Zones Sensibles
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L'oeuvre d'essayiste de Manzoni est peu connue, mais son Histoire de la colonne infâme, initialement envisagée comme un chapitre supplémentaire aux Fiancers mais publiée séparemment en 1840, est elle aussi couramment étudiée à l'école à l'instar de L'affaire Calas de Voltaire. La « colonne infâme » du titre désigne un monument qui fut édifié, par la volonté des juges, pour commémorer le procès (mené à grand renfort de terrifiants supplices), la condamnation et l'exécution, en 1630 à Milan, de plusieurs hommes accusés d'avoir propagé délibérément la peste par des « onctions pestifères ».
C'est sur la question de la responsabilité des juges que Manzoni croise le fer. Dans l'Histoire de la colonne infâme, il s'attache à montrer que, même en des temps d'ignorance et dans un système pénal qui prévoit qu'on puisse infliger à un accusé des sévices atroces, les juges conservaient la possibilité, la liberté morale de ne pas le faire. Aussi, reprenant en main les textes des juristes que certains de ses prédécesseurs (Verri, Beccari) citent pour les accabler, Manzoni s'efforce-t-il de montrer que tous, bien que n'étant pas opposés par principe à la torture, recommandaient cependant de n'en user qu'avec discernement et modération, et jamais pour obtenir des aveux. Ce qui est en jeu, implicitement, c'est donc la question, ancienne et débattue depuis des siècles dans la théologie chrétienne, du libre arbitre. Mais tout autant, si l'on veut, avant l'heure, sa version plus moderne, celle du déterminisme. Sommes-nous libres de nos actions, de nos décisions, de nos pensées ? Ou sommes-nous si profondément (et inconsciemment) modelés par notre temps, par notre culture, par nos institutions, que nos « choix » ne sont, au vrai, que les conséquences inéluctables de ces divers conditionnements ? La question demeure d'une parfaite actualité. Il n'est que de songer aux polémiques qui ont entouré telles tentatives d'explication d'attentats terroristes récents en France. En réponse aux sociologues qui tentaient de comprendre ces actes dans un tableau causal complexe, des personnages politiques de premier plan objectèrent qu'expliquer, c'était déjà justifier. Plus que jamais, il nous semble requis, pour inconfortable que cela puisse être, d'enquêter inlassablement sur les raisons de la violence. L'Histoire de la colonne infâme nous est une invitation à ne pas refermer trop vite le questionnement sur les racines du mal.
Histoire de la colonne infâme a fait l'objet d'une seule traduction française parue en 1843, reprise par d'autres éditeurs (Maurice Nadeau, 1982 ; Petite Bibliothèque Ombres, 1993). Outre que cette traduction comporte diverses erreurs ou inexactitudes, elle est, de fait, fort datée, d'où cette nouvelle traduction. Plusieurs options s'ouvraient au traducteur. Aux deux extrêmes : une traduction mimant les accents du français de l'époque, ne reculant pas devant les archaïsmes et la complexité des tournures, d'une part ; et, d'autre part, une modernisation totale, un parti pris d'acclimatation extrême, propre à donner au lecteur l'illusion que le texte a été écrit de nos jours. Nous nous sommes davantage inspiré de la seconde option, sans pour autant chercher à effacer entièrement l'ancrage historique du texte. Au bout du compte, nous avons opté pour une sorte de via di mezzo qui, tout en visant à rendre la lecture abordable et (assez) fluide pour un contemporain, respecte cependant dans ses grandes lignes la syntaxe, les tours de pensée et les phases argumentatives de l'auteur : son style, en somme ; car, s'il s'agit ici de ce que nous appelons un « essai », c'est aussi - et en dernière instance - l'oeuvre d'un écrivain.
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La principale thèse de ce livre s'énonce simplement : il reste un impensé théologique au coeur de la raison économique, et l'ensemble de la conceptualité économique porte encore la marque de cette provenance. Le noyau initial en a été formulé, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, par des théologiens éclairés qui n'y voyaient qu'un domaine particulier des relations sociales, requérant des règles morales spécifiques. Paradoxalement, les remaniements successifs de ce dispositif initial n'ont pas conduit à effacer, mais bien plutôt à en accentuer la composante théologique. Alors que les réflexions politiques et sociologiques ont eu maintes fois l'occasion de reformuler leurs postulats, la pensée économique est demeuré prisonnière de présupposés remontant à l'époque des Lumières, et cette structuration théologique invisible de l'économie est la première responsable de l'incapacité du monde occidental à faire face à la crise environnementale qu'il a provoquée. Au premier abord, il n'est pas évident que l'histoire intellectuelle du Moyen Âge occidental soit indispensable à une compréhension critique de la mondialisation actuelle, mais cet ouvrage vise à convaincre que c'est pourtant le cas. L'Occupation du monde est le premier volume d'une série de deux (le second tome paraîtra en 2019) consacrés à l'anthropologie économique occidentale et à son histoire, au sein de laquelle la pensée des scolastiques médévaux tient une place centrale.
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Journal d'un explorateur noir au Pôle nord
Matthew Henson
- Zones Sensibles
- 19 Mars 2021
- 9782930601458
Le 6 avril 1909, l'exporateur blanc Robert Peary a conduit une expédition qui, pour la première fois, a atteint le pôle Nord en traîneau à chiens. Dès son retour, il suscite la polémique avec Frederick Cook, un autre explorateur qui, lui aussi affirmait avoir atteint le pôle nord, le 21 avril 1908. La controverse sera tranchée par le congrès des États-Unis, qui fait officiellement de Peary le premier vainqueur du pôle Nord.
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Peaux blanches, masques noirs ; performances du blackface, de Jim Crow au hip-hop
William T. Lhamon
- Zones Sensibles
- 19 Mars 2021
- 9782930601472
"Voici un livre qui donnera le vertige à ceux qui sont habitués aux standards de l'histoire culturelle", écrit Jacques Rancière dans la préface de "Peaux blanches, masques noirs". 1820, New York, marché Sainte-Catherine : près du port, des " nègres " dansent pour gagner quelques anguilles. A l'origine monnaie d'échange, ces danses deviennent une marque culturelle pour le lumpenprolétariat bigarré fasciné par le charisme et la gestuelle des Noirs.
Fin du XXe siècle, de part et d'autre de l'Atlantique et sur MTV : Michael Jackson et M. C. Hammer se déhanchent avec des pas de danse et des gestes identiques aux danseurs d'anguilles. Pourquoi ces gestes ont-ils perduré ? Quels processus d'identification ont-ils mis en uvre ? A qui appartiennent-ils ? Aux Noirs qui les ont créés, ou aux Blancs qui, une fois grimés en noir (le blackface), les ont copiés et assimilés ? Peaux blanches, masques noirs, à travers l'histoire des ménestrels du blackface et des lieux fondateurs de la culture américaine, explore cette longue mutation d'un lore limité aux frontières d'un marché multi-ethnique en une véritable culture populaire atlantique où l'échange et la reconnaissance de gestes signent une appartenance - le lore étant, au contraire du folklore, non pas la propriété d'un peuple, mais une matrice de savoir, de récits et de pratiques qui est tout entière affaire de circulation.
Esclaves ou nouveaux affranchis noirs, mariniers ou commerçants blancs, tous vivaient dans les mêmes conditions d'une classe ouvrière luttant pour que la culture dominante les laisse libres d'échanger les marques de reconnaissance culturelles qu'ils partageaient. Du sifflement de Bobolink Bob sur le marché Sainte-Catherine à celui d'Al Jolson dans Le Chanteur de jazz, du Benito Cereno de Melville au Minstrel Boy de Bob Dylan, des peaux d'anguilles portées en guise de serre-tête aux dreadlocks afros, William Lhamon offre ici une fascinante anthropologie de ces signes culturels qui, après avoir vaincu les forces d'oppression qui tentaient de les étouffer, font aujourd'hui partie de notre quotidien.
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Cet ouvrage parle d'une pensée parmi les plus fécondes et originales qu'aient engendrées la Révolution anglaise du milieu du XVIIe siècle : celle des Diggers (« Bêcheurs ») et de leur meneur Gerrard Winstanley, membres d'une petite colonie qui s'installa sur des terres communes dans le Surrey en 1649, et qui expérimentèrent une forme de communisme agraire. Les lecteurs pourront donc avoir accès à des textes qui développent une pensée « proto-communiste » audacieuse. Loin d'être désincarnés, ces textes donnent à voir un pan de l'histoire politique et sociale caractéristique de la révolution anglaise du premier XVIIe siècle. Ils entrent en résonance avec de nombreux débats actuels qu'alimentent des préoccupations partagées, comme les débats relatifs aux révoltes et aux mouvements populaires ou ceux relatifs aux notions de propriété et de biens communs.
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Généalogie de la morale économique Tome 2 ; l'occupation du monde
Sylvain Piron
- Zones Sensibles
- 20 Novembre 2020
- 9782930601441
Dans le prolongement de l'Occupation du monde paru en 2018, Généalogie de la morale économique expose quelques-unes des voies par lesquelles s'est constitué l'imaginaire économique qui gouverne les sociétés occidentales et entrave l'appréciation de la catastrophe environnementale produite par l'expansion du capitalisme industriel et financier. Nous avons à déchiffrer, pour parler comme Walter Benjamin, l'affinité qui a permis au capitalisme de proliférer comme un parasite sur le christianisme.
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Corpus franciscanum : Francois d'Assise, corps et textes
Jacques Dalarun
- Zones Sensibles
- 3 Décembre 2021
- 9782930601502
Dans les années qui suivirent la mort de François d'Assise en 1226, les frères mineurs - ses fils spirituels - prirent soin de rassembler et de copier ses écrits, de rédiger et de diffuser ses biographies : l'enseignement qu'il avait laissé à la fois par ses mots et par son exemple. Tous les groupes qui souhaitent s'institutionnaliser ressentent ce besoin de s'ériger en « communauté textuelle », fondée sur un corpus qui fasse consensus, « sens commun ». Mais il est rare que la figure du fondateur y occupe un telle place, confinant ici au culte de la personnalité. Le paradoxe est que cette élaboration textuelle s'est développée autour d'un homme qui, en son temps, était considéré comme un illettré, un idiota, puisqu'il ne maîtrisait pas parfaitement le latin. Quelques décennies plus tard, au regard des constitutions de 1239, François aurait eu le plus grand mal à se faire recruter dans sa propre fondation et un abysse culturel le sépare d'un frère lettré comme Bonaventure, théologien à l'université de Paris et ministre général à partir de 1257. Pourtant, toutes les anthologies d'écrits franciscains (écrits de François et sur François), qui existent aujourd'hui dans la plupart des langues modernes, présentent comme un corpus homogène cet agglomérat improbable de niveaux de culture, couvrant la totalité des degrés d'alphabétisation distingués par le grand paléographe italien Armando Petrucci, notamment dans Promenades au pays de l'écriture (Zones sensibles, 2019). La première originalité de Corpus franciscanum est de mettre en évidence cette bigarrure, plutôt que de chercher à l'estomper, et de tenter d'en comprendre les multiples implications. Des paroles dictées par François en ombrien et retranscrites en latin par un scribe plus instruit que lui sont-elles vraiment un écrit de François ? Où commence un texte ? Où s'arrête-t-il ? Une légende insérée dans l'office fait-elle partie du texte de l'office ? Un recueil de miracles posthumes prolongeant la biographie du saint fait-il partie de la légende ? Du moment où l'on accepte ces remises en cause, on se rend compte que la fameuse « question franciscaine » - ce puzzle des écrits franciscains que l'on tente de reconstituer depuis quelque cent vingt ans - a été posée sur des bases tout aussi artificielles, plus idéologiques que codicologiques. Si l'on prend en compte la seule réalité dont nous disposions - la réalité « codicologique », celle des codices manuscrits -, il apparaît soudain que tous les scénarios élaborés depuis plus d'un siècle, opposant telle légende dissidente à telle autre officielle, n'ont aucune base réelle puisque ces deux textes sont transmis par le même volume manuscrit et ne risquent guère de provenir de factions adverses. Corpus franciscanum comporte deux parties. Dans la première, Jacques Dalarun conte une nouvelle histoire des origines franciscaines au travers du corpus des écrits et des légendes. La seconde partie consiste en 45 double-pages où, dans chacune d'entre elles, est reproduit en très haute définition et à l'échelle 1/1, un manuscrit dont il est question dans la première partie de l'ouvrage. Chaque manuscrit est succinctement présenté et analysé, de sorte que l'on puisse consulter les manuscrits indépendamment du texte de la première partie, ou lire le texte indépendamment des manuscrits.
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Nomad's land ; éleveurs, animaux et paysage chez les peuples mongols
Charlotte Marchina
- Zones Sensibles
- 14 Juin 2019
- 9782930601397
Cet ouvrage est un essai sur les relations que les éleveurs nomades entretiennent avec leur environnement chez deux peuples mongols, en Mongolie et en Sibérie du Sud. Il propose une vaste synthèse de la littérature publiée sur le sujet dans de nombreuses langues occidentales et orientales, mais est aussi et surtout le fruit d'une vingtaine de mois d'enquête cumulés sur le terrain entre 2008 et 2015. Grâce à sa connaissance des langues (mongol, bouriate, russe) et ses séjours prolongés, l'auteur entraîne le lecteur dans l'intimité et la vie quotidienne des éleveurs. Ce livre se concentre sur les aspects spatiaux du pastoralisme nomade, et notamment sur les manières dont les éleveurs envisagent et mettent concrètement en oeuvre l'occupation de l'espace, à partager avec des être non humains, que ce soient des animaux domestiques, sauvages, ou encore des entités invisibles. En comparant les situations de peuples mongols de part et d'autre de la frontière mongolo-russe, il donne également à voir un continuum culturel mongol malgré l'inscription dans des trajectoires historiques et politiques différentes.
La grande originalité de l'ouvrage réside dans l'abondante cartographie, résultat de données GPS de première main collectées par l'auteur, qui donne à voir les itinéraires de nomadisation des éleveurs et les trajets quotidiens des différents troupeaux sur les pâturages. Les nombreuses cartes, accompagnées d'une analyse fine des données, offrent une meilleure compréhension de toute la complexité des relations en jeu entre les éleveurs, leurs animaux - chevaux, chameaux, bovins, moutons, chèvres et chiens - et leur environnement partagé, ainsi que des manières dont systèmes sociaux et écologiques interagissent entre eux à travers des boucles d'actions et rétroactions.
En ces temps de changements climatiques extrêmement rapides sur ces terrains, et plus généralement à l'ère de l'« Anthropocène » - concept qui implique que l'homme est devenu une force géologique majeure qui agit sur la terre -, les relations que les humains entretiennent avec leur environnement sont devenues, dans la plupart des endroits du monde, un enjeu écologique, économique, politique et éthique majeur. Dans ce contexte, la grande division entre nature et culture qui caractérise les visions du monde occidentales est lentement en train de s'effondrer. Loin de vivre « en symbiose » ou en « harmonie » avec leur environnement, comme se plaisent souvent des Occidentaux à s'imaginer ou à présenter les Mongols, ils ne nous donnent pas moins, en se refusant eux-mêmes à toute relation de domination exclusive sur les animaux et les ressources naturelles, l'occasion de réfléchir aux relations que nous-mêmes voulons entretenir aujourd'hui avec notre environnement.
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Après 6/5 (2013-2014), ouvrage qui retraçait les origines historiques et technologiques du trading à haute fréquence depuis l'apparition du télégraphe au XIXe siècle jusqu'aux réseaux en fibre optique du XXIe siècle, Alexandre Laumonier poursuit ici, avec une écriture plus « humaine », son exploration des marchés financiers où désormais chaque microseconde compte. Dans ce nouvel ouvrage en deux parties de 96 pages chacune - soit deux récits indépendants -, il sera tour à tour question de religion, de la mafia ukrainienne, d'un impressionnant raid d'agents du FBI, de vol de codes, de mathématiques financières, mais aussi de réseaux de communications, de pylônes haubanés et d'antennes, de Londres, de Francfort et de la Belgique, de l'armée américaine et de Christ en croix...
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«?Il ne s'agit pas ici d'histoire du livre ou du document. Il ne s'agit pas d'histoire des textes, d'histoire de la culture intellectuelle ou d'histoire des cultures populaires, pas même d'une histoire de l'écriture ou des écritures stricto sensu. L'aire disciplinaire qui nous intéresse est ou aspire à être plutôt une histoire des processus et des pratiques de fabrique et d'usage des produits écrits, quelles que soient leur nature et leurs fonctions, y compris (voire surtout) dans leurs dimensions anthropologiques et sociales les plus remarquables et les plus significatives. Du fait de ce choix épistémologique assumé, cet ouvrage, alternant réflexions et exemples, se présente comme une invitation à considérer les témoignages écrits (isolés ou en série, anciens ou récents, élégants ou relâchés, publics ou privés, exposés à la vue de tous ou cachés) comme autant d'épisodes d'un des chapitres les plus riches et les plus passionnants de l'histoire de l'humanité?: celui de ses expressions écrites.?»
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«Ce texte se résume d'une phrase : un cochon médite sur son existence à quelques jours de l'abattage. J'aime bien les cochons. Ils ont en général le regard plus franc que les humains. Quand ils font don de leur personne, ce n'est pas pour en faire tout un plat. L'utilité du cochon n'est plus à démontrer. Celle de l'homme reste sujette à caution.».
Telle était la quatrième de couverture rédigée par l'auteur lui-même pour la première édition de ce texte chez Flammarion en 1978. Un parfait résumé auquel nous n'avons pas grand-chose à ajouter, si ce n'est que ce «romand cochon» se lit tout seul, texte souvent très drôle (qui lira verrat !) tout en pointant avec justesse les relations humains-animaux au sein d'une porcherie dont la description (au début du texte) peut faire penser, de loin, à «Flatland». Sauf qu'ici il ne s'agit pas de figures géométriques mais d'un cochon à l'écriture fluide et humoristique, offrant un texte singlant sur notre société de consommation... Peu après la sortie du livre en 1978 Raymond Cousse adapta le texte pour le théâtre, monologue qu'il jouait lui-même et qui l'a emmené à tourner au quatre coins du monde (dans les années 1980 ce fut le texte de théâtre en français le plus joué au monde...). Quarante ans après cet ouvrage n'a pas perdu une ride (de joue de cochon), loin s'en faut. Après avoir publié nombre d'ouvrages où les humains parlent des animaux, il était temps de publier un animal parlant des humains... Tout est bon dans ce roman cochon ! Première édition chez Flammarion en 1978. Dernière réédition en 1995 au Serpent à plumes, collection Motifs (poche).
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Mexique profond ; une civilisation niée
Guillermo Bonfil batalla
- Zones Sensibles
- 19 Septembre 2017
- 9782930601274
Mexique profond. Une civilisation niée, paru pour la première fois en 1987 (15 autres réimpressions seront réalisées depuis en langue espagnole), est un classique de l'anthropologie historique mexicaine. L'argumentation de Guillermo Bonfil Batalla dans cet ouvrage ne se réduit nullement à opposer de façon schématique le monde indien (« Mexique profond ») et le « Mexique imaginaire » (qui correspond au monde occidental). Certains passages attestent d'un désir de convaincre les lecteurs de la réalité de la domination qu'un groupe humain a exercée sur un autre depuis l'arrivée des Conquistadores sur le territoire mésoaméricain au début du XVIe siècle, mais l'enjeu est avant tout d'inscrire cet antagonisme au sein d'un processus historique évolutif qui tend parfois à en occulter l'existence, notamment à travers la négation de la présence des Indiens depuis l'époque Moderne.
Le principal effort de Batalla vise à rendre sensible « l'ubiquité de la présence multiforme de l'indianité » en particulier en retraçant certains épisodes-clés de l'histoire du Mexique. De ce point de vue, les premières descriptions du monde préhispanique, non exemptes d'une idéalisation de l'autochtonie, ou les vigoureuses critiques formulées à l'encontre de l'entreprise coloniale, ne sont pas les plus surprenantes puisqu'elles s'appuient sur des données historiques bien connues. On notera cependant que, dès la première partie, plusieurs développements dépassent avec beaucoup de perspicacité bon nombre d'oppositions (ville/campagne, indien/ métisse) à l'intérieur desquelles le dualisme exposé dans l'introduction semblerait enfermer le propos de l'auteur. Les pages consacrées à la présence des Indiens dans l'univers urbain, dans les marchés ou pendant les activités rituelles font comprendre que l'anthropologue doit suivre la capillarité du corps social et non se contenter de délimiter des camps, territorialement hermétiques, dans lesquels vivraient de façon séparée des groupes différents.
En affirmant que le monde indien apparaît partout, sous de multiples visages, le propos de Batalla consiste donc à interpréter le réel pour rendre perceptible une forme d'existence qui a été chassée du champ de la visibilité. À cet égard, la dimension la plus stimulante de la réflexion de l'auteur réside dans sa capacité à faire émerger les paradoxes, voire les réécritures de l'histoire, autour desquels, comme dans beaucoup d'autres sociétés, s'est construite l'identité du Mexique. Les chapitres III et IV de la deuxième partie, s'attachent ainsi à démontrer que l'Indépendance de 1812, puis la Révolution éclatant un siècle plus tard, sont loin d'avoir été les périodes les plus favorables pour les cultures indiennes, en dépit de la glorification de « l'Indien », popularisé par les grands peintres muralistes. Ainsi, en prenant des distances avec une histoire officielle largement répandue dans son pays, Bonfil décèle-t-il une « alchimie mentale qui perdure jusqu'à nos jours » en vertu de laquelle les Mexicains possèdent une « capacité à dissocier l'Indien d'hier et l'Indien d'aujourd'hui ».
Pour ce qui concerne la dimension anthropologique, un des problèmes importants abordé par l'ouvrage est celui de l'articulation entre la multiplicité des peuples et leur intégration à l'intérieur d'un ensemble culturel uniforme, problème qui, depuis longtemps, aiguille la réflexion mésoaméricanistes (et dont l'insurrection du Chiapas ou l'élection de certains présidents indiens ne constituent que la partie la plus visible).
Par ailleurs, Mexique profond s'inscrit parfaitement dans des débats extrêmement contemporains concernant le multiculturalisme, le métissage, les situations postcoloniales, la question de la visibilité des minorités.
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Somnambules d'un nouveau monde ; l'émergence des communes italiennes au XIIe siècle
Christopher Wickham
- Zones Sensibles
- 3 Décembre 2021
- 9782930601465
Somnambules d'un nouveau monde. L'émergence des communes italiennes au XIIe siècle, est un grand livre un sujet important : la naissance des formes de communes en Italie au Moyen Age. Si ce sujet a déjà fait l'objet de recherches abondantes, dans cet ouvrage Chris Wickham remonte aux tout début de cette émergence des formes consulaires (la période 1090-1150) pour montrer que ces premières gestions collectives des villes italiennes étaient le fait de divers citoyens qui n'avaient pas exactement conscience de ce qu'ils étaient en train de faire (des somnambules qui passaient d'une ville à l'autre, sur des chemins non balisés, en essayant de promouvoir cette nouvelle forme de collectivité). En voulant s'affranchir des pouvoirs ecclésiastiques et princiers, ces pionniers des assemblées citoyennes n'avaient pas en tête un « idéal-type » de la notion de « commune », telle qu'elle sera formalisée à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, mais participaient néanmoins à un changement social et politique de premier ordre dans l'histoire européenne. Après un premier chapitre introductif et historiographique où l'auteur se démarque d'une histoire téléologique des communes, sont ensuite étudiées les émergences des formes consulaires dans trois villes italiennes : Milan, Pise et Rome. L'importance, que souligne Wickham, de la diversité des configurations sociales et des agents-acteurs de l'histoire des communes ; le développement des assemblées citoyennes ; les serments collectifs passés entre différents somnambules ; la tension entre ces somnambules et les élites - tous ces sujets font que cet ouvrage est fondamental non seulement pour mieux comprendre l'histoire du Moyen Age italien, mais aussi pour mettre en lumière la manière dont sont organisées des formes de gestion collective des affaires communes dans les sociétés occidentales - sujet ô combien contemporain.
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En janvier 1610, grâce à un téléscope dernier cri qu'il a fait venir des Pays-Bas, Galileo Galilei scrute la lune et observe pour la première fois des détails jamais repérés par ses prédécesseurs. Lors de ces observations lunaires, Galilée observa que la ligne séparant les surfaces éclairées et ombragées de la Lune était régulière au niveau des régions les plus sombres, mais irrégulière au niveau des régions les plus claires. Il en déduisit que la surface lunaire devait être montagneuse, un résultat qui s'opposait frontalement à la cosmologie d'Aristote qui avait cours depuis plus d'un millénaire...
Le 13 mars 1610, après deux mois d'observations et d'écriture (il fit imprimer chaque partie du livre au fur et à mesure de ses découvertes, avant-même d'avoir fini l'ouvrage en intégralité), Galilée fait paraître à Venise le Sidereus Nuncius, un ouvrage qui allait bousculer l'histoire des sciences, à rebours de l'aristotélisme, où le scientifique rend compte de ses observations de nombreuses étoiles invisibles jusqu'alors à l'oeil nu, et où sont reproduites pour la première fois des représentations très précises de la surface rugueuse de la lune, grâce à quatre gravures en eau-forte. Outre les 500 et quelque exemplaires imprimés du Sidereus Nuncius, les abondantes archives de Galilée (correspondance, notes, etc.) nous apprennent qu'il avait demandé à son imprimeur vénitien de lui livrer 30 exemplaires sans les gravures de la lune. Les historiens des sciences ont depuis lors émis l'hypothèse selon laquelle Galilée avait demandé à ce que les gravures soient retirées afin qu'il puisse y substituer ses propres dessins de la lune, fait à la main, dans l'idée d'offrir à ses mécènes ces exemplaires collector personnalisés...
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Et l'ame devint chair ; aux origines de la neurologie
Carl Zimmer
- Zones Sensibles
- 21 Octobre 2014
- 9782930601137
Et l'âme de vint chair est un ouvrage sur les origines de la découverte des neurones par les proto-médecins/chirurgiens anglais du XVIIe siècle. Jusqu'à cette époque, c'est la conception aristotélicienne de l'âme qui prévalait : l'âme était dominée par les humeurs (la fameuse bile noire), et le fonctionnement de l'être humain dépendait de ces humeurs qui traversaient le corps à travers le sang. Mais au XVIIe siècle, notamment sous l'influence de René Descartes, les scientifiques commencent à se demander si l'âme n'est pas logée dans le cerveau, et si celle-ci ne se présente pas plutôt sous la forme de neurones.Ainsi naquit la neurologie occidentale. Carl Zimmer raconte dans Et l'âme devint chair l'histoire des premiers médecins qui ont disséqué le cerveau du coté d'Oxford, au milieu du XVIIe siècle. Parmi ces médecins se trouve le grand Thomas Willis, figure centrale de l'ouvrage, co-fondateur de la célèbre Royal Society, qui fut l'un des pionniers de la recherche neuroanatomique, un précurseur de la neuropathie (quelques parties de notre cerveau conservent son nom, comme le « polygone de Willis », une partie du système vasculaire cervical). Génie parmi les génies, Willis fut notamment l'auteur d'un traité fameux, le Cerebri anatomi de 1664, qui dynamite largement les connaissances précédentes sur le cerveau. En révisant de fond en comble les préceptes de Galien (le grand anatomiste de l'Antiquité), Willis fonda la science moderne que l'on appelle la neurologie.
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De la réception et détection du baratin pseudo-profond
Collectif
- Zones Sensibles
- 17 Juin 2016
- 9782930601229
Bien que le baratin fasse partie de la vie quotidienne et que les philosophes s'y soient intéressés, sa réception (critique ou naïve) n'a pas - à notre connaissance - fait l'objet d'un examen empirique. Nous nous attachons, pour notre part, au baratin pseudo-profond, à ce baratin constitué de déclarations de prime abord imposantes qui, données pour vraies et présumées sensées, ne détiennent en réalité aucun sens. Ainsi avons-nous présenté à des participants des énoncés fumeux, établis librement à partir de mots en vogue et agencés dans des déclarations qui, pour respecter la syntaxe, ne permettent pas de discerner un quelconque sens (ainsi de « la complétude apaise les phénomènes infinis »). Dans nombre de cas, la propension à juger le baratin de profond s'accompagnait de plusieurs variables conceptuellement pertinentes (comme le style cognitif intuitif ou la croyance surnaturelle). D'autres associations, moins évidentes, accompagnaient l'appréciation d'énoncés à la profondeur plus conventionnelle (« quelqu'un de mouillé ne craint pas la pluie ») voire banale (« les nouveaux nés requièrent une constante attention »). Ces résultats viennent appuyer l'idée que des personnes sont plus réceptives que d'autres à ce type de baratin, et que sa détection n'est pas tant affaire de scepticisme systématique que de discernement des approximations fallacieuses que renferment ces assertions autrement imposantes. Nos résultats suggèrent également que la tendance à accepter des déclarations comme vraies peut jouer un rôle déterminant dans la réception du baratin pseudo-profond.
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« Le petit livre que l'on présente ici est, à proprement parler, un mini-traité, un menu manuel théorico-pratique ; et, en tant que tel, il aurait bien pu prendre place à côté d'un Dictionnaire abrégé du caviste de Bourgogne, et d'un Manuel de floriculture : de textes, en somme, nés d'une longue et affectueuse fréquentation de la matière en question, compilés avec une diligente pietas par des érudits de province, de sociables misanthropes, tendrement fanatiques et abstraits ; et secrètement dédiés aux âmes fraternelles, en l'occurrence aux captieux dégustateurs, aux visionnaires botaniques ou, comme dans le cas qui nous occupe, aux rares mais constants adeptes de la lévitation descensionnelle.
L'auteur, humble pédagogue, aspire à la gloire didactique d'avoir, sinon comblé, du moins signalé une lacune de la récente manualistique pratique ; car il lui semble extravagant que, parmi tant de complets et savoureux do it yourself, on ait négligé précisément celui-là, qui concerne sa propre mort, entendue de diverses façons. Ainsi qu'il est d'usage, et non sans hésitante componction, signalons ici quelques modestes vertus de ce petit ouvrage, qui le différencient peut-être d'autres traités semblables, dont certains plus solennels : la définition de concepts que l'on donne trop souvent pour connus, comme ceux de balistique interne et externe, d'angoistique, d'hadèsdirigé ; le fait d'avoir proposé une nouvelle, et, à notre avis, pratique et maniable classification des angoisses ; enrichie, qui plus est, d'un Supplément sur les adieux, qui nous semble ne pas être la moindre des nouveautés de ce modeste opuscule ; l'inclusion du discours des cerfs et des amibes, qui vient souligner le caractère plus que simplement humaniste de l'approche adoptée ; et, surtout, le fait d'avoir réuni et présenté quelques diligentes et non négligeables documentations, non sans ébauche de commentaire, lesquelles permettront de vérifier les énoncés de la partie théorétique ; attendu que le livre se divise précisément en deux parties, que nous pourrions dénommer Morphologie et Exercices. Et si d'aucuns jugent ces documents arides et franchement notariaux, qu'ils n'oublient pas que leur prix est à rechercher dans leur minutieuse, acharnée fidélité au vrai ; et, par conséquent, ils sont proposés ici comme exemples de ce réalisme, moralement et socialement significatif, dont le compilateur entend être l'obséquieux zélateur. » Inspiré d'un genre littéraire de l'antiquité tardive, l'hilaro-tragédie, où les personnages et les mythes de la tragédie étaient traités sur le mode comique, Hilarotragoedia, ce premier livre de Giogrio Manganelli jamais traduit en français, est inclassable et défie toute mimésis en hybridant essai et récit dans des segments laissés en suspens, présentant à chaque fois, à la manière d'Euclide ou de Spinoza, un postulat de départ, des gloses, des notes et des fragments narratifs.
Ce sont les aventures du style et des Weltanschaungen qui nous sont proposées en lieu et place de celles des personnages du roman traditionnel, dont Manganelli refuse, à l'instar des autres néo-avant-gardistes du « Groupe 63 », les codifications canoniques. C'est ainsi que des âges stylistiques hétérogènes - du roman baroque du XVIIe siècle au symbolisme du subconscient junghien - s'allient dans un texte échevelé, ébouriffé et ébouriffant, qui se propose de gloser et d'analyser la « natura discenditiva » (nature descensionnelle) de l'homme : il sera alors question de mort, de gravité, d'angoisses et d'adieux, des différents synonymes ou équivalents du verbe « discendere » (descendre), des métamorphoses des « adediretti » (les dirigés-vers-les-enfers) que sont les êtres humains, de la géographie même de l'Enfer, ainsi que d'innombrables tableaux et digressions ayant trait à ces questions, dont le cruel compte rendu d'une visite de la vieille mère du personnage-narrateur...
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On pourrait l'appeler le tout-perdre contemporain. « On perd notre culture », « On a abandonné nos coutumes », « Les traditions se perdent », « Tout fout le camp », « Il n'y plus rien ici », « les jeunes ne s'intéressent plus au savoir », la perte se décline aujourd'hui sous toutes les formes.
Perdre sa culture, son identité, ses traditions, son savoir ou ses racines, et son corollaire - le besoin de transmettre - sont des figures mobilisées par de nombreux individus et collectifs à travers le monde. Irréversibilité du temps et lamento sur la perte, ce que l'on a perdu soimême ou pas. Au nom du tout-perdre, il faut absolument faire passer quelque chose du passé, des identités et des cultures, qu'il s'agisse des nôtres ou de celles des autres. Perdre sa culture invite le lecteur à réfléchir sur ces nostalgies patrimoniales contemporaines, en révélant les formes diverses que peut prendre le diagnostic de la perte culturelle. Alors que se multiplient partout sur le globe les revendications à la préservation culturelle, l'anthropologie nous enseigne qu'il existe des façons différentes de penser la disparition, la mémoire, la transmission et le patrimoine.
Le premier chapitre « Une impossible transmission en Afrique de l'Ouest » explore les discours liés à la perte culturelle et les mécanismes qui président à la transmission religieuse chez les Bulongic de Guinée-Conakry, une culture africaine décrite comme en train de disparaître.
Dans le second chapitre, à partir d'une recherche ethnographique menée au Laos (à Luang Prabang), j'analyse le travail de cette nostalgie patrimonialiste dans le contexte particulier d'une institution, celui de l'Unesco et de ses actions patrimoniales sur le terrain. Les chapitres 3 et 4 sont historiques et réflexifs. Le troisième chapitre expose l'histoire des liens complexes entre ethnologie et nostalgie, et invite à réfléchir sur la persistance de la figure de l'anthropologue nostalgique aujourd'hui. Enfin, l'ultime partie traîte de l'observation participante dans ces rapports avec la perte culturelle. L'anthropologue est rarement celui qui perd sa culture, mais plutôt celui qui louvoie entre différents horizons culturels et la nourrit d'influences multiples, un homme-caméléon par excellence.
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Le marché du mérite ; penser le droit et l'économie avec Léonard Lessius
Wim Decock
- Zones Sensibles
- 8 Novembre 2019
- 9782930601410
Dans un contexte marqué par la mondialisation des échanges commerciaux, l'essor des places boursières et des bouleversements politico-religieux profonds, le théologien jésuite Léonard Lessius (1554-1623) fera figure d'« Oracle des Pays-Bas » parmi les marchands, banquiers et princes cherchant à s'orienter dans ce nouveau monde. Son principal ouvrage, Sur la justice et le droit (De iustitia et iure, 1605), gagnera rapidement le statut d'ouvrage de référence par la lucidité de ses analyses économiques et sa fine maîtrise de la technique juridique. Influencé par le renouvellement de la théologie développé à Salamanque, Lessius relaye la pensée économique des scolastiques tout en jetant les bases du libéralisme moderne. Ce livre propose de revisiter l'héritage de ce célèbre méconnu de l'histoire de la pensée économique tout en élucidant ses fondements juridico-théologiques.
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Geometria et perspectiva de Lorenz Stoër, publié en 1567, est un ouvrage étrange. Elève d'un élève de Dürer, qui quelques décennies auparavant (1525) avait posé les bases de la perspective moderne à la suite d'Alberti, Stoër n'a laissé que peu de traces dans l'histoire de l'art - en dehors de cet ouvrage inclassable ne subsistent de lui que trois recueils de dessins (souvent) répétitifs de polyèdres et quelques dessins.
Geometria et Perspectiva ne compte que 12 feuillets (soit 24 pages), sans aucun texte ni (même) introduction : chaque feuillet reproduit en son recto une gravure d'une sorte de paysage où fragments de ruines monumentales voûtées (peut-être antiques), arbres et plantes, ornements en courbes et contrecourbes en formes de S ou de C, et corps géométriques en forme de polyèdres se trouvent superposés au sein d'une perspective générale défiant les lois «naturelles» régissant la mise en oeuvre d'une profondeur de champ supposée reproduire la vision d'un paysage.
Probablement liées à la pratique de la marquetterie, ces planches étranges sont fascinantes en ce qu'elles offrent à voir des paysages totalement imaginaires dont les «fausses perspectives» ne sont pas sans rappeler l'oeuvre bien ultérieure de M. C. Escher.