie-toi des adultes grincheux et peureux qui ne te donnent pas envie de grandir ! Développe ton intelligence interculturelle : lis, voyage, amuse-toi, fais-toi des amis de tous bords ! Le monde est beau ! Méfie-toi des solutions simplistes et toutes faites ! Le monde est beau mais très complexe ! Et quand tu entendras que les étrangers sont des parasites, qu'ils volent le travail des Belges ou qu'ils sont dangereux, souviens-toi de notre conversation, de la poésie qui ne connaît pas les frontières et de la manière dont je t'ai regardé droit dans les yeux ! »
De cette puissance qui oscille entre langue et silence. De ce ciel qui passe et nous traverse comme nous traversons la vie. Si les blessures se lisent à l'intérieur, l'aube approche en patience. Doucement. Sans brusquerie. Il reste l'acte d'écrire, la poésie en repère sur laquelle s'appuyer et rebâtir. Il reste de ce rêve, ce feu en nous, cette place qui se redessine où c'est désormais désert. Écrire les traces, témoigner de l'insaisissable, voler des regards, c'est ce que réalise avec brio Florence Valéro dans ce murmure de l'écho. Dans cette conscience aussi que rien ne passera jamais par les bons mots. Écrire ce qui se brise et élève. Avec acharnement. - Ludivine Joinnot
Dans cette collection de fragments poétiques oscillant entre l'intime et le scientifique, Christine Van Acker nous emmène à la découverte du monde végétal. L'en vert de nos corps est une invitation à la curiosité et à l'émerveillement devant l'inventivité et la beauté des mécanismes d'évolution de la nature.
"Carte pour le monde à venir" est le cinquième livre de l'auteure amérindienne Joy Harjo, l'une des plus importantes poétesses américaines. Publié en 2000 chez W.W. Norton and Company, il alterne poésies et récits.
En entretissant poèmes et courts récits, modulant des histoires qui se font mutuellement écho, Joy Harjo nous emmène dans un voyage aux multiples facettes. Voyage à travers l'histoire, en lien avec les migrations des Amérindiens et le déplacement de sa tribu, les Creeks. Voyage à travers le monde : des terres amérindiennes natales à Hawaï, en passant par l'Italie, l'Inde ou l'Égypte... Voyage intérieur, enfin, grâce au pouvoir du rêve et de la mémoire. En voyageuse infatigable, Joy Harjo tisse entre les êtres - proches et lointains - des liens inattendus. Ses mots content la violence, l'inimitié, l'exploitation des plus faibles et la douleur des séparations, mais aussi la force de l'amour, du soleil et de la bonté de certains êtres, une force qui persiste au-delà du danger et de la mort. L'expérience urbaine et contemporaine croise le passé historique et mythique amérindien dans un heureux mélange de réalisme et d'éléments oniriques. Le monstre des eaux emmène le père loin de sa famille. Le sage corbeau dialogue avec les hommes et l'araignée les intègre dans la trame de l'histoire. Ciselés comme des contes, ces textes continuent de résonner longtemps après les avoir lus, tant ils parlent à cette part essentielle de nous-mêmes : la part poétique, méditative et profondément humaine.
Révélée avec Parler étrangement, qui racontait son exil entre deux langues (le français et l'arabe libanais), Ritta Baddoura nous revient avec un texte qui dit l'écartèlement, la frontière. Mais il s'agit maintenant de l'espace entre dehors et dedans, l'appartement et la rue, les rêves et la réalité. Et dans ce lieu, les pensées flottent, tout s'inverse ; l'arbre du dehors se retrouve de ce côté de la vitre. L'appartement, la ville, les passants, les soldes, les travaux. Et la forêt, les champs, la montagne. Tout est à l'intérieur. Depuis toujours, tout est là, présent à la mémoire. Ce livre raconte l'histoire d'une femme qui, comme le dit Ghérasim Luca, parvient à « s'en sortir sans sortir », une femme, bloquée chez elle, qui fait renaître le monde en ses murs, avec une poésie qui fait du bien.
Entre 2011 et 2021, Camille Pier a archivé sous formes de poèmes performances quelques-unes de ses éclosions. Archivé ou activé ? Les mots qu'on jette sur scène sont parfois des sorts qu'on se lance à soi-même comme des boomerangs. Sortir de l'ennui, de l'enfermement, de la peur de ne jamais être normal, de devenir ou de rester un véritable scandale. Se lancer vers l'avant et se trouver en chemin. Ce chemin c'est le tracé de la marge, la limite vers la militance, le monde de la nuit, les planches de la scène éclairée par des lunes artificielles. Scandale ! est un récit en je polyphonique, l'histoire d'un personnage de cabaret qui rêve de devenir réel.
Écrire de la poésie depuis plus d'une quinzaine d'années et parcourir en long et en large sa production littéraire, c'est comme effectuer un périple en train - de Moscou à Cap Town. Vous traversez des bourgades de mille âmes, des mégalopoles, des forêts, des prairies, des landes, des espaces désertiques... Vous entrevoyez toutes sortes de nuages. Des animaux chevauchant la savane. Des éoliennes. Des cimetières. Des églises. Des gares désertes et paumées par-dessus le marché. Des cockpits soudoyés par le soleil. Des restaurants à trois sous l'assiette. Des montagnes enlacées par les eaux. Des usines à l'abandon. Des ponts suspendus. Des cars de camping. Il en ressort de ce voyage de l'émerveillement, de la déraison et de la fatigue, mêlés aux questions existentielles.
Ce livre occupe une place particulière dans mon parcours. S'il reprend les thèmes que j'affectionne, il contient également des germes de rupture. Il est mon tout premier ouvrage à s'inspirer de manière directe de la tradition orale luba. Je puise dans la spiritualité de ce peuple dont je suis issu. J'évoque sa marche vagabonde à travers le passé. Je réanime les us et coutumes et tisse des liens avec le Kasala, genre littéraire oral. C'est un retour au pays natal, après une dizaine de vies en Europe.
Rebecca Elson e´tait astronome, et elle e´tait poète. Son travail l'a conduite jusqu'aux limites du visible et du mesurable. Ce recueil de poe`mes et de re´flexions est l'oeuvre d'une scientifique pour qui la poe´sie e´tait un aspect ne´cessaire de la recherche, une pratique cruciale pour comprendre le monde et la place qu'on y occupe.
Rebecca Elson transformait la matie`re noire de ses recherches d'astrophysique en une poe´tique du myste`re, et en une dissection sensible de l'e´nigme universelle d'une mort que, tre`s to^t, elle a su pour elle imminente. Dans ses textes, elle tente de comprendre la relation entre sa vocation scientifique et celle de poe`te. La poe´sie de Rebecca Elson touche a` la fragilite´ de la vie, a` la nature de l'ignorance humaine devant le monde, a` la solitude de l'e^tre a` l'ore´e des questions sans re´ponses. Travaille´s par les images et les sonorite´s, la que^te d'une forme d'imme´diatete´ de´pouille´e, de´licate, et un absolu questionnement, inse´parable de l'enfance, porte´s aussi par un sens aigu du rythme, ces textes tanto^t quotidiens, tanto^t poignants, tanto^t perplexes, tanto^t arpenteurs du monde ou funambules du ciel, et tout cela ensemble, cherchent a` pe´ne´trer le noir intraduisible. Et comme les ossements ancestraux de ces antidotes a` la peur qui viennent clore avec une gra^ce bouleversante le recueil, ses poe`mes, les uns apre`s les autres, semblent bien s'envoler, a` tire d'ailes brillantes.