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"À la fin tu es las de ce monde ancien"
Et c'est peut-être pour cela qu'Alcools nous marque autant, nous a accompagné de ces musiques à syncope étrange, et pourtant tout ancrées dans nos perceptions les plus fines.
Une borne dans l'élan moderne de la poésie, peut-être à partir de cette rature dans le manuscrit conservé à la bibliothèque nationale, ce "soleil cou coupé" qui surgit pour conclure, après le grand défilé des villes d'Europe.
Oeuvre qui se débarrasse en cours de route de toute ponctuation pour nous arriver avec plus de lumière.
Comment ne pas en disposer à sa guise sur nos appareils numériques ?
FB -
Les liaisons dangereuses
Pierre Choderlos de Laclos
- Publie.net
- Classiques
- 28 Août 2011
- 9782814505124
Le grand hymne au désir de notre littérature.
Machine perverse, des êtres qui s'affrontent, manipulent, trament leurs rendez-vous dans les couloirs. Mais toujours pour la passion, toujours pour l'amour, dans ces temps où il est contraint et forcé par les normes sociales.
Un grand ébranlement de la liberté d'écrire.
Mais quelle formidable machine narrative : 175 lettres, et tout l'arsenal possible, lettres incluses dans une autre, lettre ouverte par erreur, lettres qui se croisent, lettres portées directement, ou bien dictées. C'est le relief même créé par ce jeu d'envois indirects, pourtant tout lestés de la parole réelle des protagonistes, qui fait qu'on dévale dans l'histoire - même les notes de l'auteur, sur les lettres qui manquent, par exemple, ajoutent à la mécanique. Normal, puisqu'on nous prévient d'emblée qu'il s'agit... d'un roman.
Et peut-être n'a-t-on pas assez insisté sur ces dates discrètes au bas ou en haut de chaque lettre : du 3 août au 14 janvier, soit six mois de ce bouquet de lettres creusant une même intrigue - histoire en temps réel.
Et qui prend un nouvel intérêt aujourd'hui : au moment où la correspondance privée devient un rouage essentiel de la société, naît une forme littéraire qui en reprend la matérialité et la temporalité. Lire aujourd'hui le plus exemplaire et sauvage des romans éspitolaires, c'est s'interroger sur les formes littéraires qui nous sont promises, à nous qui utilisons d'autres façons d'échanger que la lettre postale.
Mais bien sûr, entre Merteuil et Valmont, on peut oubier tout cela : Sade sortira bientôt armé à l'horizon, et ce livre fonde une bonne partie de la littérature qui le suit.
FB
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On ne sait pas par où entrer, pas dans le livre, mais dans ce qu'on pourrait en dire - de tels monuments, et que l'on pense tous connaître, on pourrait facilement en rester à leurs portes, ne pas les pousser, et aller voir plus loin, les mains dans les poches, avec cette démarche que l'on peut avoir quand on se sent un peu bête quand même de ne pas oser .
Ici, avant même de tourner la première page, on sait qu'il va être question de la mine, de la terre, et de ceux qui vont dessous y chercher ce qui nous chauffera, ce qui les chauffera, leur donnera de quoi manger, aussi.
Ici, avant même de lire la première phrase, on pense à ceux qu'on a connus un siècle après les temps de cette histoire, et qui étaient presque toujours les mêmes que ceux que l'on va croiser dans Germinal, que l'on pouvait reconnaître, dans les cafés, les rues des villes, à leurs yeux comme maquillés par la poussière du charbon et que les douches, les larmes, ne parvenaient pas à enlever de leurs regards.
Mais il faut prendre le risque de lire ce texte, vraiment, de le lire, d'oublier tout ce qu'on sait et d'entrer avec eux dans ces galeries plus sombres que tout ce qu'on pouvait imaginer, au risque de s'y perdre, au risque d'y suffoquer, au risque d'y aimer, et en sachant que tout cela nous arrivera parce que ce dont il est question dans Germinal, ce n'est pas de ceux qui meurent dans l'obscur, ce n'est pas de la révolte qui gronde au ventre des exploités, ce n'est pas, enfin, de la vie et de la mort d'un monde pourtant toujours là.
Non, ce dont il est question dans ce chef d'oeuvre, c'est de nous, tout simplement, de nous et de ce que nous portons en-dedans sans nous en savoir dépositaires.
Daniel Bourrion
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L'art n'a pas à être moral, l'artiste n'a pas à s'occuper des conséquences sociales de son chemin vers le beau.
Oscar Wilde y laissera la vie. Aura de scandale qui le poursuit toujours.
Paru en 1891 dans le Lippincott's Monthly Magazine, c'est une version épurée par la morale d'époque qui paraît en roman, et qui sera traduite en français dès 1895. Il était temps de rebattre les cartes.
Un roman du désir. Mais avant tout un conte fantastique, et qui fait mal: le portrait que réalise du jeune Dorian Gray le peintre Basil Hallward serait un tel idéal de la beauté que le tableau devient insupportable à celui qui en fut le modèle.
Et s'il était possible que ce soit le tableau qui vieillisse, et que lui, Dorian Gray, garde à jamais ce visage tel qu'il a été transcendé et fixé ? L'incroyable puissance du récit tient à ce noeud, jusqu'au coup de couteau final.
Il était temps, plus que temps, de présenter le livre en français dans sa version originale, celle du Lippincott's Monthly Magazine, avant les coupes subies par le roman - le monde anglophone a fait aussi cette révision. L'occasion pour Christine Jeanney de reprendre entièrement un récit universel, et l'aiguiser pour la langue d'aujourd'hui, en exclusivité pour publie.net.
FB
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Il n'a rien perdu de sa magie. Et même, à mesure qu'on s'éloigne de l'époque, la phrase en est si belle... Qui de nous pour ne pas se souvenir de l'aventure du Grand Meaulnes ?
Sans doute, pour ceux de ma génération, c'était plus facile : les écoles primaires étaient les mêmes, et il y avait un forgeron maréchal-ferrant dans la rue principale du village (à Saint-Michel en l'Herm, il s'appelait Jubien).
La vie n'avait pas tant changé, lieux, circulations, objets, du temps du Grand Meaulnes à nos années cinquante. La bascule est venue après, radicale. Michel Chaillou citait souvent cette phrase extraordinaire, où le seul adjectif ordinal suffit à conditionner et le mystère et le rêve : Et, toute la nuit, nous sentions autour de nous, pénétrant jusque dans notre chambre, le silence des trois greniers - pourquoi trois ? Tout tient à ce trois. Mais le mot grenier qui était pour ceux de mon âge associé à un univers bien concret, une odeur de pommes séchant tout l'hiver du côté maternel, et celle des pneus Michelin neufs du côté paternel, que représente-t-il lorsque nous intervenons en collège, ou cherchons à reconstruire la même bascule fantastique avec l'univers urbain des collégiens d'aujourd'hui.
Mais tel est le mystère de la lecture et du conte que les adolescents d'aujourd'hui, lorsqu'ils se glissent dans le Grand Meaulnes à leur tour, y installent des rêves qui ne sont pas les nôtres - mais le fonctionnement du rêve, sa machine à merveille, l'étrangeté de Frantz, le mystère d'Yvonne, si.
Je crois que j'ai relu le Grand Meaulnes à chaque étape de ma vie. Maintenant encore, tous les deux ans, trois ans. Et toujours des découvertes : récemment, Pierre Bergounioux cite souvent la construction séquentielle des premières pages, la mère du narrateur mise littéralement à l'ombre, remplacée par la mère d'Augustin, et cette terrible phrase qui est la première que le narrateur entend - si on met Augustin Meaulnes en pension ici, c'est que son frère s'est noyé, le narrateur prenant ainsi la place du mort.
C'est une trappe à mystère - la fête qu'on ne retrouve plus, chacun la porte en soi à jamais. Une écriture séquencée comme le cinéma, qui n'existe presque pas encore, pour la plus belle leçon de rêve et d'adolescence
FB
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Et c'est toujours, à 140 ans de distance, un texte des plus extrêmes de toute la langue française. D'une novation telle qu'il s'ancre en vous par coeur quand bien même on voudrait le tenir à distance, tant il est poison et violence, et parcours extrême de l'être.
C'est le texte qu'on porte secrètement, chacun de nous, sans jamais le partager avec les autres.
C'est l'écriture d'un chemin vers l'écriture. C'est le rassemblement de la poésie embrassée, puis quittée.
C'est la fin définitive du parcours de Rimbaud écrivain, quand bien même l'écrit majeur, Illuminations, ne surgira qu'après.
C'est le texte qu'à peine on le rouvre voilà qu'il se chuchote dans la tête tant on le sait par coeur, ses naïvetés, ses étrangetés et monstruosités comprises.
Il y a ces phrases, Je sais aujourd'hui saluer la beauté, ou l'encore plus considérable Il faut être absolument moderne.
Nous avons sans cesse à relire Rimbaud. Et, dans Rimbaud, sans cesse à retraverser le puits majeur. Là où on tombe. Là où pas d'autre fond que l'abîme.
Mais assez de rage, et de jeunesse définitive de la langue, pour nous propulser plus lourd, agrandi, renforcé, vers le monde et vers nous-mêmes.
FB
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Comment, pris à nouveau par la magie profonde et simple de "La mare au diable", on ne penserait pas d'abord à l'émotion que dut éprouver George Sand elle-même écrivant, à ces mots qui se déroulaient implacables et justes, si doux ou si tranquillement violents - son oeuvre ici culmine.
Qu'on n'y cherche pas un siècle enfui, ni les souvenirs exotiques du Berry rural. Sand sait ce qu'elle fait : écrire la friction d'un code social, basé sur la nécessité d'une économie rurale dure et pauvre, avec les lois éternelles de l'amour entre les êtres.
Le génie de Sand, ici, c'est bien sûr les personnages. Trois au centre, cinq ou six autour, un cheval.
Il se passe quoi: quasi rien. Des conversations où dire ce qui compte ne se peut pas.
Le génie de Sand, c'est de transformer cette simplicité même en récit épique : dans trois chapitres miraculeux, on va s'agarer au crépuscule, l'homme, la jeune femme, l'enfant. Un brouillard, un feu qu'on allume, la proximité et la détresse. Meaulnes en naîtra presque d'un simple décalque.
La loi rurale, au lendemain, reprendra ses droits. Mais eux trois seront armés. On la croisera alors, la "mare au diable" - mais quel enchantement, sinon quelques paroles maugréées par une vieille sourde?
Le génie de Sand, c'est que la légende devient la couleur de l'ensemble du livre, important sa menace et ses merveilles.
Une femme, un homme, un enfant, et le code qu'on violente.
Tout est beau, ici. Mais indispensable : à relire d'un trait. En oubliant tout ce qu'on a pu vous en dire, qui vous en a éloigné.
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Ainsi parlait zarathoustra
Friedrich Nietzsche
- Publie.net
- Classiques
- 28 Septembre 2011
- 9782814505285
Un continent de lave poétique, prose, versets, animaux, fous, devins, imprécateurs, mis au service de celui qui, après s'être retiré au désert, revient vers les hommes, et que "commence son déclin".
Le Surhumain, la guerre, la pauvreté, la violence, le désir, la ville, les îles, le corps : tout ici s'agrège et s'entrechoque, et c'est toute notre civilisation et son histoire qui vient se lire elle-même.
On n'en a jamais fini de se plonger dans ce texte, d'y mesurer son propre chemin intérieur, de s'y ébrouer - et de s'enfuir. A la fin, plus rien qu'un âne qui brait inlassablement.
On a la chance que la première traduction, celle de Henri Albert, au tournant du XXe siècle, soit elle aussi devenue ce monument incontournable.
Ce sont des forces pour le présent. Forces mauvaises et forces belles, mêlées indissolublement.
FB
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"Par ailleurs rien à signaler." Dernière phrase d'un des livres les plus forts et étranges de la littérature française. Vendons de suite la mèche, d'ailleurs le narrateur annoncera tout de suite ce qui se passe : son épouse le trompant avec son collègue gardien de phare, le narrateur, sous prétexte d'une fête qui les rassemble, les enferme dans la chambre de veille, et tient - tout le temps des treize jours de leur agonie - ce journal d'un amour en Bretagne, dans le quotidien de la mer pour tout horizon. Mais c'est Anatole Le Braz : l'écrivain des "Contes et légendes de la mort", qui la connaît si bien, sa Bretagne, canton par canton, capable d'en tirer des portraits comme sciés de leur granit même pour chaque personnage secondaire de sa fresque. Qu'on suive le narrateur dans cette échappée folle, juste avant le drame, qui le mènera à la fenêtre de sa propre mère - laquelle n'y verra qu'un "intersigne". La mystique de la mort, les légendes nées de la brume et de la difficulté à vivre, rejoignant ici les lentilles de Fresnel du phare de la Vieille, à portée de vue de l'austère île de Sein, donc inaccessible. L'impression d'une imparable machine d'acier. Livre autant méconnu qu'il est imparable en chaque ligne de cette beauté saisie à bras le corps, mêlant hommes et éléments. Publié en 1900, à lire pour aujourd'hui. FB
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Dans le milieu du XIXe siècle, un peintre, désigné ici par son initiale, part sur les champs de bataille de Crimée, et dessine directement ce qu'il voit. Les progrès techniques font qu'en quelques jours ses dessins parviennent à Londres et sont reproduits par la presse. C'est une révolution : des événements qui se produisent à distance, donc invisibles, sont représentés presque en temps réel (pour ceux de l'époque, presque de façon simultanée), et nous parviennent sous forme d'image, sans récit associé. Notre compréhension du monde bascule.
Baudelaire, qui n'a pas eu l'intuition de la photographie et loupe son texte sur ce qu'elle bouleverse, se révèle ici un précurseur d'un point essentiel de notre modernité, et c'est stupéfiant.
C'est aussi la représentation de la ville, de la foule, du mouvement. La ville est perçue dans son anonymat, ses cinétiques. Ce qui se joue dans le texte de Baudelaire, c'est l'émergence d'un vocabulaire et d'un mode de pensée qui n'ont pas de précédent, et où lui-même saura bien reconnaître sa dette à Balzac...
La foule, la ville, la vitesse, l'anonymat, l'accident, l'art et la pensée, la simultanéité, le réalisme, Le peintre de la vie moderne est un texte visionnaire de Baudelaire. Quel plaisir quand une université ou une école d'art nous fait confiance pour une conférence : on remonte toutes les catégories qu'a, avant nous, exploré Walter Benjamin...
Et quel plaisir de le redécouvrir via le numérique, plutôt que perdu dans les oeuvres complètes de Baudelaire : texte revigoré à neuf, et sa version epub pour iPad ou smartphone pour le lire dans une gare, ou en pleine rue...
FB
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Léautaud résume ainsi cette farce de Jarry : « Ubu roi est une oeuvre d'élèves de collège écrite au collège pour ridiculiser un professeur par Jarry et deux de ses camarades, et représentée en famille chez la mère de Jarry, laquelle a confectionné elle-même le chapeau de la marionnette d'Ubu. »
Annonciateur du surréalisme, c'est provocant, satirique, absurde, parsemé de retentissants « Merdre ! », complètement grotesque et jouissif.
PÈRE UBU
Ventrebleu, de par ma chandelle verte, j'aime mieux être gueux comme un maigre et brave rat que riche comme un méchant et gras chat. -
Un conte comme tous les contes : souhaitez ce que vous voulez, et ça va vous arriver. La mort des autres, le grand amour...
Seulement, il y a un prix : cette peau qui rétrécit... Et votre vie qui finira avec elle.
Pourquoi pas. Seulement c'est le Paris qui explose, juste avant que Haussmann le repeigne. Le jeu, la prostitution, l'industrie, la presse, toutes les figures du moderne sont dans l'ombre des ruelles, larvées. C'est la Peau de chagrin qui va lever le couvercle pour les nouveaux démons.
Vous entendrez Baudelaire à chaque figure du récit : Dans des fauteuils fanés des courtisanes vieilles... Son Paris il l'a appris dans ce livre. Conte moderne, qui commence par une tentative de suicide avant la rançon à payer. Le mystique contre la bourgeoisie ? Mais c'est elle qui gagne.
Et peut-être pour Balzac aussi, la peau de chagrin... Ce sera son premier succès, mais considérable, immense. Il écrira bien d'autres et d'autres livres, les rassemblera dans le magistral édifice de la Comédie humaine, mais une seule fois il rencontrera de cette façon l'inconscient de son époque. Livre fétiche, page turner : une fois débutée la machine vous êtes pris. Et c'est bien pour cela qu'il fallait la version numérique.
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L'immensité Hugo, tout entière dans le visage d'un homme : Gwynplaine, le défiguré. Celui dont le rire a été sculpté dans sa face pour toujours.
Jamais Hugo n'a été aussi loin dans le fantastique. Le naufrage de la chaloupe sur les écueils de la Manche, l'enfant sous le gibet, la scène de torture dans les cachots de la tour de Londres, le saltimbanque avec sa roulotte et son loup dans l'Angleterre de la reine Anne...
Il y a bien sûr l'amour, les méchants, l'aventure et les hasards. Et les magnifiques monologues de Gwynplaine face aux Lords, ou les improvisations d'Ursus pour son loup.
Hugo écrit en exil. C'est sa dette à l'Angleterre qu'il paye, c'est sa dette à la mer, où commence et finit le livre.
Qui aime Hugo connaît les splendeurs, les terreurs, les grimaces et les rêves de L'homme qui rit.
Et pour le découvrir ou le relire, le voici en numérique...
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L'école des lettres : le diable au corps
Raymond Radiguet
- Publie.net
- Classiques
- 5 Mars 2011
- 9782814504417
Un livre qui sent le soufre. Qui se lit en deux heures brûlantes, d'un trait. D'ailleurs, pas de chapitre, rien que ces paragraphes découpés comme on fait au cinéma, plan-séquence, cadrage, scénographie, gros plan, voix.
Trois personnages, dont un qu'on ne fait qu'apercevoir à la fin. Les autres ne comptent pas.
L'auteur a 18 ans.
Donc, une fille, deux garçons, une histoire d'amour et évidemment qui finit mal. Sauf que derrière il y a la guerre, les blessés, l'absence et l'incertitude.
C'est bien la fin d'un monde. La fin de l'ordre bourgeois, les amours réglementées, et comment les corps y mettent le feu.
Raymond Radiguet meurt deux ans plus tard, en 1923. L'oeuvre s'arrête en une poignée de livres. Elle nous dérange encore. Une littérature est née, qui reprend pour notre monde moderne la subversion essentielle.
Le diable au corps : pas une ride.
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Albert Londres (1884-1932) a laissé son nom a un des grands prix internationaux de journalisme.
On connaît ses reportages sur les bagnes : journalisme d'investigation, mais qui passe d'abord par la capacité de l'écriture à proposer après coup le chemin même de l'enquête et son enjeu humain. Grandeur de ceux-là à ce qu'ils ne jugent pas, mais construisent l'humain au point exact où la révolte même, ou la peine, ou le partage, deviennent incontestables.
En 1925, pas question de forcer officiellement la porte des asiles. Il y entrera quand même (et s'en fera 9 fois expulser), parfois se faisant passer pour l'assistant du dentiste. C'est plus facile en province.
Et c'est hallucinant. La folie est une punition, qu'on redouble dans le traitement asilaire. Misère de ces mouroirs sans hygiène, et 80 000 enfermés... Hauteur d'Albert Londres : ne pas contourner les internements forcés, familiaux ou administratifs, suivre un patient guéri, quand son village d'origine se referme devant lui comme devant une bête malfaisante. Et entrer dans les cachots - sculpter visages, mots et voix avec la même attention et la même ouverture.
Une psychiatrie tâtonnante, qui garde les cerveaux dans des pots de chambre (hallucinant chapitre), qui peut laisser tremper les gens 36 heures dans l'eau tiède, la tête seule dépassant, ou nourrir de force les patients par intubation nasale, mais qui ne dispose d'aucun médicament contre l'angoisse.
On ne vient pas ici lire et publier Chez les fous par besoin d'exotisme, ou se rassurer sur la psychiatrie d'aujourd'hui. On est dans le même choc et la même densité humaine que Raymond Depardon a rapporté de San Clemente. On croise aussi, en ouverture et clôture du livre, un précurseur : le Dr Toulouse, la même année qu'il accueille le jeune Antonin Artaud à Paris. La dénonciation politique d'Albert Londres quant aux lois de 1838 qui organisent le système asilaire est violente.
Mais, parmi les patients, il aurait pu croiser Camille Claudel. Et tous ces visages qu'on vient accueillir dans ce livre, on sait le traitement que leur réserve, en masse, le régime de Pétain en 1940.
Ce livre est aussi une part de notre inconscient.
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L'énigme et la magie de la lecture, devenant elles-mêmes un texte d'enchantement, une leçon et un guide. De ce laboratoire où Marcel Proust revient à son enfance, naîtra toute armée sa Recherche...
La magie circulaire de A la Recherche du temps perdu, c'est que le narrateur, tout à la fin, commence de rédiger le livre dont nous venons de finir la lecture. Assomption par le monde des lois de l'écriture, et de son héritage : la grand-mère avec son parler Sévigné, M. de Charlus avec Balzac, et les lectures d'enfance du narrateur, sa passion pour la simplicité de George Sand.
On sait que Marcel Proust a dû attendre ses 37 ans pour que cet accès à l'écriture de ce qui deviendrait A la Recherche du temps perdu lui soit enfin possible. Mais que toute sa vie et son tavail jusque là y tendaient, depuis les esquisse de Jean Santeuil aux traductions de Ruskin, aux essais sur Baudelaire, Flaubert et Nerval rassemblés dans le Contre Sainte-Beuve.
Traditionnellement (il a déjà plusieurs fois été édité de façon autonome), ses Journées de lecture sont désormais considérées comme un moment spécifique, une étape de ce virage. Texte pour une fois définitivement fixé par Proust, il sert de préface à sa traduction de Sésame et les Lys de Ruskin (sous le titre initial, encore plus direct, de : Sur la lecture). Mais les matériaux qu'il y emploie sont décisifs : certains s'intègreront quasiment tels quels à Combray. Et admirons, au passage, la place de l'écriture dans cette société à laquelle la première guerre mondiale mettra un terme : le lien lecture-écriture posé de façon aussi liée.
Et peu importe les livres, même si on croisera Schopenhauer ou Racine et Shakespeare: ce qu'il nous dit, c'est le temps de la lecture, le rapport aux heures, à l'essentielle solitude.
Texte d'amour, qui nous renforce - très simplement - dans notre rapport nécessaire à lire. Et renouvelle de façon étonnamment vivante le pacte que nous tissons aujourd'hui avec la lecture via nos écrans.
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Flaubert avant Flaubert, et déjà Flaubert.
Flaubert dans ses vingt ans : pour cela qu'on lui souhaite lecteurs d'aujourd'hui cet âge. Révolte, initiation, furie dans la langue.
Flaubert n'a pas encore fait la révolution qui le mènera à sa propre oeuvre. On sait qu'il faudra cette longue lecture de la premire Tentation de Saint-Antoine à Bouilhet et du Camp, puis le départ en Orient, et là-bas, en Égypte, l'idée de la Bovary.
Ici, ce sont des écrits qu'on nomme, trop facilement, de jeunesse. Mais Flaubert jeune, est-ce que ce n'est pas déjà tout Flaubert? Une passion radicale de l'écriture, la notion de style, le refus artiste du monde. Et la vie a pris sa dîme: les études de droit vite interrompues, c'est le décès de sa soeur Caroline, les crises d'épilepsie, la volonté à tout prix d'imposer une oeuvre.
De Mémoires d'un fou à Novembre, c'est le même dispositif, la même tentative. Elle est nourrie de Hugo, de Byron. Mais sans Byron, est-ce qu'il y aurait la folie propre à madame Bovary, et ce qui la pousse et à la transgression (vis-à-vis de laquelle son amant adultérin, qui n'est pas romantique, fait bien pâle) et sa fin.
Cette gestation qui se prépare, par et dans la langue qu'il lui faudra brisée, nous qui savons notre Flaubert, bien sûr c'est cela qu'on lit. Mais est-ce qu'il n'y a pas à lire aussi ces textes pour eux-mêmes, chemin vers l'oeuvre, l'écriture saisie à bras, sachant que c'est dans cette danse de l'excès, et soi-même poussé à limite, que se fera l'invention? La figure du fou alors est bien moins légère qu'il n'y paraît: folie en soi qu'il s'agit d'abord d'atteindre.
Et nous les aimons, ces phrases de Flaubert avant l'étreinte. Vous savez, la phrase de Proust: Comme nous les aimons, ces lourds matériaux que la phrase de Flaubert soulève et laisse retomber avec le bruit intermittent d'un excavateur.
Une seule adresse pour prolonger : le site Flaubert de l'université de Rouen, fondé par Yvan Leclerc, voyage complet.
FB
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Personne n'est jamais sorti indemne du "Tour d'écrou", vous êtes prévenus.
Et pourtant, Jose Luis Borges, Maurice Blanchot, Tzvetan Todorov sont tous venus tenter d'en décrypter le mystère.
C'est avant tout à un terrible et maléfique jeu de miroirs que nous convie Henry James : jeux de miroirs dans l'écriture, entre le journal de la gouvernante qui nous est donné à lire, et ce que nous imaginons du réel à travers son écriture.
Mais surtout, les deux enfants. Pris à leur obsession, traqués par leurs images intérieures ? Et le combat mené contre la peur, si cette peur se manifeste par le réveil des morts (elles étaient bien réelles, les morts de Peter Quint et de la précédente gouvernante), cela met-il en cause leurs apparitions comme réelles ? Ou pourquoi pas la simple manipulation de la gouvernante par deux enfants cruels ?
Personne n'a jamais pu trancher. Seulement voilà : on sort tremblant d'un livre éblouissant, tendu, partout précis comme une arme.
Henry James, né à Albany, mais qui a vécu la plus grande partie de sa vie en Europe, est un géant de la littérature anglophone. C'est un avocat, Jean-Maurice Le Corbeiller, qui en 1929 est le premier à traduire "Le tour d'écrou" et "Les papiers d'Aspern". Traduction belle et tendue, elle aussi, qui ouvrira grand nos propres portes à l'oeuvre de James.
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Quel chef d'oeuvre : l'horreur dans le Frankenstein n'est jamais recherchée pour elle-même - elle ne déborde jamais dans le texte : elle est effrayante, mais absolument. Elle tue, cependant. Et son inventeur en sera l'ultime victime. On ne triche pas avec ce qui est réservé à Dieu : créer l'homme. Le sous-titre : Frankenstein, ou le Prométhée moderne.
On est en 1818, quand Mary Shelley nous offre cette création-monde. Tout ce qui bientôt fera l'art romantique. Héros mangés d'art. Et la passion du voyage : dans ce roman incroyable on parcourt toute l'Europe de cette aristocratie nomade, Genève ou le Rhin, les Alpes ou l'Italie. Et puis cette longue remontée vers l'Écosse des malédictions.
Un défi tout aussi formel : jeu multiple d'emboîtements, de récits interposés, jusqu'à ce moment magnifique où le monstre lui-même se met à partler dans le livre. Mais pour dire comment il s'y est pris pour apprendre à parler et à lire. C'est à en pleurer : lui-aussi est victime de sa violence, avant de la renverser en menace.
Alors qu'elle est belle, cette échappée d'un bateau vers le pôle Nord, embarquant Frankenstein à la poursuite de son propre monstre, l'être sans nom qu'il a formé de ses mains pour défier la mort.
Vous l'avez déjà lu trois fois, l'inimitable roman de Mary Shelley, dans les vieux livres de l'adolescence ? Eh bien ça fera quatre. Et l'enchantement garanti, le frémissement aussi.
FB -
Zola a mauvaise presse : on le trouve trop lourd pour notre goût nouvelle-cuisine de la littérature. Ses personnages, trop soumis à leurs pulsions, violentes ou lubriques. On le remet en perspective après Flaubert le ciseleur, Maupassant le jongleur, et on voit les lourdes ombres du XIXe finissant, l'affaire Dreyfus, le capitalisme sauvage, nous promettre une lecture bien trop sérieuse et appliquée pour ce qu'on en voudrait.
Mais on est tous tombés dans Zola à l'adolescence. Et précisément pour les mêmes raisons, les mêmes ciels lourds d'orage, cette même sexualité à fleur de phrases et de visages, et la violence d'un monde si près du nôtre, qu'il l'enfante.
Alors, quand on rouvre la grande pyramide des Rougon-Maquart, on ne sait pas trop, parfois, par où l'aborder. La violence crue et sourde de Germinal, la figure hâve de l'artiste de L'Oeuvre, la boue partout dans La terre, ou les échappées mystiques ou presque érotiques du jardin de l'abbé Mouret ?
Zola, c'est tout cela à la fois, indissociable. Mort d'une asphyxie accidentelle à 62 ans, il n'a pas su produire lui-même la conclusion - y en avait-il une, ou bien : ne sommes nous pas nous-mêmes cette conclusion, parce que rien de ce que Zola décrit ne nous est épargné ?
Le commerce dans le Bonheur des dames, la Locomotive de la Bête humaine sont des autres versants de cette même grande bascule : l'invention de notre société moderne - Baudelaire en prenait les symptômes, Zola doit la charrier dans sa masse.
Voilà un livre de jouissance, de plaisir de la langue, un livre d'accumulation - et aucune grâce qui nous soit faire, lorsqu'on fabrique le boudin dans la charcuterie. Mais c'est le peuple, le grand peuple de Paris, le peuple avec son verbe. La métropole est née, elle a passé les deux millions d'habitants : il faut la logistique qui les nourrisse.
La force musculaire et le bonheur de Zola, c'est d'aller là, et d'en faire roman. Il faut y revenir, et une fois le livre démarré, accepter de ne plus s'arrêter.
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La série Zola de publie.net est numérisée, révisée et préparée par Daniel Bourrion. -
Le droit à la paresse de Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, a toujours tenu un rôle privilégié beaucoup plus pour notre imaginaire qu'en tant que texte sociologique ou politique. Alors, on pourrait se dispenser du travail ?
Ces théories ont pris tout récemment une nouvelle actualité, et nos modes de vie nous conduisent en permanence à nous en reposer la question. Le chômage massif et organisé comme permanence sociale, la brutalité des licenciements, l'histoire de la protection sociale en France et ses côtés parfois anachroniques. L'émergence de la culture des loisirs et la marchandisation du temps libre, c'est tout cela que nous faisons résonner dans le titre paradoxal de Lafargue.
Pourtant, comme nous sommes proches des analyses de Engels sur la classe ouvrière anglaise, la mise au jour des mécanismes de l'exploitation la plus sauvage du travail humain dans les filatures, mines, hauts-fourneaux.
C'est à ceux qui posent comme idéal que l'ouvrier, l'enfant, l'ouvrière n'aient à travailler que douze heures par jour que s'en prend Lafargue. Les concepts de temps et de consommation qu'il établit, à nous de les relire de façon active.
Écrit dans l'écho de la Commune à laquelle Lafargue participe, dans la dureté de la répression ouvrière de ces années 1880, le Droit à la paresse est dans ma bibliothèque numérique depuis bien longtemps.
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Le rire est notre défense, notre arme, autant qu'il est le meilleur partage.
Quelle chose complexe. Quand il nous surprend, quand il devient satire. Et certainement, pour la littérature et le théâtre, le fil le plus aigu. Le plus "raide", dirait Bergson.
Il est de la race de ces penseurs qui sont d'abord écriture. Bergson et le mouvement, le mouvant, "l'imagination créatrice".
Mais ici, sous les mots, viennent les grands rires âpres de Molière, La Bruyère, Labiche. Ce qu'il décortique fait de ce livre une immense leçon de littérature.
Penser, oui: mais penser au front.
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Assurément un des plus fascinants pièges à fiction tendus par Henry James.
Et le premier traduit avec "Le tour d'écrou", magistralement, par Le Corbeiller en 1929, pour faire entrer James dans la langue française.
Bien sûr, la ville : le silence enclos dans cette grande salle obscure d'une maison labyrinthique, et l'eau et l'âge de Venise autour, qu'on arpente. James a suffisamment connu Venise pour en aspirer ce secret, si lié à notre imaginaire.
Mais d'abord le chemin de crête, celui qu'il reprendra avec "La leçon du maître" et "L'image dans le tapis" entre autre : la création littéraire peut-elle se transmettre ?
À quel prix, et en s'autorisant quelle rançon à mort sur ceux que nous pillons ?
Et c'est bien de ce genre de vol et pillage qu'il s'agit, froidement, dans l'entreprise montée par le narrateur pour s'approprier ces fameux "papiers" d'Aspern. Aux mains de ces deux femmes, la vieille et la jeune, dans l'appartement clos de Venise, leur secret est stérile. Cela rejoint les débats en cours sur le droit d'auteur : pour un écrivain de la stature de Jeffrey Aspern (comme on utiliserait la même phrase pour le Bergotte de Marcel Proust), les archives n'appartiennent-elles pas à nous tous ?
C'est sur tout cela que James organise cette danse lente, tournoyante et sombre, magistrale.
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Cette collection de classiques, depuis le début, c'est ma bibliothèque numérique personnelle, constituée au fil des années. Mon cabinet de curiosités, les textes auxquels je suis le plus attaché.
Nous proposons simultanément deux textes majeurs de Marivaux, mais beaucoup, beaucoup trop méconnus. Pourquoi, parce que révolutionnaires avant l'heure, instables, malsains ?
Parce que, dans ces deux pièces brûlots, écrites et jouées à 20 ans d'intervalle, en 1725 et 1744, Marivaux, le roi du travestissement, des fausses apparences, le funambule des jeux de dialogue, prend pour thème l'ordre social lui-même, et la domination d'un homme sur un autre homme.
Pour chaque texte, une idée de départ renversante : dès leur naissance, deux garçons et deux filles ont été élevés dans des murs, sans aucun contact avec l'humanité. Le Prince vient assister au lâcher des fauves : on les met en présence, on les confronte à un miroir - ce qui fonde notre humanité part-il d'un principe naturel ? Et s'ils réinventent nos perversions, cela les justifie-t-elle ? Voilà pour La Dispute, dont Koltès a fait l'exergue à son Solitude dans les Champs de Coton. Ou bien, voici des naufragés dans une île où les maîtres deviennent esclaves, et les esclaves, maîtres. C'est une république, mais on ne peut s'enfuir. Comment chacun va-t-il se glisser dans la peau du rôle contraire à ce que le destin lui avait assigné ? Voilà pour L'Île aux esclaves.
Marchandises dangereuses, manipulation de l'être humain : mais on est sur la scène de théâtre, c'est Arlequin, à la fois naïf et rusé, avec le grain de méchanceté qu'il faut. Trop osé pour Louis XV : par un ultime artifice rhétorique, qu'il affectionne, Marivaux fera bien rentrer tout son dispositif dans l'ordre, avant de ranger.
Il me semblait important de proposer ensemble ces deux singularités majeures, ces prouesses de la langue, mais ces deux laboratoires à cru de la nature humaine. Un prodige - on est quelques-uns à le savoir, on le met en partage.
Chacun des textes, à titre exceptionnel dans publie.net, est accompagné d'une présentation d'une dizaine de pages.
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