Empecheurs De Penser En Rond
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Au bonheur des morts ; récits de ceux qui restent
Vinciane Despret
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 19 Octobre 2023
- 9782359252675
" FAIRE SON DEUIL ", tel est l'impératif qui s'impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d'un proche. Se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable auquel nul ne saurait échapper s'il ne veut pas trop souffrir ? L'auteure a écouté ce que les gens racontent dans leur vie la plus quotidienne. " J'ai une amie qui porte les chaussures de sa grand-mère a?n qu'elle continue à arpenter le monde. Une autre est partie gravir une des montagnes les plus hautes avec les cendres de son père pour partager avec lui les plus beaux levers de soleil, etc. " Elle s'est laissé instruire par les manières d'être qu'explorent, ensemble, les morts et les vivants. Elle a su apprendre de la façon dont les vivants se rendent capables d'accueillir la présence de leurs défunts.
Depuis un certain temps, les morts s'étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd'hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts soient à nouveau plus actifs. Ils viennent parfois réclamer, plus fréquemment proposer leur aide, soutenir ou consoler... Ils le font avec tendresse, souvent avec humour. On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux ! -
Les morts peuvent faire agir les vivants, mobiliser ceux qui restent autour de questions qui touchent à la vie collective, à l'érosion des liens sociaux, à des événements qui les dépassent ou dont l'ampleur ou la violence pourrait les détruire, annihiler ce à quoi ils sont attachés. Les morts peuvent aider les vivants à transformer le monde. Dans ce livre, Vinciane Despret nous raconte cinq histoires où des morts proches ou éloignés dans le temps ont obligé les vivants à leur donner une nouvelle place. Ces morts insistent parce qu'il y a eu quelque chose d'injuste dans le sort qui a été le leur : victimes de violence, commandos d'Afrique et de Provence, sacrifiés politiques à la raison du plus fort... Ceux qui restent ont décidé de répondre à cette insistance en commandant une oeuvre grâce à un protocole politique et artistique nommé le programme des Nouveaux Commanditaires. Ce protocole consiste à choisir un artiste et à décider en commun d'une oeuvre. Il va transformer en profondeur les commanditaires.
Cela n'a rien à voir avec le deuil dans sa forme autoritaire (quand les théories psychologiques enjoignent à l'oubli). C'est avec la vie, celle qui n'est plus mais qui est encore d'une autre manière, celle qui résiste à son effacement, que ce faire avec provoque une étonnante série de métamorphoses. -
Apprendre à bien parler des sciences : la vierge et le neutrino
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 17 Mai 2023
- 9782359252576
Les scientifiques se sentent trahis. Ils dénoncent une montée de l'irrationalité et du relativisme sceptique. Mais ils savent aussi que leur ancienne alliance avec l'État est morte : celui-ci ne rêve plus que de brevets, de percées technologiques. Les scientifiques sont désormais de plus en plus dépendants de financements extérieurs rarement désintéressés et d'accords avec des entreprises privées dans le cadre de la nouvelle économie de la connaissance . Par ailleurs, ils sont aussi confrontés à un nouveau type de public posant des questions gênantes au lieu de faire confiance au progrès. Ce public, indiscipliné mais pertinent, pourrait bien être un allié indispensable pour les scientifiques menacés d'asservissement, mais une telle alliance a un prix : elle demande qu'ils renoncent aux mots d'ordre qui font d'eux la tête pensante d'une humanité en progrès.
Le pari de ce livre est que les scientifiques peuvent y renoncer. Au-delà, il tente de forger les mots qui permettent d'affirmer ensemble, sans confusion ni hiérarchie, des pratiques qui divergent, par exemple celle des pèlerins s'adressant à la Vierge et celle qui a autorisé à attribuer une masse au neutrino. Il plaide pour une écologie des pratiques dont les praticiens sauraient que ce qui les fait penser, sentir et hésiter ne leur appartient pas. -
Les faiseuses d'histoires ; que font les femmes à la pensée ?
Vinciane Despret, Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 7 Avril 2011
- 9782359250473
Les femmes ne sont jamais contentes. À témoin, Virginia Woolf qui appela les femmes à se méfier de l'offre généreuse qui leur était faite : pouvoir, comme les hommes, faire carrière à l'université. Il ne faut pas, écrivit-elle, rejoindre cette procession d'hommes chargés d'honneurs et de responsabilités ; méfiez-vous de ces institutions où règnent le conformisme et la violence.
Vinciane Despret et Isabelle Stengers se sont posés la question : qu'avons-nous appris, nous les filles infidèles de Virginia qui avons, de fait, rejoint les rangs des hommes cultivés ? Et comment prolonger aujourd'hui le cri de Woolf, Penser nous devons , dans une université désormais en crise ?
Ces questions, elles les ont relayées auprès d'autres femmes. Leurs témoignages ont ouvert des dimensions inattendues. Elles ont raconté des anecdotes, des perplexités, des histoires, des événements ou des rencontres qui les ont rendues capables non seulement de dire non et de résister, mais de continuer à penser et à créer dans la joie et dans l'humour. Et surtout, ces femmes, comme toujours, ont fait des histoires... -
Friction : délires et faux-semblants de la globalité
Anna lowenhaupt Tsing
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 3 Septembre 2020
- 9782359251791
Friction : que se passe-t-il dans les « zones-frontières » où se développe une économie sauvage, ravageant les ressources, les plantes, les animaux, les forêts et les cultures humaines ? Où aucun droit ne limite plus la puissance de bandes armées qui constituent l'avant-garde d'un capitalisme à la fois moderne et archaïque ? Anna Tsing nous emmène à Bornéo chez les Dayaks meratus, mais ce pourrait aussi bien être en Amazonie au Brésil.
Friction : comment entendre le cri de tous ceux et celles - humains et non-humains - qui disparaissent dans un maelstrom de destructions où la forêt laisse place à des plantations de palmiers à huile ? Comment apprendre à regarder une forêt que l'on croyait sauvage comme un espace social, habité ? Comment faire l'histoire de la botanique en redonnant aux peuples indigènes le rôle qui a été le leur ?
Friction : comment des lycéens et des étudiants indonésiens amoureux de la nature ont-ils appris, pas à pas, à refaire de la politique sous la dictature ? Comment les alliances les plus boiteuses peuvent-elles être fécondes ?
Friction : comment faire de l'ethnographie sans se plier aux règles de l'orthodoxie académique, sans théorie à vérifier, mais en fabulant, en rendant perceptibles des aspects de la réalité souvent considérés comme accessoires ? Avec Anna Tsing, il faut apprendre à mettre en suspens nos routines perceptives et nos jugements normatifs, apprendre à sentir et ressentir, à développer une culture de l'attention, apprendre avec ce qui la fait hésiter, avec ce qui l'oblige à multiplier les manières de raconter, les méthodes ethnographiques.
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La danse du cratérope écaillé : naissance d'une théorie éthologique
Vinciane Despret
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 22 Avril 2021
- 9782359251883
Dans le désert du Néguev, l'ornithologue Amotz Zahavi étudie les cratéropes écaillés, ou passereaux d'Arabie, des oiseaux qui se regroupent à la tombée de la nuit ou au lever du jour pour danser. Pourquoi le font-ils ? Et que signifie le fait qu'ils s'offrent des cadeaux ? Peut-on penser, comme le propose Zahavi, qu'ils sont intéressés par des questions de prestige ? Pour Vinciane Despret, philosophe, qui s'est jointe à l'équipe de chercheurs, il y avait là une occasion tout à fait extraordinaire de comprendre comment on observe les animaux mais aussi comment les chercheurs construisent des théories rendant compte de leurs comportements.
Faut-il étudier les animaux en les soumettant à des dispositifs expérimentaux artificiels, ou les suivre sur le terrain et rassembler tous les indices possibles ? Les théories évolutionnistes sont-elles dépendantes du contexte d'observation, de l'environnement ou de l'obligation de " faire science " ?
Ce sont toutes ces questions qui vont permettre à l'autrice de dresser un tableau de l'éthologie et de ce qu'elle nous enseigne sur un monde que nous n'habitons pas seuls, et qu'il nous faut apprendre à mieux partager. Un monde où les oiseaux dansent et s'offrent des cadeaux et où les chercheurs deviennent inventifs à force de les observer ne pourrait-il pas nous aider à remettre en cause le grand partage entre humains et non-humains ? -
Le retour du monde magique
Fanny Charrasse
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 28 Septembre 2023
- 9782359252514
Comment un commandant de police, une responsable qualité et un éducateur sportif en viennent-ils à quitter leur emploi pour devenir magnétiseurs ? Pourquoi le magnétisme, assimilé à une vieille erreur par les scienti?ques désignés par Louis XVI pour en faire l'examen à la veille de la Révolution, est-il de mieux en mieux toléré aujourd'hui ? L'ambition de ce livre est de comprendre et d'expliquer sociologiquement ce phénomène. Pour ce faire, il présente les histoires de vie de personnes devenues magnétiseuses. Il décrit concrètement leur pratique qui mobilise de l'énergie et parfois des esprits. Grâce à une plongée dans cinquante ans d'archives, il revient ensuite sur les poursuites qu'ont subies les magnétiseurs jusque dans les années 1980 pour exercice illégal de la médecine, et sur la façon dont ils y ont répondu. En?n, à travers des entretiens avec des médecins, des membres du ministère de la Santé et des observations en oncologie-radiothérapie, il analyse la place que tient aujourd'hui le magnétisme dans la société française.
Revenant sur une autre enquête, réalisée auprès de chamanes de la côte nord péruvienne, la ?n de l'ouvrage montre que s'intéresser à des pratiques magiques suppose d'étudier leur conversion (partielle) au naturalisme , cette ontologie des Modernes dont l'avènement a donné lieu à l'émergence de l'opposition entre la nature et la culture. Cela oblige à en décrire la métamorphose : la manière dont le naturalisme est en train de devenir plus ré?exif , c'est-à-dire conscient de lui-même et ouvert à d'autres ontologies. -
Réactiver le sens commun ; lecture de Whitehead en temps de débâcle
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 9 Janvier 2020
- 9782359251685
Opposer les scientifiques à un " public prêt à croire n'importe quoi " - et qu'il faut maintenir à distance - est un désastre politique. " Ceux qui savent " deviennent les bergers d'un troupeau tenu pour foncièrement irrationnel. Aujourd'hui, une partie du troupeau semble avoir bel et bien perdu le sens commun, mais n'est-ce pas parce qu'il a été humilié, poussé à faire cause commune avec ce qui affole leurs bergers ? Quant aux autres, indociles et rebelles, qui s'activent à faire germer d'autres mondes possibles, ils sont traités en ennemis.
Si la science est une " aventure " - selon la formule du philosophe Whitehead -, ce désastre est aussi scientifique car les scientifiques ont besoin d'un milieu qui rumine (" oui... mais quand même ") ou résiste et objecte. Quand le sens commun devient l'ennemi, c'est le monde qui s'appauvrit, c'est l'imagination qui disparaît. Là pourrait être le rôle de la philosophie : souder le sens commun à l'imagination, le réactiver, civiliser une science qui confond ses réussites avec l'accomplissement du destin humain.
Depuis Whitehead le monde a changé, la débâcle a succédé au déclin qui, selon lui, caractérisait " notre " civilisation. Il faut apprendre à vivre sans la sécurité de nos démonstrations, consentir à un monde devenu problématique, où aucune autorité n'a le pouvoir d'arbitrer, mais où il s'agit d'apprendre à faire sens en commun. -
Quand le loup habitera avec l'agneau
Vinciane Despret
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 28 Mai 2020
- 9782359251821
Les animaux ont bien changé au cours des dernières années. Les babouins mâles qui semblaient tellement préoccupés de hiérarchie et de compétition nous disent à présent que leur société s'organise autour de l'amitié avec les femelles. Les corbeaux, qui avaient si mauvaise réputation, nous apprennent que, quand l'un d'eux trouve de la nourriture, il en appelle d'autres pour la partager. Les moutons, dont on pensait qu'ils étaient si moutonniers, n'ont aujourd'hui plus rien à envier aux chimpanzés du point de vue de leur intelligence sociale. Et nombre d'animaux qui refusaient de parler dans les laboratoires behavioristes se sont mis à entretenir de véritables conversations avec leurs scientifiques. Ces animaux ont été capables de transformer les chercheurs pour qu'ils deviennent plus intelligents et apprennent à leur poser, enfin, de bonnes questions. Et ces nouvelles questions ont, à leur tour, transformé les animaux...
Depuis la première édition de ce livre, les uns et les autres ont continué à se surprendre et un chapitre inédit nous fait découvrir leurs avatars les plus récents. Aujourd'hui, des rats rient dans leurs laboratoires, des perroquets australiens apprennent, avec leurs scientifiques, à mieux collaborer. Quant aux babouins, on découvre que certains auraient domestiqué des chiens et apprivoisé des chats ! Ce livre fourmille de mille exemples et histoires et nous invite à nous demander si tous ces êtres ne sont pas occupés à nous poser une question politique.
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Le rêve du chien sauvage ; amour et extinction
Deborah Bird Rose
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 6 Février 2020
- 9782359251470
Comment résister à la peur et à l'impuissance que provoquent aujourd'hui les extinctions de masse dans la grande « famille des vivants » ? Deborah Bird Rose nous propose ici de penser, sentir et imaginer à partir d'un terrain concret et situé : les manières de vivre et de mourir avec les chiens sauvages d'Australie, les dingos, cibles d'une féroce tentative d'éradication.
En apprenant des pratiques aborigènes, de leurs manières de se connecter aux autres vivants, elle active une puissance que la Raison occidentale a dévolue aux seuls humains : l'amour. Que devient cette capacité de répondre à l'autre, cette responsabilité, quand elle s'adresse à tous les terrestres ? En s'attachant à des bribes d'histoires logées dans nos grands récits moraux et philosophiques, elle fait sentir que le non-humain continue d'insister silencieusement et que cet appel, perçu par Lévinas dans les yeux d'un chien rencontré dans un camp de prisonniers en Allemagne nazie, n'en a pas fini de nous saisir et de nous transformer.
Il s'agit de faire sentir et aimer la fragilité des mondes qui se font et se défont, au sein desquels des vivants hurlent contre l'inexorable faillite, tressent des chants inoubliables. Les faits parlent d'eux-mêmes, disent parfois les scientifiques de laboratoire. Ici, ils nous parlent.
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La volonte de faire science - a propos de la psychanalyse
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 9 Mars 2006
- 9782846711500
Le génie de Freud est d'avoir transformé ce qui faisait obstacle dans l'hypnose, en moteur même de l'intervention clinique : c'est ce qu'il a appelé le " transfert ".
La scène analytique devient alors le laboratoire où la névrose de transfert, analysable, se substitue à la névrose ordinaire qui était incontrôlable. La suggestion, qui était utilisée par tous les guérisseurs avant Freud, devient un instrument contrôlable. Voilà le coup de génie freudien. Deux ans avant sa mort, dans Analyse avec fin, analyse sans fin, Freud a reconnu les limites de l'instrument qu'il avait ainsi forgé.
Du coup, l'idée que l'invention freudienne est en rupture radicale avec toutes les autres techniques doit être réinterrogée.
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La vierge et le neutrino
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 23 Février 2006
- 9782846711449
Les scientifiques peuvent aujourd'hui considérer qu'ils ont deux types d'ennemis. Les premiers sont
les sociologues. De nombreux scientifiques se sont sentis insultés par le refus des sociologues de
considérer qu'ils entretenaient un rapport privilégié avec la Vérité et la Réalité. C'est là l'origine de
« la guerre des sciences » dont un moment important a été l'affaire Sokal. Mais, au moment, les
scientifiques se trouvent confrontés à un autre problème, beaucoup plus grave. Leur ancienne
alliance avec l'État semble rompue : celui-ci répugne désormais à financer leurs travaux. Il leur
demande de se rapprocher des industriels et de se soumettre à leurs intérêts. Leurs objectifs ne
doit plus être de faire progresser la connaissance mais, par exemple, de déposer des brevets...
Selon Isabelle Stengers, les scientifiques sont en mauvaise posture car s'ils ont bien raison de ne
pas accepter la manière dont les sociologues relativistes parlent « mal » d'eux, ils n'ont pas su de
leur côté, trouver les mots pour décrire la spécificité de leur travail. Ils ne savent pas se présenter,
ce qui les affaiblit dans leur opposition aux tentatives capitalistes modernes de redéfinir leur
activité.
Mais il arrive aussi qu'un troisième acteur surgisse : le « public » comme on l'a vu dans le cas des
OGM. Il s'agit dans chaque cas de publics particuliers qui n'acceptent plus que « l'on sache » mais
que l'on reste impuissant face aux conséquences prévisibles de ce que l'on sait (comme dans le cas
du réchauffement de la planète).
Tout cela dessine donc un nouvel environnement (une nouvelle écologie) dans lequel les
scientifiques doivent apprendre à travailler. En quoi cela pourrait-il intéresser la philosophie oe
Isabelle Stengers propose d'abord de renoncer à l'idée que l'on pourrait définir « la science ». Si il
y a quelque chose de commun à toutes les pratiques scientifiques, c'est qu'elles sont capables de
dire « quelque chose de nouveau sur le monde ». Elles le « peuplent » avec de nouveaux êtres. Ce
n'est jamais une voie droite, faite selon une méthode prédéterminée, mais le résultat d'incessantes
hésitations. Pourquoi faudrait-il que, simultanément, ceux qui défendent les sciences « vident » le
monde de toutes les autres pratiques qui n'ont ni la même histoire ni les mêmes ambitions oe
Comment, en conséquence imaginer un plan d'immanence qui permette la coexistence des pèlerins
de la Vierge et des praticiens des sciences (sans transcendance, c'est-à-dire sans un point de vue
qui trie, juge et ordonne) ? Cela ne relèvera pas d'une bonne volonté générale, de la tolérance,
mais de l'invention de nouveaux rapports entre les différentes pratiques.
Isabelle Stengers imagine que ce pourrait être le rôle de « diplomates » d'un nouveau genre. Les
diplomates savent qu'ils doivent prendre des risques, rendre des comptes à ceux qui les ont
délégués, que rien n'est jamais garanti, que la paix est toujours une fabrication exigeante.
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L'hypnose entre magie et science
Isabelle Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 13 Septembre 2002
- 9782846710497
Avec l'hypnose, on a longtemps cru avoir trouvé un moyen de stabiliser le psychisme humain pour l'étudier en laboratoire.
Mais celte attente a été régulièrement déçue, amenant certains à dire que, finalement, l'hypnose " n'existe pas ". il se pourrait que ce soit en fait le projet de reproduire le modèle des sciences expérimentales dans le domaine des sciences humaines qui soit ici en cause. si le laboratoire de psychologie n'a, pas réussi à stabiliser l'hypnose, ce pourrait bien être le laboratoire de psychologie lui-même qui soit remis en question par l'hypnose.
Mais l'hypnose, depuis ses origines " magnétiques ", est aussi l'affaire des thérapeutes. et là aussi l'histoire bégaie, car les thérapeutes sont soumis à l'impératif d'avoir à prouver qu'ils ne sont pas de vulgaires charlatans. c'est pour répondre à cet impératif que freud a banni l'hypnose, et a mis au centre de la cure un inconscient indifférent à toute suggestion. quitte à rendre impassible toute théorie de la guérison.
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Vertige de l'historien ; les histoires au risque du hasard
Jean Stengers
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 15 Avril 1998
- 9782843240362
Pourquoi faire intervenir le hasard dans le récit historique ? Cela répond, pour l'auteur, à la théorie du coup de gong : du coup de gong indispensable pour mettre en garde contre la tentation toujours présente du fatalisme historique.
Mais quand, comment, avec quelle tonalité faut-il faire retentir le gong ? Seuls des exemples nombreux et variés, empruntés à tous les secteurs de l'histoire - ils vont de la vaccination et de la découverte de l'ADN au matérialisme historique - permettent de l'apercevoir. On pense en général avant tout au rôle de l'individu mais, dans les phénomènes de masse, le hasard pénètre également. Il importe donc, suivant la formule de Raymond Aron, de " rendre au passé l'incertitude de l'avenir ".
Mais lorsqu'on considère les sources avec lesquelles l'historien, on travaille, ou aimerait travailler, on rencontre aussi le hasard, qui les a sauvées ou les a fait disparaître. Ceci est surtout vrai pour les périodes anciennes. Nos connaissances mêmes dépendent souvent du hasard de la conservation des textes. Imaginons perdu un manuscrit - un seul - que le hasard a fait parvenir jusqu'à nous, et nous ferions un portrait d'Alexandre le Grand très différent de celui qui nous est présenté habituellement.
Les cas de ce genre sont à ce point abondants qu'ils peuvent donner le vertige à l'historien. Il faut donc se rendre lucidement à une double évidence [d'où le pluriel du mot " histoires "] : le fortuit est présent à la fois dans le déroulement des événements du passé et dans la connaissance que nous avons de ces événements.
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Ce livre est le manifeste de l'ethnopsychiatrie. Il est composé de deux textes qui interrogent, en parallèle, les pratiques de la médecine populaire, essentiellement en Afrique, et celles des médecins scientifiques. Les auteurs proposent de prendre au sérieux les techniques basées sur la divination, la sorcellerie, la fabrication de fétiches, sans plus les opposer à la rationalité moderne. L'objectif commun du psychologue et de la philosophe est de nous obliger à repenser le rapport entre la culture occidentale et les autres.
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Depayser la pensee. dialogues heterotopiques avec francois jullien sur son usage philosophique de la
Thierry Marchaisse
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 27 Février 2003
- 9782846710671
" Hétérotopie " : le " lieu " est " autre ".
On se souvient de la préface de Les Mots et les Choses, où Michel Foucault forge cette notion et a même l'intuition géniale de l'appliquer à la Chine. Or, ce qui est au centre ou à l'horizon de tous ces " dialogues " c'est précisément l'hérérotopie de la Chine, c'est-à-dire l'étrange ébranlement et aussi le fécond dérangement qu'elle introduit dans toutes les pratiques théoriques occidentales. Et, comme on le verra, un tel effet transparaît d'ailleurs immédiatement dans l'hétérotopie disciplinaire des divers interlocuteurs de François Jullien (sinologues, physiciens, philosophes, vietnamologues, littéraires, etc.) comme dans le fait qu'ils sont parfois eux-mêmes à cheval sur plusieurs disciplines.
T. M.
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Cent mots pour commencer a penser les sciences
Bensaude-Vincent
- Les Empêcheurs de penser en rond
- 26 Septembre 2003
- 9782846710541
Penser les sciences, ce n 'est pas raconter l'histoire des triomphes d'une science autonome, pure, désintéressée, universelle...
C'est plutôt penser, à partir de la multiplicité des sciences et des situations passées et présentes, la manière donc les acteurs ont présenté et évalué leurs pratiques, leurs différences, leur légitimité. Les sciences ne se présentent pas sous la forme d'un front uni. Elles ressemblent beaucoup plus à un archipel, avec des ports aménagés, des routes, des habitants différents qui ont des échanges codifiés.
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" Faire son deuil ", tel est l'impératif, presque banal, qui s'impose désormais à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d'un proche. Mais cela va-t-il de soi ? Se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable et incontournable si l'on ne veut pas trop souffrir ? Non, répond Vinciane Despret dans ce beau livre de témoignages recueillis auprès de celles et ceux qui, au contraire, ont dit non au travail de deuil en inventant mille manières de vivre, au quotidien, avec leurs morts.
" Faire son deuil ", c'est l'impératif qui s'impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d'un proche. Mais se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable auquel nul ne saurait échapper s'il ne veut pas trop souffrir ?
Vinciane Despret a commencé par écouter. " Je disais : je mène une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants ; je travaille sur l'inventivité des morts et des vivants dans leurs relations. " Une histoire en a amené une autre. " J'ai une amie qui porte les chaussures de sa grand-mère afin qu'elle continue à arpenter le monde. Une autre est partie gravir une des montagnes les plus hautes avec les cendres de son père pour partager avec lui les plus beaux levers de soleil. À l'anniversaire de son épouse défunte, un de mes proches prépare le plat qu'elle préférait, etc. " L'auteure s'est laissé instruire par les manières d'être qu'explorent les morts et les vivants, ensemble ; elle a appris de la façon dont les vivants qu'elle a croisés se rendent capables d'accueillir la présence des défunts. Chemin faisant, elle montre comment échapper au dilemme entre " cela relève de l'imagination " et " c'est tout simplement vrai et réel ".
Depuis un certain temps les morts s'étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd'hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts deviennent plus actifs. Ils réclament, proposent leur aide, soutiennent ou consolent... Ils le font avec tendresse, souvent avec humour.
On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux !
PRIX DES RENCONTRES PHILOSOPHIQUES DE MONACO 2016 PRIX DE L'ACADEMIE ROYALE DE LANGUE ET DE LITTERATURE FRANÇAISES DE BELGIQUE 2019