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Le club du suicide
Robert Louis Stevenson
- Publie.net
- E-styx Anticipation Et Fantastique
- 15 Juillet 2012
- 9782814506541
Des dispositifs pour se donner volontairement la mort, et briser le tabou sur le suicide, cela a toujours tenté notre société, dans ses rituels les plus secrets, et bien sûr la fiction n'est pas en reste (du fameux fauteuil de Cortazar à tout un bouquet d'histoires de Maupassant).
Mais les amoureux du fantastique savent bien que Robert Louis Stevenson, notre cher Robert Louis Stevenson, le roi du suspense et du mystère, avec Le Maître de Ballantrae, Dr. Jekyll and Mr. Hyde, ou son Île Au Trésor.
Lui, il investit carrément la Londres ténébreuse, celle des mystères de Jack L'Éventreur. On y marche de nuit comme dans le brouillard, mais il y a aussi des tavernes, des ponts, et cet étrange Club à l'entrée bien protégée.
On s'y prend comment, pour vous l'offrir, votre suicide ? Il suffit d'un peu de chance et d'entraide.
Et ça marche ? Que trop bien... Tellement bien, qu'on aimerait peut-être parfois faire demi-tour. Seulement, il semble que ce soit la seule chose interdite, au Club des Suicides... Sans doute le plus célèbre des contes, et le plus noir, que Stevenson rassemble dans ses Mille Et Une Nuits.
Traduction de Thérèse Bentzon. -
L'homme a, sur cette planète, domestiqué les animaux utiles, détruit ceux qui étaient nuisibles. Il a défriché la terre et l'a dépouillée de sa végétation sauvage. Puis, un jour, il disparaît, et le flot de la vie primitive est revenu sur lui-même, balayant l'oeuvre humaine. Les mauvaises herbes et la forêt ont derechef envahi les champs, les bêtes de proie sont revenues sur les troupeaux, et maintenant il y a des loups sur la plage de Cliff-House ! (...) Si quatre millions d'hommes ont disparu, en un seul pays, si les loups féroces errent aujourd'hui à cette place et si vous, progéniture barbare de tant de génie éteint, vous en êtes réduits à vous défendre, à l'aide d'armes préhistoriques, contre les crocs des envahisseurs à quatre pattes, c'est à cause de la Mort Écarlate !
Trésor de l'anticipation publiée aux États-Unis en 1912, La peste écarlate, ici proposée en lien avec la nouvelle d'Edgar Allan Poe qui l'a inspirée, est un indispensable de la littérature post-apocalyptique mondiale. Traduction d'époque revue, corrigée et modernisée pour cette édition -
La réputation d'Albert Londres (1884-1932) est indiscutable.
Celui qui a laissé son nom à un des plus grands prix internationaux de journalisme était reconnu pour ses travaux d'investigation fouillés. Au travers de l'écriture, Albert Londres observe et transmet, avec minutie. Au-delà de ces seules interrogations sur un monde en mutation, c'est un devoir.
Utilisant l'Histoire pour en expliquer l'actualité, l'homme, alors au sommet de sa gloire, décide d'entreprendre l'une de ses plus grandes enquêtes. Nous sommes en 1929, et c'est un sujet qu'il connaît mal : les juifs.
S'ensuit un périple à travers une Europe troublée. Voyage qui commence à Londres, se poursuit à Paris en passant par les ghettos de Pologne et de Transylvanie, avant de le conduire en Palestine.
Étonnamment, Albert Londres ne se rendra pas en Amérique, bien qu'il en parle à de nombreuses reprises.
Dix-huit ans avant la création de l'État hébreu, son optimisme sur le sort des communautés juives de Palestine se traduit par vingt-sept articles initialement publiés en 1929 dans « Le petit Parisien » et qui donneront matière à ce livre essentiel.
Tout au long de son enquête, Albert Londres relate ces extrêmes dont il est le témoin. En découvrant Tel-Aviv, il débarque à une période cruciale, où ce contraste le saisit. Loin de la misère des ghettos d'Europe centrale, la ville est ensoleillée. Les siècles d'oppression ne sont plus. Il y découvre des Juifs se comportant tels des citoyens d'un pays nouveau, dans une ville moderne et propre.
Mais le trouble demeure. Le gouvernement de Sa Majesté britannique a trop promis, préparant une collision qui surviendra bien vite. La Palestine aux Arabes et aux Juifs ne sera pas telle que tous la rêvaient et l'espéraient.
Par cette enquête exceptionnelle, Albert Londres n'hésite pas à avancer sur ces jugements, quitte à se tromper.
Tout au long de sa lecture, chacun demeure libre de se forger sa propre opinion, et c'est là l'une des grandes forces de celui qui fut un formidable journaliste, fondateur du grand reportage.
Ce livre est une part de notre histoire commune.
Il nous appartient d'en saisir l'essence et l'importance de ne pas oublier.
Dans une Europe face à ses démons, la préface de Michèle Kahn nous rappelle Oh ! que vous nous manquez, M. Londres !
GC -
"Plénitude de l'extase, de l'enthousiasme, de la possession, mais aussi bonheur du vin, joie de la fête, plaisir d'amour, félicité du quotidien, Dionysos peut apporter tout cela si les hommes savent l'accueillir, les cités le reconnaître, comme il peut apporter malheur et destruction si on le nie. Mais en aucun cas il ne s'en vient pour annoncer un sort meilleur dans l'au-delà", dit Jean-Pierre Vernant dans sa préface.
"À la truelle, nous dégageons chaque vers dans sa solitude, comme une phrase autonome. L'articulation syntaxique se fait mentalement, au fil des vers, dans le cerveau de l'auditeur", dit Jean-Daniel Magnin, lui-même auteur, scénariste, homme de théâtre pour rendre compte de son travail ici.
Alors tout chante, tout est restauré dans sa violence initiale. Et dans cette pureté de miroir d'acier c'est le monde au présent que nous lisons. Au contact du dieu, qu'aucune scène ni aucun temps n'enfermera. Cela parle de colère, de démence, de villes et de destin.
Créée en 1991 dans une mise en scène de Philippe Adrien, publiée chez Actes Sud, cette traduction resurgit toute armée pour notre lecture. Bienvenue en 405 avant JC, dans le plus fabuleux atelier du pouvoir et de sa légitimité.
FB
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Paru en 1901, "La vie des abeilles" de Maeterlinck n'est pas seulement le plus accompli des trois livres (les fourmis, les termites, les abeilles) qu'il consacre aux insectes organisés en société. C'est la langue rigoureuse et miroitante de ce grand du théâtre et de l'opéra qui vient se mettre à l'épreuve de la ruche, de l'organisation sociale, de la mort et du travail des abeilles. Alors émerveillement dans ce rapport de la langue au réel, et tout ce qu'elle questionne, des signes, de l'orientation, de l'obéissance. Mais émerveillement parce que l'art de poser les questions est celui qui surgit de notre propre interrogation sur notre destin. C'est ce qui fait de ce livre, depuis bien longtemps, un grand, un très grand classique. FB
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Habitué des grandes études (sur la mer, sur la sorcellerie, sur les insectes [à venir], sur les oiseaux...), Michelet peint dans Le Peuple un passionnant aperçu de toutes les strates de la hiérarchie sociale (l'ouvrier, le paysan, le fonctionnaire, le bourgeois, le marchand...), mais tient également une réflexion sur sa propre condition d'écrivain, d'historien, de « fils du peuple ». Toujours et plus que jamais d'actualité, Le Peuple, écrit à la fin du XIXe siècle, est un livre sur la servitude, une ode au monde de la paysannerie, une enquête sur la condition humaine, sur l'âpre bataille de la machine et de l'ouvrier, sur le pouvoir et l'aliénation de l'argent, et, plus largement, un livre sur la nation française et l'héritage des valeurs de la Révolution. Toujours passionnant, toujours passionné, Michelet nous fait découvrir une France qui, si nous n'étions pas sûrs d'être au XXIe siècle, nous semblerait étrangement proche...
« Ce livre je l'ai fait de moi-même, de ma vie, et de mon coeur. Il est sorti de mon expérience, bien plus que de mon étude. Je l'ai tiré de mon observation, de mes rapports d'amitié, de voisinage ; je l'ai ramassé sur les routes ; le hasard aime à servir celui qui suit toujours une même pensée. Enfin, je l'ai trouvé surtout dans les souvenirs de ma jeunesse. Pour connaître la vie du peuple, ses travaux, ses souffrances, il me suffisait d'interroger mes souvenirs.
Car, moi aussi, mon ami, j'ai travaillé de mes mains. Le vrai nom de l'homme moderne, celui de travailleur, je le mérite en plus d'un sens. Avant de faire des livres, j'en ai composé matériellement ; j'ai assemblé des lettres avant d'assembler des idées, je n'ignore pas les mélancolies de l'atelier, l'ennui des longues heures...
Triste époque ! c'étaient les dernières années de l'Empire ; tout semblait périr à la fois pour moi, la famille, la fortune et la patrie.
Ce que j'ai de meilleur, sans nul doute, je le dois à ces épreuves ; le peu que vaut l'homme et l'historien, il faut le leur rapporter. J'en ai gardé surtout un sentiment profond du peuple, la pleine connaissance du trésor qui est en lui : la vertu du sacrifice, le tendre ressouvenir des âmes d'or que j'ai connues dans les plus humbles conditions.
Il ne faut point s'étonner, si, connaissant autant que personne les précédents historiques de ce peuple, d'autre part ayant moi-même partagé sa vie, j'éprouve, quand on me parle de lui, un besoin exigeant de vérité. Lorsque le progrès de mon Histoire m'a conduit à m'occuper des questions actuelles, et que j'ai jeté les yeux sur les livres où elles sont agitées, j'avoue que j'ai été surpris de les trouver presque tous en contradiction avec mes souvenirs. Alors, j'ai fermé les livres, et je me suis replacé dans le peuple autant qu'il m'était possible ; l'écrivain solitaire s'est replongé dans la foule, il en a écouté les bruits, noté les voix... C'était bien le même peuple, les changements sont extérieurs ; ma mémoire ne me trompait point... J'allai donc consultant les hommes, les entendant eux-mêmes sur leur propre sort, recueillant de leur bouche ce qu'on ne trouve pas toujours dans les plus brillants écrivains, les paroles du bon sens. »
[extrait de l'introduction que Jules Michelet adresse à Edgar Quinet] -
Né en 1877, musicien et compositeur, inventeur en toutes choses, c'est la littérature qui brûle radicalement Raymond Roussel.
On le moquera, on le dédaignera. S'il se suicide à Palerme en 1933 c'est en partie à cause de cet échec - il y a pourtant consacré sa vie.
Et, nous, on le place au plus haut des grands fous géniaux de la littérature. Et dans une période privilégiée, celle des surréalistes, de la remise en cause de toutes les lois établies de la littérature.
Dans "Comment j'ai écrit certains de mes livres", on en saura un peu plus sur la composition de ces "Impressions d'Afrique" (1910) qui sont avec "Locus Solus" son livre le plus légendaire.
Après tout, quoi de plus simple qu'écrire une phrase au hasard, la couper en deux, compléter chaque morceau et refaire l'opération.
C'est un procédé parmi 30 autres de ceux qui, scène par scène, seront explorés ici. Alors l'exploration est livrée à la nuit, à l'inconscient, aux éclats aveuglants de personnages portant toute une fiction avec eux le temps de trois lignes. Un majestueux bateau longe les côtes de l'Afrique, les font la guerre, les cannibales s'entre-dévorent et on reconstitue maniaquement des opéras disparus et des modes de chant dérivés des modes rituels.
C'est ainsi que vous vivrez réellement un voyage en Afrique.
Le plus réel et le plus légendaire des voyages imaginaires en Afrique.
FB -
« Sans en excepter les abeilles et les fourmis, en ce moment il n'y a pas (...) sur cette terre d'être vivant qui soit tout ensemble aussi loin et aussi près de nous, aussi misérablement, aussi admirablement, aussi fraternellement humain. Nos utopistes vont chercher, aux limites où l'imagination se décompose, des modèles de sociétés futures, alors que nous en avons sous les yeux qui sont probablement aussi fantastiques, aussi invraisemblables, et qui sait, aussi prophétiques que ceux que nous pourrions trouver dans Mars, Vénus ou Jupiter. »
Troisième opus de son Cycle de la nature, La vie des termites est peut-être pour Maeterlinck celui qui puise le plus dans la noirceur de la création. Allant à la rencontre de ces espèces, exotiques pour la plupart, parfois plus proches de nos latitudes, à qui la nature n'a semble-t-il pas fait de cadeaux, il dresse le portrait de dynasties ayant dû tout sacrifier pour éviter l'extinction. Il ne semble pas plus cruel destin à l'échelle de l'espèce que cet auto-confinement sous la terre dans une prison scellée de l'intérieur, que ces affrontements répétés avec l'ennemi séculaire la fourmi (à qui sera consacré l'ultime tome de son cycle), que ce communisme de l'oesophage et des entrailles, poussé jusqu'à la coprophagie collective. Et pourtant. Comme avec les abeilles et les fleurs, Maeterlinck se sert de la vie invisible qui grouille autour de nous comme d'un miroir tendu à l'humanité, cet insecte à l'échelle de l'univers et abritant combien de galaxies microbiennes au sein de son propre organisme. Les enjeux de survie, d'évolution voire de manipulation génétique, de construction politique ou d'aristocratie sont communs. Et cette épopée documentée, que l'on croirait écrite d'aujourd'hui, mais dont la justesse d'écriture et la profondeur de champ va au-delà du seul essai scientifique, nous éclaire toujours autant quant aux modèles d'anticipation de nos destinées inquiètes. -
Au bout de la jetée : la fin du voyage, le domaine que j'aurais voulu sans partage, de l'eau, des bêtes marines, des oiseaux et de la sauvagine. Sur cette frontière, un cyclope, le phare des Onglous, veille de son oeil rouge le Canal du Midi et mon étang de Thau. Au loin, la colline de Sète allume ses milliers de lanternes et les vagues se brisent à nos pieds sur les rochers. Du haut de mes vingt ans, me voilà chef de bande : à ma gauche Aristide, le géant simplet, qui m'est tombé dans les bras comme un grand gamin quand le vieux Manuel s'est pendu ; à ma droite, Malika, notre lionne boiteuse, notre amoureuse, arrivée sans crier gare et chamboulant notre fragile équilibre. Ça sonne paisible, mais dans la nuit habitée de la lagune, autour de notre cabane de bric et de broc, un monstre rôde et des gamines s'évaporent dans la nature... Retrouvez Mô dans le deuxième tome de cette saga à la croisée du polar et du fantastique : adieu l'enfance adieu les vignes, voici venu le temps de la plongée et de l'aventure, du doute et de l'obscurité... Rendez-vous sur http://lasagademo.publie.net !
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Et petit à petit redevenons
homard et thon,
de la Mer Noire - saumon -
picore les petits sablés / les petits soviets au sucre de la marée - petits tristes -
vous êtes, nous sommes, redevenons. Mais qui rallume la chanson ?
Qui l'enregistre ?
Suite de poèmes vocalisés par une ballerine voyageuse, Alger céleste trace une cartographie intime entre est et ouest, sud et nord, air et terre, Russie et Algérie, personnages de contes et héros nationaux, qui serait la délimitation d'un territoire reçu dans l'enfance puis réinventé par les mots. Ce qu'ils contiennent de distances et de rapprochements, de jeux et d'étrangeté, Katia Bouchoueva, poète et slameuse, sait parfaitement le faire entendre et résonner. -
Des enfants jouent sur un rivage, et aperçoivent un corps échoué. C'est celui de Monsieur M. - une énigme à résoudre, jusques et y compris dans la fable qui peu à peu devient fantastique, mêlant l'enfermement de qui écrit à ce qui l'oppose aux mots d'ordre hurlés. Les voix qu'il entend dedans la page encore à écrire, et celles d'un dehors devenu carcéral, vociférant ordres et mots d'ordre. Aux mises en abyme successives qu'organise le récit, aux labyrinthes d'une bibliothèque - vide de tous ses livres brûlés, sauf un seul encore à écrire -, aux jeux de miroirs que peu à peu le geste d'écrire fait naître de lui-même, le roman vient proposer, comme autant de nouveaux reflets, l'écho de portraits successifs. Ils viennent comme démultiplier, dans leur champ propre, l'interrogation que porte le récit, que porte peut-être tout récit. Dans la clôture d'une chambre, que peuvent écrire ou peindre ? Les deux actes, entiers dans leur geste, viennent, chacun à leur mesure, dépasser la condamnation qu'ils portent en eux-mêmes. Un papillon noir, fasciné par la flamme du rêve dans un rêve, vole vers la nuit elle-même. Jean-Yves Fick
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un mois, sous yourte...
écrire, méditer, marcher, casser mon bois pour le poêle, quelques gestes simples...
les buis, les larges collines bombées, les grandes herbes, dolines, avens, les colonnes de roches ruineuses comme des chapelles romanes de cailloux secs, les pierres claires concassées des sentes, les pins sous la neige, les hommes...
pour l'instant, j'écoute. -
JOHN-ANTOINE NAU
L'Académie Goncourt, qui, pour la première fois, décernait son prix annuel, a porté la majorité de ses suffrages sur John-Antoine Nau, dont le premier roman, Force ennemie, a paru en 1903.
Ce lauréat est le moins parisien de nos hommes de lettres. Il débuta dans la vie comme pilotin sur le trois-mâts Marie-Auger, fut aide-commissaire sur le transatlantique Le France, quitta la marine et habita San-Francisco, Haïti, la Martinique, les Baléares, Ténériffe récemment encore, il était jardinier en Andalousie. De loin en loin, La revue blanche publiait de Nau des nouvelles exotiques Corvée d'eau, les Trois Amours de Benigno Reyes.
Il vient de terminer, en société avec J. W. Bienstock, la traduction au Journal d'un Écrivain, de Dostoïevski.
Depuis quelques mois, ce garçon aux cheveux plantés comme des soies, à la barbe frisée, au nez romain, eux yeux de charbon, au masque boucané, et qui dissimule sa timidité en roulant perpétuellement des cigarettes dont il tire trois bouffées, réside enfin en France, à Saint-Tropez, le petit port provençal. Rarement l'a-t-on vu à Paris. L'intrigue n'est donc pour rien dans son aventure d'hier soir. La bonne conduite littéraire non plus, car Force ennemie n'est pas de ces livres neutres qui plaisent vaguement à tout le monde parce que, bénins, ils ne heurtent l'esthétique de personne.
Ce livre, d'ailleurs indemne de tout pédantisme et de toute sensiblerie, a pour héros un fou à périodes de lucidité dont la personnalité se dédouble, se détriple, et dont le corps sert parfois d'habitacle à un transfuge de la lugubre planète Tkoukra, un certain Kmôhoûn, conseilleur d'actes forcenés. Nau a su ordonner les éléments de cette histoire fumeuse et les vivifier d'humanité authentique. Cela en un style lucide, dru, âpre et direct, où toutefois naissent spontanément des images toujours évocatrices, des images de poète.
Et, en effet, le romancier que les Dix viennent de tirer d'une obscurité où il se plaisait peut-être, est aussi un poète, comme en témoigne ce beau livre de vers qu'il publia en 1897, Au Seuil de l'Espoir.
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C'est par le refrain de Charles Trenet, Douce France, que Katia Bouchoueva nous fait entrer dans ce nouveau recueil. Depuis ce leitmotiv elle esquisse un panorama très situé, dans un territoire tantôt urbain, tantôt campagnard où se croise une foule éclectique : des personnes, des voix, des êtres protecteurs aux noms d'animaux, des lieux arpentés comme des corps accueillants, des strophes aux accents de contes. Mais cette douceur, qui est pour l'auteure attachée à la France, montre aussi son revers tyrannique par petites touches sur ces tranches de vie. Ainsi, le vers très libre et vivant de Katia Bouchoueva nous emmène par bonds, par sauts, en visite, dessinant les contours de son espace de jeu avec la langue et brodant sur la chanson sa propre ritournelle.
Les anges asexués et ceux qui ont un sexe
et ceux qui en ont deux traversent, traversent
les plaines des ventres, les grottes et les tétons.
Tout y est bon, disent-ils, tout y est bon :
immeubles des années 60, colonnes Morris,
ronds-points, sorties d'autoroutes,
lacs et montagnes.
Et tes yeux comme des petites olives
noires mais adoucies
ta machine administrative douce aussi. -
nous brûlerons l'affection
comme une flamme
au milieu de nous
nous brûlerons
car nous voulons la paix
mais aussi l'élan et le risque
sinon morts morts tout à fait
morts pour de vrai
ami.
et c'est ainsi qu'
aujourd'hui passe
Dans cette adresse au lecteur, à l'autre, à l'ami, qui fait le titre du recueil, il s'agit de livrer une voix intime, presque oralisée, et d'accorder totalement sa confiance à la nécessité de l'écriture. Recherchant une manière d'« être dans le présent », l'auteur recueille des épiphanies, tente de rapprocher le poème de ces moments du quotidien qui nous font nous sentir vivants. Cela, qui est à la fois très essentiel et très simple, un café, un jardin, un enfant, un amour, une absence, tisse, par-delà la mort qu'elle ne cesse de côtoyer, un chant qui nous rapproche résolument de la vie.
Enfin tu regardes l'herbe peut être lu et écouté sur plusieurs supports :
- un livre papier [qui donne accès à la version numérique gratuitement] > 19EUR
- un livre numérique > 5,99EUR
- un CD [qui donne accès à la version numérique du CD gratuitement] > 10EUR
- un CD en version numérique > 5EUR
- le pack livre + CD qui donne un accès gratuit aux versions numériques > 27EUR -
C'est l'art de l'intrigue du XIXe dans toute sa splendeur. Pierre Zaccone, l'un des maîtres du roman dramatique parisien par excellence, hélas trop méconnu mais néanmoins remis au goût du jour par quelques passionnés, nous livre ici l'une de ces histoires dont il a le secret.
Tout commence par un atroce crime dans une sombre maison près de Paris, par une nuit d'orage... Le tableau parfait, un décor qui fait frissonner, décrit à merveille par un auteur maîtrisant tous les codes du genre. Quinze années plus tard, le passé rattrape les assassins, et l'auteur met les pions en place sur le grand échiquier de l'enquête. Se croisent alors les protagonistes dans un étrange ballet, où les intérêts des uns, l'argent, la gloire, le pouvoir, s'opposent à ceux des autres, l'amour, la justice, la vengeance. Un polar à rebours, puisque nous autres, lecteurs, connaissons le nom des assassins, et que nous assisterons, en spectateurs conquis, à la grande danse des nuits parisiennes, aux manigances et aux intrigues, aux coupés qui brûlent le pavé, aux lettres secrètes ; enfin, à la course folle de ceux qui fuient le passé et de ceux qui en cherchent la clé. Ajoutez à cela une dose de surnaturel et de mystère, et vous aurez entre les mains un classique qui méritait de retrouver son public, puisque il est pour la première fois (à notre connaissance), disponible en numérique.
Une publication en collaboration avec le site et la collection ArchéoSF, bien entendu. -
On n'évacue jamais la question du rapport du texte aux images, quand bien même on y revient, on la pratique. Peut-être est-ce même au fond la seule question : quelles images lève un texte ? Quelle forme de récit s'esquisse au-dedans, par-dessus, à travers les images ? Comment s'accordent en un livre qui les met en présence, c'est-à-dire dans notre expérience même du monde, ces deux régimes du lisible et du visible, ces deux temps du récit et de la présence ?
Sous le pont, dans les ombres, les bois gluants du bord de l'eau, l'horizon bascule, s'affole comme on le dirait d'une boussole. Les temps, les figures se confondent, se superposent ou se corrompent à la faveur d'une angoisse insidieuse.
Au canal est un texte de vertige, de folie qui tient du rêve et du délire. Un texte qui joue du basculement, du déséquilibre et emporte avec lui ce qui fait le monde coutumier pour le désétablir ou le restituer à son vertige le plus profond, sa précarité la plus inquiète. Car toujours quelque chose appelle dans les angles morts, dans l'indéfini des marges. Tout le long, d'un tableau à l'autre, le canal s'impose comme le personnage central, inhumain ou informe s'insinuant dans les êtres. Territoire familier et angoissant, redouté et insistant comme ces puits que l'on porte au-dedans, ces appels du chaos, il n'est pas sans évoquer la Zone de Stalker, filmée par Tarkovski dans son vertige géographique, dans la tension dramatique qui en dessine l'espace. Il devient une obsession, le lieu de ce qui réclame et qui n'est jamais dit.
Les images de Frédéric Khodja n'illustrent pas le texte de Marie-Laure Hurault en se donnant à lire. Elles ne racontent pas. Elles n'anticipent pas une description que l'on va lire et elles ne sont pas la confirmation imagée à posteriori des situations que le texte nous invite à nous figurer. Enigmatiques pour celui qui en attendait autre chose, elles s'invitent davantage comme sensations, comme éléments de trouble, rejouant sous leur mode propre le déséquilibre par lequel la fiction se met en marche, comme autant de trouées, autant de figures. Images narratives et images visuelles, dans une proximité d'esprit dévoilent leur abîme, leur vertige, les capacités qui sont les leurs de se tordre, s'inverser, se creuser pour concourir à l'expression d'une vérité convulsive.
Jérémy Liron
Retrouvez la collection (articles, extraits) sur http://portfolios.publie.net, le site compagnon de cette belle collection ! -
L'histoire commence toujours après la fin : on le sait bien. C'est donc au lendemain que commence la pièce : lendemain de fête et de liesse, 13 juillet 1998, un pays célèbre une victoire sportive comme jadis une conquête militaire, dans l'illusion d'une union qu'on prétend sacrée. Sadwell Hall, lui, a choisi cette nuit pour disparaître. On est le lendemain de ce mystère autour duquel s'agrègent les énigmes, et d'abord celle-ci : qui est-il ? On sait seulement qu'il a disparu, et cela suffit pour commencer l'histoire.
Lendemain s'ouvre comme une enquête policière, mais c'est une fausse piste - c'est d'autres disparitions qui surtout ouvriront la pièce en mille directions. Les repères se brouillent, et ce décor de récit policier se révèle bientôt pour ce qu'il est : un décor pour des figures en attente d'une histoire, des ombres pleines de nous-mêmes, tout un théâtre qui se replie sur notre présent.
Dans cette course ample à travers les deux dernières décennies, Joseph Danan dessine une généalogie de nos secousses présentes, ces terreurs et ces joies qui signent notre appartenance à ces jours, où les Coupes du Monde de football sont nos événements historiques, qui scandent désormais notre rapport au temps presque autant que des attentats : où depuis vingt ans, rien ne semble avoir eu lieu que cette imminence dont le texte porte la charge et qu'il accomplit.
Et dans l'écriture qui vient porter le fer aux conventions, sociales, politiques, théâtrales, une manière à la fois de s'affronter au présent, et un geste qui voudrait déborder notre époque par elle-même. Puis dans ce geste, on entend ce qui sourd, est latent, tacite, un soulèvement possible (et face au refus de faire « miroiter les différentes facettes du cauchemar », une façon de le dévisager, de lui faire face, aussi).
« Toujours nous serons les habitants de ce lendemain / inhabitable », dit l'Auteur dans la cinquième partie de la pièce - peut-être faut-il le croire, et venir peupler ce qui se lève autour de nous à mesure que, lisant, nous faisons l'exploration de ce temps impossible qui est le nôtre.
Préface de Jean-Pierre Ryngaert
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Un savant, Noël Dorgeroux crée le « rayon B », son neveu Victorien Beaugrand est l'un des premiers témoins des prodiges de ce rayon: sur un mur sont projetés des images comme cinématographiques mais... venues du passé ! Noël Dorgeroux compte devenir riche en utilisant son invention : quel plus beau spectacle que celui de l'histoire, de la vraie Histoire, restituée par un moyen scientifique difficile à comprendre? Revivre l'exécution de Miss Cavell, espionne de la Première Guerre Mondiale, assister à la bataille de Trafalgar, être témoin de la première ascension des Montgolfier à Annonay, observer la montée à l'échafaud de Louis XVI, voir un combat aérien de la Grande Guerre, ou encore suivre le chemin de croix de Jesus Christ : que de merveilles à dévoiler, quelle histoire vivante à découvrir ! Le succès est immédiat mais bientôt Noël Dorgeroux est assassiné et c'est la lutte pour connaître son secret. Tenu en haleine, le lecteur ne la découvre, bien plus extraordinaire encore que ces « trois formes inexplicables », ces « trois cercles triangulaires », ces « formes qui diffèr[ent] toutes les unes des autres » et qui « diffèr[ent] d'elles-mêmes en l'espace d'une seconde » vus par les témoins de ces projections... Maurice Leblanc en quittant pour un temps l'univers lupinien nous entraîne dans le domaine de ce merveilleux scientifique théorisé par un autre Maurice, Maurice Renard: « Il n'y a de merveille que dans le mystère, dans l'inexpliqué. Tout prodige cesse d'en être un aussitôt que nous pénétrons ses causes réelles et sa véritable nature, dès qu'il passe du ressort de l'ignorance ou de celui du doute dans celui de la science. » Car derrière l'étrange se cache la science et l'écran sur lequel apparaissent les Trois Yeux est l'image même de ce merveilleux scientifique qui « brise notre habitude et nous transporte sur d'autres points de vue, hors de nous-mêmes.» Philippe Ethuin, extrait de la présentation.
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Visage rimbaldien, destin romantique, culture sur les marges, écriture de l'affrontement : tout a prêté, en un temps "fin de siècle" de réaction, de démenti et de disparition, à cette édification soudaine d'un mythe dont un homme et une oeuvre, surtout, éprouvent d'infinies difficultés à se démettre. Brutalement, sous les diverses formes de l'indexation au répertoire, de l'héritage, du recyclage, l'oeuvre fut récupérée au nom édulcoré de sa révolte même. Curieusement, alors qu'il est ainsi adulé par le public théâtral, les comédiens et les metteurs en scène, les étudiants, les jeunes, en France et encore davantage à l'étranger, l'auteur reste plutôt ignoré du milieu proprement littéraire.
L'étonnante étanchéité contemporaine de la pensée et de la scène n'explique pas tout. De ce clivage entre le mythe et l'ignorance, il importe de finir rapidement. Contrer la rareté du livre critique et l'abondance spectaculaire des revues (leur côté parade), désenclaver l'oeuvre de Koltès d'une analyse presque exclusivement dramaturgique (ou d'une approche outrancièrement testimoniale), en élargir le champ référentiel, en faire valoir la tension poétique et la portée philosophique, permettre ainsi une ouverture de la lecture, toujours propice à la diversification des créations scéniques, telle est donc l'ambition avouée de cet essai.
CB
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Quel est le nom de cette ville qui brûle en moi ?
Que ce soit lors de ses errances citadines, ses voyages souterrains ou hors la ville, Christophe Grossi aime observer ce qui nous relie ou nous oppose. Au fil des rencontres fugaces ou vivaces, des moments de tension ou d'apaisement, il s'interroge sur notre présence au monde, notre immobilité en mouvement et nos désirs de fuir. Si la ville fascine, elle peut griser aussi. Et dans nos va-et-vient, comment habiter les lieux traversés, quel que ce soit le mode de transport choisi ?
Dans ce récit qui procède par fragments, où les voix convergent et se complètent, une galerie de portraits se construit. Une nouvelle carte apparaît, faite d'itinéraires réels ou imaginaires, le long desquels les absents hantent les vivants. Et chaque trajectoire prend la forme d'un possible soubresaut.
La ville soûle n'est pas un récit de voyage au sens propre : c'est une métamorphose. -
Je suis en moi comme dans un pays étranger.
On peut naître à soi-même à déjà 38 ans, sans savoir qui on a pu être avant. Avant quoi ? On peut recevoir un jour un mail d'une prétendue soeur dont on se sait dépourvu et espérer sa présence. Pourquoi ? On peut enquêter sur des identités suspectes qui semblent fictives sans parvenir à savoir si ces femmes, soupçonnées d'ébahissement, sont ou non une menace pour la sécurité de l'État. Comment ?
Ces personnages, et bien d'autres, se rencontrent, se cherchent et se découvrent dans le monde de Soeur(s). Il est aussi le nôtre, celui dont le réel a très largement rattrapé les dystopies et les anticipations de la fiction. Celui qui a fait de la solidarité entre les êtres un délit.
Se jouant des genres et des registres, mélangeant l'enquête avec le politique, la technologie et la comédie, la philosophie et la sensualité du désir amoureux, les personnages de Soeur(s) osent réinventer des espaces de vie dans lesquels l'espoir de la fraternité et de la sororité est possible. Dans cette polyphonie de voix, le mystère de l'identité à l'ère de la surveillance généralisée se reconnecte à son essence première : l'humanité de celles et ceux qui se demandent, bien plus légitimement que les services de police, qui suis-je ?
Philippe Aigrain est poète, performeur, auteur de fictions brèves et traducteur. Soeur(s) est son premier roman. -
« Serons-nous capables de faire parler en nous et par nous les animaux, les plantes, les virus, les objets techniques, sans imposture et sans renier ce que le matérialisme nous a légué ? » Dans son premier roman Soeur(s) (2020), Philippe Aigrain proposait, sur le mode de l'anticipation chorale, « un conte technique opérant à la fois facétieusement et à très grande profondeur (...) sur les technologies de surveillance » (Hugues Robert, librairie Charybde). Jachère, second roman auquel il travaillait encore quelques jours avant sa disparition, et commencé au début de la pandémie de Covid-19, va plus loin dans son exploration d'un futur plus meurtri encore, mais jamais exempt de douceur. Le roman nous place dans un temps d'après le chaos. L'humanité, dévastée par des années de guerres, ravagée par les virus est au bord de l'extinction. C'est dans ce contexte que se rassemble une petite communauté. Ils et elles sont douze. Ensemble, ils arpentent les champs de bataille qu'ont laissé dans leur sillage les robots tueurs. Ensemble, modestement, ils tentent de réamorcer les rouages de la civilisation. Tout se complique lorsqu'ils commencent à converser avec des machines militaires fatiguées d'avoir oeuvré tout ce temps à détruire. Peut-on envisager de reconstruire avec elles ? La quête fixée par ce petit groupe est plus humble que celles qu'on trouve généralement dans les récits post-apocalyptiques. L'enjeu est moins le survivalisme individuel que la survie des communautés humaines, l'entente entre les hommes, les femmes et les non-humains. Inspiré par des penseurs tels que Philippe Descola ou Gilbert Simondon, Philippe Aigrain dans ce deuxième roman d'une grande délicatesse chemine avec des littératures qui ont contribué à former son regard et son écriture. Ainsi Marielle Macé, Nastassja Martin ou Bérengère Cornut peuvent être invoquées. Le tout illustré par Roxane Lecomte qui prête vie aux montagnes slovènes, véritable actrices à part entière du récit. Sans oublier Marie Cosnay, dont Jachère doit beaucoup, et qui prolonge la lecture d'une postface émue. - Extrait de la postface de Marie Cosnay - « Longtemps après la lecture de Jachère, deux images résistent, demeurent, et je sais que cela plairait à Philippe de le savoir : les courbettes et révérences des monstres tueurs devenus alliés imprévisibles, cette douceur, et la science des plantes, comment naît le riz, le soja, comment on cueille orties, pissenlits, pâquerettes, bourrache, oseille sauvage, mâche, plantain, onagres, crosses de fougères, que sais-je encore. La douceur, encore, de cette ordonnance du monde, ou plutôt, de cette recréation du monde. »
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« On se demande où est ce corps ? Pourquoi pose-t-il problème ? N'est pas synchrone. La voix fait mythe de l'absence du corps d'où elle s'origine pourtant. Dont elle témoigne, témoignant d'une absence. » Christophe Atabekian est né en 1970, il a réalisé des films de court, moyen et long-métrage. Musicien, auteur de pièces radiophoniques, d'installations vidéo et multimédia et de scénarios pour le cinéma et la télévision. - « Mes Collections » Sous la direction d'Emmanuel Tugny, cette collection de la maison d'édition LUE de l'ESÄ regroupe l'ensemble des textes critiques, conférences et articles produits au sein de l'activité pédagogique et des événements (séminaires, colloques, rencontres) de l'école ayant trait à la notion de « collection » au sens le plus large. Elle se trouve de fait initiée par la publication des textes de conférences données au FRAC Nord-Pas-de-Calais, depuis janvier 2014 par des enseignants de l'ESÄ. Ces conférences sont prononcées en ouverture des « cafés-philos » de l'ESÄ au FRAC NPdC, justement intitulés « Mes Collections », du fait de la question qu'ils travaillent par approches multiples.