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Grasset
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« J'écris de chez les moches, pour les moches, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf, aussi bien que pour les hommes qui n'ont pas envie d'être protecteurs, ceux qui voudraient l'être mais ne savent pas s'y prendre, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés. Parce que l'idéal de la femme blanche séduisante qu'on nous brandit tout le temps sous le nez, je crois bien qu'il n'existe pas. » V.D.
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« Tant de fois je me suis tenue avec des mourants et avec leurs familles. Tant de fois j'ai pris la parole à des enterrements, puis entendu les hommages de fils et de filles endeuillés, de parents dévastés, de conjoints détruits, d'amis anéantis... »
Etre rabbin, c'est vivre avec la mort : celle des autres, celle des vôtres. Mais c'est surtout transmuer cette mort en leçon de vie pour ceux qui restent : « Savoir raconter ce qui fut mille fois dit, mais donner à celui qui entend l'histoire pour la première fois des clefs inédites pour appréhender la sienne. Telle est ma fonction. Je me tiens aux côtés d'hommes et de femmes qui, aux moments charnières de leurs vies, ont besoin de récits. »
A travers onze chapitres, Delphine Horvilleur superpose trois dimensions, comme trois fils étroitement tressés : le récit, la réflexion et la confession. Le récit d' une vie interrompue (célèbre ou anonyme), la manière de donner sens à cette mort à travers telle ou telle exégèse des textes sacrés, et l'évocation d'une blessure intime ou la remémoration d'un épisode autobiographique dont elle a réveillé le souvenir enseveli.
Nous vivons tous avec des fantômes : « Ceux de nos histoires personnelles, familiales ou collectives, ceux des nations qui nous ont vu naître, des cultures qui nous abritent, des histoires qu'on nous a racontées ou tues, et parfois des langues que nous parlons. » Les récits sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts. « Le rôle d'un conteur est de se tenir à la porte pour s'assurer qu'elle reste ouverte » et de permettre à chacun de faire la paix avec ses fantômes... -
Comment ça va pas ? - Conversations après le 7 octobre
Delphine Horvilleur
- Grasset
- essai français
- 21 Février 2024
- 9782246838470
Fracassée comme tant d'autres après le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, l'auteur voit son monde s'effondrer. Elle dont la mission consiste à porter la souffrance des autres sur ses épaules et à la soulager par ses mots, se trouve soudain en état de sidération, impuissante et aphasique.
Dans la fièvre, elle écrit alors ce petit traité de survie, comme une tranche d'auto-analyse qui la fait revenir sur ses fondements existentiels.
Le texte est composé de dix conversations réelles ou imaginaires : conversation avec ma douleur, conversation avec mes grands-parents, conversation avec la paranoïa juive, conversation avec Claude François, conversation avec les antiracistes, conversation avec Rose, conversation avec mes enfants, conversation avec ceux qui me font du bien, conversation avec Israël, conversation avec le Messie.
Ce livre entre en résonnance avec Vivre avec nos morts (puisqu'il s'agit ici, a contrario, de l'angoisse de mourir avec les vivants), avec Réflexions sur la question antisémite (puisque c'est le pendant personnel, intime et douloureux à l'essai plus intellectuel et réflexif) et à Il n'y a pas de Ajar (puisque la musique, le ton, la manière des dialogues oraux font écho à ceux du monologue théâtral).
Comme toujours avec l'auteur, le va et vient entre l'intime et l'universel, entre l'exégèse des textes sacrés et l'analyse de la société actuelle, entre la gravité du propos et l'humour comme politesse du désespoir, parvient à transformer le déchirement en réparation, l'inconfort en force, l'inquiétude en réassurance et le doute en savoir. -
Le Vertige MeToo : Trouver l'équilibre après la nouvelle révolution sexuelle
Caroline Fourest
- Grasset
- essai français
- 11 Septembre 2024
- 9782246825678
« Nous vivons une nouvelle révolution sexuelle. Après la libération, voici venu le temps du respect. Sept ans après MeToo, pas jour sans que l'arène publique ne soit secouée par des révélations qui rencontrent enfin l'écoute. Revers de la médaille, des hommes et quelques femmes sont mis dans le même sac MeToo pour des accusations très différentes, allant de graves agressions sexuelles à des malentendus sexistes. Il y a ceux qu'on soupçonne d'avoir employé la force ou exercé leur emprise, et parfois de simples éconduits, à qui l'on reproche une maladresse isolée. Il y a les prédateurs que plusieurs dénoncent, et ceux qu'une seule femme accuse. Il y a les relaxés faute de preuves, et les blanchis qui vivent toujours à l'ombre du doute... Dans cette liste, beaucoup de coupables, enfin exposés, et quelques innocents, brûlés vifs sur le bûcher médiatique. La honte a changé de camp, mais la meute aussi. Et sa guillotine est à géométrie variable, selon qui accuse et la notoriété de l'accusé.
Comment reconnaître le faux MeToo du vrai ? Faut-il se fier uniquement à la presse ou attendre la justice ? Croire l'accusation sur parole ou respecter la présomption d'innocence ? Bannir à vie ou préférer une riposte graduée ? Ce livre a pour but de retrouver un équilibre, féministe et juste, après le vertige. »
C. F.
Du Mouvement de libération des femmes à l'après MeToo, de l'affaire Weinstein aux mille autres secouant le cinéma et les médias, jusqu'à son intime expérience, Caroline Fourest dissèque les ombres et lumières d'un séisme qui a changé nos vies. Un éclairage indispensable pour ne pas transformer une révolution en terreur, et garder le cap : celui de la lutte contre les abus de pouvoir. Cinquante nuances en zone grise. Pour sauver MeToo de ses excès -
Une vie heureuse
Ginette Kolinka, Marion Ruggieri
- Grasset
- essai français
- 25 Janvier 2023
- 9782246832393
Ginette Kolinka, qui va fêter ses 98 ans, habite le même appartement depuis qu'elle a dix ans.
Elle a toujours vécu là, rue Jean-Pierre Timbaud, au coeur de Paris, à l'exception de trois ans : de 1942 à 1945.
Cet appartement, c'est sa vie qui défile devant nos yeux. Il y a les portraits de ceux qui ne sont pas revenus de Birkenau : son père, son petit frère, son neveu.
Les disques d'or de son fils unique, Richard, batteur du groupe Téléphone.
Les photos de ses cinq soeurs, Ginette est la cadette, des petits-enfants, des arrière-petits-enfants.
Les dessins des écoliers, à qui elle raconte désormais son histoire, tous les jours, aux quatre coins de la France.
Et même les meubles qu'ont laissés les « collabos ».
Ginette nous fait la visite.
On traverse le temps : l'atelier de confection de son père, la guerre, ce mari adorable et blagueur. Les marchés, qui l'ont sauvée. Et les camps qui affleurent à chaque page, à chaque pas.
Mais Ginette, c'est la vie ! Le grand présent. « On me demande pourquoi je souris tout le temps, mais parce que j'ai tout pour être heureuse ! » -
Le temps des féminismes
Michelle Perrot, Eduardo Castillo
- Grasset
- Essai
- 18 Janvier 2023
- 9782246830283
On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on ? Précurseure de l'histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d'histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l'engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd'hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications : l'histoire de l'accession à l'égalité, l'histoire du patriarcat, l'histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l'ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l'universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l'on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert ; l'on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque...
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d'une pionnière, témoin d'un siècle de féminisme, dont l'engagement n'a d'égal que sa hauteur de vue. -
Après Le droit d'emmerder Dieu, éloge du droit au blasphème, Richard Malka revient sur l'origine profonde d'une guerre millénaire au sein de l'Islam : la controverse brûlante sur la nature du Coran.
Plus qu'une plaidoirie, ces pages mûries pendant des années questionnent ce qu'il est advenu de l'Islam entre le VIIème et le XIème siècle, déchiré entre raison et soumission.
Les radicaux ont gagné, effectuant un tri dans le Coran et les paroles du Prophète, oppressant leurs ennemis - au premier rang desquels les musulmans modérés, les musiciens, artistes, philosophes, libres penseurs, les femmes et minorités sexuelles.
Plonger avec passion dans cette cassure au sein d'une religion n'est pas être « islamophobe », c'est regarder l'histoire en face.
Traité sur l'intolérance est une méditation puissante, un appel aux islamologues du savoir et de la nuance - pour qu'enfin chacun sache, comprenne, échange, s'exprime. -
« En ce début des années 1990 : le diable grimé en général était toujours présent. Il me semblait qu'en le rencontrant, je pourrais comprendre ce qui le différenciait du reste du genre humain. Constater ce qui lui manquait, ou ce qui avait provoqué un changement de nature. Peut-être me rassurer à bon compte face à l'évidence de l'altérité. Et témoigner. »
Fils d'un père bolivien réfugié en France, Bruno Patino grandit entouré d'images de figures révolutionnaires devenues icônes. Il fantasme et s'interroge sur les hommes derrière les représentations. Parmi ces images, celle du dictateur chilien aux lunettes noires, Augusto Pinochet, incarne pour lui le mal.
En 1992, à 26 ans, l'auteur devient correspondant du Monde au Chili. Pinochet a quitté la présidence mais reste le commandant en chef de l'armée de terre et limite drastiquement ses échanges avec la presse. Il est, sur le continent, l'un des derniers à avoir fait régner l'ordre par le sang avant que les armes ne soient troquées par les écrans et la surveillance. Bruno Patino, cherche, déjà, à percer l'énigme du pouvoir : mû par une étrange obsession, il veut, par tous les moyens, rencontrer le général pour l'interroger.
Ce rare face-à-face est raconté dans ces pages, cinquante ans après la prise de pouvoir de Pinochet par un coup d'Etat, le 11 septembre 1973.
Après ses grands essais sur notre condition numérique, Bruno Patino nous emmène sur un terrain mouvant et passionnant : les combats de sa jeunesse et l'ambiguïté folle d'approcher un monstre. Un conte cruel où un jeune journaliste va pourtant finir par rire avec le diable. -
« C'est à nous, et à nous seuls, qu'il revient de réfléchir, d'analyser et parfois de prendre des risques pour rester libres. Libres de nous engager et d'être ce que nous voulons. C'est à nous, et à personne d'autre, qu'il revient de trouver les mots, de les prononcer, de les écrire avec force, pour couvrir le son des couteaux sous nos gorges.
A nous de rire, de dessiner, d'aimer, de jouir de nos libertés, de vivre la tête haute, face à des fanatiques qui voudraient nous imposer leur monde de névroses et de frustration - en coproduction avec des universitaires gavés de communautarisme anglo-saxon, des militants aveuglés, et des intellectuels qui sont les héritiers de ceux qui ont soutenu parmi les pires dictateurs du XXème siècle, de Staline à Pol Pot. »
Ainsi plaide Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, lors du procès des attentats de janvier 2015. Procès historique, procès intellectuel, au cours duquel l'auteur retrace, avec puissance et talent, le cheminement souterrain et idéologique du Mal. Chaque mot pèse. Chaque mot frappe. Ou apporte la douceur. Evoquant les noms des disparus, des amis, leurs plumes, leurs pinceaux, leur distance ironique et tendre. Oui, la liberté d'expression est un combat, chaque jour vivifié par des gestes, des paroles, des échanges.
Face à la mort, la littérature nous tient : ce texte, bien plus qu'une plaidoirie, est un éloge de la vie libre, joyeuse et éclairée. -
Gisèle Halimi : Soixante-dix ans de combats, d'engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et la volonté, aujourd'hui, de transmettre ce qui a construit cet activisme indéfectible, afin de dire aux nouvelles générations que l'injustice demeure, qu'elle est plus que jamais intolérable. Gisèle Halimi revient avec son amie, Annick Cojean, qui partage ses convictions féministes, sur certains épisodes marquants de son parcours rebelle pour retracer ce qui a fait un destin. Sans se poser en modèle, l'avocate qui a toujours défendu son autonomie, enjoint aux femmes de ne pas baisser la garde, de rester solidaires et vigilantes, et les invite à prendre le relai dans le combat essentiel pour l'égalité à l'heure où, malgré les mouvements de fond qui bouleversent la société, la cause des femmes reste infiniment fragile.
Depuis l'enfance, la vie de Gisèle Halimi est une fascinante illustration de sa révolte de « fille ». Farouchement déterminée à exister en tant que femme dans l'Afrique du Nord des années 30, elle vit son métier comme un sacerdoce et prend tous les risques pour défendre les militants des indépendances tunisienne et algérienne et dénoncer la torture. Avocate plaidant envers et contre tout pour soutenir les femmes les plus vulnérables ou blessées, elle s'engage en faveur de l'avortement et de la répression du viol, dans son métier aussi bien que dans son association « Choisir la cause des femmes ». Femme politique insubordonnée mais aussi fille, mère, grand-mère, amoureuse... Gisèle Halimi vibre d'une énergie passionnée, d'une volonté d'exercer pleinement la liberté qui résonne à chaque étape de son existence.
« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » : ces mots de René Char, son poète préféré, pourraient définir Gisèle Halimi, cette « avocate irrespectueuse », et sa vie de combats acharnés pour la justice et l'égalité. -
" Depuis que j'ai quitté le Liban pour m'installer en France, que de fois m'a-t-on demandé, avec les meilleures intentions du monde, si je me sentais " plutôt français " ou " plutôt libanais ". Je réponds invariablement : " L'un et l'autre ! " Non par quelque souci d'équilibre ou d'équité, mais parce qu' en répondant différemment, je mentirais. Ce qui fait que je suis moi-même et pas un autre, c'est que je suis ainsi à la lisière de deux pays, de deux ou trois langues, de plusieurs traditions culturelles. C'est cela mon identité ? "
Partant d'une question anodine qu'on lui a souvent posée, Amin Maalouf s'interroge sur la notion d'identité, sur les passions qu'elle suscite, sur ses dérives meurtrières. Pourquoi est-il si difficile d'assumer en toute liberté ses diverses appartenances ? Pourquoi faut-il, en cette fin de siècle, que l'affirmation de soi s'accompagne si souvent de la négation d'autrui ? Nos sociétés seront-elles indéfiniment soumises aux tensions, aux déchaînements de violence, pour la seule raison que les êtres qui s'y côtoient n'ont pas tous la même religion, la même couleur de peau, la même culture d'origine ? Y aurait-il une loi de la nature ou une loi de l'Histoire qui condamne les hommes à s'entretuer au nom de leur identité ?
C'est parce qu'il refuse cette fatalité que l'auteur a choisi d'écrire les Identités meurtrières, un livre de sagesse et de lucidité, d'inquiétude mais aussi d'espoir.
Amin Maalouf a publié les Croisades vues par les Arabes, ainsi que six romans : Léon l'Africain, Samarcande, les jardins de lumière, le Premier siècle après Béatrice, le Rocher de Tanios et les Echelles du Levant. -
La civilisation du poisson rouge ; petit traité sur le marché de l'attention
Bruno Patino
- Grasset
- essai français
- 10 Avril 2019
- 9782246819301
« Le poisson rouge tourne dans son bocal. Il semble redécouvrir le monde à chaque tour. Les ingénieurs de Google ont réussi à calculer la durée maximale de son attention : 8 secondes. Ces mêmes ingénieurs ont évalué la durée d'attention de la génération des millenials, celle qui a grandi avec les écrans connectés : 9 secondes. Nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés.
Une étude du Journal of Social and Clinical Psychology évalue à 30 minutes le temps maximum d'exposition aux réseaux sociaux et aux écrans d'Internet au-delà duquel apparaît une menace pour la santé mentale. D'après cette étude, mon cas est désespéré, tant ma pratique quotidienne est celle d'une dépendance aux signaux qui encombrent l'écran de mon téléphone. Nous sommes tous sur le chemin de l'addiction : enfants, jeunes, adultes.
Pour ceux qui ont cru à l'utopie numérique, dont je fais partie, le temps des regrets est arrivé. Ainsi de Tim Berners Lee, « l'inventeur » du web, qui essaie de désormais de créer un contre-Internet pour annihiler sa création première. L'utopie, pourtant, était belle, qui rassemblait, en une communion identique, adeptes de Teilhard de Chardin ou libertaires californiens sous acide.
La servitude numérique est le modèle qu'ont construit les nouveaux empires, sans l'avoir prévu, mais avec une détermination implacable. Au coeur du réacteur, nul déterminisme technologique, mais un projet qui traduit la mutation d'un nouveau capitaliste : l'économie de l'attention. Il s'agit d'augmenter la productivité du temps pour en extraire encore plus de valeur. Après avoir réduit l'espace, il s'agit d'étendre le temps tout en le comprimant, et de créer un instantané infini. L'accélération générale a remplacé l'habitude par l'attention, et la satisfaction par l'addiction. Et les algorithmes sont aujourd'hui les machines-outils de cette économie...
Cette économie de l'attention détruit, peu à peu, nos repères. Notre rapport aux médias, à l'espace public, au savoir, à la vérité, à l'information, rien n'échappe à l'économie de l'attention qui préfère les réflexes à la réflexion et les passions à la raison. Les lumières philosophiques s'éteignent au profit des signaux numériques. Le marché de l'attention, c'est la société de la fatigue.
Les regrets, toutefois, ne servent à rien. Le temps du combat est arrivé, non pas pour rejeter la civilisation numérique, mais pour en transformer la nature économique et en faire un projet qui abandonne le cauchemar transhumaniste pour retrouver l'idéal humain... »B.P. -
Petit traité du racisme en Amérique
Dany Laferriere
- Grasset
- essai français
- 4 Janvier 2023
- 9782246830504
Dans ce livre, le premier qu'il consacre au racisme, Dany Laferrière se concentre sur ce qui est peut-être le plus important racisme du monde occidental, celui qui dévore les Etats-Unis. Les Noirs américains : 43 millions sur 332 millions d'habitants au total - plus que la population entière du Canada. 43 millions qui descendent tous de gens exploités et souvent martyrisés. 43 millions qui subissent encore souvent le racisme. Loin d'organiser une opposition manichéenne entre le noir et le blanc, précisément, Dany Laferrière précise : « On doit comprendre que le mot Noir ne renferme pas tous les Noirs, de même que le mot Blanc ne contient pas tous les Blancs. Ce n'est qu'avec les nuances qu'on peut avancer sur un terrain si miné. »
Voici donc un livre de réflexion et de tact, un livre littéraire. Mêlant des formes brèves que l'on pourrait rapprocher des haïkus, où il aborde en général les sensations que les Noirs éprouvent, et de brefs essais où il étudie des questions plus générales, Dany Laferrière trace un chemin grave, sans jamais être démonstratif, dans la violence semble-t-il inextinguible du racisme américain. « Mépris », « Rage », « Ku Klux Klan » alternent avec des portraits des grands anciens, Noirs ou Blancs, qui ont agi en noir ou en blanc : Charles Lynch, l'inventeur du lynchage, mais aussi Eleanor Roosevelt ; et Frederick Douglass, et Harriet Beecher Stowe, l'auteur de La Case de l'oncle Tom, et Bessie Smith, à qui le livre est dédié, et Angela Davis. Ce Petit traité du racisme en Amérique s'achève sur une note d'espoir, celui que Dany Laferrière confie aux femmes. « Toni, Maya, Billie, Nina, allez les filles, le monde est à vous ! » -
Il faut prêter attention aux analyses d'Amin Maalouf : ses intuitions se révèlent des prédictions, tant il semble avoir la prescience des grands sujets avant qu'ils n'affleurent à la conscience universelle. Il s'inquiétait il y a vingt ans de la montée des Identités meurtrières ; il y a dix ans du Dérèglement du monde. Il est aujourd'hui convaincu que nous arrivons au seuil d'un naufrage global, qui affecte toutes les aires de civilisation.
L'Amérique, bien qu'elle demeure l'unique superpuissance, est en train de perdre toute crédibilité morale. L'Europe, qui offrait à ses peuples comme au reste de l'humanité le projet le plus ambitieux et le plus réconfortant de notre époque, est en train de se disloquer. Le monde arabo-musulman est enfoncé dans une crise profonde qui plonge ses populations dans le désespoir, et qui a des répercussions calamiteuses sur l'ensemble de la planète. De grandes nations « émergentes » ou « renaissantes », telles la Chine, l'Inde ou la Russie, font irruption sur la scène mondiale dans une atmosphère délétère où règne le chacun-pour-soi et la loi du plus fort. Une nouvelle course aux armements paraît inéluctable. Sans compter les graves menaces (climat, environnement, santé) qui pèsent sur la planète et auxquelles on ne pourrait faire face que par une solidarité globale qui nous fait précisément défaut.
Depuis plus d'un demi-siècle, l'auteur observe le monde, et le parcourt. Il était à Saigon à la fin de la guerre du Vietnam, à Téhéran lors de l'avènement de la République islamique. Dans ce livre puissant et ample, il fait oeuvre à la fois de spectateur engagé et de penseur, mêlant récits et réflexions, racontant parfois des événements majeurs dont il s'est trouvé être l'un des rares témoins oculaires, puis s'élevant en historien au-dessus de sa propre expérience afin de nous expliquer par quelles dérives successives l'humanité est passée pour se retrouver ainsi au seuil du naufrage. -
"Moi-même je le raconte, je le vois, et je me dis c'est pas possible d'avoir survécu..."
Arrêtée par la Gestapo en mars 1944 à Avignon avec son père, son petit-frère de douze ans et son neveu, Ginette Kolinka est déportée à Auschwitz-Birkenau : elle sera seule à en revenir, après avoir été transférée à Bergen-Belsen, Raguhn et Theresienstadt. Dans ce convoi du printemps 1944 se trouvaient deux jeunes filles dont elle devint amie, plus tard : Simone Veil et Marceline Rosenberg, pas encore Loridan - Ivens.
Aujourd'hui, à son tour, Ginette Kolinka raconte ce qu'elle a vu et connu dans les camps d'extermination. Ce à quoi elle a survécu. Les coups, la faim, le froid. La haine. Les mots. Le corps et la nudité. Les toilettes de ciment et de terre battue. La cruauté. Parfois, la fraternité. La robe que lui offrit Simone et qui la sauva. Que tous, nous sachions, non pas tout de ce qui fut à Birkenau, mais assez pour ne jamais oublier ; pour ne pas cesser d'y croire, même si Ginette Kolinka, à presque 94 ans, raconte en fermant les yeux et se demande encore et encore comment elle a pu survivre à "ça"... -
Les Monstres : Séparer l'oeuvre de l'artiste ?
Claire Dederer
- Grasset
- Essais Etranger
- 23 Octobre 2024
- 9782246837176
Peut-on encore aimer les oeuvres de Pablo Picasso, Ernest Hemingway, Roman Polanski et Michael Jackson ? Dans cet essai qui a fait beaucoup de bruit lors de sa sortie aux États-Unis, Claire Dederer, critique de cinéma pour le New York Times, explore un malaise qui s'est installé dans toutes les conversations : certains de nos films, livres et musiques préférés ont été créés par des « monstres ».
À la fois ode au plaisir d'une journaliste cinéphile qui raconte avec passion les oeuvres et confession d'une fan qui s'est sentie trahie, Les Monstres développe l'idée de « taches » sur les productions artistiques, aussi soudaines qu'indélébiles, devenues impossibles à ignorer. Il ne s'agit pas de dresser une liste noire de créateurs mais plutôt de proposer une réflexion sur la rencontre entre la biographie d'un artiste et celle de son public - dans la diversité des expériences et des traumatismes individuels. Claire Dederer examine une société post-romantique où le génie, qui avait été auréolé d'une gloire toute virile, n'est plus exempté de jugement moral.
Une oeuvre peut-elle être destituée à cause des actions répréhensibles de son créateur ? Quel que soit son contenu ? Et si elle a été réalisée avant le passage à l'acte de l'auteur, cela doit-il infléchir notre jugement ? Mais surtout, peut-on continuer à aimer ces oeuvres malgré tout ?
Véritable best-seller aux États-Unis, l'essai de Claire Dederer est une contribution essentielle au débat public. Conçu comme un Contre Sainte-Beuve contemporain et féministe, Les Monstres pétille de drôlerie et d'érudition, sans jamais tomber dans le relativisme ni la caricature.
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Carine Chichereau -
« C'est un carnet de voyage au pays que nous irons tous habiter un jour. C'est un récit composé de choses vues sur la place des villages, dans la rue ou dans les cafés. C'est une enquête tissée de rencontres avec des gens connus mais aussi des inconnus. C'est surtout une drôle d'expérience vécue pendant quatre ans de recherche et d'écriture, dans ce pays qu'on ne sait comment nommer : la vieillesse, l'âge ?
Les mots se dérobent, la manière de le qualifier aussi. Aurait-on honte dans notre société de prendre de l'âge ? Il semble que oui. On nous appelait autrefois les vieux, maintenant les seniors. Seniors pas seigneurs. Et on nous craint - nous aurions paraît-il beaucoup de pouvoir d'achat - en même temps qu'on nous invisibilise. Alors que faire ? Nous mettre aux abris ? Sûrement pas ! Mais tenter de faire comprendre aux autres que vivre dans cet étrange pays peut être source de bonheur...
Plus de cinquante après l'ouvrage magistral de Simone de Beauvoir sur la vieillesse, je tente de comprendre et de faire éprouver ce qu'est cette chose étrange, étrange pour soi-même et pour les autres, et qui est l'essence même de notre finitude.
« Tu as quel âge ? » Seuls les enfants osent vous poser aujourd'hui ce genre de questions, tant le sujet est devenu obscène. A contrario, j'essaie de montrer que la sensation de l'âge, l'expérience de l'âge peuvent nous conduire à une certaine intensité d'existence. Attention, ce livre n'est en aucun cas un guide pour bien vieillir, mais la description subjective de ce que veut dire vieillir, ainsi qu'un cri de colère contre ce que la société fait subir aux vieux. La vieillesse demeure un impensé. Simone de Beauvoir avait raison : c'est une question de civilisation. Continuons le combat ! »L.A. -
Au terme de près de cinquante ouvrages et de cinquante ans de participation à la vie publique, Alain Minc nous offre ici un « arrêt sur images ». Ce ne sont pas à proprement parler des Mémoires mais un bilan d'étape qui se déplie et se déploie, comme un éventail, en quatre volets : figures, moments, legs et ratés.
« Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants » disait Cocteau. Aussi ce livre commence-t-il par les portraits de personnages, aujourd'hui décédés, dont l'auteur a été très proche et qui ont joué un rôle cardinal dans sa vie. C'est un mélange inattendu d'affinités électives où Jorge Semprun côtoie Bernard Tapie, François Furet, Yves Montand... et où souvenirs personnels et descriptions psychologiques se donnent la main.
Ensuite viennent les moments importants pour lesquels il retrace ses réactions analysées à travers le regard d'aujourd'hui : du « monôme » de 1968 au 7 octobre 2023, de l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie à la chute du mur de Berlin.
Puis les idées ou concepts qu'il a lancés et sont devenus des lieux communs dans les débats d'aujourd'hui - comme par exemple « l'équité versus l'égalité », « la mondialisation heureuse » ou le « cercle de la raison » - sur lesquels il s'interroge avec le recul du temps.
Et enfin ses « ratés », les sujets qu'il estime avoir ignorés ou maltraités, réfléchissant rétrospectivement aux raisons de ses faux pas.
Sur chacun de ces thèmes affleure un mélange d'humour et de distance, de profondeur et de légèreté. -
Que devient l'oeuvre d'un écrivain lorsqu'il est traduit, surtout s'il s'appelle Franz Kafka ? Au milieu des années 1920, dix écrivains font éclore ses oeuvres hors de la langue et du lieu où il les avait conçues, et les sauvent de l'oubli auquel les autorités soviétiques et nazies les avaient condamnées. Pendant plusieurs décennies, Kafka n'existera principalement qu'en traductions, via d'autres voix que la sienne. Un comble pour cet écrivain devenu aphone avant de mourir de la tuberculose en 1924.
Les premiers traducteurs de Kafka ne le deviennent pas par hasard, mais par nécessité ou amour. Paul Celan et Primo Levi le traduisent à leur retour des camps, respectivement en roumain et en italien. Bruno Schulz le traduit en polonais, avant d'être abattu en pleine rue par un SS ; Milena Jesenská très amoureusement en tchèque avant d'être déportée et Jorge Luis Borges en espagnol avant de perdre la vue. Ses traducteurs russes, contraints à la clandestinité, demeureront anonymes. Son traducteur français, Alexandre Vialatte, décèle en lui une nouvelle forme d'hilarité. Quant au poète Maleykh Ravitsch, il le traduit en yiddish après la guerre pour un lectorat qui a quasiment disparu.
Tous ses traducteurs propulsent l'oeuvre de Kafka sur la scène du monde en y projetant quelque chose d'eux-mêmes. Chacun peut, à sa façon, s'écrier : « Josef K, c'est moi. »
Dans cet essai érudit mais vivant, Maïa Hruska tire le fil des échevaux littéraires et politiques du vingtième siècle : analysant la manière dont Kafka est devenu Kafka, elle éclaire subtilement l'Europe d'aujourd'hui à la lumière de celle d'hier. -
Lettres à la petite fille qui vient de naître
Patrice Franceschi
- Grasset
- essai français
- 2 Octobre 2024
- 9782246839743
« Ma chère enfant, tu as à peine quelques mois d'existence, l'avenir est tout entier devant toi, mais depuis le jour de ta naissance je m'interroge sur le destin que te réservera le monde dans lequel tu viens de prendre place, et sur la manière dont je pourrais agir pour rendre ce destin le meilleur possible. Cette préoccupation va de soi puisque je suis ton parrain par la grâce de ta mère. Sache que je prends mon rôle très à coeur - comme je le fais pour mes propres enfants. Tout au long des années à venir, je vais t'accompagner dans ta marche en avant, de tes premiers pas jusqu'à mon dernier souffle. Qu'il plaise aux dieux que ce chemin soit long ! »
Ainsi s'adresse Patrice Franceschi à sa très jeune filleule, et à sa mère aussi : première lettre d'une suite de vingt-quatre, destinée à la « petite fille qui vient de naître » pour l'aider à affronter le monde qui l'attend, traversé de violence, de lâcheté, de doutes, travaillé par les dissensions et la colère. Des lettres pleines d'espoir et de solutions pour un regard d'enfant en quête de rire, de paix et d'échange. A la petite fille qui lira ces pages, bien plus tard, comme un parcours initiatique vers le bonheur, Franceschi ne cache rien. Il se livre, aventurier, ami des peuples libres, lecteur des philosophes, écrivain passionné. Il raconte. S'inquiète. Et propose une façon d'être : profondément libre, engagé moralement; jamais indifférent; avec, au coeur, la vérité, la beauté, l'appel du risque et de la sagesse.
Mêlant choses vues, lectures, pensées, avec tendresse et à hauteur d'enfant, Patrice Franceschi nous livre le plus beau des cadeaux : cent pages pour aimer la vie intensément. -
Les mondes d'hier : voyage aux origines de la Terre
Thomas Halliday
- Grasset
- Essais Etranger
- 28 Septembre 2022
- 9782246822615
Thomas Halliday a tout juste trente ans lorsqu'il décide de se lancer dans un projet extraordinaire : remonter le temps grâce à l'écriture. Paléontologue de formation et poète, il nous invite à explorer les origines de la Terre à travers un voyage fabuleux. Bien loin de Jurassic Park ou des dessins animés de notre enfance - les Diplodocus n'ont jamais croisé de Tyrannosaurus -, Les mondes d'hier est une plongée hyperréaliste dans ces époques que nous avons toujours rêvé de découvrir, une épopée où fourmillent de merveilleuses histoires et une nature foisonnante.
De l'immense steppe de l'Alaska glaciaire aux colonies de manchots géants des forêts tropicales de l'Antarctique pendant l'Éocène, une faune et une flore exceptionnelles se révèlent au fil des chapitres. Nous visitons le berceau de l'humanité, nous écoutons le fracas de la plus haute chute d'eau que la Terre ait jamais connue, et nous regardons la vie émerger à nouveau après l'impact d'un gigantesque astéroïde : ces mondes perdus paraissent imaginaires et pourtant chaque description - que ce soit la couleur de la coquille d'un « crabe fer à cheval », le rythme des ptérosaures en vol ou l'odeur persistante de soufre dans l'air -, chaque détail est minutieusement rapporté à la lumière des connaissances scientifiques les plus récentes.
Les mondes d'hier est une exploration inédite, un récit émouvant qui nous rappelle la ténacité de la vie sur Terre mais aussi la grande fragilité d'écosystèmes comme le nôtre. Le lire, c'est voir les 500 derniers millions d'années « non comme une étendue infinie de temps insondable, mais plutôt comme une série de mondes différents, à la fois fabuleux et familiers », un périple que seule la littérature pouvait nous conter.
Traduit de l'anglais par Aurélien Blanchard. -
« Enfant, je m'imaginais en garçon. J'ai depuis réalisé un rêve bien plus grand : je suis lesbienne. Faute de modèles auxquels m'identifier, il m'a fallu beaucoup de temps pour le comprendre. Puis j'ai découvert une histoire, une culture que j'ai embrassées et dans lesquelles j'ai trouvé la force de bouleverser mon quotidien, et le monde. »
Journaliste dans un quotidien pendant plusieurs années, la parole d'Alice Coffin, féministe, lesbienne, militante n'a jamais pu se faire entendre, comme le veut la sacrosainte neutralité de la profession. Pourtant, nous dit-elle, celle-ci n'existe pas.
Dans cet essai très personnel, Alice Coffin raconte et tente de comprendre pourquoi, soixante-dix ans après la publication du Deuxième sexe, et malgré toutes les révolutions qui l'ont précédé et suivi, le constat énoncé par Simone de Beauvoir, « le neutre, c'est l'homme », est toujours d'actualité. Elle y évoque son activisme au sein du groupe féministe La Barbe, qui vise à « dénoncer le monopole du pouvoir, du prestige et de l'argent par quelques milliers d'hommes blancs. » Elle revient sur l'extension de la PMA pour toutes, sur la libération de la parole des femmes après #Metoo ; interroge aussi la difficulté de « sortir du placard ». Et sans jamais dissocier l'intime du politique, nous permet de mieux comprendre ce qu'être lesbienne aujourd'hui veut dire, en France et dans le monde.
Combattif et joyeux, Le génie lesbien est un livre sans concession, qui ne manquera pas de susciter le débat.
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La rafle dite du "Vel d'Hiv" est l'un des événements les plus tragiques survenus en France sous l'Occupation. En moins de deux jours, les 16 et 17 juillet 1942, 12 884 femmes, hommes et enfants, répartis entre Drancy (près de 4 900) et le Vel d'Hiv (8 000), ont été arrêtés par la police parisienne à la suite d'un arrangement criminel entre les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy. Seule une petite centaine de ces victimes survivra à l'enfer des camps nazis.
Cette opération emblématique et monstrueuse demeure pourtant relativement méconnue. L'arrière-plan administratif et la logistique policière de la grande rafle n'ont été que peu étudiés, et jamais dans le détail. Légendes (tel le nom de code « opération Vent Printanier ») et inexactitudes (sur le nombre de personnes arrêtées ou celui des effectifs policiers) sont répétées de livre en livre. Et l'on ignore que jamais Vichy ne livra plus de juifs français à l'occupant que le 16 juillet 1942 !
D'où l'ambition, dans cet ouvrage, d'une histoire à la fois incarnée et globale de la rafle du Vel d'Hiv. Une histoire incarnée, autrement dit au plus près des individus, persécutés comme persécuteurs, de leur état d'esprit, de leur vécu quotidien, de leurs marges de décision. Mais aussi une histoire globale, soucieuse de restituer la multiplicité des points de vue, des destinées, et attentive au contexte de la politique nazie et de la collaboration d'État.
Une recherche largement inédite, la plus riche et variée possible, de la consultation de centaines de témoignages à une exploitation inédite des « fichiers juifs » de la Préfecture de police de Paris. Mais la partie la plus importante de l'enquête a consisté à rechercher des « paroles » de policiers : 4 000 dossiers d'épuration des agents de la préfecture de police ont été dépouillés. Parmi eux, plus de 150 abordent la grande rafle et ses suites. Outre les justifications de policiers, ces dossiers contiennent des paroles de victimes, des témoignages (souvent accablants) de concierges, et surtout des copies de rapports d'arrestation, totalement inédits.
Fruit de plusieurs années de recherche menées par l'auteur, où les archives de la police et de l'administration auront été méticuleusement fouillées, La Rafle du Vel d'Hiv apporte une lumière nouvelle sur l'un des événements les plus terribles et les plus difficiles à appréhender de notre histoire contemporaine. -
Julie fête allègrement ses cinquante ans au bar en bas de chez elle, réunit ses amis et toute sa famille, chante Dalida à tue-tête puis rentre se coucher, joyeuse et un peu ivre... Mais le réveil est cruel.
Bientôt, en effet, la même semaine pluvieuse de septembre, ses deux enfants quittent subitement l'appartement familial pour partir étudier. Elle est effondrée. Et c'est le moment que sa gynécologue choisit pour lui parler de ménopause. Depuis longtemps disparues, les crises d'angoisse ne tardent pas à revenir, avec une intensité inédite. Que se passe-t-il ? Pourquoi ne parvient-elle pas à chasser le sentiment que sa vie est finie ?
Elle décide d'utiliser ses armes de romancière et d'imaginer d'autres vies que la sienne. Mais à chaque femme dont elle invente l'histoire, Julie bloque au même endroit, à la cinquantaine, quand la maison se vide. Là, tout s'arrête. Même la fiction lui échappe. Et les questions fusent. Pourquoi ne raconte-t-on jamais les femmes ménopausées ? Comment la société les considère-t-elles, une fois leur rôle de mère accompli ? Personne ne semble la comprendre lorsqu'elle avoue être bouleversée par le départ de ses enfants, pourquoi ? La femme parfaite doit-elle décidément afficher un bonheur béat à chaque tournant de son existence ?
Dans ce récit mêlé de fiction, vif, plein d'humour, sans amertume, Julie Bonnie braque un projecteur sensible sur celles que la société refuse de voir et de représenter.