Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c'est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c'est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd'hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s'appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l'argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage - à l'opposé de sa créatrice qui fuira « l'homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l'académie Goncourt - elle qui n'avait aucun diplôme -, Colette ne fut jamais là où on l'attendait et emmena la littérature là où personne d'autre n'avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d'être à la fois lue dans les écoles et d'avoir conçu une oeuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd'hui, c'est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n'a pas pris une ride.
« Il est tout blanc, d'un blanc spectral, taillé en Hermès. Privé de son socle, pour ainsi dire détrôné, il jouxte des artefacts faits de la même substance dure, compacte, quelque peu élimés par le temps, imprégnés de la même grandeur surannée. La vitrine expose une matière - l'ivoire - à travers ses multiples usages exhumés d'un grenier de grand-mère. Un chausse-pied, des coquetiers, des ronds de serviette, un coupe-papier, un bougeoir, des boules de billard, une brosse à cheveux, et au milieu de ce bric-à-brac de brocanteur, un roi avec sa barbe et ses médailles. Léopold II n'est plus qu'un bibelot parmi d'autres. »King Kasaï est le nom d'un éléphant empaillé qui fut longtemps le symbole du Musée royal de l'Afrique centrale, situé près de Bruxelles. C'est devant le « roi du Kasaï » et près d'un Léopold II à la gloire déboulonnée, dans cette ancienne vitrine du projet colonial belge aujourd'hui rebaptisée Africa Museum, que Christophe Boltanski passe la nuit. En partant sur les traces du chasseur qui participa à la vaste expédition zoologique du Musée et abattit l'éléphant en 1956, l'auteur s'aventure au coeur des plus violentes ténèbres, celles de notre mémoire.
«Pour son derniers cours au Collège de France, Antoine Compagnon s'est livré à une ultime réflexion sur la littérature, l'art, la musique à travers le kaléidoscope du mot « fin ». C'est en relisant La vie de Rancé de Chateaubriand qu'il en eut l'inspiration. Mais qu'est-ce que « les fins de la littérature » ? Cela signifie-t-il pour un écrivain de mettre un terme à son activité créatrice ? S'adonner enfin à l'oisiveté ? Ou faut-il prendre le mot au sens de crépuscule du créateur ? Un artiste est-il plus génial dans sa jeunesse ou sa maturité ? La vieillesse est elle-un déclin ou au contraire une apothéose ? Le Titien a-t-il eu raison de créer après 70 ans ? Hokusai, « le vieillard fou de dessin » estimait qu'il devrait atteindre l'âge de 110 ans pour maîtriser son art. N'existe-t-il pas un art sublime ? Un art du sublime sénile ? Les oeuvres ultimes malmènent les conventions. Elles peuvent être chaotiques, désastreuses, bouleversantes et annoncer des ruptures comme les quatuors de Beethoven. À travers des exemples allant de l'antiquité jusqu'à nos jours, Antoine Compagnon se livre à une réflexion sur la place de la vieillesse dans notre civilisation et notre société. Car texte n'est pas un cours mais une Odyssée vagabonde qui digresse sur l'or du temps, la mélancolie. C'est un récit, une panoplie de toute beauté qui s'appuyant sur des tableaux est un chant du cygne - le cygne produisant son plus beau chant juste avant sa mort. Mais le chant du cygne est un mythe à l'image de la littérature. Et la littérature moderne s'est pensée comme « un champ du cygne démesuré ». « La littérature va vers elle-même, vers son essence qui est la disparition », affirmait Blanchot.
Tout dans l'oeuvre de Tocqueville se rattache plus ou moins directement à un problème unique : dans les sociétés occidentales entraînées par un processus providentiel de démocratisation, la liberté de chaque homme pourra-t-elle subsister ? Si l'idée centrale est une, les périls sont multiples, et depuis 1930 les commentateurs ont mis l'accent sur tel aspect ou tel autre. D'abord, au temps des fascismes occidentaux, ils ont valorisé le refus du totalitarisme, sacrifice de la liberté à un égalitarisme brutal. Depuis la chute de ces régimes, ils ont paraphrasé la vision de Tocqueville des périls insidieux d'une société de consommation qui invite chaque citoyen à se retirer dans le confort d'une vie privée dépourvue de toute solidarité ; et ils ont mis en valeur les pages où Tocqueville montre le danger corrélatif de la substitution aux décisions librement discutées, d'un bureaucratisme tout-puissant et stérile. Tocqueville, observant l'enfance des démocraties modernes, y avait diagnostiqué les germes de maux qui se sont développés avec leur croissance.
Les croyances aux théories du complot sont souvent analysées à travers le prisme de l'irrationalité individuelle. Dans cet ouvrage, elles sont abordées à l'aune des liens qu'elles entretiennent avec nos appartenances à des groupes sociaux. En effet, nos croyances reflètent nos identités collectives. Être issu d'un groupe socialement privilégié, ou au contraire iscriminé, impacte notre vision du monde, nos croyances, nos valeurs, et les croyances aux théories du complot - manifestement farfelues pour les uns, simple bon sens pour les autres - ne font pas exception à la règle. Dans une réflexion ancrée dans la littérature scientifique en psychologie sociale et ses propres travaux de recherche, l'auteur analyse les croyances complotistes comme vecteur de lien social, de valorisation de soi et des siens. Au passage, il initie à la complexité de l'étude scientifique du complotisme, et notamment à la difficulté de éfinir le phénomène.
S'est-il jamais senti de ce monde ? A-t-il jamais perçu une appartenance, une parenté, une filiation ? Henri Michaux semble être né par mégarde et l'existence lui fut souvent à charge. Entre lui et les choses, entre lui et les êtres : un abîme. Un abîme qui déborde d'un bric-à-brac de peurs, de sursauts, de cris, de hantises, de rires cruels, de scalps, d'insomnies.Henri Michaux est singulier parce qu'il est radicalement seul, abandonné, retranché, exclu. Abandonné volontaire, retranché volontaire, exclu volontaire. S'il ne fuit pas systématiquement les autres, s'il se trouve des compagnies, il a en lui ce surcroît de lucidité ou d'alarme qui maintient la distance, ce tranchant de l'intelligence qui coupe jusqu'à l'air du temps.Aussi, quand il aborde un genre littéraire a priori peu fait pour lui, celui très noble des «Pensées», il s'emploie à le détourner, le dévoyer, le mettre en péril et en perdition. Les Poteaux d'angle d'Henri Michaux apparaissent comme les plus égarants et les plus réjouissants poteaux indicateurs jamais offerts au balisage de la raison, de la conscience et de nos comportements grégaires. Ce sont des aphorismes pour vivre à l'écart, des préceptes pour ne pas se laisser faire, des réflexions à contre-norme, des conseils qui n'ont pas de conseils à vous donner.
Initialement rassemblés avec La vie des Abeilles et L'Intelligence des fleurs, ces textes viennent compléter la fresque passionnée des essais de Maeterlinck consacrés aux insectes et à leur organisation sociale. L'auteur révèle d'un coup de loupe toute la vie qui règne dans le plus petit de la nature avec la minutie du scientifique et l'élégance du poète, une loupe qui se fait miroir tendu à l'homme lorsqu'on découvre les mondes des fourmis et des termites. La fine description de ces sociétés est l'occasion pour Maeterlinck de déployer des considérations philosophiques qui n'ont rien perdu de leur actualité : qu'avons-nous à apprendre des insectes ?
Les intellectuels se sont toujours assignés, comme rôle primordial, la défense de principes universels. De grands noms ont continué à émerger au XXe siècle - citons seulement Camus, Sartre, Aron, Malraux - mais les temps ont bien changé. Le monde contemporain subit d'importants changements de société qui affectent les citoyens à tous les niveaux : environnementaux, idéologiques, technologiques, etc. Des observateurs suggèrent un basculement inédit qui bouleverserait sans commune mesure notre civilisation. Quelle est alors la place des intellectuels dans ces sociétés sujettes à des changements majeurs et inévitables ? Face à l'émergence de ces enjeux, repenser le rôle de ces intellectuels et leur place au sein de la société sont des questions d'autant plus actuelles et urgentes. Daniel Salvatore Schiffer est un essayiste et philosophe belgo-italien. Il a déjà dirigé, chez le même éditeur, l'ouvrage collectif Penser Salman Rushdie.
« Je n'ai rien oublié de ma fascination enfantine puis adolescente, de l'ivresse des sensations chevalines. » À l'âge de huit ans, Juliette Nothomb a eu un coup de foudre : le cheval a changé sa vie. Un monde de complicité, de rigueur et de passion s'est ouvert à elle. Dans cet éloge vibrant des liens profonds qui l'unissent depuis à cet inimitable compagnon, elle invite tous les amoureux du cheval à célébrer l'harmonie et la liberté dont cet animal est l'incarnation.
Le traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations marque l'émergence, au sein d'un monde en déclin, d'une ère radicalement nouvelle.
Au cours accéléré qui emporte depuis peu les êtres et les choses, sa limpidité n'a pas laissé de s'accroître. je tiens pour contraire à la volonté d'autonomie individuelle le sentiment, nécessairement désespéré, d'être en proie à une conjuration universelle de circonstances hostiles. le négatif est l'alibi d'une résignation à n'être jamais soi, à ne saisir jamais sa propre richesse de vie. j'ai préféré fonder sur les désirs une lucidité qui, éclairant à chaque instant le combat du vivant contre la mort, révoque le plus sûrement la logique de dépérissement de la marchandise.
Le fléchissement d'un profit tiré de l'exploitation et de la destruction de la nature a déterminé, à la fin du xixe siècle, le développement d'un néocapitalisme écologique et de nouveaux modes de production. la rentabilité du vivant ne mise plus sur son épuisement mais sur sa reconstruction. la conscience de la vie à créer progresse parce que le sens des choses y contribue. jamais les désirs, rendus à leur enfance, n'ont disposé en chacun d'une telle puissance de briser ce qui les inverse, les nie, les réifie en objets marchands.
Il arrive aujourd'hui ce qu'aucune imagination n'avait osé soutenir : le processus d'alchimie individuelle n'aboutit à rien de moins qu'à la transmutation de l'histoire inhumaine en réalisation de l'humain. r.v.
Ce recueil circonscrit la partition sensible d'un écrivain qui pose sur le monde un regard humaniste et progressiste. En ces temps tourmentés il est important de publier cette collection d'Odes comme autant de chroniques qui soulignent le besoin inné d'enthousiasme de David Van Reybrouck et son bel esprit d'engagement positif.
« ll y avait cette machine à écrire. C'étaient les années 1980, l'ère du papier peint psychédélique et des cordons téléphoniques en queue-de-cochon. J'avais, moi, cet âge où le monde est trop haut et trop grand, hors de portée, même en me hissant sur la pointe des pieds. Et donc, il y avait cette machine à écrire. Dans un coin du cagibi, à ma portée, elle. En appuyant sur une touche, je pouvais voir la barre à caractères s'élancer, s'abattre sur la feuille et repartir en sens inverse dans un «tchac ! » jubilatoire. » De l'eau a coulé sous les pages depuis que Christelle Dabos a remporté le concours Gallimard du premier roman jeunesse avec le tome 1 de la saga phénomène La Passe-miroir. Quatre tomes et dix ans plus tard, l'autrice revient avec ce récit, aussi sensible que virtuose, pour nous raconter comment ses histoires prennent vie.
Lire les entretiens des trois personnalités réunies dans ce recueil procure beaucoup d'apaisement par la profondeur de la réflexion comme par l'humanité des réponses, par la combativité aussi que suppose la défense de chaque terme de la devise républicaine. Voilà pourquoi, nous lecteurs, sommes des privilégiés. Éric Fottorino Directeur de l'hebdomadaire Le 1
C'est une guerre qui nous fait passer l'essentiel de notre temps devant un écran. Une guerre dont nous sommes à la fois les victimes et les agents quand nous réagissons sur Twitter, quand nous notons un chauffeur sur Uber, quand nous swipons sur Tinder... Une guerre qui fait de nombreux dommages, en premier lieu chez les plus jeunes :
Obésité, troubles du sommeil et de la concentration, isolement... sans compter la mise en danger du lien social et du débat démocratique, et l'accélération de la catastrophe écologique. Une guerre que se livrent les plus grandes entreprises pour capter notre temps de cerveau.
Cette guerre, c'est celle de l'attention.
Au fondement de notre liberté et de notre bien-être, l'attention est une ressource rare et précieuse. Elle pourrait disparaître si son exploitation, immense gisement de profits, n'est pas limitée. Pour cela, les manuels de « bon usage » du numérique ne suffiront pas. Refusant les fausses promesses du « techno-solutionnisme vert », ce livre est une arme pour mener la reconquête collective de notre attention.
Nourri par un travail de terrain, il propose une plongée dans les rouages de l'économie de l'attention ainsi que des propositions politiques concrètes. Ou comment faire de la déconnexion un pilier de la transition écologique à venir, au service d'une société conviviale et décroissante.
Un texte magistral, dans l'intimité créative de l'écrivain Jean-Philippe Toussaint.
Jean-Philippe Toussaint nous offre un texte profond sur la création littéraire : à travers le récit de son périple d'écrivain. Il mêle exploration psychologique et réflexions à portée universelle, et nous confie sa vision de l'écriture, entre recherche, persévérance et jaillissements.
Un livre d'une beauté stupéfiante, jalonné de documents personnels inédits.
Pour écrire, il faut sept yeux, un oeil sur le mot, un oeil sur la phrase, un oeil sur le paragraphe, un oeil sur la partie, un oeil sur la construction, un oeil sur l'intrigue -; et un oeil derrière la tête, pour surveiller que personne n'entre dans le bureau où on est en train d'écrire.
Jean-Philippe Toussaint est né à Bruxelles en 1957. Il est écrivain, cinéaste et photographe. Il est l'auteur de dix-huit livres publiés aux Éditions de Minuit. Il a obtenu le prix Médicis en 2005 pour Fuir et le prix Décembre en 2009 pour La Vérité sur Marie . Ses romans sont traduits dans plus de vingt langues. Il a réalisé quatre longs métrages pour le cinéma et a présenté des expositions de photos dans le monde entier. En 2012, il a conçu pour le musée du Louvre l'exposition LIVRE/LOUVRE.
Ce titre fait partie de la collection SECRETS D'ÉCRITURE, consacrée à l'art d'écrire L'ambition est de rassembler dans une collection référente les plus grands auteurs et autrices de la littérature contemporaine francophone et de dévoiler la fabrique de la création littéraire dans toute sa richesse. Récit intime retraçant le parcours de l'auteur, depuis la naissance de l'écriture jusqu'au succès, chaque livre, signé des plus grandes plumes d'aujourd'hui, est écrit et se lit comme un roman - preuve que l'aventure de l'écriture est aussi captivante que la fiction !
Si chaque récit raconte la page blanche, les doutes et le travail exigeant, il témoigne avant tout du plaisir à devenir et à être écrivain. On trouvera au fil des chapitres des illustrations, des passages en écriture manuscrite, des brouillons, des croquis représentant l'auteur au travail : ces documents personnels, souvent inédits, donnent à chaque ouvrage l'allure et la vitalité d'un carnet de création. Secrets d'écriture , c'est la promesse d'un voyage littéraire, une plongée au coeur du mystère de la création littéraire et des trésors de conseils au lecteur.
La presse en parle :
La création littéraire selon l'écrivain belge. Un texte profond et magnifique qui analyse son chemin d'écriture, entre densité et fluidité, intime et privé. Le soir.
Pour la première fois, il livre les secrets dans C'est vous l'écrivain . On y découvre les horizons devant lesquels, en Corse ou à Ostende, il écrit en étant super coulant avec les virgules , pourquoi il a sept yeux, ce qu'il doit à feu son éditeur Jérôme Lindon, comment il a failli créer le mouvement littéraire Les Déménageurs , et la raison pour laquelle il considère son bureau comme un refuge contre le monde extérieur . En somme, c'est l'atelier de Toussaint. L'Obs.
Une véritable mine sur la dynamique et les conditions concrètes de l'écriture. , L'Humanité Jean-Philippe Toussaint est de ces écrivains que l'on aime suivre dans leur atelier. En attendant Nadeau En deux livres mais en un même élan, Jean-Philippe Toussaint explore le geste de la création. Magistral. La Vie En une poignée de pages, de scènes, de plans, il dit magnifiquement la vie, la guerre, la mort et l'art - ou comment un homme se mue à jamais en oeuvre Madame Figaro
Hostile à l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne en 1914, Arthur Ponsonby publie un texte qu'il est? possible de résumer en dix?«commandements». Anne Morelli a systématisé ceux-ci en dix chapitres,?qui forment la trame de cet ouvrage. Pour chacun de ces principes élémentaires de la?propagande de guerre, l'historienne s'est attachée à démontrer qu'ils n'étaient évidemment pas à l'oeuvre dans la seule Première Guerre mondiale et que, depuis, ils ont également été utilisés régulièrement par? les parties en présence. La pratique du nouveau président des États-Unis, le prix Nobel de la Paix Barack Obama, n'y fait pas exception.
À côté de l'abus de pouvoir « scientiste », il en existe un (le « littérarisme ») qui consiste à croire que ce que dit la science ne devient intéressant et profond qu'une fois retranscrit dans un langage littéraire et utilisé de façon « métaphorique », un terme qui semble autoriser et excuser presque tout.
Au lieu d'un « droit à la métaphore », on devrait parler plutôt d'un droit d'exploiter sans précaution ni restriction les analogies les plus douteuses, qui semble être une des maladies de la culture littéraire et philosophique contemporaine.
Dans ce pamphlet, écrit en réaction aux récents abus de la domination étatique et marchande, tels qu'ils ont eu notamment lieu lors de l'actuelle crise sanitaire, Raoul Vaneigem persiste et signe : le capitalisme est par essence mortifère en ce qu'il bride les passions, confine les corps et racornit les esprits. Mais une autre voie s'ouvre à l'humanité pourvu qu'elle renverse un système aussi vérolé qu'à à bout de souffle, et qu'elle se débarrasse de ses mornes profiteurs : gestionnaires, technocrates et autres politicards. C'est ce qu'il nomme la lutte pour un retour à la vie, mettant fin « au calcul égoïste et à la servitude qui ont fait de la Terre une vallée de larmes ». Car « la vie ne dit jamais de dernier mot ».
Éditeur de Samuel Beckett et de J.M.G. Le Clézio, Georges Lambrichs fut l'un des grands animateurs de la vie littéraire de la seconde partie du XX? siècle. Né en Belgique en 1917, entré en contact avec La NRF dès les années 1930, il devient en 1942 le correspondant à Bruxelles de la revue littéraire clandestine Messages. Proche de Vercors, il officie comme lecteur aux Éditions de Minuit à la Libération, avant d'en prendre la direction littéraire. Auprès de Jérôme Lindon, il édite Samuel Beckett, Georges Bataille, Maurice Blanchot, Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et Michel Butor. C'est le temps du «nouveau roman», mais c'est aussi celui d'un lien très fort entre la NRF et Minuit, soutenu par l'amitié avec Jean Paulhan.Entré aux Éditions Gallimard en 1959, Georges Lambrichs y orchestre l'émergence d'une nouvelle génération d'écrivains et de critiques. Pleinement dévoué à la littérature de création, il accueille dans la collection «Le Chemin» et sa revue attenante, Les Cahiers du Chemin, Georges Perros, Jean Starobinski, Michel Chaillou, Jacques Réda, Henri Meschonnic, Pierre Guyotat, Gérard Macé, Jean-Marie Laclavetine et, dès 1962, J.M.G. Le Clézio.Le Chemin continue retrace un parcours éditorial d'exception.
On mange et on boit, parfois beaucoup, dans les romans, mais surtout, la façon dont les personnages s'y restaurent n'est en rien le fruit du hasard. Dans un livre à l'érudition réjouissante, Jean-Baptiste Baronian nous invite à nous mettre à table avec les héros de nos auteurs préférés et à en découvrir bien d'autres. L'occasion d'apprécier différemment les classiques des géants des lettres comme les oeuvres savoureuses d'écrivains parfois oubliés, le tout sous la forme commode d'un dictionnaire qui fait résonner l'histoire de la littérature avec celle de la gastronomie.
Le 24 novembre 1970, Mishima prépare avec un soin minutieux sa mort. Il veut que son suicide obéisse en tous points aux rigueurs du rite exigé depuis des siècles par la tradition de son pays, le milieu dans lequel il a choisi de vivre religieusement, socialement, littérairement, politiquement : il s'ouvre le ventre avant de se faire décapiter par la main d'un ami. Mort à la fois terrible et exemplaire parce qu'elle est en quelque sorte le moyen de rejoindre en profondeur le vide métaphysique dont le romancier-poète japonais subit la fascination depuis sa jeunesse.Marguerite Yourcenar met toute l'acuité de son intelligence au service d'une telle aventure humaine dont elle pressent à la fois la proximité et l'étrangeté. Ainsi, dans un modèle d'étude critique, un grand écrivain d'Occident démonte les mécanismes de la psychologie d'un grand écrivain d'Orient, mettant au jour les ambitions, les triomphes, les faiblesses, les désastres intérieurs et finalement le courage.
«Entre la beauté que vous, Pierre Bonnard, m'avez jetée dans les bras, sans le savoir, et celle que vous avez aimée au long de quarante-neuf années, il y a un monde, ou ce n'est pas de la peinture.Il y a un monde et c'est l'aventure du regard, avec ses ombres, ses lumières, ses accidents et ses bonheurs. Un monde en apparence ouvert et pourtant fermé comme une vie d'homme. Les clés pour y pénétrer ne sont pas dans les livres, pas dans la nature, mais très loin derrière nos yeux, dans ce jardin où l'enfance s'est un jour assise, le coeur battant, pour attendre la mer.C'est là qu'il faut aller.C'est là que Marthe m'a rejoint dans le musée à colonnade et m'a sauvé de la solitude et de l'ennui où je mourais.»
De tant de périples, voilà des bribes saisissantes. Si Marguerite Yourcenar évoque sa traversée d'est en ouest du continent américain, le centre de ce recueil posthume est le Japon. La voyageuse nous parle du poète errant Bashô, du théâtre kabuki, des jardins zen avec chaque fois la fraîcheur miraculeuse de la découverte. Après tant d'années d'enfermement, voici le grand large, le total dépaysement. «Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison?»